Kas

De Arbres

Le verbe kas 'envoyer' est un verbe ditransitif. Il recouvre et déborde du sens français de 'envoyer'. Il s'emploie aussi avec différentes postpositions.


(1) Ba'n amzer oan yaouank vi ket kas 'nenn kalz d'ar skol.
dans le temps étais jeune était pas envoy.é on beaucoup à1 le école
'Du temps de ma jeunesse, on n'était pas souvent envoyé à l'école.'
Breton de Saint Yvi, German (2007:174)


Un autre verbe kas, d'étymologie différente, existe aussi dialectalement sous le sens de 'chercher'. Le nom kas 'haine' et le verbe kasaat 'haïr' sont traités chaucun dans des articles différents.


Morphologie

composition

Le suffixe verbal de l'infinitif est le plus souvent un morphème zéro, mais on trouve aussi en haut-vannetais la forme kasiñ.


(2) pa oa ur samm bennak da gasiñ
quand1 était le charge quelconque à1 envoy.er
'quand il fallait porter une charge'
Haut-vannetais (Jo Sergent), Louis (2015:216)


dérivation

Le préfixe de- forme degas 'apporter' sur kas 'envoyer' (Helias 1986:14).

Le préfixe treuz- forme treuzkas 'transférer'.

Syntaxe

structure argumentale

Le verbe kas est ditransitif, sa structure argumentale comprend trois arguments (agent, patient, but).


but

Comme pour tous les verbes de mouvement, le but apparaît précédé de la préposition da (Kervella 1969:IX, Gros 1970:147).


postpositions

(4) Kas ar c'hi er-maez.
envoie le 5chien dehors
'Sors le chien.'
Cap Sizun, Chalm (2008:§C10)


(5) Gwellaikañ ma c'hell e kas e labour en-dro.
mieux.le.plus.DIM.le.plus que4 peut R4 envoie son1 travail encore
'Il travaille du mieux qu'il peut.'
Standard, Kervella (1947:§566)


Sémantique

éloignement patient/agent

Le verbe kas est compatible avec un éloignement de l'agent et du patient, comme c'est le cas du français envoyer.


(1) E-lec'h oa trawalc'h paotred da gas
en-place était assez gars.s à1 envoyer
'où il y avait assez de gars à envoyer'
Cornouaillais (Plogonnec), Kergoat (1976:45)


Au contraire du français 'envoyer', kas est aussi compatible avec l'absence d'éloignement du patient et de l'agent.


(2) Kas a rae ar jao 'vit bout houarnoù nevez.
envoyer R faisait le cheval pour avoir fer.s neuf
'Il amenait son cheval pour qu'il ait des fers neufs.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:15)

'provoquer, faire advenir'

(3) Ar produioù chimik a gas kleñvedoù d'an dud.
le produit.s chimique R1 envoie maladie.s à le 1gens
'Les produits chimiques provoquent des maladies chez l'homme.'
Haut-vannetais, Louis (2015:101)


Expressions

kas udb. gant ub., 'emmener qqch à qq'

Le verbe kas n'implique pas l'éloignement du sujet comme le fait le verbe envoyer du français.


(1) Kas a rankent ganto o boued hag hini o loan.
envoyer R1 devaient avec.eux leur2 nourriture et celui leur2 animal
'Il devaient emmener leur nourriture et celle de leur animal.'
Léonard (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:191)


L'utilisation de la préposition gant 'avec' dans l'expression kas udb. gant ub. 'emmener' influence le français de Basse-Bretagne (cf. j'ai envoyé le journal avec moi, Brest, Péron 2001:29).


kas kaout, 'avoir envie, chercher à avoir, essayer d'avoir'

Naoned (1952:59) note à Scaër/Guiscriff la forme Me' zo o kas kaout X, 'J'ai envie de X', aussi documentée à Saint-Yvi. Le sens des exemples ci-dessous ne correspondent cependant pas exactement à 'avoir envie', mais plutôt 'chercher (à), essayer (de)'. Ernault (1879-1880:158) signale à Lanrodec et à Gurunhuel un verbe kas apparenté au gallois ceisio, kaz ober un dra 'chercher à faire quelque chose'. Kergoat (1976:80) signale à Plogonnec l'usage de kas dans le sens de 'essayer', et le lie au gallois ceisio. Il rejette explicitement une étymologie en klask qui aurait perdu son /l/ pour le dialecte de Plogonnec, car il n'y trouve pas d'équivalents. Heusaff (1996:165) cité dans German (2007:172) propose une étymologie commune au moyen gallois keissaw 'chercher'. On trouve le verbe caes de sens 'chercher' dans le Manuscrit de Leyde en vieux brittonique (cornique du X°).


(2) Me ' zo o kas kaout madigoù.
moi R1 est à4 chercher avoir bon.DIM.s
'J'ai envie de bonbons.'
Scaër, H. Gaudart (c.p.)


(3) Ha ni oam ket gouest goud p'ra oa haoñ ' kas kaoud.
et nous étions pas capable savoir quoi était lui à4 chercher avoir
'Et on n'a jamais pu savoir ce qu'il voulait.'
Breton de Saint Yvi, German (2007:172)


(4) Bonjour Maian Stefen me oa kas kaout ul litrad djwin.
bonjour Maian Stefen moi était à4 chercher avoir un litr.ée vin
'Bonjour M.S., je venais chercher un litre de vin.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (03/2017)


  • Me oa 'kas kaout madigoù gant Maian Stefen.
'J'achetais des bonbons à M.S.'
H. Gaudart (03/2017)


Pour la phrase en (5), la locutrice commente et pas … * e oan o kas kaout, "car ce serait comme si tu allais la chercher".


(5) Bet meus bet ar bizaoù ma bet c'hoant da gaout.
eu 1SG.a eu le bague 1SG.avait eu envie de1 avoir
'J'ai eu la bague dont j'avais envie.'
Scaër, H. Gaudart (03/2017)


On trouve aussi kas en modal d'autres verbes que kaout.


kas kavout, kas gwelout, kas kompren, kas goût

Selon l'Académie bretonne (1922:293), l'usage dialectal (dialecte non-précisé) de "kas kavout, 'chercher à trouver' [est] plus fort que da gavout, evit kavout". On trouve aussi kas gwelout, kas kompren, kas goût


(6) Eman o c'houilia dre-holl kas kavout ar pez en deus kollet.
est à4 insect.er partout chercher trouver ce que 3SGM 3.a perd.u
'Il est en train de fouiner partout pour trouver ce qu'il a perdu.'
"Dialectal", Académie bretonne (1922:293)


(7) [ tud ən dyt ataw gaz gwɛl kʁistjan]
Tout an dud atav ' gas gwel Kristiane.
tout le 1gens toujours R1 cherche voir Christiane
'Tout le monde demande toujours Christiane.'
Breton central (Duault), Avezard-Roger (2004a:412)


(8) [ mi zo kas ' guːd-t]
Mi zo kass goûd.
moi est à4 chercher savoir
'Je me demande…' / 'Je m'interroge … '
Haute Cornouaille (Poullaouen), Lozac'h (2014:'kas')


(9) / 'hi ' laR vɛfɛ bet ' kaz 'dimi /
Hi ' lar vefe bet ' kas dimiñ.
elle R dit serait été à4 envier marier
'Elle dit qu'elle aimerait être mariée.'
Cornouaillais (Carhaix), Timm (1987a:272)


Favereau (2016-) considère que kas est une variante dialectale de klask 'chercher', ce qui serait d'une part phonologiquement étonnant, et d'autre part peu plausible quand les locuteurs distinguent ces deux verbes comme le fait H.G.. À noter l'existence d'un autre verbe de sens similaire, le verbe tas, emprunté au français tâcher (de).

kas anezhi

L'expression kas anezhi, littéralement 'l'envoyer' ou 'la désirer' signifie 'faire la fête'. Elle est passée en français de Douarnenez.


(1) Ils sont pas prêts de rentrer ! En train de "kass an eil" quand je suis arrivée ils étaient.

'Ils sont pas prêts de rentrer ! Ils étaient en train de FAIRE LA FETE quand je suis arrivée.'
Français de Basse-Bretagne, Pichavant (1996:122)

un oad kaset mat, 'un âge avancé'

(2) Daousto d'e oad kaset mat, e kerzhe c'hoazh buan pasapl.
malgré de son1 âge envoy.é bien R4 marchait encore vite assez
'Malgré son âge bien avancé, il marchait encore passablement vite.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:80)

kas war-lerc'h 'flairer, pister'

(3) Ata ! War-lerc'h pe loen eo aet Milou da gas c'hoazh ?
Allons donc ! après quel animal est all.é Milou à1 envoyer encore
'Allons bon ! Qu'est-ce que Milou a encore flairé comme gibier ?'
Standard, Kervella (2001:13)


Diachronie

Selon Delanoy (2010:&12), les formes non-palatalisées en haut-vannetais voire en cornouaillais sont des emprunts au normand, "entré[e]s par l'extrémité nord-est du domaine bretonnant", et qui "l'ont ensuite pénétré entièrement". Il cite kas 'envoyer' et kir 'cher', pour lesquels on pourrait s'attendre plutôt aux formes chass et cher.