Superlatif

De Arbres

Le superlatif marque pour un adjectif ou un adverbe sa valeur la plus haute pour une propriété donnée. Morphologiquement, la façon régulière de construire un superlatif en breton est d'adjoindre le suffixe -añ /ã, a/ à un adjectif, épithète ou attribut, ou à un adverbe.


(1) Merket eo warnañ peur emañ ar mor en he bras...
marqu.é est sur.lui quand est le mer en son2 grand.le.plus
'C'est marqué dessus quand la mer est haute...' (Almanach)
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:22)


Morphologie

pas de voisement des finales

Le suffixe superlatif est réalisé comme une voyelle, mais se comporte comme si il commençait par une consonne non-voisée. On peut le voir avec le diminutif -ig ou le suffixe adjectival -ek.


(2) Al lann a veze er gwaremmeier ar meinek parkeier a oa.
le lande R1 était en.le garenne.s le caillou.x.eux.le.plus champ.s R1 était
'Les landes de garennes étaient les plus caillouteuses.'
Cornouaillais (Plogonnec), Kergoat (1976:54)

variation dialectale

L'Académie bretonne (1922:151) considère qu'en trégorrois, le suffixe du superlatif est /-an/, forme plus ancienne que le suffixe léonard /-a/. Elle note aussi une tendance en trégorrois à utiliser les périphrases en muiañ.


La variation dialectale du morphème -añ du superlatif est documentée dans la carte 156 de Le Dû (2001), par une traduction du français '(le) plus sec', et la carte 049, traduction de '(le) plus léger'.


reduplication en -aikañ

Kervella (1947:§566) signale (et réprouve) des cas de reduplication du morphème superlatif autour du morphème diminutif -ig.


  • ar brasaik, /grand.leplus.DIM.leplus/, 'le plus grand'
  • ar c'hoshaik, /vieux.leplus.DIM.leplus/, 'le plus vieux'


(2) Gwellaik ma c'hell e kas e labour en-dro.

/mieux.le.plus.DIM.le.plus/ que peut R4 envoie son1 travail encore
'Il travaille du mieux qu'il peut.'


distribution de l'adjectif superlatif dans le syntagme nominal

L'adjectif superlatif peut se placer avant ou après la tête nominale.

  • ar c'hreñvan den / an den kreñvan
'l'homme le plus fort'
Trégorrois (Tréguier), Le Clerc (1986:131)


La marque de superlatif peut être située à l'intérieur d'un complément du nom introduit par eus lorsque celui-ci modifie un nom indéfini.

  • eun ti eus ar c'haeran, eun ti eus ar re gaeran
'une maison des plus belles'
Trégorrois (Tréguier), Le Clerc (1986:131)

Syntaxe

en initiale de phrase, article optionnel avec un prénominal

L'article du groupe nominal où est l'adjectif superlatif est optionnel lorsque l'ensemble apparaît en initiale de phrase et qu'une relative le suit.


(1) kreñvan den am eus gwelet
fort.le.plus personne 1SG a v.u
'le plus fort homme que j'aie vu'
Trégorrois (Tréguier), Le Clerc (1986:130)


(2) sebezus ha fallakr tra am eus klevet diwar-benn al laeroñsioù dienn.
stupéfiant.le.plus et odieux.le.plus chose R.1SG a entend.u sur le vol.N.s crème
'la chose la plus stupéfiante et la plus odieuse que j'aie entendu sur les vols de crème'
Cornouaillais (Pleyben), ar Gow (1999:18)


relativisation d'un adjectif au superlatif

Les propositions enchâssées qui modifient un superlatif sont introduites par le complémenteur ma (ar gwellañ ma c'hellan, 'du/le mieux que je peux'), ou par un complémenteur vide.


(3) [ ɵ funisô wa mojen bu be grajT ]
ar fonnusañ oa moaien bout bet graet
le vite.plus y.avait moyen être été fa.it
'le plus rapidement qu'il était possible de faire.'
Cornouaillais de l'Est (Lanvénégen), Evenou (1987:575)


déterminants

L'adjectif superlatif peut apparaître précédé d'un déterminant comme un article comme en (1). Le trégorrois Le Clerc (1986:130) signale et désapprouve ce qu'il prend pour une opération de redoublement ("on dit moins bien en répétant").


(1) an ti (ar) brasañ er vourc'h
le maison le grand.le.plus en.le 1bourg
'la maison la plus grande du bourg'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:22).


(2) an hini (ar) goshañ
le celui1 le 1vieux.le.plus
'la plus vieille'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:22).


Cependant, l'article devant le nom peut être un indéfini, ce qui montre que les deux articles sont indépendants.


(3) un degemer ar c'halonekañ oa graet din ...
un accueil le 5chaleureux.le.plus était fa.it à.moi
'un accueil des plus chaleureux me fut fait... '
Léonard (Bodilis), Ar Floc'h (1985:21)


Ce phénomène se trouve dans différentes variétés.


(4) N'oa ket bet meret er bleud an tanavañ.
ne1 avait pas été gér.é en.le farine le fine.le.plus
'Il n'avait pas été élevé dans la farine la plus fine.'
Standard, Drezen (1990:37)


Il est possible qu'il s'agisse dans cette structure d'une substantivisation de l'adjectif superlatif qui est ensuite placé en apposition du nom (cf. la maison, la plus grande du bourg).

le superlatif substantivé

L'adjectif superlatif peut aussi être complètement substantivé comme en (1).


(1) Tout e vezont krevet oc'h ober bourjinerezh, o klask gwelet piv eo ar c'hapaplañ.
tous R sont crev.é à+C,4 faire bêtise à4 chercher voir qui est le 5capable.le.plus
'Tous se crèvent en faisant des bêtises à essayer de voir qui est le meilleur.'
Léonard, Mellouet & Pennec (2004:160)


Le superlatif existe dans différentes expressions en combinaison avec un déterminant possessif.


  • Grêt am eus ze eus ma gwellan.
'J'ai fait cela de mon mieux.'
Trégorrois (Tréguier), Le Clerc (1986:132)
  • An tan gwall a oa en e wasan.
'L'incendie était dans toute sa force.'
Trégorrois (Tréguier), Le Clerc (1986:132)


Il peut aussi être précédé du quantifieur pep 'chaque', et modifié par un groupe prépositionnel (ar pep brasañ eus an dud 'la plupart des gens').

Sémantique

portée du superlatif

Le domaine sémantique sur lequel s'applique le superlatif est son complément. C'est le domaine sur lequel le superlatif a portée. Le complément du superlatif est introduit par la préposition eus, ou selon les dialectes, les autres prépositions marquant la source ou la provenance (a(g), diouzh, deus, dac'h, etc.).

 Le Clerc (1986:131):
 "le complément du superlatif se construit avec eus, excepté quand le complément est un pronom personnel pluriel : en ce cas on emploie a, qui se combine avec le pronom ac'hanomp, ac'hanoc'h, aneze (anê)
 
 ar gwellan eus an dud, 'le meilleur des hommes'
 ar gwellan ac'hanoc'h, 'le meilleur de vous'    "


Il est aussi possible de ne pas donner au superlatif de complément sur lequel avoir portée, et de restreindre indirectement l'interprétation de cette portée en bornant le contexte (ar brasañ den er vro).

Les deux stratégies sont d'ailleurs cumulables :

  • er staj, ar gwellañ studier eus ma re.
  • ar yaounkañ anezho er c'hlub.

an nesañ, '(le) prochain' qui n'est pas le plus près

La substantivisation par superlatif peut altérer le sens. Le groupe nominal an nesañ, littéralement 'le plus proche', est l'équivalent du français 'son, notre prochain'. En (1), il est utilisé en contraste avec nesañ comme adjectif et signifie donc ceux qui ne sont pas le plus proche.


(1) An nesañ na reont ket se da un den. Nann, nann... e dud nesañ !
le près.le.plus ne1 font pas ça à on non non son1 parents près.le.plus
'Votre prochain ne vous fait pas cela. Non, non... Ce sont vos plus proches parents !' (qui le font)
Trégorrois, Gros (1984:181)

autres

Le superlatif semble avoir une forme de réfléchi dans la tournure qui utilise heligentañ:


(2) Ar gwragez a veze heligentañ etreze evit bevañ ar vesaerien diouzh o gwellañ.
le femme.s R1 était ≈qui.mieux-mieux entre.eux pour nourrir le 1berger.s de leur2 mieux
'Les femmes étaient en compétition pour nourrir les bergers de leur mieux.'
Standard, ar Barzhig (1976:33)


Diachronie

Deshayes (2003:39) dérive le suffixe superlatif -añ du celtique *samos > vieux breton -ham > moyen breton -aff > breton pré-moderne -anff.

Selon Deshayes (2003:39), ce h initial qui ne s'entend plus provoque toujours en synchronie le durcissement des consonnes /b, d, g, s, z/ et le doublement des consonnes liquides.


Terminologie

Le superlatif est désigné en breton par le terme derez-muiañ (Evenou 1987:526), derez-uhel ou derez-uhelañ (Kervella 1977, 1947, Chalm 2008).

Press (1986:232) traduit derez-uhel par l'anglais superlative degree.


Bibliographie

  • Kervella, Frañsez. 1977. 'Frammadur ar brezhoneg [an derez-uhelañ]', Hor Yezh 118: 67-69.