Les appositions

De Arbres
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L'apposition est une notion plus descriptive que formelle. On parle d'apposition quand, de deux structures juxtaposées, l'une, appelée l'appositive, définit ou modifie l'autre, appelée l'ancre, sans la médiation d'un complémenteur ou d'une préposition.

En (1), l'ancre est elestr melen 'des iris jaunes', qui est modifiée par sa suite o zreid en dour 'qui poussent dans l'eau, dont les pieds sont dans l'eau, aux pieds dans l'eau'. On dit que les deux structures sont en apposition.


(1) elestr melen o zreid en dour
iris jaune leur2 pied.s en.le eau
'des iris jaunes qui poussent dans l'eau'
Léonard, Seite & Stéphan (1957:103)


Morphologie

pause prosodique, ou pas

On relève des structures appositives dont le détachement est marqué par une pause prosodique, parfois signalée à l'écrit par une virgule.

La pause prosodique est associée avec une lecture non-restrictive, et est associée avec une structure syntaxique moins intégrée. L'absence de pause prosodique est associée avec une lecture restrictive, et est associée avec une structure syntaxique plus intégrée. Les traductions, plus ou moins lâches, peuvent parfois laisser planer le doute.


(2) ar chô gwenn tri gi gantoñ.
le cheval blanc [ trois1 chien avec.lui ]
'le cheval blanc, accompagné de trois chiens'
Breton central, Favereau (1984:392)


Syntaxe

typologie des ancres

L'ancre peut être un pronom incorporé (ici le sujet de rankout 'devoir').


(3) Ha rankout a rin, taolet kuit pep mezh ganin , dont da ganañ dit « serenadoù » dindan da brenestr ?
? devoir R ferai [ jet.é parti chaque honte avec.moi ] venir pour1 chanter à.toi sérénade.s sous ton1 fenêtre
'Est-ce que je devrais, toute honte bue, aller te chanter la sérénade sous tes fenêtres ?'
Standard, Drezen (1990:65)


L'ancre peut être définie ou indéfinie.


(4) D'an ampoent e oa ur manac'h bihan, [ echu gant diboultrennañ an aoterioù rikamanet gant aour ], o hastout dre ar vali greiz, davet traoñ an iliz, da serriñ dor vras ar straed.

Standard, Drezen (1990:7)

(5) Ar c'hi Soltan, [ ur mell ki-gward alaman ], [ torret e chadenn gantañ ], a oa deut da lammat ouzh ar breur Arturo, evit c'hoari.

Standard, Drezen (1990:33)


L'ancre peut être aussi être une phrase tensée indépendante. En contexte, la phrase en (6) suit lod anezho, da lâret eo teodoù-fall, a oa prest bepred da wallvrudañ unan bennak 'certaines, les mauvaises langues, étaient prêtes à calomnier tel ou telle'. Cependant, elle pourrait suivre et finir nombre de propositions indépendantes.


(6)... ar pezh ne oa ket gwall vrav goude bezañ bet o selaou an oferenn.
ce que ne1 est pas très1 joli après avoir été à4 écouter le messe
'... ce qui n'était pas joli-joli après avoir écouté la messe.'
Cornouaillais (Ploéven), Gouérec (2018:8)


petite proposition

sujet-prédicat

L'ancre qui est modifiée précède directement la petite proposition qui commence par le sujet suivi directement par son prédicat.


(1) [DP ancre [SC prédicat sujet ] ]


(2) eur boked dezañ c'hwez vad
un bouquet [SC à.lui odeur1 bonne ]
'un bouquet qui sent bon'
Léonard, Fave (1998:60)


prédicat-sujet

L'ancre qui est modifiée précède directement la petite proposition qui commence par le prédicat suivi directement par son sujet.


(3) [DP ancre [SC prédicat sujet ] ]


(4) ur mell paotr diskoaz ledan dezhoñ
un grand gars [ deux.épaule large à.lui ]
'un sacré gaillard aux épaules larges'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:76)


ancrage de l'appositive

L'ancre co-réfère obligatoirement avec un ou plusieurs pronoms dans l'appositive. Le pronom co-référent peut apparaître dans le prédicat comme dans le sujet de la petite proposition.

Cette nécessité d'ancrage pronominal prédit que dans la petite proposition, on trouve généralement seulement des sujets pronominaux.


(5) ur plac'h kollet he enor ganti
un fille [SC perd.u son2 honneur avec.elle ]
'une fille dont l'honneur est perdu'
Favereau (1997:§589)


(6) Neuze e oa eun dudi gweled niver ar merhed ganto c'hoaz o hoefou uhel.
alors R était un plaisir voir nombre le femme.s [SC avec.eux encore leur2 coiffe.s haut ]
'C'était alors un plaisir de voir le nombre de femmes qui portaient encore la haute coiffe.'
Léonard, Seite (1998:78)


(7) eur mell gwezenn glas-kaol he deliou
un grand arbres.SG [vert-choux son2 feuilles ]
'Un grand arbre aux feuilles vert-chou'
Léonard (Cléder), Seite (1998:44)


(8) tri seurt 'douar dezho talvoudegezhioù disheñvel
trois sorte terre [ à.eux importances .semblable ]
'trois sortes de terres dont l'importance varie'
Cornouaillais (Plogonnec), Kergoat (1976:42)


forme réduite attributive

L'apposition de sens attributif peut ne comporter qu'un seul argument, une propriété attribuée au référent de l'ancre (comparer (1) avec ar lutun daoulagad paper dezhañ). La pause prosodique n'est pas possible dans la structure réduite.


(1) ar lutun daoulagad paper
le lutin [ deux.œil papier ]
'le lutin aux yeux de papier'
Breton central, Favereau (1984:370)


Sur le patron sémantique de l'appositive attributive Y, /X à Y/, on obtient aussi une forme réduite en Y /son X/. Le possesseur ancre, qui coréfère avec l'argument d'une préposition attributive da (paotred, blev melen dezho) coréfère dans une forme réduite avec le déterminant possessif du possédé (paotred o blev melen).


(2) daou gi-bleiz o mouezhioù braouac'hus
deux1 chien-loup [ leur2 voix terrif.iant ]
'deux chiens-loups aux aboiements terrifiants'
Standard, Drezen (1990:49)


On note alors parfois une disparition de l'article défini en tête de l'ancre, ce qui est réminiscent de la structure d'état construit.


(3) Sellout a reas kurius ouzh paotr e sae wenn.
regarder R1 fit curieux à [ gars [ son1 robe1 blanc ] ]
'Il regarda, curieux, l'homme en robe blanche.'
Standard, Drezen (1990:29)


Pour une étude de ces structures prédicatives dans les surnoms en breton, comme frank-e-c'houzoug, voir Lecocq (1986).

Sémantique

Les appositives peuvent être de deux types sémantiques: restrictives ou non-restrictives.


appositives non-restrictives

L'apposition nominale typique est ainsi du type: Yann, ma mignon, 'Yann, mon ami', où l'appositive ma mignon modifie de façon non-restrictive l'ancre Yann. La relation est de type prédicatif: elle prédique les propriétés qui définissent /mon ami/ sur le référent /Yann/.

En (1), le groupe nominal plac'h an ti est l'ancre qui est modifiée par l'apposition Anastasia hec'h anv de façon non-restrictive.


(1) Plah an ti, Anastazi heh ano, a anaveze ahanom.
fille le maison Anastasie son+C nom R1 connaissait P.nous
'L'aubergiste, Anastasie de son nom, nous connaissait.'
Taldir
cité dans Seite & Stéphan (1957:141)


En (2), l'adverbe déictique spatial amañ 'ici' est l'ancre qui est modifiée par l'apposition adverbiale keit-all de façon non-restrictive.


(2) Mar don harluet amañ, keit all, gant kalzig eus ma c'henvroiz...
si.+C suis exil.é ici si.loin autre avec beaucoup.DIM de mon2 com.patri.otes
'Si je suis exilé ici, si loin, avec beaucoup de mes compatriotes… '
Standard, Drezen (1990:30)

appositives restrictives

L'apposition peut aussi être utilisée en breton avec une sémantique restrictive (de type 'un bébé aux joues roses, des iris dont les pieds sont dans l'eau').


Diachronie

Hemon (2000:§51,(3)) donne, en matrice précédée de ha:

ha me diaez va fenn o velet n'oa ket hir avoalac'h va skeul., (1878, EKG.II.:50)


Hemon (2000:§51,(2)) donne, en apposition à un nom, et précédé de ha ou de la disjonction pe:

Iesu… hac enff Roue'n sent, en paurentez. Nl.:n.154.
an merch man ha hy leanez, N.:707.
an heol, hac eff chanchet meurbet, BD.:4389.
henont, a velet en-crais, hac enf gurunet, hac enf a liue er gouet., NG.:684.
hoc'holl actionou pe ii bian pe ii bras., IN.:202.


Terminologie

En breton, le terme correspondant à 'proposition appositive' est kenlavarenn, lavarennoù kenlakaet, ou kenlakadenn (Kervella 1947:§702, KAG 2016).

Favereau (1997:§588) utilise pour les appositives le terme de 'relatives juxtaposées'. Favereau (1997:§589) utilise le terme de 'structure relative participiale' pour les appositives dont le prédicat est un participe.

Il n'y a pas de différence terminologique à déceler entre un nom épithète et un nom en apposition. Le latin appŏsĭtĭo dénote une 'action d'ajouter'. L'ancien grec ἐπίθετον (epítheton) dénote un 'adjectif', sur l'adjectif ἐπίθετος (epíthetos) 'additionnel'.

Bibliographie

breton

horizons théoriques

  • Heringa, Herman. 2011. Appositional constructions , LOT publications, texte.
  • Neveu F. (éd.). 2000. 'Nouvelles recherches sur l'apposition', Langue Française, 125.