Clitique

De Arbres
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Le terme de clitique désigne un mot qui a la propriété de devoir s'attacher à un autre mot, que l'on appelle son hôte.

Par exemple, un pronom objet comme en (1) est un clitique. Il n'apparaît pas dans l'endroit canonique dans la phrase où un objet lexical apparaîtrait dans la même phrase. L'hôte de ce clitique est le verbe lexical filat. On dit que le pronom a cliticisé sur son hôte.


(1) Emaont doc'h he filat.
sont à4 la2 abattre
'Ils sont en train de l'abattre.' (l'arbre)
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:56)


Propriétés

proclitique vs. enclitique

Lorsqu'un clitique apparaît à gauche de son hôte, on dit qu'il est proclitique sur cet hôte. En (2), il provoque même un changement dans la consonne initiale de son hôte (la mutation durcissante GW>KW).


(2) Ne vefen ket drouklaouen ouzh ho kwelout o chom ennañ.
ne1 serais pas .content à4 [ vous3 voir ] à4 rester en.lui
'Je ne serais pas mécontent de vous voir y rester.'
Ar Barzhig (1976:16)


Lorsqu'un clitique apparaît à droite de son hôte, on dit qu'il est enclitique sur cet hôte, comme l'adverbe clitique tout en (3). Dans cette phrase, le verbe a été antéposé avec son adverbe aspectuel. Ils ont bougé ensemble dans la structure de la phrase.


(3) Skaret tout ' oa e fas.
[ rid.é tout ] R était _ son1 face
'Il avait le visage tout creusé, ridé.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:29)

morphème lié

Le terme de clitique dénote un morphème qui n'est pas un morphème libre. Ce morphème est intégré morphologiquement à une entité linguistique plus grande, qui elle est indépendante. Sémantiquement, il est distinct de cette entité.


montée clitique

Un clitique est un morphème qui a une histoire dérivationnelle dans la phrase, c'est-à-dire dont le lieu d'origine n'est pas le lieu où il apparaît dans la phrase. Les clitiques opèrent une montée dans la structure syntaxique, et jamais une descente. Ils peuvent apparaître en dehors de leur proposition d'origine.


sujet des causatives

Dans les structures causatives comme en (4), le sujet de la proposition infinitive apparaît dans la phrase matrice, proclitique sur le verbe lexical de celui-ci (qui lui donne le cas prototypique de l'objet, puisque les causatives sont des structures à marquage exceptionnel de cas).


(4) ... gouarnamant Pariz ne glask nemed eun dra : […]
gouvernement Paris ne1 cherche seulement un 1chose
oi lakaat da [ _i gaout méz eus o yez hag euz o amzer-dremenet ].
les2 mettre à1 avoir honte de leur2 langue et de leur2 temps-1pass.é
'Le gouvernement de Paris ne cherche qu'une chose: leur faire avoir honte de leur langue et de leur passé.'
Léonard, (Cléder), Seite (1998:37)


En (5), au contraire, le pronom objet de l'infinitive de la causative n'est pas sorti de son domaine propositionnel. Son hôte est le verbe lexical moulañ 'imprimer' (et non pas sur le verbe tensé de la causative, * evit he lakaat moulañ).


(5) p'en deveze kavet rener ar gelaouenn arc'hant awalc'h evit lakaat he moulañ
quand1 3SGM avait trouv.é direct.eur le 1revue argent assez pour mettre la2 imprimer
'quand le directeur de la revue avait trouvé assez d'argent pour l'imprimer'
Standard, Herri (1982:97)


(6) Diskennit, boulzouble !!… Pe e lakan ho teuler en ereoù !
descendez nom de D... ou R4 mets vous3 jeter en.le lien.s
'Descendez, nom d'une pipe ! Ou je vous fais mettre aux fers !'
Standard, An Here (1993:20)


mouvement de tête

Les clitiques sont soumis aux règles sur le mouvement de tête en général.


invisibilité pour les mouvements autres que lui-même

Un clitique devient invisible pour le mouvement dès qu'il a cliticisé sur son hôte. Il ne peut pas ensuite poursuivre sa dérivation. Ce serait un cas d'excorporation.

Inventaire

Sont clitiques sur le verbe lexical en breton:

En dialecte de Tréguier, le déplacement de l'accent de mot montre que la négation ket est enclitique sur le verbe tensé. Le même déplacement de l'accent est observable pour des noms courts enclitiques sur leur déterminant: bloaz 'an', skoed 'écu (monnaie)', eur 'heure' (Quiggin 1909-1910). Ce phénomène touche le nord Cornouaille, mais pas les autres dialectes.

Les adverbes déictiques spatiaux amañ, aze et ahont ont chacun une forme clitique. Ce sont respectivement les formes -mañ, -se et -hont. Ces formes clitiques apparaissent entre autres dans les démonstratifs analytiques comme ar paotr-mañ 'ce gars'. L'hôte est alors la tête nominale.

Hôtes

En breton, les clitiques objets, réfléchis ou non, cliticisent sur leur verbe lexical, et non sur l'élément tensé. On peut le voir dans les temps composés.


(1) Ar peoc'h, siwazh ! en deus hor c'huitaet !
le paix malheureusement 3SG a nous quitté
'La paix, malheureusement, nous a quittés ! (*… a nous quitté)'
Vannetais, Herrieu (1994:157)


horizons comparatifs

Les clitiques, à travers les langues, apparaissent plutôt sur les éléments tensés. En français, les pronoms objet sont proclitiques sur l'auxiliaire être ou avoir (Elle nous a quittés, Je lui suis reconnaissante).

En Occitan du Couserans, les proclitiques apparaissent toujours sur l'élément tensé (Que' s vòu maridar, 'Il veut se marier').


(1) Se non hèdi mès vite, ja' m va passar devant.
Si ne fais plus vite C me va passer devant
'Si je ne fais pas plus vite, il va me passer devant'
Occitan du Couserans, Ensergueix (2012:54)


Groupement clitique

Plusieurs clitiques peuvent apparaître assemblés sur le même hôte. En breton, c'est cependant moins facile à montrer que dans les langues romanes (Je lui en ai retiré deux., Il la lui donne sans regrets).

Le breton résiste au groupement clitique dans le domaine verbal. Dans le domaine nominal, on peut considérer les exemples comme en da di 'dans ta maison'.


redoublement clitique

A travers les langues, les clitiques apparaissent parfois doublés, à la fois sur leur hôte et dans leur site d'origine. Ce phénomène n'est pas documenté en breton.


(2) Que' u vas a véde' u. / Que la volem vedé-la.
EXPL?/C le vas à voir le EXPL?/C la voulons voir la
'Tu vas le voir.' / 'Nous voulons la voir.'
Occitan du Couserans, Ensergueix (2012:41)


Terminologie

L'abréviation standard pour clitique dans les gloses est CL.

Le terme breton pour clitique est stagadenn, le terme anglais est clitic. Vallée (1980) donne rakharpell, n.f. 'proclitique' et enharpell n.f. 'enclitique'.


Bibliographie

  • Bok-Bennema, Reineke. 2005. 'Clitic-climbing', Martin Everaert And Henk Van Riemsdijk (éds.), The Blackwell companion to Syntax, Blackwell Publishing, vol I, chap.13.