Système d'accord
Le système d'accord breton régit l'apparitioon des morphèmes d'accord entre le sujet et le verbe conjugué. L'élément immédiatement remarquable est un effet de complémentarité entre le morphème d'accord et la prononciation du sujet.
La phrase en (1) montre deux propositions. Regardons d'abord la seconde: le sujet n'est pas réalisé morphologiquement de façon indépendante, et le verbe apparaît avec les traits de troisième personne pluriel (3PL). Comme ce serait le cas en espagnol ou en italien, la morphologie verbale est un accord riche: la morphologie de l'accord verbal réalise les traits du sujet. Dans la première proposition cependant, le sujet ar c'hezeg-ze 'ces chevaux' est 3PL mais son verbe est 3SG. La morphologie verbale est celle de l' accord gelé: les traits du sujet réalisé pourraient varier sans que la morphologie de l'accord change ses traits 3SG.
(1) | Ar c'hezeg-ze | a | zo | hualet | ha, | daoust | da | ze, | e | c'haloupont. | ||||||||
le 5chevaux-là | R1 | est | entrav.é | et | malgré | de1 | ça | R4 | galopent | |||||||||
'Ces chevaux-là sont entravés et, malgré cela, ils galopent.' | ||||||||||||||||||
Standard, Le Bozec (1933:48) |
Morphologie
le paradigme d'accord en breton
On dit que deux mots ou expressions s'accordent si elles ont les mêmes valeurs pour leurs traits grammaticaux (personne, genre, nombre). En breton, l'accord se fait en personne, et en nombre, mais pas en genre. Les distinctions de genre autour de l'accord viennent toujours d'un rajout d'information apporté par un paradigme pronominal.
Les verbes bretons se conjuguent aux trois personnes (première, deuxième, troisième), au singulier comme au pluriel. Comme dans toutes les langues celtiques, ils se conjuguent aussi avec une personne supplémentaire, l'impersonnel -er qui n'a pas d'équivalent lexical.
(2) | Ne | vennont | ket | krediñ | e | c'heller | bout | dishañval | doc'hte. | |||||||||
ne1 | veulent | pas | croire | R4 | peut.on | être | dé.pareil | de.eux | ||||||||||
'Ils ne peuvent croire que quiconque soit différent d'eux.' | ||||||||||||||||||
Vannetais, Herrieu (1994:249) |
Il s'agit bien dans le cas des verbes d'un système accord, et non de l'incorporation morphologique d'un pronom comme dans le paradigme des prépositions. L'absence de genre dans l'accord en est un des signes: les prépositions conservent le marquage genré d'un pronom incorporé, alors que l'accord efface cette distinction. Le conjoint gauche de la coordination dans l'objet d'une préposition peut s'incorporer, alors que le conjoint gauche de la coordination dans le sujet d'un verbe ne le peut pas (Jouitteau & Rezac 2006).
(3) | Ful | ha | strak | a vije | bet | etrezañ | hag | ar Gastafiorenn ! | ||||||||||
étincelles | et | /strak/ | R1 serait | été | entre.lui | et | le 1Castafiore | |||||||||||
'La Castafiore et lui, ça aurait fait des étincelles !' | ||||||||||||||||||
Standard, Kervella (2001:6) |
(4) | Chom | a | rae | etrezi | _ | hag | ar | gorrien. | |||||||||
rester | R1 | faisait | entre.elle | [ | et | le | 1nain.s ] | ||||||||||
'Cela restait entre elle et les nains.' | |||||||||||||||||
Standard, Jouitteau & Rezac (2006:x) |
(5) * | Dec'h | ec'h | erruas | _ | hag | ar | gorrien. | ||||||||||
hier | R+C,4 | arriva | [ | et | le | 1nain.s ] | |||||||||||
'Elle et les nains arrivèrent hier.' | |||||||||||||||||
Standard, Jouitteau & Rezac (2006:x) |
La morphologie verbale inclut aussi le temps, le mode et l'aspect. En breton, seul l'élément tensé, verbe lexical ou auxiliaire, est susceptible de porter l'accord en personne et en nombre avec le sujet.
Ce n'est pas le cas dans toutes les langues indo-européennes. En français, le participe porte parfois des marques de genre et de nombre (Les chaussettes sont reprisées ensemble). En portugais, les verbes infinitifs portent les traits de leur sujet. Dans certaines langues non-indo-européennes, il est courant de voir plusieurs éléments d'une même phrase porter les traits du sujet (par exemple en ibibio, en kilega ou en swahili, langues nigéro-congolaises).
la forme de l'accord gelé
La forme de l' accord gelé est toujours la forme 3SG correspondante dans l'accord riche. cette correspondance reste parfaite à travers la variation dialectale des réalisations de troisième personne. En (1), le sujet 1PL ni est réalisé devant son verbe, qui porte, lui, la marque de la troisième personne (au futur, -o).
(1) | ma | ne | zihunont | ket | ar | wech-man, | ni | ouezo | petra | d'ober. | |||||||||||
si4 | ne1 | réveillent | pas | le | 1fois-ci | nous | R1 | saura | quoi | de faire | |||||||||||
'Si cette fois-ci ils ne se réveillent pas, nous saurons quoi faire.' | |||||||||||||||||||||
Léonard, Perrot (1907:33) |
On peut voir qu'il s'agit réellement d'un accord 3SG, plutôt qu'une absence d'accord. Les traits 3SG sont souvent réalisés au présent par un morphème vide, mais on voit des modifications de la racine sur certains verbes irréguliers, et dans certains dialectes un morphème de flexion -a apparaît.
En (2), le verbe 'savoir' montre ces deux phénomènes en même temps. D'une part, l'infinitif en gout montre une modification de racine en goui lorsqu'il est conjugué (McKenna 1978:201). Le morphème -a est ajouté à cette racine. C'est à la fois la marque du 3SG et celle de l'accord pauvre (me ouia, 'je sais', McKenna 1978:201): en (2), le -a persisterait avec un sujet postverbal pluriel an dud 'les gens'.
(2) | /hwia | tš | ndeiŋ' | kèr | pïta | reï | namzir / | ||||||||||
ouia | ket | en den | kaer | petra | e rei | an amzer. | |||||||||||
ne1 | sait | pas | on | bien | quoi | R1 fera | le temps | ||||||||||
'On ne sait pas très bien ce que le temps donnera.' | |||||||||||||||||
Guémené-sur-Scorff, McKenna (1978:170) |
verbes à modification de leur racine
Le verbe gouzout 'savoir' est assez isolé dans cette modification de la racine, mais la modification est persistante à travers les spécificités dialectales.
(3) | Ar re-se | a | houie | penaos | edo | eat | kuit. | ||||||||||
le ceux-là | R1 | savait | comment | était | all.é | parti | |||||||||||
'Eux savaient comment il était parti.' | |||||||||||||||||
Léonard (Lesneven/Kerlouan), Y. M. (04/2016b) |
(4) | An nen | ne | oar | ket | bepred. | ||||||||||||||
le homme | ne1 | sait | pas | toujours | |||||||||||||||
'On ne sait pas toujours.' | |||||||||||||||||||
Cornouaillais (Riec), Mona Bouzeg, c.p. (01/2009) |
On pourrait chercher si des locuteurs ont pour 'pouvoir' un infinitif en gallout et un paradigme en gell-.
négatif de l'impératif
Au négatif, l'impératif est associé au complémenteur na. L'accord verbal peut alors n'être pas réalisé.
(1) | Na | ra | ket | darngofad | mar | kerez | paneogwir | zo | boued | frank. | ||||||||
ne ! | fa.it | pas | petit.ventr.ée | si | aimes | puisque | est | nourriture | plein | |||||||||
'Ne va pas te priver, parce qu'il y a largement de quoi.' | ||||||||||||||||||
Trégorrois (Perros-Guirec), Konan (2017:64) |
Il est difficile de deviner s'il s'agit d'une absence d'accord ou d'un accord gelé à la personne 3, car le verbe gouzout 'savoir' qui pourrait faire la différence ne s'utilise pas à l'impératif négatif.
dialectes en -a, -ev, -ef, -s au 3SG
Dans certains dialectes du Sud et jusqu'en breton central, une voyelle ou une consonne apparaissent régulièrement à la troisième personne du singulier au présent de l'indicatif.
On relève une 3SG en -a à Malguénac (Le Pipec 2000), à Groix (Ternes 1970:252), à Riantec près de Lorient, dans le breton de Mona Bouzec à Riec, à Duault. Timm (1987a:260,fn30) en relève de façon sporadique à Carhaix. En breton central, c'est un -f. À Plozévet en Cornouaille du Sud, il s'agit d'un /-v/ final (Goyat 2012:277). À Briec et a Locronan, il s'agit d'un -s (Noyer 2019:239, A-M. Louboutin (10/2021)).
(1) | /xa | gãza | nur | ze:biɲ / | |||||||||||||
Int | ' | gomza | en ur | zebriñ. | Équivalent standardisé | ||||||||||||
eux | R1 | parle | en1 | manger | |||||||||||||
'Ils parlent tout en mangeant.' | |||||||||||||||||
Vannetais (Groix), Ternes (1970:252) |
(2) | Ioñ | ' | bollûa | en | dud | ha | tout ! | |||||||||
lui | R1 | pollue.3SG | le | gens | et | tout | ||||||||||
'Il pollue les gens y compris !' | ||||||||||||||||
Vannetais (Riantec), RJ. | ||||||||||||||||
collecté par B. Allaire, dico parlants 2018 |
(3) | [ jãn | zo | ' | bygœl | a | labuʁa | 'mat | baʁ | skol ] | ||||||||
Yann | ' | zo | bugel | a | laboura | mat | e-barzh ar | skol. | |||||||||
Yann | R1 | est | un | enfant | R1 | travaille | bien | dans.le | école | ||||||||
'Yann est un enfant qui travaille bien à l'école.' | |||||||||||||||||
Breton central (Duault), Avezard-Roger (2004a:248) |
Notons en contraste le -a de l'impératif 2SG.
(4) | Laka | ar | gwer | war | an | daol. | |||||||||||||||
mets | le | verres | sur | le | table | ||||||||||||||||
'Mets les verres sur la table.' | |||||||||||||||||||||
Trégorrois, Stephens (1982:164) |
En breton central, les bases verbales finissant par une voyelle sont réalisées en -ef. On retrouve la même finale, mais voisée, à Plozevet.
(5) | ' | Bassef | ket | kalz | a | dud. | ||||||||||||||
ne1 | passe | pas | beaucoup | de1 | gens | |||||||||||||||
'Il ne passe pas beaucoup de gens.' | ||||||||||||||||||||
Breton central (Poullaouen), locuteur né vers 1910, Favereau (1984:439) |
(6) | / me | go·zef / | / ẉi | valef / | / h~̝ɛz ãnef / | / pe | dɔstef / | ||||||||||||||
moi | R1 | vieillit | vous R1 | marche | lui R1 sait | quand1 | approche | ||||||||||||||
'Je vieillis', 'Vous marchez', 'Il sait', 'quand il/elle approche' | |||||||||||||||||||||
Breton central, Wmffre (1998:38) |
Plozévet, Goyat (2012:277): Les verbes à finales conjuguées vocaliques (/e/ est la plus fréquente, mais aussi /ɛ/, /i/ et /y/) voient un /-v/ final épenthétique s'ajouter à la 3e personne du singulier de l'indicatif présent […]. Ce /-v/ final peut bien sûr se dévoiser, conformément aux règles habituelles. Exemples : /ma va'le:v/, ma valev, /'ba:le/, bale, 's'il/elle marche' /pa ba'se:v/, pa basev, /pa'sea/, pasea, 'quand il/elle passe' /ma ɡõti'nyv/, ma gontinuv, /kõti'nɥi/, koñtinui, 's'il/elle continue'
Cornouaille (Briec), Noyer (2019:239): Quelques verbes dont la base finit par une consonne phonétique peuvent aussi être suffixées en -s. Dans ce cas, une voyelle phonétique est ajoutée à la base. [koˈsɐːt] (koshaat), base: [kos] [nim goˈzeis ˈato] Ni a goshes atao 'Nous vieillissons toujours.' Les verbes dont la base finit par un r orthographique finissent en fait par une voyelle car le -r final est généralement réalisé comme une voyelle. [ˈseʁɪ] (serriñ), base: [seʁ/sæa] [eɔ᷉ zæʁsn nɔʁ hæːʁ] Eñ a serres an nor herr 'Il claque les portes.'
(7) | Met | plec'h | emout ? | An | dud | hag a | velon | a | valez | abaoe. | ||||||||||
mais | où | es | le 1 | gens | que R1 | vois | R1 | marche.3SG | déja | |||||||||||
'Où es-tu ? Les personnes que je vois marchent déjà.' | ||||||||||||||||||||
Cornouaillais (Locronan), A-M. Louboutin (10/2021) |
Syntaxe
l'effet de complémentarité, première approche
L'effet de complémentarité, appelé aussi principe de complémentarité est décrit par de nombreux auteurs (entre de multiples autres, Le Clerc 1986:62, Fave 1998:83-86, Stump 1984:292...), et rapporté dans tous les dialectes.
Son signe prototypique est l' accord pauvre, aussi dit accord gelé qui montre la marque 3SG quels que soient les traits d'un sujet réalisé. Cela est vrai que ce sujet soit lexical ou pronominal. En (1), les traits de seconde personne et du pluriel sont portés uniquement par le pronom sujet indépendant c'hwi 'vous'. La morphologie d'accord verbal, elle, est à la troisième personne singulier.
(1) | pan | eo | c'hwi | a | deu | ||||||||||||
quand1 | est | vous | R1 | vient.3SG | |||||||||||||
'puisque c'est vous qui venez.' (litt. 'qui vient') | |||||||||||||||||
Trégorrois (Tréguier), Le Clerc (1986:137) |
En (2), l'accord 3PL sur le verbe nous montre que le groupe nominal 3PL qui le suit, an daou vezvierien, ne peut pas être le sujet.
(2) | Kerkent | ha | m'eo | echu | o | c'han, | e | tihunont | an | daou | vezvierien | en eur | rei | d'ezo | taoliou-dorn. | |||||||
aussitôt | que | que4 est | fini | leur2 | chant | R4 | réveillent | le | deux | 1saoul.ards | en | donner | à.eux | coup.s-main | ||||||||
'Sitôt fini de chanter, ils réveillent les deux ivrognes à coups de claques.' | ||||||||||||||||||||||
Léonard, Perrot (1907:33) |
Pour une première approximation, il semble donc que la généralisation soit que les traits du sujet n'apparaissent qu'une seule fois dans la proposition (Stump 1984:292). En effet, la double occurrence d'un sujet réalisé et d'un verbe aux traits correspondants mène vite à l'agrammaticalité.
(3) * | Me e ran | * | Me, mont a ran | * | Te e c'hallez | ||||||||||||
moi R fais.1SG | moi aller R fais.1SG | toi R peux.1SG | |||||||||||||||
Manuel pédagogique, Kerrain (2001) |
règle naïve de non-redondance
Une règle pédagogique répandue pose que le breton, de manière générale, refuse la redondance des marques. Cette règle "naïve" est souvent assortie de l'idée que le breton serait une langue plus économique que les autres, puisqu'elle éviterait de "redire" les traits du sujet dans la mesure ou ceux-ci seraient déjà énoncés. Cette idée s'appuie sur une analogie avec le groupe nominal: le verbe ne s'accorderait pas avec son sujet de la même manière que le nom ne prend pas de marque du pluriel lorsqu'il est précédé d'un cardinal (dek vloaz mais *dek bloazhioù, c.a.d. /dix an(*s)/).
Une telle règle n'est cependant pas satisfaisante, car elle ne pourrait pas expliquer pourquoi la complémentarité est restreinte au domaine de la proposition. En (4), ci-dessous, elle prédirait par exemple faussement que le verbe 'être' enchâssé pourrait apparaître sans les traits du sujet. Au contraire, il apparaît toujours une marque du sujet (pronominale ou d'accord) dans chaque proposition, indépendamment des besoins de l'interprétation.
(4) ... | ne | oa | ket | an doareoù, | war-lerc'h | ar brezel, | ar pezh | e | oant | dek | vloaz | a-raok ... | |||||
ne1 | était | pas | le manière.s | après | le guerre | ce que [ | R4 | étaient | dix1 | an | avant ] | ||||||
'Les choses n'étaient pas, après la guerre, ce qu'elles étaient dix ans auparavant.' | |||||||||||||||||
Denez (1993:32) |
De la même façon, un sujet disloqué en périphérie droite devrait selon cette règle naïve déclencher l'accord pauvre, contrairement aux faits.
(5) | N'ouzout | ket | digant | piou | e | teuent, | al lizhiri ? | ||||||||||
ne1 sais | pas | de | qui | R4 | viennent | le lettre.s | |||||||||||
'Tu ne sais de qui elles viennent, les lettres ?' | |||||||||||||||||
Cornouaillais / Léon, Croq (1908:21) |
La règle de non-redondance prédit aussi incorrectement qu'un prédicat pluriel devrait déclencher l'accord pauvre, contrairement aux faits.
(6) | Met | bugale | e | oant ... | ||||||||||||||||
mais | enfant.s | R | étaient | |||||||||||||||||
'Mais c'était des enfants...' | ||||||||||||||||||||
Cornouaillais (Ploéven), Gouérec (2018:4) |
Les redondances peuvent donc être multiples, comme les marques du pluriel en (7).
(7) | Edont | aze | tregont | bennak, | gwazed | ha | merc'hed | o | labourat. | ||||||||
étaient | là | trente | quelque | hommes | et | femme.s | à4 | travailler | |||||||||
'Ils étaient là une trentaine, hommes et femmes, à travailler.' | |||||||||||||||||
Standard, Herri (1982:19) |
La règle d'évitement de la redondance sémantique est trop puissante, et ne rend pas compte des faits. On va voir maintenant qu'il est possible et même obligatoire dans des cas bien définis d'avoir deux marqueurs du sujet dans une même proposition.
inventaire des cas avec un sujet et son accord dans la même proposition
Les exceptions à la complémentarité entre les traits d'un sujet réalisé et un accord verbal dans la même proposition sont, en standard et dans la plupart des dialectes:
- modification plurielle d'un sujet incorporé (quantifieur flottant, modification de type o daou 'eux deux')
- les sujets séparés du verbe par la négation (avec une tendance dans certains dialectes à la régularisation)
- les cas de résomption du sujet
- les pronoms écho (Petra 'ouzon-me?, 'Est-ce que je sais, moi ?')
le verbe 'avoir'
Le verbe kaout, ou endevout 'avoir' est exceptionnel dans la grammaire du breton, car ce verbe ne montre pas l'effet de complémentarité : il s'accorde avec un sujet lexical (4) ou un pronom non-incorporé (5). Il s'accorde de plus sur sa gauche alors que les autres verbes s'accordent tous sur leur droite. Finalement, il peut aussi marquer deux fois l'accord en personne comme en (4) et (5).
(4) | An dud | o doa | ur sell | stard, | du. | ||||||||||||||
le 1gens | 3PL 3.avait | un regard | dur | noir | |||||||||||||||
'Les gens avaient un regard dur, noir.' | |||||||||||||||||||
Breton central (Plouyé), Spered Ar Yezh (2002) |
(5) | C'hwi | ho-peus | laret | din ! | ||||||||||||||
vous | 2PL 2.a | d.it | à.moi | |||||||||||||||
'C'est vous qui me l'avez dit !' | ||||||||||||||||||
Standard |
C'est très important pour la compréhension du système d'accord, car cela montre que ce n'est pas la nature du groupe nominal sujet en breton qui est la source de l'effet de complémentarité. Les pronoms comme les groupes nominaux en breton sont constitués de façon à pouvoir déclencher un accord verbal.
Dans quelques dialectes, ce verbe a tendance à régulariser son système d'accord sur celui des autres verbes. Pour plus de détails, voir Jouitteau & Rezac (2009) et, sur ce site, la page sur kaout.
modification plurielle d'un sujet incorporé
En (6), le sujet est composé de l'adverbe tout qui est un quantifieur flottant, et de son objet 3PL qui a été incorporé. Suite à l'incorporation, tout a été antéposé en zone préverbale, où la mutation consonantique mixte D>T sur le verbe le signale comme adverbial.
(6) | Ur bern | tud | ' | vo | 'ba | 'n eured, […] | ha | tout | ' | teuint | da | heul. | |||||||
un tas | gens | R | sera | dans | le noces | et | tout | R4 | viendront | à1 | suivre | ||||||||
'Un tas de gens viendront au mariage […], et tous viendront à la suite.' | |||||||||||||||||||
Cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:II) |
En (7), le sujet interprété est int o daou, littéralement /eux leur deux/ 'eux deux'. La tête pronominale du groupe sujet a été incorporée dans le complexe verbal, puis le complément du nom a été antéposé. L'initiale du verbe montre que ce qui le précède n'est pas le sujet (c'est un sous ensemble du sujet).
(7) | O daou | emaont | memes | oad. | ||||||||||||||
leur2 deux | sont | même | âge | |||||||||||||||
'Les deux ont le même âge.' | ||||||||||||||||||
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:15) |
- o daou e chomont dilavar eur pennad.
- 'Les deux se turent un moment.'
- Filomena Kadored, 'An daou gristen', Kroaz ar Vretoned, [10/09/1916]
En trégorrois, les mêmes faits sont répliqués en (8), mais la distribution des rannigs est erratique.
(8) | Ma | zud | na | c'houlent | ket | miret | ahanon. | O daou | a labourent | er-maes. | ||||||||||||
mon2 | gens | ne.R1 | demandaient | pas | garder | P.moi | leur2 deux | R1 travaillaient | dehors | |||||||||||||
'Mes parents ne voulaient pas me garder. Ils travaillaient dehors tous les deux.' | ||||||||||||||||||||||
Trégorrois, Gros (1966:11) |
- o-daou e oant everien fall a zour
- 'Les deux étaient de piètres buveurs d'eau.'
- Angela Duval, 'Un azen etre daou', mars 1966.
C'est important pour comprendre le système d'accord, car cela montre bien que ce n'est pas le fait que le sujet soit réalisé qui empêche l'accord riche. L'accord avec le sujet est lié à son incorporation: si un sujet est incorporé, alors on obtient un accord riche.
sujet prénégation
En standard et dans la plupart des dialectes, un sujet devant la négation entraine obligatoirement un accord riche sur le verbe, comme décrit dans De Rostrenen (1738:178), Vallée (1926:39ff), Hardie (1948:162f), Kervella (1947:168), Le Roux (1957:Ch.II), Denez (1972:112), Hemon (1975a:273f, 1975b:63), Urien & Denez (1979/1980), Stephens (1982:218), Stump (1984, 1989), Schafer (1995), Schapansky (1996), Jouitteau (2005/2010), Jouitteau et Rezac (2006), Hewitt (2010b)...
(8) | An dud | ne | oant | ket | ker | sot | an eil | gant | egile. | |||||||||
le 1gens | ne1 | étaient | pas | tant | sot | le second | avec | autre | ||||||||||
'Les gens n'étaient pas aussi sots les uns avec les autres.' | ||||||||||||||||||
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:11) |
Stump (1984:292), remarquant ces faits, propose que le sujet prénégation, à l'emphase obligatoire, était en fait en dehors de la proposition, dans une zone de topicalisation haute. Cependant, l'emphase n'est pas obligatoire sur le sujet prénégation.
Schafer (1995) propose qu'il s'agit d'un fait de résomptivité, dû au croisement de deux éléments A-barre: le sujet focalisé et la tête ne de la négation. Jouitteau (2005/2010:411) pointe cependant que les objets ne déclenchent pas la même résomptivité, et propose que la négation ne est un complémenteur déclenchant un that-trace effect.
Pour l'analyse de l'accord, ces hypothèses reviennent à considérer que l'accord riche est dans ces structures le résultat d'une incorporation du sujet.
exceptions dialectales de régularisation
Il existe quelques variétés de breton dans l'aire Sud dans lesquelles un sujet prénégation ne force pas l'accord. Pour le cornouaillais, Stump (1984:293, n.2) en note des traces dans la grammaire de Trépos et on en trouve des exemples dans un entretien de Mona Bouzeg. Cheveau (2007:214) en relève en vannetais, on en trouve aussi des traces à Guérande selon l'ALBB. Selon Ternes (1970:284), la négation a un impact sur l'accord à Groix uniquement avec les sujets pronominaux.
Pour une documentation précise et illustrée, voir l'article sur le sujet prénégation
Une variété néo-cornouaillaise pourrait aussi être en train d'émerger. Kennard (2013:91, 105) note que pour des jeunes adultes et des jeunes scolarisés dans un système immersif autour de Quimper, dans la moitié des phrases négatives avec le verbe bezañ et un sujet postverbal pluriel, le verbe montre un accord riche. Elle suggère qu'il s'agirait d'une régularisation sur le modèle de kaout 'avoir'.
(1) | N'emaint | ket | an daou gi | oc'h | ober | ar memes | tra. | ||||||||||
ne1 sont | pas | le deux1 chien | à+C,4 | faire | le même | chose | |||||||||||
'Les deux chiens ne sont pas en train de faire la même chose.' | |||||||||||||||||
Cornouaillais, Kennard (2013:91) |
résomptivité du sujet
Borsley & Stephens (1989) ont pointé que des exemples comme en (1) semblent des contre-exemples à un principe de complémentarité dans l'accord.
(1)a. | N'int | ket | deut | anezho | c'hoazh. | ||||||||||||||
ne1 sont | pas | ven.u | P.eux | encore | |||||||||||||||
'Ils ne sont pas encore venus.' | |||||||||||||||||||
Trégorrois, Borsley & Stephens (1989) |
(1)b. | N'int | ket | bras | anezho. | ||||||||||||||
ne1 sont | pas | grand | P.eux | |||||||||||||||
'Ils ne sont pas grands.' | ||||||||||||||||||
Trégorrois, Borsley & Stephens (1989) |
Ces pronoms qui doublent le sujet ne sont jamais incorporables sur le verbe, mais dans une préposition support, sémantiquement vide. Ce sont des structures à résomption du sujet, où un pronom double le sujet réel de la phrase.
résomptivité prédicative équative
La plus répandue est la résomption prédicative équative, présente dans tous les dialectes, sans restriction en personne, en phrases positives comme négatives. Elle est restreinte aux verbes équatifs.
(2) | Ni, | Breur | Arzhur, | a | zo | da | vezañ | menec'h | ac'hanomp… | |||||||||||
nous | Frère | Arthur | R1 | est | pour1 | être | [SC | moine.s | P.nous ] | |||||||||||
'Nous, frère Arthur, sommes destinés à être moines…' | ||||||||||||||||||||
Standard, Drezen (1990:53) |
résomptivité 'à la cornouaillaise'
La résomption du sujet 'à la Cornouaillaise' est une construction restreinte à la personne 3, et aux contextes monotones décroissants ou strictement aux contextes négatifs. On peut voir que le pronom résomptif n'influence pas l'accord, qui peut être riche (3) ou pauvre (4).
(3) | Ne | rafent | ket | an dra-se | anezo, | koulskoude ! | |||||||||||
ne1 | feraient | pas | le chose-là | P.eux | cependant! | ||||||||||||
'Ils ne feraient tout de même pas cela !' | |||||||||||||||||
Cornouaillais, Trépos (2001:444) |
(4) | /in 'ɥɛl | -ən cə | 'mi | nin'tʁa: | nɛ / | ||||||||||||||
Int 'wel | -int ket | mui | netra | anezhe. | |||||||||||||||
eux 1voit.3SG | -eux pas | plus | rien | P.eux | |||||||||||||||
'Ils ne voient plus rien.' | |||||||||||||||||||
Cornouaillais (Névez), Desseigne (2015:40) |
mouvement A-barre du sujet
Lorsqu'un sujet est focalisé par mouvement A-barre à longue distance, à travers des domaines propositionnels différents, l'accord montre un doublage pronominal de ce sujet. En (5), c'est par exemple le sujet d'un passif.
(5) | Toud | ar rehier … | a | lavarfed | ez | int | bet | savet | gwechall. | ||||||||
tout | le pierre.s | R1 | dirait.on | R+C,4 | sont | été | dress.é | autrefois | |||||||||
'Il a été dit que les pierres ont été dressées il y a longtemps.' | |||||||||||||||||
Urien (1989:211) |
les pronoms écho
Les pronoms écho peuvent doubler n'importe quel pronom, indépendant ou incorporé. Ils sont distribués indépendamment de l'accord: en (6), ils doublent un accord riche, en (7), ils doublent un sujet précédant un accord pauvre.
(6) | M'eus | ket | soñj | pegement | a | dud | oant | ind. | |||||||||
R.1SG a | pas | souvenir | combien | de1 | gens | étaient | eux | ||||||||||
'Je ne me rappelle pas combien ils étaient.' | |||||||||||||||||
Vannetais (Arradon), Audic (2011:17) |
(7) | C'hwi | ' | zo | c'hwi | un | c'hwil. | ||||||||||||||
vous | R1 | est | vous | un | loustic | |||||||||||||||
'Toi, tu es un loustic.' | ||||||||||||||||||||
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:76) |
Dans la phrase, ils peuvent apparaître uniquement après le verbe conjugué dans le champ du milieu, et leur distribution flottante semble y être celle des traces de remontée d'un sujet, préverbal ou incorporé. Les pronoms écho apparaissent aussi dans les groupes nominaux.
Dans leur invisibilité pour l'accord, et aussi car ils peuvent doubler les résomptifs aux personnes 1 et 2 (Stephens 1982:254-5, Hendrick 1988:44), les pronoms écho du breton sont très différents des pronoms écho du gallois.
Pour une documentation précise et illustrée, voir l'article sur les pronoms écho.
incises postverbales
Un sujet en incise dans l'espace postverbal n'est pas visible pour l'accord (cf. ... hag e verz an div vaouez...).
(1) ... | hag | e | verzont, | an | div | vaouez, | int | bet | er | memes | klas | ar | memes | bloavezh. | |||||||
et | R4 | remarquent | le | deux1 | femme | sont | été | dans.le | même | classe | le | même | ann.ée | ||||||||
'... et les deux femmes réalisent qu'elles ont été dans la même classe la même année.' | |||||||||||||||||||||
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), Gaudart (2022:15) |
Analyse
l'accord gelé comme résultat d'un intervenant 3SG pour l'accord
Jouitteau (2005/2010:chap 4), Jouitteau & Rezac (2006, 2008, 2009) proposent que lorsque le verbe apparaît avec une morphologie qui coïncide avec celle des traits 3SG, il s'accorde vraiment avec une entité 3SG. Cette entité 3SG est la projection verbale elle-même (FP, la projection du VP étendu, qui contient le sujet).
La localité impose, en breton comme dans tous les systèmes d'accord, que le verbe s'accorde avec l'élément le plus proche de lui, quel que soit cet élément. Lorsque le sujet est un pronom incorporé, le verbe breton le "voit en premier" et s'accorde avec lui. Lorsque le sujet, bas dans la structure, n'est pas incorporé, il contenu dans la structure verbale, et l'élément le plus proche du verbe fléchi est la projection verbale marquée pour les traits 3SG. Le verbe s'accorde alors avec ces traits 3SG, qui n'ont pas de contenu sémantique. Quels que soient les traits du sujet, si FP est le plus proche du verbe, alors l'accord semble gelé.
(1) | ... | verbe.sujet | 3SG[FP | [VP | <trace du sujet> <trace du verbe> objet | ]] | >> accord riche | |||
... | verbe | 3SG[FP sujet | [VP | <trace du sujet> <trace du verbe> objet | ]] | >> accord gelé | ||||
sujet | verbe | 3SG[FP | [VP | <trace du sujet> <trace du verbe> objet | ]] | >> accord gelé |
L'exemple en (2), est la structure pour la phrase Ar varikenn-mañ, a zalc'ha daou gant litrad. Dans ce dialecte où la morphologie 3SG est claire puisque réalisée en -a, le verbe s'est accordé avec la structure verbale étendue FP, qui porte les traits interprétables pour l'accord de 3SG. Les traits du sujet, que celui-ci soit préverbal ou post-verbal, ne sont jamais lors de la dérivation l'élément le plus proche pour l'accord, car le sujet est directement remonté de la position interne à FP à la position initiale de focus.
(2) | Ar | varikenn-mañ, | a | zalc'ha | daou gant | litrad. | |||||||||||
le | 1barrique-ci | R1 | contient.3SG | [FP | [VP <le 1barrique-ci> | <contenir> | deux cent | litr.ée ]] | |||||||||
'Cette barrique-ci contient deux cents litres.' | |||||||||||||||||
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:27) |
En substance donc, la présence de cet intervenant structural dans la structure de la phrase bretonne est la cause de l'effet de complémentarité car c'est lui qui, lorsque le sujet est plus bas que lui, déclenche une morphologie d'accord aux traits 3SG.
prédictions sur les pronoms sujets non-incorporés
Les sujets lexicaux, les pronoms forts indépendants et les pronoms démonstratifs ne s'incorporent pas, et sont associés à l'accord pauvre.
Lorsque, tout à fait exceptionnellement à travers les dialectes, on trouve des sujets pronominaux postverbaux non-incorporés, ceux-ci sont associés à l'accord pauvre comme un sujet lexical normal, car comme lui ils ne s'incorporent pas.
pronoms de focus identificationnel
En Léon, Trégor ou en vannetais, un pronom postverbal qui marque un focus identificationnel peut ne pas s'incorporer et rester sans déclencher l'accord riche sur le verbe.
(3) | Ar | penneka | dén | eo | c'hwi. | |||||||||||||
le | têt.u.le.plus | personne | est | vous | ||||||||||||||
'Le plus têtu c'est vous.' | ||||||||||||||||||
Léonard, Seite (1975:90) |
(4) | Penoz | vez | te | ar mab | am boa | ganet ? | |||||||||||
comment | R | est | toi | le fils | R.1SG 1.avait | n.é | |||||||||||
'Comment es-tu le fils dont j'ai accouché ?' | |||||||||||||||||
Trégorrois (Plouguiel), Laurent (1971:48) |
C'est manifestement plutôt un trait archaïsant qui se retrouve aussi dans les chansons.
(5) ... ar plac'h eo c'hwi, an naer eo me...
- 'Vous êtes la fille, je suis le serpent.'
- Breton pré-moderne (fin XIXe), An Uhel (1984:276)
(6) | Hag | a | lavar, | Silvestrig, | ez | eo | c'hwi | zo | kiriek. | ||||||||
et | R | dit | Silvestrig | R+C | est | vous | R1 | est | coupable | ||||||||
'Et qui dit, Silvestrig, que vous êtes le coupable.' | |||||||||||||||||
Silvestrig, chanson traditionnelle |
Ces pronoms peuvent être modifiés par une relative.
(7) | Avañset-kaer | Margaritig, | pend | eo | c'hwi | zo | ma | c'hoant. | |||||||||
avancé-bien | Margaritig | quand+C,1 | est | vous | R1 | est | mon2 | envie | |||||||||
'Vous êtes bien avancée Margaritig, puisque c'est vous que je veux' | |||||||||||||||||
Vannetais (Languidic), Crahe (2013:335) |
Dans l'hypothèse de Jouitteau & Rezac, ces sujets pronominaux ont les mêmes propriétés qu'un sujet lexical, situé assez bas, à l'intérieur de la structure verbale étendue qui est l'intervenant pour l'accord.
pronoms postverbaux en cornouaillais de l'Est maritime et vannetais
On trouve aussi un sujet pronominal 3PL postverbal en cornouaillais de l'Est. L'accord verbal est alors gelé aux traits 3SG, comme s'il s'agissait d'un sujet lexical.
(1) | Hegarat | tre | eo-int ! | ||||||||||||||
aimable | tout-à-fait | est-eux | |||||||||||||||
'Ils sont très aimables !' | |||||||||||||||||
Haut-cornouaillais du Nord, Keit Vimp Bev (1984:22) |
Saint-Yvi
Dans le breton de Saint Yvi (German 2007:174), ces pronoms semblent emprunter leur morphologie aux démonstratifs, qui par ailleurs n'ont pas à subir l'incorporation.
(2) | Benn | eo | kouet | hè | barz. | ||||||||||||
quand | est | tomb.é | 3PL | dedans | |||||||||||||
'Quand ils sont tombés dedans.' | |||||||||||||||||
Cornouaillais (Saint-Yvi), German (2007:174) |
(3) | Benn | eo | maro | hè. | |||||||||||||
quand | est | mort | 3PL | ||||||||||||||
'Quand ils sont morts.' | |||||||||||||||||
Cornouaillais (Saint-Yvi), German (2007:174) |
En (4), tournure innovative restreinte à certaines expressions et à certains locuteurs en breton de Saint-Yvi, le sujet est un pronom incorporé dans la préposition support a et gagne tout le paradigme.
(4) | oar ket 'hanon. | oar ket 'hanout. | oar ket naoñ. | oar ket nei. | oar ket 'hanom. | ||||||||||||
sait pas P.moi | sait pas P.toi | sait pas P.lui | sait pas P.elle | sait pas P.nous | |||||||||||||
'Je /tu / il / elle / on ne sait pas.' | |||||||||||||||||
Saint-Yvi, German (2007:175) |
(5) | Bé | vi | ahanom | ' | hond | da | Sant Ivi. | ||||||||
quand | était | P.nous | à4 | aller | à | Saint-Yvi | |||||||||
'Quand nous avions l'habitude d'aller à Saint-Yvi.' | |||||||||||||||
Saint-Yvi, German (2007:177) |
Briec
(6) | [ bez | e | bed | o mæa | la | va | he᷉ ŋ | pinˈviˑdik] | |||||||||
Bez | eo | bet | ur mare, | lâr (a) | oa | int | pinvidik. | ||||||||||
être | est | été | un moment | que | était | eux | riche | ||||||||||
'Il fut un temps où ils étaient riches.' | |||||||||||||||||
Cornouaillais (Briec), Noyer (2019:245) |
Riec, Bannalec
On trouve aussi des pronoms sujet pronominaux postverbaux 3PL ('eux') dans le breton de Mona Bouzeg en cornouaillais de l'Est maritime, et dans Bouzec & al. (2017) pour Riec et Bannalec (mais pas jusqu'à Moëlan). Il est reporté orthographié yé ou yê, apparemment indistinctement. Le pronom, non-incorporé, déclenche l'accord pauvre 3SG comme un groupe nominal le ferait. Cet effet est uniforme sur tous les types de verbes, auxiliaire ou verbe lexical, transitif ou intransitif, à l'actif comme au passif.
(1) ... | lerc'h | vêè yê | berni't | da | r'hotoz | beut | gwenntaed. | |||||||||||
e-lec'h ma | vezent | berniet | da | c'hortoz | bout | gwentet. | Équivalent standardisé | |||||||||||
où que4 | était eux | tass.é | pour1 | attendre | être | vanné | ||||||||||||
'... où ils étaient entassés en attendant d'être vannés.' | ||||||||||||||||||
Cornouaillais de l'Est, Bouzec & al. (2017:264) |
(2) ... | mag't | vê yè | mat | ganom. | ||||||||||||||
maget e | vezont | mat | ganeomp. | Équivalent standardisé | ||||||||||||||
nourr.i R4 | est eux | bien | avec.nous | |||||||||||||||
'... nous les nourrissons abondamment.' | ||||||||||||||||||
Cornouaillais de l'Est, Bouzec & al. (2017:301) |
(3) | Tout | na-yè | zaet | o fenn | sar | lak' | o | dorn | huch | o | daoulagad... | ||||||
Tout | o doa | savet | o fenn | e-ser | lakaat | o | dorn | a-us | o | daoulagad... | Équivalent standardisé | ||||||
tout | 3.avait-eux | lev.é | leur2 tête | en | mettre | leur2 | main | en-haut | leur2 | deux.œil | |||||||
'Tous ont levé la tête en se protégeant les yeux de la main...' | |||||||||||||||||
Cornouaillais de l'Est Bouzec & al. (2017:416) |
(4) | Don' | ra | ' | waz'd | téo | benn | gouséf yè. | ||||||||||
Dont | a | ra | ar | wazed | tev | pa | goshaont. | Équivalent standardisé | |||||||||
venir | R | fait | le | 1hommes | gros | quand1 | vieil.it eux | ||||||||||
'En vieillissant les hommes grossissent.' | |||||||||||||||||
Cornouaillais de l'Est maritime, Bouzec & al. (2017:89) |
(5) | Anou'd | meus | da | ma | sreid, | yeign-sklass | 'ma-yè. | ||||||||||
Anoued | em eus | da | ma | zreid | yen-sklas | emaint. | Équivalent standardisé | ||||||||||
froid | R.1SG a | à1 | mon2 | pied.s | froid-INT | est eux | |||||||||||
'J'ai froid aux pieds. J'ai les pieds gelés.' | |||||||||||||||||
Cornouaillais de l'Est, Bouzec & al. (2017:381) |
(6) | Digoéo | raêè-yè | deus | parézioù | tal-kichen. | ||||||||||||
Degouezhout | a | raent | eus | parrezioù | tal kichen. | Équivalent standardisé | |||||||||||
arriver | R | faisait eux | de | parroisse.s | front-à-côté | ||||||||||||
'Les gens venaient aussi des communes voisines.' | |||||||||||||||||
Cornouaillais de l'Est Bouzec & al. (2017:236) |
(7) | dre'n ab' | ouiè-yè | taeè | brawac'h | cherc'h | vêè | had't | melch'nn | ba | e | dous. | ||||||
dre an anbeg ma | ouient | e teue | bravoc'h ar | c'herc'h | veze | hadet | melchon | en | e | douesk. | Équivalent standardisé | ||||||
dre le raison (que4) | savait eux | R venait | beau.plus le | 5avoine | était | plant.é | trèfle | dans | son1 | dedans | |||||||
'parce qu'ils savaient que l'avoine donnait mieux lorsque planté avec du trèfle.' | |||||||||||||||||
Cornouaillais de l'Est Bouzec & al. (2017:262) |
Riantec
A Riantec près de Lorient, Benoît Allaire (2018) collecte une phrase qu'il glose en standard par un sujet incorporé dans une préposition a.
(8) | 'Gell | ķed | 'nint | hadein. | |||||||||||||
Ne | c'hell | ket | anezho | hadañ. | Glose en standardisé | ||||||||||||
ne1 | peut | pas | P.eux | semer | |||||||||||||
'Ils ne peuvent pas semer.' | |||||||||||||||||
Vannetais (Riantec), RJ., collecté par B. Allaire, dico parlants 2018 |
prédiction sur les sujets hauts
L'analyse de Jouitteau (2005/2010:chap 4), Jouitteau & Rezac (2006, 2008, 2009) prédit que la seule et unique façon d'obtenir l'accord riche est d'avoir des conditions de localité plus proche du verbe tensé que la projection FP.
(1) | ... | verbe | ... | sujet | 3SG[FP | [VP | <trace du sujet> <trace du verbe> objet | ]] | >> accord riche |
C'est évidemment le cas lorsqu'un sujet pronominal est incorporé. Les pronoms résomptifs, comme les autres pronoms faibles, doivent s'incorporer, ce qui explique que les paradigme de résomption soient associés à l'accord riche (comme dans le cas du sujet prénégation, dont la tête C déclenche des "that-trace effect", ou dans le cas de la résomption du sujet 'à la Cornouaillaise').
l'applicative du verbe 'avoir'
L'accord riche est aussi prédit lorsqu'une construction particulière promeut le sujet au-dessus de FP. Jouitteau & Rezac (2006, 2009) proposent que le verbe kaout 'avoir' en breton est analytique, de type mihi est, et qu'une structure applicative amène un sujet nominal au-dessus de la projection FP.
Jouitteau & Rezac (2008) explorent la viabilité de leur hypothèse au regard de la variation des paradigmes d'accord dans les variations dialectales du verbe kaout, 'avoir' à travers les dialectes du breton, enquête complétée depuis sur la page sur kaout de ce site.
les sujets postverbaux comme à Plougerneau
Des dialectes en Léon montrent aussi une remontée haute du sujet (1). En Léon et de façon très persistante à Plougerneau, on trouve un accord riche avec un sujet lexical postverbal.
À Plougerneau, le phénomène d'accord avec un sujet postverbal est productif et établi, en corpus comme en élicitations où il n'y a pas de pause prosodique avant le sujet et où le sujet peut porter l'information nouvelle.
(2) | O ! | Hir | a-walc'h | oant | ar fournioù PL. | ||||||||||||
Oh | long | assez | étaient | le four.s | |||||||||||||
'Oh ! Les fours étaient assez longs.' | |||||||||||||||||
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:42) |
(3) | Anvet | oant | tout ar gouverioùPL | ganeomp. | |||||||||||||
nomm.é | étaient | tout le passes | avec.nous | ||||||||||||||
'Nous avions donné un nom à toutes les passes.' | |||||||||||||||||
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:39) |
(4) | Breinañ | a | reont | ar patatezPL | e-barzh | ar boutot. | |||||||||||||
pourr.ir | R1 | font | le patates | dans | le panier | ||||||||||||||
'Dans le panier, les patates pourrissent.' | |||||||||||||||||||
Plougerne, Yvonne P., kontañ kaoz (12/2017) |
(5) | Niverus | { eo / int } | { | an dud / ar razhed / ar per }PL. | |||||||||||||
nombr.eux | est / sont | le 1gens le rats le poires | |||||||||||||||
'{ Les gens/ les rats/ les poires } sont nombreux.' | |||||||||||||||||
Léonard (Plougerneau/Diwan), M. Lincoln (05/2014) |
(6) | Louedañ | a | { ra / reont } | buan | ar c'hraonvPL. | ||||||||||||
moisir | R | fait / font | vite | le 5noix | |||||||||||||
'Les noix moisissent vite.' | |||||||||||||||||
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (01/2016) |
Le verbe chez ces locuteurs ne s'accorde jamais avec un sujet préverbal.
(7) | Ar c'hraonv | a | { goustoum / * goustoumont } | louedañ | buan. | ||||||||||||||
le 5noix | R1 | coutume / * coutument | moisir | vite | |||||||||||||||
'Les noix moisissent vite.' | |||||||||||||||||||
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (01/2016) |
(8) | An amezeien | ' | { labour / | * labourant } | maread. | ||||||||||||
le voisin.s | R | travaille / | travaillent | beaucoup | |||||||||||||
'Les voisins travaillent beaucoup.' | |||||||||||||||||
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (01/2016) |
Lors de futures recherches, il serait souhaitable de vérifier que des sujets indéfinis et des noms nus, qui ne sont pas dislocables à droite, provoquent bien les mêmes faits d'accord.
En (1), l'accord n'est pas optionnel, et le locuteur ne produit aucune pause prosodique en élicitation.
(1) | Gwelet | a | reoc'h | ec'h | en em | gav*(ont) | an dudPL. | ||||||||||
voir | R1 | faites | R+C,4 | se1 | trouve | le 1gens | |||||||||||
'Vous voyez que les gens arrivent.' | |||||||||||||||||
Léonard, (Lesneven), A.M. (02/2016) |
Timm (1995:fn18), avait signalé en note, sans précision de sa source, que "pour ceux des dialectes qui permettent l'accord du verbe avec un sujet postverbal, il semble hautement probable que (iii) soit acceptable et (iv) ne le soit pas".
(iii) | Ne | oant | ket | deut | ar merc'hed | ||||||||||||
(iv) | Ne | oant | ket | ar merc'hed | deut | ||||||||||||
ne1 | étaient | pas | le fille.s | ven.u | le filles | ||||||||||||
'Les filles n'étaient pas venues.' | |||||||||||||||||
Dialecte ?, Timm (1995:fn18) |
à ne pas confondre
Parfois, en corpus écrit comme en (3) en vannetais, il pourrait s'agir uniquement d'une faute de ponctuation (une virgule indiquerait une dislocation à droite prédisant un tel accord, de type 'Ils sont nombreux, ceux qui en faisaient autant).
(3) | Stank | int | ar re | a | rae | kement | 'rall. | ||||||||||
nombreux | sont [ | le ceux | R | faisait | autant | autre ] | |||||||||||
'Nombreux sont ceux qui en faisaient autant.' | |||||||||||||||||
Vannetais, Herrieu (1994:233) |
Autres phénomènes d'accord
accord riche et sujet préverbal
En (1), le verbe porte les traits d'accord du sujet alors qu'il est très distant. La forme a du rannig montre que la particule verbale a réagi au sujet préverbal, signe qu'il est présent au niveau syntaxique.
(1) | Nann, | ar | re-se | pa | nie | diskarget | o | sardin | en | hañv | a yeent | gant | o | bag | da | vouilhiñ (...) | |||||||
non | le | ceux-là | quand1 | 3.avait | dé.charg.é | leur2 | sardines | en.le | été | R allaient | avec | leur2 | bateau | pour1 | mouiller | ||||||||
'Non ceux-là, quand ils avaient déchargé leurs sardines, en été, allaient au mouillage (...)' | |||||||||||||||||||||||
Cornouaillais (Douarnenez), G. Nouy | |||||||||||||||||||||||
cité par Gwendal Denez dans Pêcheurs de Douarnenez Mémoire de la ville 3 p.23. |
Blanchard (2016) transcrit un corpus oral où elle mentionne que le locuteur effectue "souvent" un accord riche avec un sujet préverbal. Un seul exemple est cependant transcrit. Dans cet exemple rescapé (2), la graphie avec la virgule et la traduction évitant un effet de focus sont consistants avec l'hypothèse que le sujet est un topique suspendu (standard Evidon-me, e skoan bremañ... ). Comme dans l'exemple de Douarnenez, le rannig a signale, cependant, que le sujet est visible syntaxiquement dans ce domaine mais la transcription peut avoir été "corrigée" pour rétablir un rannig a car le trégorrois n'a pas toujours des rannigs distincts.
(2) | Me, | a | skoan | bremañ | gant | ar | penn-mañ, | gant | an | horzh. | ||||||||
moi | R | frappe.1SG | maintenant | avec | le | bout-ci | avec | le | masse | |||||||||
'Maintenant, je frappe avec ce bout-là de la masse.' | ||||||||||||||||||
Trégorrois, Blanchard (2016) |
sujet coordonné et accord partiel
La coordination de deux groupes nominaux singuliers en position sujet obtient, comme en français, un groupe nominal pluriel. Le verbe d'un sujet pluriel réalisé par une coordination, est associé à un verbe à l'accord pauvre 3SG.
(3) | Tapet | om ! | a | zoñjas | Aogust ha me... | ||||||||||||||
pr.is | sommes | R1 | pensa | Auguste et moi | |||||||||||||||
'Auguste et moi pensâmes: on est faits !' | |||||||||||||||||||
Taldir | |||||||||||||||||||
cité dans Seite & Stéphan (1957:142) |
On trouve de très rares occurrences en corpus où le second membre d'une coordination n'est pas calculé par l'accord. En (4), le sujet coordonné est devant la négation. L'accord est à la personne 3 et non à la personne 2PL malgré le pronom à la première personne.
(4) | Ar pesked ha me | n'o deus | ket | bet | en em | aranjet | jamez ! | |||||||||||
le poisson.s et moi | ne 3PL 3.a | pas | été | se | arrang.é | jamais | ||||||||||||
'Les poissons ne me plaisaient pas.' | ||||||||||||||||||
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:13) |
les invisibilités de l'accord comme en français
Les phénomènes d'accord sémantique permettent aussi en breton l'accord à l'intérieur d'un groupe nominal complexe (La plupart des gens sont... ).
Les groupes au vocatif, ou les dislocations à droite, comme en français, semblent invisibles pour l'accord.
(5) | Tapet | oc'h | ma lapous ! | ||||||||||||||
attrap.é | êtes [ | mon2 oiseau ]3SG | |||||||||||||||
'T'es bien attrapé, mon coquin !' | |||||||||||||||||
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:13) |
Diachronie
Pour un aperçu du système d'accord en vieux brittonique commun, se reporter à Le Roux (1957:57-59).
En moyen breton, le réfléchi em n'était pas invariable comme en breton moderne et pouvait redoubler les marques du sujet (Hemon 1975:272, Widmer 2017:234). Widmer (2017:237) considère que l'accord en moyen breton dépend de la polarité de la phrase (positive vs. négative). Il ne montre qu'un exemple d'accord avec un sujet devant la négation, et pas d'exemple avec un sujet postverbal. On trouve en moyen breton des exemples isolés où un sujet lexical déclenche l'accord riche du verbe. Dans les deux exemples ci-dessous, ces sujets sont préverbaux.
(1) | Nobl ha partabl | en vn bezret | ez ynt | vn heuel | da | guelet. | |||||||||||
nobles et roturiers | en un charnier | R sont | un même | à1 | voir | ||||||||||||
'Nobles et roturiers dans un charnier ont semblable apparence.' | |||||||||||||||||
Moyen breton, BM.:233, traduction Le Berre (2001:31) |
(2) hac ez lauar penaux hon doueou ez ynt diaoulou.
- 'Et il dit que nos Dieux sont des diables.'
- Breton 1576, Ca.:n 12
L'effet de complémentarité est documenté en breton pré-moderne comme conforme au système actuel.
(3) | N'eo | ket | pluet | a-walc'h | da | laboused... | |||||||||||
ne1 est | pas | plumm.é | assez | ton1 | oiseau.x | ||||||||||||
'Tes oiseaux n'ont pas assez le plumage...' | |||||||||||||||||
Léonard 1878, Inisan (1930:11) |
Ernault (1888b:256) relève cependant en breton pré-moderne chez Sauvé (fin XIXe) plusieurs exemples de type hor tiéien a réont... 'nos cultivateurs font... '.
horizons comparatifs
Meelen (2016) relève en moyen gallois des exceptions au système d'accord, où un sujet post-verbal déclenche l'accord du verbe.
(61) | e uelly | e dianghassant | e gelynyon | wedy | caffael | eu golwc | |||||||||||
ainsi | PRT échapper.PAST.3P | les ennemis | après | acquérir.INF | 3P vue | ||||||||||||
'Ainsi, les ennemis se sont échappés après avoir retrouvé la vue.' | |||||||||||||||||
Moyen gallois, Meelen (2016:227) |
L'effet de complémentarité (1) est instable dans les textes de vieux gallois en prose, que le sujet soit préverbal (2) ou postverbal (3) (voir Koch 1991, Schumacher 2011).
(1) imaliti duch cimarguithejt
- lead.3S you story-tellers
- 'as the story-tellers would lead you' (Chad 3), cité par Koch (1991)
(2) enuein di sibellae int hinn
- names of Sibyllae be.PRES.3P these
- 'These are the names of the Sibylls' (MC)
(3) imguodant ir degion
- beseech.PAST.3P the nobles
- 'the nobles besought one another' (Chad LL xliii), cité dans Meelen (2016:)
Le système d'accord brittonique a influencé des variétés non-standard de l'anglais, qui produisent un accord pauvre 3SG réalisé par le morphème anglais -s sur les verbes dont le sujet est lexical (Benskin 2008, Bismark 2011).
Terminologie
Ménard (2012) donne le terme breton kenglotadur pour accord (grammatical).
En anglais, les analyses qui postulent que le système d'accord breton est un Principe fondamental de la grammaire utilisent le terme de Complementarity Principle. Les analyses qui le font découler d'autres propriétés présentes dans la grammaire de la langue parlent de Complementarity effect.
accord pauvre vs. formes impersonnelles
Il y a un débat terminologique mouvementé quant à la forme 3SG de l'accord pauvre, celle qui ne varie pas avec les traits du sujet (Me a skriv, Goulwenna ha Yannig a skriv). Historiquement, elle a été appelée conjugaison personnelle, puis conjugaison impersonnelle. Ce malaise terminologique a induit des confusions avec les littératures à la fois celtiques historiques, anglophones et romanes contemporaines a amené de multiples terminologies échappatoires, ajoutant à la confusion.
Lambert (1976:266): "Le Brigant (1779) est bien le premier à désigner la conjugaison me a gar comme conjugaison impersonnelle: pour ses prédécesseurs, c'était au contraire la conjugaison qui exprimait "la personne" ( = le sujet personnel)."
Le Gonidec (1807:69), Ernault (1888b), Vallée (1902), Le Clerc (1908), Trépos (2001), KAG (2016) entre autres utilisent le terme de conjugaison impersonnelle. Similairement en breton, Kervella (1947) utilise le terme displegadur diberson. La terminologie de conjugaison impersonnelle est source de confusion puisqu'il existe en breton comme dans les autres langues celtiques un accord verbal dédié à la conjugaison avec un pronom impersonnel, la conjugaison -r, -d de la septième personne celtique (Atav e skriver... ). Dans la littérature grammaticale romane comme anglophone, le terme d'impersonnel ou impersonal renvoie aussi aux formes grammaticales référant à un humain ou à des humains non-identifiés, comme le français on. Adopter cet usage contemporain international obtient en breton que le pronom sujet impersonnel qui déclenche l'accord en -r fait partie du paradigme à sept personnes de la conjugaison personnelle, en opposition avec un accord dit impersonnel requis avec un pronom personnel.
Urien (1999:654&fn11) s'oppose à la terminologie des formes de l'impersonnel, mais pour une autre raison: "dans l'expression "conjugaison impersonnelle", l'adjectif désigne le morphème invariant qui permet de rassembler dans le paradigme les autres morphèmes variables, alors que dans l'expression conjugaison personnelle, l'adjectif désigne une des variables de la conjugaison". Pour Urien, le paradigme Me a skriv, Te a skriv... n'est donc pas une "conjugaison verbale", mais la déclinaison en personne, nombre et genre du pronom personnel, observé dans un contexte verbal." Ceci revient à dire que puisque l'accord pauvre 3SG est obligatoirement associé avec un sujet réalisé, cette construction appréhendée en son ensemble varie fondamentalement en personne.
Ternes (1970:238) appelle "les formes dépourvues de caractéristique morphologique indiquant la personne sujet", les formes non-déterminées. Press (1986:233) traduit l'anglais invariable par digemm. Cette terminologie donnerait kenglotadur digemm pour l' accord invariable.
Jouitteau (2005/2010, 2005b), Jouitteau & Rezac (2006, 2008, 2009) utilisent le terme poor agreement et en français accord pauvre, car ils obtiennent les faits en adoptant un mécanisme d'accord qui est bloqué aux traits 3SG quand aucun sujet n'est incorporé.
À ne pas confondre
accord sémantique
On distingue l'accord syntaxique, réalisé dans la syntaxe, de l'accord sémantique, et qui peut donner des résultats divergents, comme dans La moitié des membres du jury est/sont présent(s).
pas d'anti-accord
Il existe des langues comme le berbère ou des langues bantoues qui ont un marquage d'accord particulier lorsque le sujet est extrait par un mouvement A-barre. Ce phénomène lié à l'extraction du sujet est connu dans la littérature sous le nom d'anti-accord.
L'accord pauvre en breton n'est aucunement lié à l'extraction du sujet (contra Borsley & Stephens 1989:408, Ouhalla 1993, Phillips 1996, 1998, Luitwieler 2011, Henderson 2009, 2013, Kunio 2017, et malgré quelques précautions oratoires, Pfau 2009:12, fn11).
Un sujet postverbal déclenche en breton un accord pauvre de la même façon que le ferait un sujet préverbal.
(1) | Bemdez | e | lenn | { Yann / ar vugale } | ul levr. | ||||||||||||
chaque.jour | R4 | lit.3SGM | Yann / le 1enfant.s | un livre | |||||||||||||
'{ Yann lit /les enfants lisent } un livre chaque jour.' | |||||||||||||||||
Standard, Hendrick (1988:28) |
(2) | Bemdez | e | lenn(*ont) | ar vugale | ul levr. | ||||||||||||
chaque.jour | R4 | lit.3SGM | le 1enfant.s | un livre | |||||||||||||
'Les enfants lisent un livre chaque jour.' | |||||||||||||||||
Standard, Hendrick (1988:28) |
Lorsque le terme d'anti-accord est utilisé dans les langues celtiques, il réfère uniquement à l'apparition de l'accord pauvre 3SG dans l'effet de complémentarité (appelé aussi principe de complémentarité, complementarity effect).
Bibliographie
description
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- Jouitteau, Mélanie. & Milan Rezac, 2008. 'From mihi est to have across Breton dialects', Paola Benincà, Federico Damonte and Nicoletta Penello (éds.), Proceedings of the 34th Incontro di Grammatica Generativa, Unipress, Padova, special issue of the Rivista di Grammatica Generativa, vol. 32., 161 - 178., texte en ligne.
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- Jouitteau, Mélanie. 2005b. 'Nominal Properties of vPs in Breton, A hypothesis for the typology of VSO languages', Verb First: On the Syntax of Verb Initial Languages, Carnie, Andrew, Heidi Harley and Sheila Ann Dooley (eds.), xiv, 434 pp. (pp. 265–280) Amsterdam/Philadelphia: John Benjamins Publishing Company. Preview, Description and reviews
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horizons comparatifs
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