Ouzh

De Arbres

Ouzh est une préposition qui marque spatialement le contact et le rapprochement. Ouzh a aussi des sens plus abstraits. Elle fait partie des prépositions fléchies.


(1) Breizh ' zo mor tro-dro dezhi nemet ouzh un tu.
Bretagne R est mer autour de.elle sauf de un côté
'La mer entoure la Bretagne à part d'un seul côté.'
Standard, An Here (1995nemet)


Morphologie

variation dialectale

Dans la bande cornouaillaise/bord vannetais, on trouve la préposition ouzh se trouve sous la forme doc'h. Dans l'exemple en (2), on distingue bien la préposition doc'h de diouzh, car elle ne marque pas l'éloignement.


(2) Lakait-hé skoaz-doc'h-skoaz, par-doc'h-par, àr lerc'h c'hwi ' choajo.
mettez-eux épaule-à-épaule égal-à-égal après vous R choisirez
'Mets-les épaule contre épaule, égal contre égal, après tu choisiras', i.e. 'compare-les, après.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:26)


Gros (1970:162) précise qu'il utilise ouzh dans ses exemples à la place de deus "en vue contribuer à l'unification de la langue écrite". En Goëlo, la préposition est trouvée sous sa forme standard ouzh (Koadig 2010:49).


La préposition ouzh se rencontre aussi sous la forme oc'h, ou ouc'h (kaz ouc'h ub., 'la haine de quelqu'un', Herry 1861:2).


(3) Dishenvel oc'h an ilizou all ?
im.pareil de le église.s autre
'Différente des autres églises ?'
Bas-Trégorrois, Al Lay (1925:7)


(4) An ti bihan-se a zo stag oc'h an ti bras...
le maison petit.ci R1 est collé à le maison grand
'Cette petite maison est accolée à la grande … '
Léonard (Bodilis), Ar Floc'h (1985:10)


En KLT, ouzh ou sa variante oc'h est la forme morphologique de la particule o lorsque celle-ci précède un verbe infinitif ayant un proclitique objet.


(5) Er gêr emeur oc'h da c'hortoz…
en.le 1foyer est.on à4 te1 attendre
'On t'attend à la maison… '
Léonard (Bodilis), Ar Floc'h (1985:92)


(6) Ne vefen ket drouklaouen ouzh ho kwelout o chom ennañ.
ne1 serais pas .content à vous3 voir à4 rester en.lui
'Je ne serais pas mécontent de vous voir y rester.'
Standard, Ar Barzhig (1976:16)


prépositions fléchies

La préposition ouzh peut former un complexe morphologique avec son pronom objet lorsqu'il est pronominal (cf. les prépositions fléchies).


(1) Matriona a oa en em gustumet ouzhin, ha me outi, en em glevout mat a raemp.
Matriona R était se1 accoutumé à.moi et moi à.elle se1 entendre bien R faisions
'Matriona s'était habituée à moi, et moi à elle, nous nous entendions bien.'
Standard, ar Barzhig (1976:40)

prépositions complexes

Dans certaines variétés dialectales, on trouve communément une préposition qui se fléchit par incorporation dans une autre préposition fléchie. Lorsque c'est une autre occurrence de ouzh qui sert cette fonction, on voit que ce n'est pas par manque de paradigme d'incorporation. Les formes peuvent en être morphologiquement instables chez la même locutrice.


(2) Ar re-mañ a oe ententet mad oh outo...
le ceux.ci R1 fut occup.é bien de de.eux
'Ceux-là on s'est bien occupé d'eux… '
Léonard (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:179)


(3) Ar re yaouank o-doa avi ouzouto.
le ceux jeune 3PL 3.avait envie de de.eux
'Les jeunes en avaient envie.' (avoir des tracteurs)
Léonard (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:224)


(4) An ankou neus ket bet ezhomm deusouzoc'h.
le Ankou 3.a pas eu besoin de.de.vous
'L'Ankou n'a pas eu besoin de vous.'
traducteur Cosey, Hag ar menez a gano evidoc'h, Jonathan 2, p.45

adverbes

La préposition ouzh sélectionne parfois un adverbe. La préposition change de catégorie dans cette composition : l'ensemble obtenu n'obtient pas un syntagme prépositionnel mais un syntagme adverbial.

  • ouzh krec'h, d'an nec'h, 'en haut'
  • ouzh traoñ, d'an traoñ, 'en bas'

Syntaxe

La préposition ouzh introduit obligatoirement l'argument de certains prédicats.


sélection par un verbe

Certains verbes sélectionnent obligatoirement un argument précédé de la préposition ouzh. C'est le cas de soursial ouzh 'se soucier de', sentiñ ouzh 'obéir à', nac'hañ ouzh 'refuser à', en em zifenn ouzh 'se défendre contre', etc.


(1) Ne sentont ouzh den (ebet)
ne1 obéissent à personne aucun
'Ils n'obéissent à personne.' (du tout)
Trégorrois, Schafer (1995:153)


(2) Matriona ne ouie nac'h ouzh den.
Matriona ne1 savait refuser à personne
'Matriona ne savait dire "non" à personne.'
Standard, ar Barzhig (1976:32)


(3) Em zifenn ouzh un enebour kuzh, n'on ket gouest ...
se1 défendre de un contr.eur cach.é ne1 suis pas capable
'Me défendre contre un ennemi caché, je ne sais pas faire … '
Standard, Beyer (2009:48)


Cette sélection de la préposition ouzh est parfois sujette à variation dialectale. En breton standard, le verbe sellout 'regarder' requiert la préposition ouzh pour introduire le patient (ce qui est regardé). On note cependant des variations dialectales. En Goëlo par exemple, la préposition est parfois juste absente, ou c'est la préposition de gê; cf. da-gaout; qui est sélectionnée (zèllët in kê, Koadig 2010:48). On trouve aussi les prépositions deus, deusouzh, doc'h...


Un verbe comme selaou 'écouter' peut sélectionner, ou pas, la préposition ouzh. Le sens est alors différent.


(4) O selaou an dud en doa desket ur bern traoù.
à4 écouter le 1gens R.3SGM avait appr.is un tas choses
'Il avait appris un tas de choses en écoutant les gens.'
Standard, Chalm (2008:D4)


sélection par un nom

(4) Divennet eo gand ma relijion kaout afer ouz tud 'giztañ.
défend.u est avec mon2 religion avoir affaire à gens comme.lui
'Ma religion m'interdit d'avoir affaire à des gens comme lui.'
Cornouaillais de l'Est, Derrien (1980:8)


sélection par un adverbe

(5) Met al labour n'eo eno heñvel ouzh netra.
mais le travail ne1 est y pareil à rien
'Mais là, le travail ne ressemble à rien.'
Standard, Ar Barzhig (1976:32)

pas d'adjacence requise

Dans les cas où ouzh est sélectionné par un prédicat, il n'y a pas de contrainte d'adjacence avec le sélectionneur. En (6), la tête prédicative est relativisée au-dessus du complémenteur ma. La préposition ouzh apparaît plus loin dans la phrase.


(6) Ur baganez eo an hini e oa kentoc'h, stag ma oa ouzh brizhkredennoù...
un 1païenn.e est le celui R était plutôt attaché que était à .croy.ance.s
'C'était plutôt une païenne, attachée qu'elle était à des superstitions.'
Standard, ar Barzhig (1976:38)


Sémantique

Pour Le Gléau (1973:§78), "ouzh signifie un rapport étroit, mais parfois aussi une opposition". Cependant, dans l'exemple qu'il donne en (1), la notion d'opposition semble plus venir du verbe serriñ 'fermer', que de la préposition ouzh.


(1) Serret eo bet dor ar Baradoz ouzh o bugale.
ferm.é est été porte le paradis à leur2 enfant.s
'La porte du paradis fut fermée à leurs enfants.'
Breton (1930), Uguen (1930::37
cité dans Le Gléau (1973:§78)


coïncidence entre la figure et le fond

La préposition ouzh, comme war 'sur', marque une coïncidence entre la figure et le fond:


(2) botou-ler kaer ouz e dreid
chaussure.s-cuir beau à son1 pied.s
'de belles chaussures de cuir aux pieds.'
Léonard (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:21)


(3) Holl e oa buket o daoulagad ouzh Yann […].
tous R était point.é leur2 deux.œil à Yann
'Le regard de tous était pointé sur Yann […].'
Standard, Dupuy (2007:32).


(4) Kouignal a rae ar boledoù, spiniñ an divskouarn, tintal ouzh an tokoù-houarn.
couiner R1 faisait le balle.s frôl.er le deux.oreille tinter à le chapeau.x-fer
'Les balles couinaient, frôlaient les oreilles, tintaient sur les casques.'
Standard, CAPES 2005, traduction Hanotte (2000)


L'opposé sémantique de la préposition ouzh marque l'arrêt de la coïncidence entre la figure ou le fond. Sa morphologie, diouzh, consiste en un composé morphologique de ouzh et du préfixe privatif di-.


(5) N'ho pefe ket ezhomm eus kelennerien war ar jedoniezh evit lec'hioù pell diouzh an hent-houarn ?
ne1 2PL 2.aurait pas besoin de enseign.ants sur le calcul.ation pour lieu.x loin de le chemin-fer
'Vous n'auriez pas besoin d'enseignants en mathématiques pour des lieux éloignés de l'accès au train ?'
Standard, Ar Barzhig (1976:10)


noms de sentiments

La préposition ouzh peut excéder les coïncidences concrètes entre la figure et le fond ('à propos de X', 'à l'encontre de X').


(6) Truez am-eus outañ.
pitié R.1SG a à.lui
'J'ai de la pitié pour lui.'
Ar Merser (2009:'inspirer')


(7) Choa 'meus outi.
joie R.1SG a à.elle
'Je l'aime.'
Léonard, Madeg (2013:9)


(8) A-wechou e soñjo deoh e oar o farsal ganeoh hag e vo droug ouzoh.
parfois R pensera à.vous R est.on à4 rigoler avec.vous et R sera mal à.vous
'Quelquefois vous pensez qu'on plaisante avec vous alors qu'on est fâché contre vous.'
Trégorrois, Gros (1996:120)


La préposition ouzh "exprimant l'attitude, l'action morale", perd du terrain face à e-keñver et evit en Tréguier depuis au moins le début du XXe ("kriz e-kénver pour kriz ouz", Académie bretonne 1922:292).

progressif

C'est la propriété sémantique de coïncidence entre la figure et le fond qui l'a fait utiliser comme préposition fonctionnelle pour la formation du progressif. On la retrouve aussi pour marquer la coïncidence temporelle entre deux actions, comme dans les cas d'usage de son dérivé morphologique, la particule o.


(9) Pe zeiz bennak e c'hellfes dont d'am gwelout, e vin laouen atav ouzh da zegemer.
quel1 jour quelconque R pourrais venir à1 me voir R serai content toujours à te1 accueillir
'Je serai contente de t'accueillir quel que soit le jour où tu pourrais venir me voir.'
Standard, Kervella (1995:§476)


Le progressif peut être réalisé avec ouzh en dehors du système verbal dans la modification de degré progressive de type mui-ouzh-mui, 'de plus en plus'.

Expressions

De multiples expressions requièrent la préposition ouzh.

ober anv fall ouzh ub. 'faire mauvaise réputation à qq.'

(1) N'em-eus ket bet klevet morse ober ano fall ebed outi.
ne1 R.1SG a pas eu entend.u jamais faire nom mauvais aucun à.elle
'Je n'ai jamais entendu personne lui donner mauvaise réputation.'
Cornouaillais (L'Hôpital-Camfrout), Le Gall (1957:'ano')

Arguments doubles

Certaines prépositions comme ouzh peuvent sélectionner deux fois le même argument (mui-ouzh-mui, keñver-ouzh-keñver, tamm-pe-damm, mui-pe-vui...). Il ne s'agit pas de reduplication à proprement parler.


Diachronie

On trouve des occurrences de la préposition ouzh en breton classique, et bien avant. En (1), le syntagme dont il est la tête est antéposé.


(1) Ouz da map quer groa ma erbet
à ton1 fils cher fais [VP me2 recommander _ ]
'Recommande-moi à ton cher fils.'
Breton pré-moderne (1879), P. 222
cité dans Le Roux (1957:412)

Bibliographie

  • Hemon, R. 1955. 'Dre, selaou, selaou ouzh, klevout, klevout ouzh', Hor Yezh 6/6.
  • Kersulec, Pierre-Yves. 2014. 'Le progressif dans le breton de l'Ile de Sein : éléments d'analyse', Études Celtiques, XL, 251-285.
  • Ledunois, Jean-Pierre. 2002. La préposition conjuguée en breton, thèse, Skol-Veur Roazhon, Atelier National de Reproduction des Thèses. (p. 310-)