La(r)

De Arbres

Le complémenteur la(r), globalement équivalent au 'que' français, introduit une proposition complétive, relative ou sujet.


(1) C'hwi n'ouiec'h ket lâr emaon pounner.
vous ne1 savez pas [CP que suis lourd ]
'Vous ne savez pas que je suis lourde.'
Cornouaillais (Coray), Bouzeg (1986:III)


Morphologie

grammaticalisation

Ce complémenteur la ou lar est une grammaticalisation du verbe lavar 'dire' qui peut effectivement introduire une proposition enchâssée, comme en (2).


(2) … hag ar vamm-gozh lar oa komañs da ve skuizh.
et le 1mère-vieille dire était commenc.é à1 être fatigué
'Et la grand-mère dit qu'elle commençait à fatiguer.'
Breton central (Plouyé), Lozac'h (2012-)


réduction morphologique

Dans certains dialectes, le verbe lavar et le complémenteur se prononcent encore de la même façon, quand dans d'autres, la morphologie de ce complémenteur est maintenant opaquement différenciée du verbe lavar 'dire', avec souvent une érosion morphologique.

Favereau (1997:§597) rapporte pour le Poher les deux prononciations [la] et [læ.r].

En cornouaillais de l'est maritime, à Bannalec ou à Riec, Bouzec & al. (2017:375) orthographient le verbe infinitif lâr et le complémenteur lar. À Saint-Yvi, il semble y avoir une différence de longueur de voyelle.


(3) / hi nös télé'fonn di la:r dim lar 'wiyën nèy/
Hi neus telefonet din da lavar din lar ouie ket anezhi. Graphie standard
elle 3.a téléphon.é à.moi pour dire à.moi que savait pas P.elle
'Elle m'a téléphoné pour me dire qu'elle ne savait pas.'
Cornouaillais (Saint-Yvi), German (1984:186)


répartition dialectale

Selon Favereau (1997:§597), la(r) est répandu « de Plogoff au Poher, à l'exclusion de l'extrême-Est – Pelem ».

Ce complémenteur la(r) est utilisé en cornouaillais de l'Est (à Lanvénégen, Evenou 1987:580, à Moëlan, Cheveau & Kersulec 2012-évolutif:Moëlan,'tud', à Riec, Bannalec, Clohars-Carnoët, Moëlan Bouzec & al. 2017:29), à Saint Yvi (German 1984:87), à Quimper (Kennard 2013:188), à Plozévet (Kontañ kaoz (06/2019)), à Carhaix (Timm 1989:366), à La Forêt Fouesnant (Avezard-Roger 2004a:258), à Duault (Avezard-Roger 2004a:258), en breton central (Favereau 1997:§597, Wmffre 1998:57, à Plonévez-du-Faou, à Plouyé), et jusqu'à Uhelgoat (Skragn 2002:89) et Loqueffret (Solliec 2015).


(1) Mè en dud 'n im glemmè 'tao, lar 'vankezè dour...
Mes an dud en em glemme atav, lar e vankje dour...
mais le 1gens se1 plaignait toujours que R4 manquait eau
'Mais les gens se plaignaient sans cesse, qu'il aurait manqué de l'eau… '
Cornouaillais (Moëlan), Cheveau & Kersulec (2012-évolutif:Moëlan,'tud')


(2) me waɤ (laɤ) mɔħ tõnd
moi sait que êtes à4 venir
'Je sais que vous venez.'
Breton central, Wmffre (1998:57)


(3) [ Xwan møs lar tɛj ]
C'hoant meus lar teuio.
envie 1SG.a que 4viendra
'J'ai envie qu'il vienne.'
Breton central (Duault), Avezard-Roger (2004a:258)


(4) An otro-person lar din lar me meus ket kalz spered kin !
le monsieur-recteur d.it à.moi C moi 1SG.a pas baucoup esprit plus
'Le recteur me dit que je n'ai plus beaucoup de jugeote !'
Plonévez-du-Faou, Kazetenn ar Menez 1981, Lozac'h, brezhoneg digor


(5) Me a soñj din lar ar vaouez zo skañv.
moi R1 pense à.moi que le 1femme est légère
'Je pense que la femme est saoûle.'
Pays de Quimper, Kennard (2013:188)


(6) CONTEXTE: (Journal en main, à une araignée)
ma jong d'oc'h lac'h yac'h giset
si4 pense à vous que irez comme-ça
'Si tu crois que tu vas t'en tirer comme ça !'
Michelle Nicolas (Plozévet), Kontañ kaoz (06/2019)


(7) CONTEXTE: (à un homme ou une femme de son âge)
Fi voar lac'h peus digonget oc'h lior kan di sadorn ?!
vous R1 sais que 2.a .pens.é votre+C livre chant jour samedi
'Tu sais que tu as oublié ton livret de chant samedi ?!'
Michelle Nicolas (Plozévet), Kontañ kaoz (06/2019)


(8) /la:r wa… /, 'qu'il était… ', Saint-Yvi, German (1984:87)

(9) Me mije touet a-walc'h lar, Scrignac, Lozac'h (22/12/2013), brezhoneg digor


Le complémenteur la(r) est inconnu dans les autres dialectes. En Léon, la forme est inconnue à Plougerneau (M-L. B. 02/2016) comme à Lesneven (A.M. 02/2016). En Trégor, la(r) est inconnu à Planiel (M-N. Kadour-Le Gonidec, kontañ kaoz (12/2017)). Cette forme est par ailleurs très peu reportée dans les grammaires et dictionnaires. Elle est par exemple absente de la grammaire de Chalm (2008). Ni la, ni lar ne sont des entrées dans Menard & Kadored (2001) ou Merser (2009). Favereau mentionne la(r) dans son dictionnaire, puis sa grammaire, avec de nombreux exemples.


variation idiolectale

La morphologie du complémenteur peut être fluctuante avec un même locuteur. Dans Skragn (2002), qui utilise régulièrement ce complémenteur, on trouve surtout la forme lar, mais aussi parfois la forme la. La présence de la consonne /r/ n'est pas directement lié à la présence d'une voyelle initiale dans le mot qui suit.


(1) Kompen a raoñ la out gwasket on tamm.
comprendre R fais que es oppress.é un morceau
'Je comprends que ça te pèse.'
Breton central (Poullaouen), locuteur né vers 1910, Favereau (1984:439)


Un locuteur comme Skragn qui utilise régulièrement le complémenteur la(r) peut aussi utiliser des complémenteurs phonologiquement nuls.

(2) Lod a lare _ e oa ablame e-noa displuñvet re a bolizi.

Cornouaillais (Uhelgoat), Skragn (2002:105)


mutation

Le complémenteur la(r) provoque rarement la lénition, mais c'est le cas en (3).


(3) [ mɛ᷉ vweːɲ ket la goˈzeː bʁøzɔ᷉nɛk ken mɐts !]
Me n' ouien ket la gozee brezhonek ken mat-se !
moi ne1 savais pas que1 parlait breton tant bien.
'Je ne savais pas qu'il parlait si bien breton !'
Cornouaillais (Briec), Noyer (2019:163)

Syntaxe

La(r) e

Le complémenteur est plus haut dans la structure que le rannig. Les deux ne sont que rarement prononcés ensemble, mais les mutations provoquées sur le verbe, lorsqu'obsevrable, est la spirantisation. On pourrait imaginer que le complémenteur la(r) provoque lui-même cette mutation, peut-être aussi par analogie avec ma qui provoque aussi la spirantisation.


(1) [ mɛ møs Xwãn la tju hã ]
Me meus c'hoant la teuio eñ.
moi 1SG.a envie que R4 viendra lui
'J'ai envie qu'il vienne.'
Cornouaillais (La Forêt Fouesnant), Avezard-Roger (2004a:258)


(2) [ bEn santeEx la têhwe ]
a-benn e santec'h ma tevae … Équivalent standardisé
quand R sentiez que4 épaississait
'quand vous sentiez qu'il s'épaississait …'
Cornouaillais (Lanvénégen), Evenou (1987:580)


Cependant, on voit qu'il y a une variation dialectale avec une lénition possible comme en (3), et ceci dans les dialectes où la distinction entre les rannigs s'est amuïe. La variation des mutations peut donc être réduite à l'hypothèse qu'un rannig est réalisé après la(r).


(3) / laRd ve dῖ la zebajñč mowa dy a Režn/
Laret ' vez din la zebaint mouar du ha rezin.
d.it R4 est à.moi que 1 mangent mures noir et raisin
'On me dit qu'ils mangent des mûres et du raisin.'
Cornouaillais (Carhaix), Timm (1989:366)

Distribution

complétives

Le complémenteur la(r) peut introduire toutes les complétives.


Ce complémenteur est sélectionné par les verbes psychologiques, d'expression ou de perception (Bouzec & al. 2017:29).

 laret lar 'dire que', soñjal lar 'penser que', gwelet lar 'voir que'
 gouzout lar 'savoir que', krediñ lar 'croire que', bezañ sur lar 'être sur(s) que'
 en em chaliñ lar 's'inquiéter de ce que', en em glemm lar 'se plaindre que' ...


(2) Goût ' rit lar ' oa bet prenet he zi ganti dre gle ?
savoir R faites que R était été achet.é son2 maison avec.elle par1 dette
'Saviez-vous qu'elle avait acheté sa maison à crédit ?'
Cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:28)

fausses relatives

La(r) introduit des complétives qui peuvent modifier des noms, et donc ressemblent à des relatives. Il n'y a cependant pas d'extraction.


nominalisations de verbes sélectionnant la(r)

Les nominalisations des verbes psychologiques, d'expression ou de perception peuvent aussi sélectionner le complémenteur la(r).


  • Komañset e oan da gaoud esperañs lar e oan barreg.
'J'avais commencé à nourrir l'espoir que j'en étais capable.'
Cornouaillais (Uhelgoat), Skragn (2002:89)
  • Peogwir 'n'a tapet ar vrud la' ouie ober.
'Puisqu'il avait acquis la réputation qu'il savait le faire.'
Favereau (1997:§597)
  • Ur bariadenn la' on trec'h dit !
'(Je fais) le pari que je te bats !'
Favereau (1997:§597)


autres noms

D'autres noms, comme chañs 'chance' ou aon 'peur' qui ne sont pas des déverbaux, peuvent apparaître en tête de ces relatives non-restrictives. La proposition introduite reste une complétive.


(3) … vije bet ar chañs 'ta lar chomeche mïoc'h a re-yowank barzh Skrigneg.
serait été le chance donc que resterait plus de ceux-jeune dans Scrignac
'Il y aurait donc eu l'opportunité que plus de jeunes restent à Scrignac.'
Breton central (Scrignac), Landré (1981)


L'exemple en (4) montre lar dans un contexte où il serait tentant de l'interpréter comme la tête d'une relative du sujet, mais l'accord verbal avec ce sujet montre qu'il s'agit encore d'une complétive ('les paysans (tels) qu'ils mettaient leurs vaches… ').


(4) Rar é ar beïsanted lar lakègn o saout war 'r melchen-glas.
rare est le 1paysan.s que mettaient leur2 vaches sur le trèfle-vert
'Rares sont les paysans qui mettaient leurs vaches sur du trèfle des prés.'
Cornouaillais (Cleden), Lozac'h (2014:'dañjer')

complétives de temps

(5) Chiou 'ma(ñ) n'deoz mod n'deoz la oa oet gaor Yann ga'r blei(z).
Hiziv emañ un devezh mod an devezh ma oa aet gavr Yann gant ar bleiz Équivalent standardisé
aujourd'hui est un journ.née comme le journ.née que était all.é chèvre Yann avec le loup
'Aujourd'hui c'est un jour comme quand le loup avait pris la chèvre de Yann.'
(Se dit d'un jour gris, pluvieux ou brumeux, où le ciel semble écraser la terre)
Bannalec/Skaer, collecté par Maï-Ewen auprès de sa mère, (c.p. 2011)

proposition sujet

La proposition introduite par la(r) peut être le sujet d'une matrice dans les constructions modales.

 Domaj eo lar…  'C'est dommage que..', Gwelloc'h vefe lar 'Il serait mieux que … '


(1) … domaj é la ket favoriset.
dommage est [ que est pas favoris.é ]
'Il est dommage que ce ne soit pas favorisé.'
Breton central (Scrignac), Landré (1981)


(2) Gwelloc'h véfe lar yèfè-yoñ kuit.
mieux serait que irait-lui parti
'Il vaut mieux qu'il s'en aille.'
Cornouaillais de l'Est, Bouzec & al. (2017:29)


  • ...hag é domaj [la vé ket profitet deuh ar pezh so ba'h an douar memestra].
'Et c'est dommage tout de même qu'on ne profite pas de ce qu'il y a dans la terre.',
Scrignac, F. Landré 1981, audio & transcription sur brezhoneg digor


construction du faux sujet

La généralisation tient dans les constructions du faux sujet.


(3) ' Maer fôt doñ lar vo triet ' lorgnach.
le maire faut à.lui que sera tri.é le déchet.s
'Le maire veut qu'on trie les déchets.'
Cornouaillais de l'Est, Bouzec & al. (2017:29)

la(r) avec d'autres éléments fonctionnels

evel la

(1) Ne oant nemed devezourien, 'n-oa c'hoantet en em lakaad war o hont o-unan 'vel la veve kalz a dud d'ar poen-se […]
ne1 étaient seulement journalier.s avait envi.é se mettre sur leur2 compte leur2-eux-mêmes comme que1 vivait beaucoup de1 gens à le point.
'C'était juste des journaliers qui avaient voulu se mettre à leur propre compte, comme beaucoup de gens alors.'
Cornouaillais (Uhelgoat), Skragn (2002:9)

la(r) e …

Dans quelques exemples, on voit le rannig apparaître après la(r). Dans les dialectes où les deux rannigs sont différenciés, ce rannig est e4. Ailleurs, on peut trouver des lénitions.


(2) Yèy 'neus aon lar dapfè-yoñ 'n tôl fall.
elle a peur que1 attraperait-lui un coup mauvais
'Elle a peur qu'il ne tombe malade.'
Cornouaillais de l'Est, Bouzec & al. (2017:30)


(3) Barz an toull-ze e oa ar vrud 'lar e vije eur wrah koz oh ober krampouezh 'barz eur girin.

'La rumeur courrait que dans ce trou, une vieille sorcière faisait des crêpes dans un pot de grès.'
Cornouaillais (Uhelgoat), Skragn (2002:93)


lar penaos

Skragn utilise parfois la(r) avec un autre complémenteur déclaratif: penaos. La suite lar penaos est aussi relevée à Loqueffret (Solliec 2015).


(4) Gwelet e-meum abaoe lar penaoz ne oa ket gwir.
v.u avons depuis que que ne1 était pas vrai
'Nous avons vu depuis que ce n'était pas vrai.'
Cornouaillais (Uhelgoat), Skragn (2002:100)


la ma

La(r) est aussi compatible avec le complémenteur ma(r) 'si' des questions polaires indirectes.


(5) N'uion ket (la) ma teuio.
ne1 sais ket que si4 viendra
'Je ne sais pas s'il viendra.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)


(6) Ne galfec'h ket chom aze memes (la) ma vefec'h kourachus.
ne1 pourriez pas rester ici même (que) si4 seriez courag.eux
'Tu n'y resterais pas, même si tu étais courageux.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)


(7) Ken pres ' oa warnon da guitaat la ma neus leset e aferioù war e lerc'h.
tant presse R était sur.lui de1 quitter que que 3.a laiss.é son1 affaire.s sur son1 suite
'Il était tellement pressé de partir qu'il a laissé toutes ses affaires.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (05/2016)

Ordre des mots dans la proposition

Après le complémenteur la(r), l'ordre des mots dans la proposition peut être à verbe initial comme dans les subordonnées ou à verbe second comme dans les phrases matrices.


la(r) –Verbe-Sujet-Objet

L'ordre canonique après le complémenteur la(r) est à verbe initial.


(1) Ne oa ket dav lârout lar' oa flaer.
ne1 était pas devoir dire que était puant
'Fallait pas dire qu'il sentait mauvais.'
Cornouaillais (Coray), Bouzeg (1986:III)


(2) h~ɛmə la.ɤe (laɤ) vɛle kalz tXɔw.
[ celui-ci R] disait que voyait beaucoup choses ]
'Il disait qu'il voyait beaucoup de choses.'
Breton central, Wmffre (1998:57)


(3) Me a wele a-walh lar e-noa mizer an hini ruz...
moi R1 voyais assez que R avait misère le celui rouge
'Je voyais bien que le rouge avait de la peine.'
Cornouaillais (Uhelgoat), Skragn (2002:129)


 Favereau (1997:§597). Complétives en la
 […] La complétive factuelle peut suivre […] le même ordre des mots, soit
 Proposition + la' + V + S + O 
 
 Krediñ 'ran la ' 'no soñj deus outoñ.
 'Je crois bien qu'il se souviendra de lui.'
 
 Gwir eo la ' oa kalz skoaselloù.
 'Il est vrai qu'il y avait beaucoup d'ornières.'
 
 Deut 'oa paotred kêr da c'hoût la ' teue ur paotr yaouank deus pell.
 'Les gars du village avaient appris qu'un jeune homme venait de loin.'
 
 Soue'et bras 'oa-eñ la ' roulemp war div rod.
 'Il était fort étonné que nous roulions sur deux roues.'
 
 Poher, Favereau (1993:'la'):
 Klevet 'na-int ar gaoz la ' 'h ae ar vugale gantoñ ba e dreid.
 'Ils avaient entendu raconter qu'il emportait les enfants dans ses serres.'
 
 Setu 'veze gouiet la oa un eured ba kêr.
 'Ainsi savait-on qu'il y avait une noce au village.'
 
 Ankouaet 'n'a la 'h ae an dour dreist ar bontenn.
 'Il avait oublié que l'eau passait par dessus la passerelle.'
 
 Neu'n 'vije bet ar chañs la ' chomeche muioc'h re yaouank 'barzh ar vro.
 'Alors, il y aurait eu une chance que davantage de jeunes restent au pays.'
 
 Favereau (1997:§598) :
 (Ne) 'm eus ket klevet laret la' oa hi !
 'Je n'ai pas entendu dire que c'était elle !'
 
 Goût a rez da-hun' la' (ne) 'm eus takenn ebet.
 'Tu sais bien toi-même que je n'en ai pas une goutte.'

la(r) – ordre de matrices

Les propositions en la(r) peuvent aussi introduire des propositions dont l'ordre des mots n'est pas prototypique des enchâssées (complémenteur-Verbe-Sujet-Objet), mais des matrices (verbe second et même verbe en troisième position...). Favereau (1997:§598) donne des exemples d'enchâssées en lar où un constituant a été antéposé au verbe fléchi (la+ XP + V...).

 Favereau (1997:§598). Structures alternatives des complétives en la.
 
 Deut 'oa anaouedegezh da berc'henn an ti la' ar chupenn oa aet.
 'Le propriétaire de la maison avait réalisé que la veste avait disparu.'
 
 Soñjal a ran la' an ouvrierien a chomas da gousket.
 'Je pense que les ouvriers restèrent dormir.'
 
 Un teod 'n'eus lavaret la' dre an Ti-meur an dour 'vise aet.
 'Un bavard a affirmé que l'eau passerait par le Tymeur.'
 
 Evel ar c'hefeleg, la' ma ve yen an amzer en em blija…
 'Comme la bécasse, qui si le temps est froid, se plaît à… (YFK)'


Comme dans les phrases matrices, il est aussi possible d'aller jusqu'à des ordres V3:


  • Evel-se am-eus soñjet abaoe lar [ keit ha 'vez bihan an dud ] [ ne ] welent nemed traou braz en-dro dezo.
'Comme ça j'ai pensé depuis que tant que les gens sont petits, ils ne voient autour d'eux que des choses grandes.'
Cornouaillais (Uhelgoat), Skragn (2002:23)


variation dialectale ou idiolectale

Favereau (1997:§598) associe la structure SVO aux plus jeunes locuteurs, ou à ceux de "Basse-Cornouaille, bigoudène ou autre". Cependant, cette caractérisation est à relativiser, car on peut trouver les deux ordres concurrents chez le même auteur. On trouve ainsi les deux ordres de mots chez Skragn, qui, s'il utilise surtout les ordres à verbe initial après la(r), a aussi des ordres à verbe second.


(1) Ya, me oar a-walh lar eur vuoh wenn he-deus kalz a lêz.
oui moi sait assez que un 1vache1 blanche 3SGF a beaucoup de1 lait
'Oui, je sais bien qu'une vache blanche a beaucoup de lait.'
Cornouaillais (Uhelgoat), Skragn (2002:130)


(2) Te a laro dezi lar me a baseo da baea da c'houde.
toi R dira à.elle que moi R1 passera pour1 payer pour1 après
'Tu lui diras que je passerai payer plus tard.'
Cornouaillais (Uhelgoat), Skragn (2002:68)


En cornouaillais de l'Est, à Carhaix (Timm 1989) ou à Scaër, le complémenteur la(r) est nettement associé à des ordres VSO. Dans le corpus carhaisien de Timm (1989:366), l'ordre SVO après la(r) existe mais est exceptionnel. En élicitation, séparer la(r) et le verbe tensé obtiennent des résultats agrammaticaux pour H. Gaudart.


(3) Soñj ' ran lar 'mañ chomet ar vicherourien da gousket.
penser R fais que est rest.é le1 ouvrier.s à1 dorm.ir
'Je pense que les ouvriers sont restés dormir.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)


(4) * Soñj ' ran lar chomet 'mañ ar vicherourien da gousket.

* Soñj ' ran lar ar vicherourien 'oa chomet da gousket.
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)


(5) Ya, me oar mat lar (* 'r vuoh wenn) ' ra ('r vuoh wenn) kalz laezh.
oui moi sais bien que le 1vache 1blanche R fait le 1vache 1blanche beaucoup lait
'Oui, je sais bien qu'une vache blanche donne beaucoup de lait.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)

Analyse

pas un remplacement du rannig e

Selon Favereau (1997:§597), l'apparition de la(r) est à mettre en relation avec l'amuïssement du rannig e dans les parlers de Cornouaille. Cependant, on trouve des co-occurrences de la(r) et du rannig e, ce qui montre que l'un et l'autre réalisent des éléments distincts et, au moins à Huelgoat pour Skragn, compatibles.


(1) Goud a ouien eur mare zo lar e oa teo ar vamm !
savoir R1 savais un temps R1 est que R4 était gros le 1mère
'Je savais depuis un moment que la mère était grosse !'
Cornouaillais (Huelgoat), Skragn (2002:89)

complémenteur haut

Il s'agit avec la(r) 'que' d'un complémenteur haut dans la périphérie gauche. Il apparaît au-dessus des complémenteurs penaos 'que', ma, de la négation ne et du rannig e.

Dans une périphérie gauche déployée, il s'agit du complémenteur Force qui peut aussi être réalisé en breton par un complémenteur vide.


Sémantique

complémenteur d'opposition à Briec

En (1), le contexte impose un focus contrastif sur le sujet Yves Le Du.


(1) [laʁ iv lədy me syʁ be no ygɛ᷉ vlɐ]
la Yves Le Du, me sur, a-benn en do ugent vloazh…
que Yves Le Du moi sur quand R 3SGM.aura vingt1 an
'(Alors) que Yves le Du, je suis sur, quand il avait vingt ans… '
Cornouaillais (Briec), Noyer (2019:138)

Horizons comparatifs

Il n'est pas rare à travers les langues que des verbes déclaratifs comme 'dire' grammaticalisent en complémenteurs. C'est par exemple le cas en Gungbe, langue Kwa parlée au Bénin (voir la typologie de verbes grammaticalises en complémenteurs).

Tallerman (c.p.) relève un parallèle en gallois du sud, où le complémenteur haut est une grammaticalisation non pas du verbe qui dénote l'action de parler, mais du verbe dénotant l'action de ne pas parler; 'se taire'.

Le proto-indo-européen *teh2ws- 'être immobile, tranquille, silencieux' a donné le protoceltique *taws-yo- de même sens qui a donné le moyen breton teuell et le breton moderne tewel, tevel '(se) taire', ou le cornique tewel. L'équivalent en gallois moderne est le verbe tewi, qui se conjugue en tawaf à la première personne du singulier présent (Matasovic 2009:373). Il est probable que ce verbe soit la source de grammaticalisation de taw, le complémenteur gallois 'que', qui comme la(r) en breton autorise les ordres V2 enchâssés.


(1) Dw i 'n siwr taw hi gaiff y wobr.
suis je pred sur que+Foc elle recevra le prix
'Je suis sure que c'est elle qui gagnera le prix.'
Gallois du Sud, Borsley, Tallerman & Willis (2007:128)