Dour

De Arbres

Le nom dour 'eau, jus' est un nom massique.


(1) Tost deom e hournije didrouz goelini skañv a-uz d'an dour.
près de.nous R4 sur.volait sans1.bruit goeland.s léger au-dessus de1 le eau
'De légers goélands survolaient l'eau silencieusement.'
Léonard, Seite & Stéphan (1957:123)


Morphologie

variation dialectale

La carte 177 de l'ALBB documente la variation dialectale pour la traduction de (Le puits est) plein d'eau. La forme vannetaise est deur (cf. haut-vannetais un tasad deur 'un verre d'eau', Delanoy 2010); à ne pas confondre avec deur 'peine, difficulté' en cornouaillais de l'est intérieur.


(2) [ wɛ cəd a zɔ:ʁ ]
' Oa ket a zour.
ne1 était pas de1 eau
'Il n'y avait pas d'eau.'
Vannetais, Cheveau (2007:133)


(3) / ən 'dø:r ə ziʃal 'mat /
An dour a zichal mat.
le eau R1 descend bien
'La mer descend bien.'
Haut-vannetais (Plouhinec), Le Bozec (2018)


(4) / ma kar ˌheãw be 'tomɛd ãn ˌdu:r/
Ma kar beza tommet an dour
si4 aime lui être chauff.é le eau
'S'il avait voulu faire chauffer l'eau… '
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:276)


dérivation

Le suffixe -enn sur le nom dour obtient le nom concret dourenn 'liquide, sécrétion'. A Bannalec en cornouaillais de l'est maritime, dourenn dénote la 'poche des eaux' d'un accouchement (Bouzec & al. 2017:312).

Le suffixe adjectival -ek obtient dourek 'qui contient de l'eau'. La finale -ennek obtient dourennek 'qui contient un liquide déterminé (fruit aqueux)' (Vallée 1980:XXIII).


(5) Bremañ e vez lakaet nebeud a irvin doureg.
maintenant R est m.is peu de1 navets eau.Adj.
'Maintenant on cultive peu de navets aqueux.' (blancs)
Trégorrois, Gros (1984:360)


Le suffixe adjectival -us obtient dourus '(terrain, fruit) qui peut produire' ou 'qui amène de l'eau'. La finale -ennus obtient dourennus '(temps, etc.) qui peut faire produire de l'eau ou un liquide déterminé' (Vallée 1980:XXII, XXIII).


Le préfixe augmentatif gour- obtient [ɡu'zu:rɛd] , gouzouret 'imbibé d'eau' (Plozévet, Goyat 2012:334).

Le préfixe privatif di- obtient, après verbalisation, dizourañ 'perdre son eau' ou 'pisser'.


(6) Sell, ar hig zo krog da zizoura.
regarde le 5viande est commencé à1 .eau.er
'Tiens ! La viande commence à perdre son eau.'
Trégorrois, Gros (1989:'dizoura')


Le préfixe ol- obtient oldour 'manque d'eau' (Menard & Bihan 2016-).


mots composés

Gros (1984:387) donne glaz-dour 'vert d'eau'. Gros 1984:389) donne dour-red 'eau courante'.


(7) Me a zo dourc'hwez toud.
moi R1 est eau.sueur tout
'Je suis baigné de sueur.'
Trégorrois, Gros (1989:73)


(8) ki > dourgi, Standard, Kervella (1947:§299) / > kidour, Favereau (1993:'loutre')
chien > eau-1chien > chien-eau
yar > douryar, Standard, Kervella (1947:§299) / > yarzour, Favereau (1993:'poule')
poule > eau-poule > poule-eau
'loutre, poule d'eau'


dour tomm, dour domm, dour zomm

Il existe une variation idiosyncratique sur la mutation après le nom masculin dour 'eau'.

On trouve parfois une lénition dour domm 'eau chaude' (Plogoneg, kontañ kaoz 12/2017). On trouve aussi des occurrences de dour zomm, avec une spirantisation (Buez ar Zent, 1894:p.176, ou Moal 1890:32). On dit pourtant dour dous, dour glav, comme pour un nom masculin régulier.

Selon le dictionnaire multidialectal de Troude (1869:'chaud'): "De l'eau chaude, dour zomm, dour domm; c'est un caprice de la langue." Bouzec & al. (2017:201) donne dour zomm à Moëlan et dour tomm à Bannalec et Riec. Les locuteurs peuvent avoir des intuitions assez fortes sur l'une ou l'autre forme. Dans l'interview de Catherine Quinioù de Plonevez ar Faou, on peut voir qu'elle corrige automatiquement dour domm en dour zomm (à la minute 2).


grammaticalisation

Selon Kervella (1947:§881), le nom dour 'eau' a grammaticalisé en un préfixe dour-.


Sémantique

Le nom dour peut dénoter un 'jus' de fruit.


(1) Pa vez ur rhume eo leet evañ dour oranjez.
quand1 est un "rhume" est boire eau oranges
'Quand on a un rhume, on doit boire du jus d'orange.'
Léonard (Lesneven/Kerlouan), Y. M. (04/2016)


Diachronie

Hamp (1970) développe l'hypothèse qu'en breton, le nom dour 'eau' est apparenté aux adjectifs du 'noir' et don 'profond', avec une correspondance entre ces trois notions dans toutes les langues celtiques.

Matasović (2009) propose une racine adjectivale proto-indo-européenne * dhubh- 'noir' (IEW:263ff.), à l'origine du gothique daufs 'sourd' ou du grec typhlós 'aveugle'. En proto-celtique, cet adjectif a donné plusieurs racines, l'adjectif * dubu- 'noir' (qui a donné du 'noir') et l'adjectif * dubro- 'sombre, sale'.

C'est cet adjectif proto-celtique * dubro- 'sombre' qui obtient les toponymes gaulois Dubra, Uerno-dubrum ou le moyen irlandais dobur 'noir, sale'. Matasović (2009) ajoute que le vieil irlandais avait aussi une nominalisation de l'adjectif en dobur 'eau' (DIL D-218), probablement développé "sous l'influence du syntagme 'eau sombre', ou 'eau profonde', sur le proto-celtique * dubno- 'profond'". Il postule un développement similaire en brittonique et peut-être en gaulois.

En vieux brittonique, Evans & Fleuriot (1985a) donnent dobro- /dobhro-/, dubr-, duur- /dubhr/ 'eau' et l'adjectif dobroc /dobhrøg/ 'aqueux, aquatique'. On relève ensuite le moyen gallois dwfr, dwr 'eau', le cornique et le moyen breton dour.


Bibliographie

  • Hamp, Eric P. 1972. 'Keltic dubro- 'water': the story of a lexeme', M. Estellie Smith (ed.), Studies in linguistics in honor of George L. Trager, The Hague: Mouton, 233–237.