Différences entre les versions de « Mots composés »

De Arbres
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Le lien créé entre les deux mots est typiquement visibilisé à l'écrit par un trait d'union ([[Gros (1984)|Gros 1984]]:386). Cependant, la décision orthographique peut être variante et arbitraire et le recensement ci-dessous considère aussi des formations orthographiées en corpus écrit sans trait d'union.
Le lien créé entre les deux mots est typiquement visibilisé à l'écrit par un trait d'union ([[Gros (1984)|Gros 1984]]:386). Cependant, la décision orthographique peut être variante et arbitraire et le recensement ci-dessous considère aussi des formations orthographiées en corpus écrit sans trait d'union comme ''[[pilkoad]]'' 'pivert'.
   
   



Version du 15 décembre 2023 à 16:24

Plusieurs mots indépendants peuvent s'agréger pour former un mot complexe, ou mot composé selon des propriétés régulières:


  • Chacun des deux éléments existe indépendamment (il ne s'agit pas de préfixes ou de suffixes)
  • L'accent tonique est calculé à partir du dernier composant
  • Un des deux composants est la tête du composé: il porte par exemple les marques de pluriel et donne sa catégorie grammaticale à l'ensemble


Le lien créé entre les deux mots est typiquement visibilisé à l'écrit par un trait d'union (Gros 1984:386). Cependant, la décision orthographique peut être variante et arbitraire et le recensement ci-dessous considère aussi des formations orthographiées en corpus écrit sans trait d'union comme pilkoad 'pivert'.


Morphologie

sandhi

La carte 574 de l'ALBB donne les variantes dialectales de tad-kozh 'grand-père'. On observe le dévoisement par sandhi de la finale de tad en /tat/.


pluriel ou singulier dérivés sur la tête

Les mots composés forment leur pluriel sur la tête du composé.


(1) monet en-dro an taolioù-mouezh e brezhoneg Malgeneg
aller de-retour le coup.s-voix en breton Malgeneg
'le fonctionnement des accentuations dans le breton de Malgenec'
Vannetais, Le Pipec (2005)


(2) Al laboused-mor […] n'en em vagont ken nemet diwar pesked.
le oiseau.x-mer ne1 se1 nourrissent pas seulement de poisson.s
'Les oiseaux de mer se nourrissent exclusivement de poisson.'
Cornouaillais (Bigouden), Bijer (2007:134)


Lorsqu'ils ne sont plus interprétés comme des composés, le pluriel apparaît en finale (cf. fri-galionoù 'proues de galions', ou le trégorrois po-fer-o 'des marmites (pots de fer)' rapportés par (Ernault 1903:189).

En (3), c'est le cas pour le singulatif -enn.


(3) Loa(r)iet é un aldouarenn deut glas ga'r loar.
lune est un patate ven.u vert avec le lune
'« Loariet », c'est une pomme-de-terre qui est devenue verte à cause de la lune.'
Cornouaillais de l'intérieur (Laz), Lozac'h (2014:'avalou-douar')

accentuation

Hemon (1995:§274-275) note que dans les mots composés mettant côte-à-côte deux mots portant l'accent, c'est celui du premier qui s'efface ou s'amuise. La carte 574 de l'ALBB montre que le nom composé tad-kozh 'grand-père' est accentué sur la dernière syllabe.

Noms modifiés

par un adjectif

[N-Adj]N

Un adjectif peut modifier un nom sur sa droite comme dans tad-kozh 'grand-père' (carte 574 de l'ALBB) ou paotr-kozh 'célibataire (homme)'.

Gros (1984:388) donne forh-pevarbizeg 'fourche à quatre dents', gwin-ardant 'eau-de-vie', kig-sall 'lard salé', koajou-kamm 'membrures de bateau', leur-nevez 'aire neuve', loar-nevez 'nouvelle lune', louarn-daou.droad.eg 'renard à deux pattes'...


(1) He mamm-gaer ha hi na oant ket a-unan.
son2 mère-1belle et elle ne1 étaient pas à-un
'Sa belle-mère et elle n'étaient pas d'accord.'
Trégorrois, Gros (1984:188)


C'est le même ordre de mots avec les participes.


(2) fornioù pri-livet
four.s terre-peint
'fours de faïencerie(s)'
Standard, Drezen (1932:13)


Selon Kervella (1947:§88), sur tous les noms composés de cette structure, le pluriel est marqué sur le nom à gauche, c'est-à-dire au cœur du composé. Les exceptions, plus rares, sont écrites en un seul mot, comme rannvroioù 'régions'.


[Adj-N]N

Un adjectif peut modifier un nom sur sa gauche. C'est le cas du standard nevez-amzer 'printemps'. On obtient une sémantique en 'N qui est Adj'.


(3) Ar berranal a zo get Yann.
le court-souffle R est avec Yann
'Yann est essoufflé.' (effort physique)
Haut-vannetais, Louis (2015:113)


Cependant, dans un état ancien de la langue, les adjectifs apparaissaient devant le nom dans le groupe nominal. Il est plausible qu'en breton moderne, les adjectifs antéposés au nom dont la productivité est restreinte soient devenus des préfixes, auquel cas il s'agit de noms dérivés et non pas de noms composés. Dans un état ancien de la langue, les adjectifs précédaient le nom dans le groupe nominal. L'adjectif provoque souvent une lénition sur le nom qu'il modifie, comme dans donvor 'océan'.

Il s'agit de:

 arall-, berr-, bihan-, boull-, bras-, brizh-, dister-, don-, dreist-, droch-, drouk-, fall-/fals-, gouez-, gwall-, gwen-, gwir-, heñvel-, hir-, izel-, kamm-, kozh-, krak-, krenn-, kreñv-, izel-, nevez-, pell-, pounner-, reizh-, skañv-, tomm-, uhel-


La productivité de ces suffixes varie de façon dialectale. En vannetais, Doujet (2016:25) relève par exemple le nom brein boued 'boustifaille pourrie'. En trégorrois de Perros-Guirec, Konan (2017) donne baskartenn pour 'carte d'un jeu de cartes de basse valeur, de 1 à 7 par exemple', ('la bigaille').


Dans le cas particulier des numéraux cardinaux, le morphème cardinal montre un accord en genre avec la racine (divrec'h Santez Gwen Teirbronn, 'les deux bras de sainte Gwen aux trois seins').

par un nom

[N-N]N

Dans les noms composés de deux noms, le nom tête apparaît parfois à gauche, parfois à droite du composé.


(4) ki > dourgi, Standard, Kervella (1947:§299) / > kidour, Favereau (1993:'loutre')
chien > eau-1chien > chien-eau
yar > douryar, Standard, Kervella (1947:§299) / > yarzour, Favereau (1993:'poule')
poule > eau-poule > poule-1eau
'loutre, poule d'eau'


Dans certains cas, le sens peut être équivalent. Vallée (1980) donne pour 'cocher' paotr(ed)-karr, karr-rener(ien). Cette liberté ne s'étend cependant pas à tous les composés.


(5) labous > labous-noz (* noz-labous) kazeg > kazeg-koad (* koad-kazeg)
oiseau > oiseau-nuit jument > jument-bois
'oiseau de nuit, cheval de bois (ou pivert)'


nombre

Le nombre du mot composé apparaît sur la tête gauche du composé.


(6) Hag e rafe ferhier-houarn, bugale, d'ar skol e vo ret mond !
et R ferait fourche.s-fer enfant.s à le école R sera obligé aller
'Même s'il tombait des hallebardes, mes enfants, il faudra aller à l'école !'
Trégorrois, Gros (1989:163)


Cependant, le terme droit peut apparaître avec un pluriel ou un nom collectif qui déclencherait un accord pluriel (à contraster avec le français lait de jument/ ?? lait de cheval / * lait de chevaux).


(7) Al lêz-kezeg a zo kalz gwelloh evit al lêz-saout.
le lait-chevaux R1 est beaucoup mieux.plus que le lait-vaches
'Le lait de jument est bien meilleur que le lait de vache.'
Trégorrois, Gros (1989:'gwelloh')
genre

Dans les noms composés de deux noms, le genre des deux peut être différent (comme dans le français femme-enfant).


(8) fuzuilhenn-mindrailher pistolenn-tennataer
fusil-mitrailleur pistolet-tireur
'un fusil-mitrailleur, un révolver'
Vannetais, Herrieu (1974) cité dans Schapansky (2012:1258)


Dans ces cas de composés de noms aux genres opposés, c'est le nom tête qui donne son genre au composé (Kervella 1947:§299).


(9) ki > [dourgi] yar > [douryar] labous > [labous-noz] kazeg > [kazeg-koad]
chien > eau-1chien poule > eau-poule oiseau > oiseau-nuit jument > jument-bois
'loutre, poule d'eau, oiseau de nuit, cheval de bois ou pivert'
Standard


Press (1986:63-64) note que Hemon (1978:420) considère que les deux formes loargann et kann-loar 'pleine lune' sont masculines alors que Kervella (1947:§299) considère effectivement kann-loar comme masculin mais loar-gann (avec un tiret) comme féminin.

Pour désigner ce nom tête qui transmet son genre au composé, Press (1986:63) utilise le terme de "qualifiant", à la suite de Kervella (1947:§299, anv doareer). Cette terminologie induit cependant une confusion entre "le nom qui transmet ses qualités au reste du composant" et "le nom qualificatif qui modifie le reste du composant".

sémantique des composés tête à droite

Dans les composés nominaux de deux noms dont le droit est la tête du composé, le lien sémantique entre ces deux noms peut être varié. Le nom de gauche tient un rôle adjectival.


caractérisation
(1) ba c'horn-troioù
dans le 5coin-tournant.s
'dans les virages'
Cornouaillais (Riec), Bouzec & al. (2017:77)


(2) ur c'haer a danarvest
un 5beau de1 feu.spectacle
'un beau feu d'artifice'
Standard, An Here (1993:18)
matière

Le nom composé maengleuz /pierre.1fossé/ dénote une carrière (cf. carte 453 de l'ALBB).


(caractérisation par) localisation
  • /mordoseg/
/mer1.crapaud/
'lotte'
Vannetais (Groix), Ternes 1970:185).
(caractérisation par) destinataire


sémantique des composés tête à gauche

Dans les composés nominaux de deux noms dont le gauche est la tête du composé, le lien sémantique entre ces deux noms peut être assez varié. Le second nom peut obtenir la localisation, la matière ou la fonction, le but. On relève aussi des relations partie-tout.


patient

Lorsque le nom de gauche est un nom déverbal, le nom de droite tient le rôle de patient.


(2) or spontailh-brini
un épouvant.ail-corbeau.x
'un épouvantail à corbeaux' (personne excentrique)
Breton central, Favereau (1984:298)
relation partie/tout

La relation partie-tout peut être réalisée avec la sous-partie en premier ou second membre du nom composé.


(3) ar c'hornad-bro a-bezh
le 5coin.ée-pays en.entier
'le coin de pays en entier'
Vannetais, Herrieu (1994:218)


(4) bara-mel
pain-miel
'pain d'épices'
Standard, Louis (2015:103)


(5) 'kreiz al leur-gêr tommheoliet ha didud
au.milieu le aire-1ville chaud.soleill.é et sans1.gens
'au milieu de la place publique vide chauffée par le soleil'
Standard, Drezen (1932:5)


Et, si on considère qu'un pot et sa cuillière forment un ensemble:


(6) Gwelloc'h ' tae ar c'hoaven war-c'horre, daspugnet gant ur loa-bod.
mieux R4 venait le 1crème en.surface ramass.é avec un cuillière-1pot
'La crème remontait mieux à la surface, qu'on ramassait à la louche.'
Favereau (1997:§710)


De même, le lit d'une rivière ou du vent.


(7) hag e veze troet dac'h ar roud-avel a veze !
et R4 était tourn.é selon le trace-vent R1 était
'Et on tournait selon le lit du vent.' (le tuyau)
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:10)
localisation
(1) dʁukɛɲ
droug-kein
mal-dos
'mal au dos'
Bas-vannetais, Cheveau (2007:207)


(2) toullgov
trou.1ventre
'hernie'
Helias (1986:'toullgov')


Le Roux (1915:71) considère grammaticaux mais maladroits les adjectifs dérivés en -el en concurrence avec un mot composé. Il recommande kregin-ster 'des coquilles fluviales', en contraste avec #kregin-steriel, et ar c'henwerz-mor 'le commerce maritime' en contraste avec #ar c'henwerz morel.


matière

Ce composé est très productif, et montre des pluriels sur la tête de gauche (bot-koad et non pas * bot-koad). Dans la carte 530 de l'ALBB, pour la traduction de 'marmite', on a pod-houarn et pod-fer, désignant la matière dans laquelle est faite le pot.


(3) Me a zo dourc'hwez toud.
moi R1 est eau-sueur tout
'Je suis baigné de sueur.'
Trégorrois, Gros (1989:73)


(4) ha ne veze ket c'hoant e vije glepet ar bara gant an dour-mor.
et ne1 était pas envie R serait mouillé le pain avec le eau-mer
'Et on ne voulait pas que le pain soit mouillé d'eau de mer.'
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:10)


(5) E vab a zo war an hent-houarn.
son1 fils R1 est sur le chemin-fer
'Son fils est employé au chemin de fer.'
Trégorrois, Gros (1989:'hent')


(6) raktal ma vije lazhet ar goulou-rousin...
de.suite que4 serait tu.é le lumière-résine
'Dès qu'on éteignait la chandelle de résine … '
Léonard (Bodilis), Ar Floc'h (1985:10)


Le nom de matière peut dénoter une sous-partie du référent du nom modifié. Il s'agit alors d'une sous-classe de la relation partie/tout.


(5) ti-soul, 'maison(-de)-chaume', Vallée (1980:XXI)


Des cas comme karr-tan 'voiture' ne sont inclus dans cette classe qu'à la marge, de façon imagée.

but

Dans la carte 530 de l'ALBB, pour la traduction de 'marmite', on a pod-soubenn, désignant la fonction et le but de l'objet.


Vallée (1980:XX) note que le verbe infinitif après un nom peut marquer le but.

(5) gwalenn-besketa 'canne-(à)-pêche'

bombezenn-entana, 'bombe incendiaire', Vallée (1980:XX)
kador-brezeg 'chaire(-à)-prêcher', Vallée (1980:XXI)


dérivation sur nom composé

Ce type de nom composé peut être ensuite dérivé, comme dans le cas de kaoc'hkezetañ 'chercher du crottin'. La dérivation de noms composés est rare, mais se trouve aussi en anglais (cf. straw-manning an argument, ou au contraire steel manning an argument).


(2) Tu a zo da gaoc'hezeka war o lerc'h.
moyen R1 est de1 merde-chevaux.chercher sur leur2 suite
'On peut ramasser le crottin après eux.'
Standard, Herri (1982:43)
sens non-compositionnel

Parfois, la sémantique du composé n'est pas compositionnelle: un coup de main n'est ni une 'sorte de coup' ni une 'sorte de main'.


(3) ar memes taol dorn
le même coup main
'la même façon' (de mettre leur coiffe)
Cornouaillais (Douarnenez), Melle Griffon, Denez (1984:73)


En (4), le 'sens du vent' n'est ni une 'sorte de sens' ni une 'sorte de vent'.


(4) hag e veze troet dac'h ar roud-avel a veze !
et R4 était tourn.é selon le trace-vent R1 était
'Et on tournait selon le lit du vent.' (le tuyau)
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:10)


En (5), comme dans son équivalent français le 'chemin de fer' hent-houarn n'est, dans son sens le plus courant, ni une sorte de chemin ni une sorte de fer.


(5) … salv ne yafes ket war an hent-houarn
pourvu ne1 irait pas sur1 le chemin-fer
'… pourvu que tu ne deviennes pas cheminot… '
Léonard (Bodilis), Ar Floc'h (1985:86)


Avec une lénition sur le second composant, le sens est aussi non-compositionnel.


(6) Du-mañ, e red an dour, hañv-c'hoañv, e-barzh an traoniennoù.
côté.ci R court le eau été1-hiver dans le vallée.s
'Chez moi, l'eau court dans les vallées été comme hiver.'
Standard, Drezen (1990:30)


par un groupe nominal

[N-DP]N

Un groupe nominal (DP) peut modifier un nom. Le lien sémantique entre les deux est alors un lien d'identité.


(1) Sell marh-an-abil !
regarde cheval-le-espiègle
'Voilà monsieur l'espiègle ! '
Trégorrois, Gros (1989:'abil')


nom modifié par un verbe (il n'est pas la tête)

[N-V.inf]N

Le modifieur verbal d'un nom peut exprimer le but. Gros (1984:390) donne bag-pesketa 'bateau de pêche', stank-kannañ 'étang, lavoir'. Le premier nom est la tête, le verbe infinitif exprime l'usage, le but.

Parfois, par accident, ce nom tête peut être le patient du verbe infinitif transitif, comme dans les composés bara-prenañ /pain-acheter/, 'pain acheté à la boulangerie' (Gros 1984:389) ou bara-poazhat /pain-cuire/, 'pain de ménage' (Trégorrois de Perros-Guirec, Konan 2017:'bara')

Le cas de skiant-prenañ, skiant-prenet, 'litt. science achetée, expérience' (Gros 1984:389) est plus difficile.


[N-V.rad]N

Le nom tête est le patient d'un verbe inaccusatif dans dour-red ('eau courante' Gros 1984:389).

Le nom tête est l'agent du verbe dans ger-stur 'devise', et dans karr-samm 'camion'.


(1) Uheloc'h-uhellañ ! Setu ma ger-stur !…
haut.plus-haut.le.plus voici mon2 mot-gouvernail
'Toujours plus haut !… Telle est ma devise !'
Standard, An Here (1993:19)

[N-VP]Adj

Le nom mall 'hâte' a une structure argumentale qui comprend un expérienceur et un argument interne. L'adjectif composé mall-e-gas 'importun, indésirable' (Vallée 1931), signifie littéralement '(dont on a) hâte (de) l'envoyer (paître)'. L'expérienceur de mall 'hâte' est le sujet de la phrase, et son argument interne est la petite proposition e gas 'l'envoyer (paître)' dont l'objet proclitique co-réfère avec le nom qualifié par l'adjectif composé en entier.

L'adjectif composé mall-e-goll 'importun, indésirable' (Vallée 1931) a la même structure.

Le cas des noms déverbaux

Les noms en composés dont la tête est un verbe semblent pouvoir avoir une structure assez riche à l'intérieur du nom composé.


[Agent-V-patient]N = Agent du V

Une structure verbale de verbe transitif peut nominaliser en bloc et référer à l'agent de ce verbe.

  • genou-pak-kelien, [genupa'ke:ljɛn]
'(fam.) gobe-mouche, niais qui reste toujours la bouche ouverte'
Cornillet (2020)


agent absent du nom composé

Dans la plupart des cas, le sujet agent du verbe transitif est absent du composé. Lorsque ce sujet agent n'est pas réalisé, on voit un élément verbal transitif précéder un nom tête qui est sémantiquement son patient. Ce nom composé réfère à l'agent du verbe transitif. Le verbe n'est pas à l'infinitif (comparer torr(-) avec terriñ 'casser'). L'objet patient est un nom tête (* un torr-ar-penn).


(1) un torr-penn, un den torr-penn
un casse-tête un personne casse-tête
'un importun, un emmerdeur'


(2) Ne c'hallomp ket magañ kollbaraed eveldoc'h...
ne1 pouvons pas nourrir perd.pain.s comme.vous
'Nous ne pouvons pas nourrir des bons-à-rien comme vous… '
Standard, Ar Menn (2015:9)


L'agent du verbe et référent du nom composé est souvent un animé, mais peut aussi être un objet utilitaire comme un 'parapluie'.


(3) Degas't ho harz-glav ganeoc'h betegoût ma teuio ar barrad.
apportez votre3 stoppe-pluie avec.vous au.cas.où que4 viendra le avers.ée
'Prenez votre parapluie, au cas où il viendrait une averse.'
Cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:29)


Avec la plupart des verbes on ne peut pas distinguer entre une racine verbale et un verbe fléchi, mais dans ur ra-netra 'un fainéant' (Menard & Cornillet 2020), la forme ra et non gra du verbe suggère un rannig, ce qui à son tour suggère que le verbe est fléchi à la seconde personne. Dans ce cas de figure, (a) ra netra pourrait être une relative, comme dans an doktor a-oar-pep-tra 'le docteur je sais tout', titre de recueil de Divi Kervella.


(4) Hag an div "ra-netra" en em zigollas en ur brenañ pep a dok divalav.
et le deux1 fa.it-rien se1 .perdit en1 acheter chaque de1 chapeau laid
'Et les deux bonnes-à-rien se consolèrent en achetant chacune un chapeau hideux.'
I. Krok
cité dans Kervella (1947:§725)


En contraste avec ur ra-netra, un den ra-netra, le composé gra-netra à /g/ initial, montre la racine verbale /gra/ du verbe ober 'faire', celle que l'on retrouve à l'impératif Gra ! 'Fais-le !' ou comme base du participe graet 'fait'. Ce nom composé gra-netra a deux lectures. Il a la lecture où le nom réalise l'agent du verbe qu'il contient dans Lampon fall, gra-netra ! (Keravel 1947), mais il réalise aussi une structure plus simple avec gra-netra 'farniente' (Menard & Cornillet 2020), littéralement fare niente /faire rien/ '(action de ne) faire rien'. Le nom composé gra-netra 'farniente' ne réfère pas à l'agent de l'action verbale.


La lecture où le nom réalise l'agent du verbe qu'il contient peut aussi être obtenue avec ur gra-pep-tra, un den gra-pep-tra.


(5) ur gra-pep-tra, un den gra pep-tra

'un homme à tout faire'
Menard & Bihan (2016-), Menard & Cornillet (2020)

(6) ur paotr yaouank anvet Weathers a laboure en Tivoli evel c'hoarier ouesk hag « arzour » gra pep tra

'un jeune homme nommé Weathers, qui faisait le chanteur, le diseur, l'acrobate et un peu de tout au Tivoli'
Al Liamm 1951, n°25, traduction de Gens de Dublin de Joyce par Per Denez.


Certains cas sont moins clairs sur quel est l'agent du verbe. Dans le cas de treuz-yeot, /traverse-herbe/ ('chiendent', Gros 1989:176), geot pourrait être un agent, un patient, ou treuz pourrait tout aussi bien modifier le nom tête geot 'herbe'.

Ces noms composés sont facilement utilisables en prédicats (koll boued ac'hanout ! 'Bon-à-rien !').


(7) [ xɥɪ twæʁ pɛn a twæ ʁæʁ spɛn ]
C'hwi zo torr-penn ha torr-revr ouzhpenn.
vous est casse-tête et casse-cul en.plus
'T'es un casse-cul et en plus, un casse-couilles.'
Cornouaillais (Briec), Noyer (2019:322)


(7) Ur sav-kalon eo an den-se. (*ur sevel-kalon)
un lève-cœur est le personne.
'Cet homme vous soulève le cœur, est abject.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:7)


(8) … abuz-tan int. (*un abuziñ-tan)
gaspille-feu sont
'… ils exigent trop de feu.' (pour les cuire)
Trégorrois, Gros (1989:'abuzi')


(9) Pezh koll-kalon 'vit an intañv !
quel perte-cœur pour le veuf
'Quel abattement pour le veuf !'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:7)


L'argument du verbe peut être une petite proposition infinitive, comme dans ul lez-da-vont 'un laxiste' (/un laisse-pour1-aller/ 'une personne qui laisse les choses, les gens, aller'). L'ensemble lez-da-vont réfère à l'agent sujet du verbe lezel 'laisser'. L'argument objet de lezel 'laisser' est un PRO arbitraire ou bien il est élidé, comme c'est communément le cas en breton. L'argument sujet de la proposition infinitive coréfère avec lui obligatoirement.


En français aussi, l'ensemble verbe-objet peut former un composé nominal (un lave-vitres, un vide-poches un crève-cœur, un crève la faim). La productivité de l'ensemble a ses limites. Les expressions comme prendre la mer ne sont pas nominalisables (cf. * un prend-mer 'un marin').

passivisation

Doujet (2016:25) relève en vannetais le nom krèv gen nan 'crêve-la-faim'. Le verbe dans le composé peut donc être au passif, et contenir le complément d'agent. Le nom composé réfère alors au patient du verbe transitif, le sujet de ce verbe passif.


[V-V]N = Agent du V

Un nom peut être formé de deux verbes qui dénotent son usage, comme dans froum-fraot /vibre(r)-masse(r)/ 'vibro-masseur'. C'est ici une morphologie expressive en ce que les racines des deux verbes, identiques au début, semblent redupliquées, ce qui crée un effet itératif. Le suffixe infinitif est absent.


[[V]Adj-&-[Adj.]]N : Agent du V

Dans le nom composé ur c'huzh-ha-muz, le verbe kuzhat 'cacher' a subi une dérivation adjectivale (kuzh 'caché') qui lui permet la [[coordination avec l'adjectif mut 'muet' (finale en /z/ par contagion du /z/ qui le suit). L'ensemble dénote l'agent du verbe 'cacher' ('truc qui cache'), ou obtient une sorte de nominalisation comme #'cachement'.


(1) Petra eo holl ar c'huzh-ha-muz-se ?
quoi est tout le 5cache-et-muet.
'Qu'est-ce que c'est que toutes ces cachotteries, à la fin ?'
Standard, Kervella (2001:33)


[[V]-Patient]N

(2) Me a yeas da Gerael goude ar c'huz-heol.
moi R1 alla à1 Kerael après le 5cache-soleil
'Je me rendis à Kerael, après le coucher du soleil.'
Trégorrois, Urlo (1919)


[[V]N-Patient]N : nom d'action

Dans ces cas, il semble que la tête verbale ait d'abord été nominalisée, avant de composer avec un nom tête qui est sémantiquement le patient du verbe. Le nom composé réfère à un nom d'action. Comparez astenn-gouzoug 'allongement de cou' (Gros 1984:390) et astenn-gouzoug '(instrument) qui sert à allonger le cou', ou encore chach-bleo 'crêpage de chignon' et 'tire-cheveux' (Gros 1984:390).


(3) Gober a ra pleg-kein lies.
faire R fait plie-dos souvent
'Il courbe souvent l'échine.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:38)


Gros (1984:390) donne dismantr-spered 'ruine d'esprit, agacement'.

[Patient-[V]N]N

En (3), le nom tête est une dérivation nominale sur le verbe muzuliañ 'mesurer'. Cette tête nominale signifie 'mesureur, instrument de mesure'. Le nom amzer 'temps' est le patient antéposé. Il provoque une lénition sur la racine du nom déverbal.


(3) Ar micherourezed a rank labourat dindan reolerezh un amzervuzulier.
le métier.euse.s R doit travailler sous règlement.ation un temps1.mesur.eur
'Les ouvrières doivent travailler sous la férule d'un chronomètre.'
Standard, Emsav (1973)


En (4), le nom tête est une dérivation nominale sur le verbe deviñ 'brûler'. Cette tête nominale signifie 'brûlure'. Le nom kalon 'estomac' est le patient antéposé. Il provoque une lénition sur la racine du nom déverbal.


(4) Me am-eus bet kalondev goude kreisteiz aze pa oan er park.
moi R.1SG a eu cœur1.brûle après mi.jour quand1 étais en.le champ
'J'ai eu des brûlures d'estomac cet après-midi quand j'étais au champ.'
Trégorrois, Gros (1989:'dèvi')


Cette formation est attestée de longue date avec le verbe karout 'aimer' précédé par l'objet de l'amour en question. En vieux brittonique, Evans & Fleuriot (1985) relèvent dihud /dihüdh/ 'commodité, réconfort' et dihudgar /dihüdhgar/ 'ami réconfortant'. En moyen breton de 1499, dans le Catholicon, on a le composé trugar, trugarez (tru+gar /pitié-aime/, 'miséricorde'), qui a aussi des correspondants dans les autres langues celtiques, le cornique tregereth 'compassion, pitié, sympathie', le gallois trugaredd 'merci' et l'irlandais tròcaire 'merci, clémence, compassion' (Deshayes 2003:'trugar'). En breton moderne, dans tudkarantez 'altruisme' et tudkarouriezh 'philosophie altruiste' (Vallée 1980), on voit une racine [tud-kar] qui forme le noyau sur lequel s'affixent les morphèmes nominaux mais la lénition est manquante.


Certains composés de ce type sont plus difficiles à analyser quant au rôle de patient assigné au nom initial. Dans banktorr (m. –ioù 'banqueroute', Cornillet 2020), la tête est bien une dérivation nominale sur terriñ 'casser' qui montre sa racine torr-, sans mutation, mais bank- la 'banque' n'est pas le patient qui subit l'action de casser. Une banqueroute est plus un "cassage" de type bancaire (modification adjectivale) qu'un 'casse de banque'.


[ [V]N-Agent/expérienceur]N

(1) redadegoù-tirvi Pamplona.
cour.se.s-taureau.x Pamplona
'les courses de taureaux de Pamplona.'
Standard, Drezen (1932:7)


(2) Alo 'ta, paotr ! Ne vo fin ebet d'ho krenadennoù-douar !
Eh ! donc ! gars ne1 sera fin aucun de votre trembl.ement.s-terre
'Dites-donc ! C'est bientôt fini tous vos tremblements de terre, là ?'
Standard, An Here (2003:52)

[ Patient.V.Agent ]N

Le sujet agent d'un verbe nominalisé peut être présent dans le composé par suffixation de -er, -our, avec une incorporation de l'objet en initiale de ce composé. Dans madoberour, le verbe est sous sa forme infinitive.


(3) Kement-se ne vire ket ouzh an annezidi da reiñ d'o madoberour meur a frapad poan benn.
autant-ça ne1 empêchait pas à le habitant.s de1 donner à1 leur bien.fair.eur moulte de1 coup douleur tête
'Cela n'empêchait pas les habitants de donner à leur bienfaiteur plus d'une migraine.'
Léonard, Abeozen (1986:52)


Ce composé existe avec une racine verbale. Si on prend dengarour 'humaniste, humanitaire, philanthrope', l'existence d'un adjectif dengar 'humaniste, humanitaire, philanthropique' suggère une structure [ [Patient.Verbe.rad]Adj.Agent]N, où la suffixation s'applique sur le composé du nom et du verbe.

  • brogar adj. 'patriote, patriotique'
+ -our > brogarour 'patriote'
+ -antez > brogarantez 'amour patriotique'

[ Patient.V.rad ]N

Dans les composés denlazh 'homicide' ou benlazh 'féminicide', le verbe est sémantiquement la tête du composé. Un morphème zéro dérivationnel obtient 'action de V', mais son emplacement dans le composé est difficile à saisir.


[[V.Agent]N-Patient]N

Le sujet agent d'un verbe nominalisé peut aussi être présent dans le composé avec son objet qui le suit (cf. gounider-bara 'un homme qui gagne bien sa vie', Gros 1989:186). La structure est alors [[V-S]-O]N, avec une relation de constituance inverse à l'ordre VSO d'une phrase, où le verbe et son objet forment un constituant (VP) dont le sujet est exclut.


(1) daoust ha ma vezen lesanvet ganto "an debrer-gleskered"
bien que que4 étais sur.nomm.é avec.eux le mang.eur-grenouille
'bien qu'ils m'aient surnommé "le mangeur de grenouilles"'
Trégorrois, Priel (1959)


(2) Amañ emañ ar roer-bilhiji.
ici est le donn.eur-billet.s
'Le distributeur de billets est là.'
Léonard, Kervella (2009:59)


liage interne à l'objet

Dans un composé, quand l'ordre est VSO avec une nominalisation du verbe et de son agent, l'objet peut comprendre un possessif lié par cet agent.


(1) Hennez a zo eur chaoker-e-henou.
celui.là R est un mâcheur-son1-bouche
'Celui-là est un grognon.'
Trégorrois, Gros (1989:'chaokad')


(2) Sell ar gargerez-he-horv-ze.
regarde le 1charg.euse-son2-corps.ci
'Regarde-moi cette femme qui s'empiffre.'
Trégorrois, Gros (1989:'karga')


Le composé peut obtenir un animé auquel est donné le rôle thématique d'agent sans qu'apparaisse le suffixe -er, -our qui cependant est est visible au pluriel. Kervella (1947:§871.c'h) donne:

kar-e-vro karerien-o-bro
triñs-e-vri triñserien-o-fri
lonk-e-sizhun lonkerien-o-sizhun


Dans ces constructions nominales composées d'un verbe et de son objet, lorsque l'objet est un possessif, on voit ses traits de personne différer de ceux d'éléments co-référents dans la phrase.


(3) Pesort sav-e-fri oc'h-c'hwi !
quel lève-sonx-nez êtesx-vousx
'Qu'est-ce que tu peux être curieux !'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:30)


On voit que la traduction littérale en français, en contraste, doit utiliser un possessif de deuxième personne, ton (* Quel lève-son-nez tu es/vous êtes !).


lak-pep-tra 'vide-poches'

Le nom composé lak-pep-tra 'fourre-tout' dénote un objet qui n'est en rien l'agent du verbe lakaat 'mettre' sur lequel il est construit. Le sujet, si présent dans la structure, est un impersonnel ou un PRO arbitraire. Il est parallèle au français fourre-tout.

  • lak-pep-tra
'vide-poches, fourre-tout'
Menard & Cornillet (2020)


disec'h-tud

'dessèche-gens, épuisant'
Gros 1984:390)


nominalisation par citation

En breton ou en français, un nom dénotant un humain animé peut être formé par une citation assignée à cet humain.

  • ur mersimeuskedem 'quelqu'un qui fait des manières, qui (typiquement) dit Mersi, n'em eus ket ezhomm ! 'Merci je n'ai besoin de rien'.
  • un jmenfoutiste, une 'personne qui (typiquement) dit Je m'en fous.


Dans le cas de l'évitement de mots tabous en breton, la nominalisation sort de ce cadre de la nominalisation de phrase par citation (an depechevit 'la diarhée').


(1) Krog eo an "deom-adarre" ennout ?
croch.é est le allons-encore en.toi
'Tu as la diarrhée ?'
Trégorrois, Gros (1984:151)

Adjectifs modifiés

[Adj-Adj]Adj

Dans les composés de deux adjectifs, le premier est la tête du composé et le second est le modifieur. La modification peut être sémantiquement variée.

intensifieurs

Les adjectifs à la droite du composé sont multiples. Ils peuvent avoir un sens intensifieur de l'adjectif qu'ils modifient (skuizh-marv, /fatigué-mort/, 'très fatigué'). Gros (1984:388) donne brein-put, 'pourri-âcre', dall-mouèk, 'aveugle tout-à-fait'…

Gros (1984:388) donne aussi différents participes passés en composé avec les adjectifs uhel, brav, mat, fall. Ils ont tous un sens intensifieur (lañset-mat 'bien émêché') ou évaluatif ( livet-brao 'qui a une belle couleur', livet-fall 'pâle', tuet-mat 'habile, adroit de ses mains'...).


manière

Lorsque le premier adjectif est un verbe dérivé, le second adjectif peut dénoter la manière ou le résultat de l'action dénotée par ce verbe.

(1) uioù poazh-tanav, uioù poazh-kalet

oeufs cuit-mince, oeufs cuit-dur
'oeufs mollets, oeufs durs'
Standard, Louis (2015:102)

(2) park edet-stank, /champ blé.é-serré/, 'champ où le blé est serré'

park edet-rouez, /champ blé.é-rare/, 'champ où le blé est clairsemé'
Vallée (1980:XXI)


Lorsque le premier adjectif est un nom dérivé, comme un participe lui-même formé sur un nom, le second adjectif revient à modifier sémantiquement le nom à l'intérieur du composé:

(3) askellet-ledan, /aile.é-large/, 'à larges ailes'

garret-eeun, /jambe.é-droit/, 'qui a des jambes droites'
garret-kamm, /jambe.é-boiteux/, 'dont les jambes sont tordues'
Vallée (1980:XXI)


[Adj-N]Adj

Un nom peut modifier un adjectif. Dans l'ordre [Adj-N]Adj, on obtient une sémantique en 'Adj. comme un N'.

(4) koz-ebestel

'vieux comme les apôtres'
Trégorrois, Gros (1989:'abostol')

(5) ar brini-du-torch-pod

'les corbeaux noirs comme un torchon de chaudron'
Cornouaillais / Léon, Croq (1908:1)


Gros (1984:387) donne brein-tont 'pourri comme l'amadou', glaz-dour 'vert d'eau', koz-douar 'vieux comme la terre', leun-barr 'plein à ras-bords', melen-aour 'jaune comme l'or', noaz-pill 'nu comme un ver', yah-pesk 'bien portant comme un poisson dans l'eau'...


[N-Adj]Adj

Dans l'ordre [N-Adj]Adj, on obtient une sémantique de localisation (begsec'h 'sec au bout'). L'ensemble peut alors être verbalisé (beglemmañ 'effiler, tailler un crayon', Bouzec & al. 2017:228).


(6) Bégzèrh'd 'ma toud 'n gwé ga 'n amz'r tomm-ru.
bout-séch.é est tout le arbres avec le temps chaud-rouge
'À cause du temps très chaud, les extrémités des branches sont désséchées.'
Cornouaillais de l'Est (Moëlan), Bouzec & al. (2017:45)

Verbes

[N1-V]V

Le lieu d'application de l'action du verbe peut apparaître en composé avant son verbe. Ce nom provoque la lénition sur le verbe qui est la tête du composé.


  • maendresañ, 'lithographier'

La lithographie du grec lithos 'pierre' et graphein 'écrire' est une technique de reprographie où les lignes sont composées sur une pierre calcaire. Herri (1982:19) qui était imprimeur traduit ce terme par maendreserezh, un composé au même ordre de mots que le composé grec et français. Maendreserezh est un nom formé sur le verbe maendresañ, tresañ war vaen.


  • skingas, 'émettre'
(1) E oad o skingas gwerzioù Glinka.
R étions.on à4 onde.1envoyer chanson.s Glinka
'La radio passait des chansons de Glinka.'
Trégorrois (Kaouenneg), ar Barzhig (1976:40)


[V-P]V

L'objet et patient du verbe peut apparaître en composé après son verbe.


(2) N'eo ket bet toullgofet c'hoazh ?
ne1 est pas été trou.1ventre.é encore
'Elle n'a pas encore été déflorée ?'
Breton central, Favereau (1984:353)


[[V-P]V]Adj

Cette structure, relativement complexe, est à mettre en relation avec les appositives (ur vuoc'h marv he leue). L'adjectif marlouiet en (3) signifie 'triste, incrédule, décontenancé'.


(3) on daoulagad beuc'h marlouiet
un deux.œil vache mort.veau
'une paire d'yeux de vache ayant eu un veau mort-né.'
Breton central, Favereau (1984:300)


[Adv-V]Adj

L'adjectif kalet-klev signifie 'dur d'oreille'. La tête est le verbe klevout 'entendre' ou sa racine, modifiée par l'adjectif kalet 'dur'. Il est aussi possible que le verbe soit nominalisé avant sa modification.

L'agent du verbe klevout coréfère avec le nom que cet adjectif peut modifier.

La structure de kaletpoazh '(oeuf) dur' est identique, sur la verbe poazhañ 'cuire'.


[résultat-[A-V]V]V

(4) 'kreiz al leur-gêr tommheoliet ha didud
au.milieu le aire-1ville chaud.soleil.lé et sans1.gens
'au milieu de la place publique vide chauffée par le soleil'
Standard, Drezen (1932:5)


[Prep-Cardinal]V

  • etredaouiñ, 'être entre deux, hésiter'


À ne pas confondre

La confusion la plus courante est entre mots composés et mot dérivés, c'est-à-dire décomposables en préfixe, racine et suffixe et non pas en mots autrement indépendants. Gros (1984:383-86) traite par exemple de l'affixation sous le titre 'mots composés'. Ce type de composition est décrit sur ce site dans la fiche sur l'affixation.


mots composés dépendants d'une dérivation

Certains mots composés n'existent que dans le cadre d'une suffixation particulière.

Avec une suffixation en -ad, on obtient dregantad 'pourcentage', alors que la base n'existe pas indépendamment: dre gant 'pour cent' est un syntagme prépositionnel dont on n'a pas d'emploi en composé (on trouve le même fonctionnement dans le français pourcentage, pour cent).


dérivations par morphème zéro : [[V-PP]-ø]]N

Certains mots composés n'existent que dans le cadre d'une suffixation particulière qui en plus implique un morphème zéro.


(1) monet en-dro an taolioù-mouezh e brezhoneg Malgeneg
aller de-retour le coup.s-voix en breton Malgeneg
'le fonctionnement des accentuations dans le breton de Malgenec'
Vannetais, Le Pipec (2005)

Terminologie

Kervella (1947) utilise les termes bretons ger kevrenneg, 'mot composé' et kevrennadur, 'composition'. Chalm (2008) utilise le terme liesger.

Press (1986:239) traduit lies-ger par l'anglais compound word.


Un nom qui modifie un autre nom sans rupture prosodique est appelé en français un nom épithète, pour souligner sa fonction adjectivale. Il est parfois distingué de l'apposition, qui serait plutôt révélée par une rupture prosodique. Cependant, ces notions sont plus impressionnistes que robustement définies. Elles sont difficilement opposables en breton où on voit différentes structures où deux groupes syntaxiques apparaissent cote à côte en ayant une relation sémantique de modification, c'est-à-dire des appositions sans rupture prosodique.

Bibliographie

  • Piechnik, Iwona. 2009. 'Mots composés en breton sous l'influence du français: observations historico-typologiques en comparaison avec les interférences étrangères en polonais', Romanica Cracoviensia, 126-152. texte.


horizons comparatifs

  • Awbery, G. M. 2004 'Welsh', Arnaud, P. J. L. (éd.), Le Nom Composé: Données sur seize Langues, Lyon: Presses Universitaires de Lyon, 303–27.