Ellipses

De Arbres

Une ellipse est un élément qui a été élidé par une règle de transformation. Cet élément est présent dans la dérivation syntaxique, et des indices peuvent le montrer, mais il n'est pas prononcé: on dit qu'il n'apparaît pas dans la forme phonologique. L'élision est soumise à des conditions d'interprétabilité.

Il existe différents types d'ellipses, en breton comme dans les autres langues du monde. Dans les gloses ci-dessous, les ellipses sont signalées par le signe '_[ø]_'. Leur contenu sémantique est entre < >.


(1) Ar vlenierien hepken a ouie _[ø]_, dalc'het o doa soñj _[ø]_. Ha me ivez _[ø]_.
le 1conduct.eurs seulement R1 savait <X> gard.é 3PL avait souvenir <de X> et moi aussi <savait, se souvenait>
'Seuls les conducteurs savaient, ils se souvenaient. Et moi aussi.'
Trégorrois (Kaouenneg), ar Barzhig (1976:09)


Ellipse de verbe tensé

verbe lexical

(2) Met kerkent ec'h adkemere an tren e lañs hag ar veajourien _[ø]_ o flasoù.
mais aussitôt R+C,4 re.prenait le train son1 élan et le voyag.eurs leur2 place.s
'Mais le train reprenait aussitôt son élan, et les voyageurs leurs places.'
Trégorrois (Kaouenneg), ar Barzhig (1976:09)


copule

eo

La copule eo, utilisée dans les clivées et dans les structures équatives, peut, au temps présent, ne pas être réalisée phonologiquement (Le Bayon 1878:26§IV). L'ellipse est parfois opérée sous identité avec une copule plus haute dans la structure, mais pas toujours.


(3) C'hwek eo ar garantez e-giz ar mel, ha taer _[ø]_ e-giz an tan-flamm.
délicieux est le 1amour comme le miel et violent comme le feu-flamme
'L'amour est délicieux comme le miel et violent comme le feu.'
Standard, Drezen (1990:61)


(4) [ hinɛrh _[ø]_ ə ɟɥɛlã tut me tawɛjt ]
Hennezh eo ar gwellañ-tout 'mbez tañvaet.
celui-là est le mieux-tout R.1SG a.HAB goût.é
'C'est le meilleur que j'aie goûté.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:14)


(5) Berr _[ø]_ an traoù g'ur bochad tiadoù 'benn tosta fin ar miz.
court est le choses avec un masse maison.nées quand proche fin le mois
'Beaucoup de familles manquent d'argent dès qu'approche la fin du mois.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:81)


(6) Piou an diaoul ] _[ø]_ al lakepod-man […] ?
[WH qui le diable ] est [DP le énergumène.ci ]
'Qui diable est cet énergumène ?'
Léonard, Kerrien (2000:12)


au temps passé

Pour mettre en évidence une structure copulative, on peut mettre la proposition au temps passé. La copule est alors forcée d'apparaître et porte les traits morphologiques du passé (oa).

Cette stratégie ne marche que dans la mesure où la grammaire imposerait une morphologie du passé. En (7), la copule élidée est au présent bien que temps de l'énonciation soit nettement consécutif au temps du prédicat.


(7) Diwaétoc'h, deut _[ø]_ dornérez péz bi'n da den o labour gan ' dud.
Diwezhatoc'h, deuet eo an dornerez pizh-bihan da dennañ o labour digant an dud. Équivalent standardisé
tard.plus ven.u est le batt.euse pois-petit pour1 retirer leur2 travail avec le 1gens
'Plus tard, l'arrivée de la batteuse nous a retiré notre travail.'
Cornouaillais de l'Est, Bouzec & al. (2017:236)


au temps futur

En (8) qui est une réponse à une question, c'est la copule au futur e vo qui est élidée.


(8) A : Brav e vo an amzer hiziv ? B : Bez' _[ø]_ awalc'h !
beau R sera le temps aujourd'hui être R sera assez
A : 'Il fera beau aujourd'hui ?' / B : 'Assez, oui.'
Standard, Kervella (1947:§744)


ez eus

La forme ez eus de la copule peut aussi être élidée, comme montré ci-dessous avec une copule existentielle et un sujet indéfini en breton du Léon:


(9) Bet _[ø]_ marvailhoù ganeomp !
été conte.s avec.nous
'On est resté causer !'
Madeg (2013:8)


vez

Il existe aussi des cas d'ellipse de la forme d'habitude vez.

(10) D'ar sul e vez leun an tavarnioù a dud. Leun _[ø]_ ivez ar griziennoù, tro-ha-tro d'ar vourc'h, get an dud é tebriñ o merenn àr ar geot.

Vannetais, Herrieu (1994:14)

auxiliaire

En (1), la forme du pronom me à l'initiale révèle un auxiliaire 'être' (oa) qui n'est pas prononcé en seconde position de phrase. Le temps de la proposition est interprétable au passé. Dans la seconde partie de phrase, l'auxiliaire à rétablir est 'avoir' et non pas 'être'. Il est difficile de décider si son site était avant ou après le participe desket.


(1) Me waet da Lanuon, desket aze oui ha non.
moi _[ø]_ all.é à1 Lannion (_[ø]_) appr.is (_[ø]_) oui et non
'Moi d'aller à Lannion et d'y apprendre oui et non.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:26)


Ellipse de modal

Le Gléau (1973:42) signale des structures particulières, où des infinitives apparaissent après l'emploi de la copule tensée eo. Il note que "ces tours traduisent une évidence, puis une nécessité". Il pourrait s'agir de cas d'ellipse du modal dav.


(1) Diouzh an oberoù eo barn an dud.
selon le acte.s est juger le 1gens
'C'est sur leurs actes qu'il faut juger les gens.'
Breton pré-moderne, KAV. (1909:10)
cité dans Le Gléau (1973:42)


(2) Neket er goañv eo mont da glask bleuñv.
ne.est.pas en.le hiver est aller à1 chercher fleurs
'C'est pas en hiver qu'il faut aller cueillir des fleurs.'
BAL. (1860:172)
cité dans Le Gléau (1973:42)


Gros (1984:318) note que l'infinitif passé est parfois associé "à une obligation morale qui n'a pas été observée, donnant ainsi à la phrase le sens et l'intonation d'un reproche". Il pourrait s'agir d'une ellipse de modal conjugué de type dleout 'devoir', avec une copule non-prononcée. L'ensemble pourrait aussi relever de l'ellipse de matrice, c'est-à-dire d'un désenchâssement.


(3) Bezañ lakeet honnez da labourat !
être m.is celle.là à1 travailler
'L'avoir fait travailler (il fallait, on aurait dû la faire travailler).'
Trégorrois, Gros (1984:318)


Ellipse du prédicat

(4) Ar gloaneier a zo ker, hag an ober anezo a zo ive.
le laine.s R1 est cher et le faire de.eux R1 est <cher> aussi
'Les laines sont chères, et leur façon l'est aussi.'
Trégorrois, Gros (1970b:§'ober-20')


Ellipse du nom

ellipse sous identité

Certaines structures permettent l'ellipse du nom lorsqu'il est identique à un nom cité.


(1) c'hoari koach-koach pi _[ø]_ koukou
jouer cache-cache ou (jouer) koukou
'jouer à cache-cache'
Breton central, Favereau (1984:358)


(2) A : Aze a zo sardin? B : Ya, ul livadenn _[ø]_.
R1 est sardine oui un color.ation <sardine>
A : 'Y-a-t-il de la sardine là ?' / B : 'Oui, une mince couche.'
Trégorrois, Gros (1970b:§'livadenn')


(3) Pet _[ø]_ eus merc'hed keizh an amzer-se a zo aet da anaon ...
combien <femmes> de femme.s cher le temps. R est all.é à1 trépas
'Combien des chères femmes de ce temps là sont mortes… '
Brud Nevez (16:27)
cité dans Menard (1995:150)


(4) Int a zeuy pe _[ø]_ a yay.
eux R1 viendra ou <eux> R1 ira
'Ils viendront ou s'en iront.'
Press (1986:210)


ellipse de tête de relative

Les relatives dont la tête n'est pas prononcée sont appelées des relatives sans têtes. L'ellipse de la tête est une des analyses possibles.

En (1), manque la tête pronominale indéfinie unan de la relative.


(1) Setu aze hag a ra ardou.
voici un que R1 fait manières
'En voilà un qui en fait des manières.'
Standard, Merser (2011:9)


En (2), c'est une expression temporelle qui est sémantiquement la tête de la relative.


(2) Bet a oa _[ø]_ hag eh ee di.
été R1 était (un temps) que R allait y
'Il fut un temps où il y allait.'
Trégorrois, Gros (1989:'bet')


Le pronom relatif de l'objet, ar pezh 'ce que' peut aussi être élidé dans un emploi classique aujourd'hui daté.


ellipse conventionnée

après un cardinal

Les adjectifs numéraux cardinaux, lorsque non suivis d'un nom, réfèrent par défaut au nombre correspondant des personnes humaines (Gros 1984:182).


(3) En deiz-se e oa daou amañ o leinañ.
en.le jour. R était deux _[ø]_ ici à4 déjeun.er
'Ce jour-là, il y avait deux hommes ici en train de déjeuner.'
Trégorrois, Gros (1984:182)


(4) Kavet ez eus bet korv daou _[ø]_ med unan all n'eus ket bet kavet.
trouv.é est été corps deux mais un autre ne1 R+C est pas été trouv.é
'Deux corps ont été retrouvés, mais un autre ne l'a pas été.'
Léonard (Ouessant), Gouedig (1982)


après un quantifieur

Certains quantifieurs, comme kalz ou e-leizh, fonctionnent comme s'ils comprenaient une ellipse conventionnalisée de tud 'gens'.


(5) Bout a zo [DP _ e-leizh ] hag a rahe èltoñ a pa vehent lezet...
être R est sujet beaucoup que R ferait comme.lui et quand seraient laissé
'Yen a beaucoup qui feraient comme lui si on leur laissait le choix.'
Vannetais, Herrieu (1994:58)


(6) Er ru vrasañ ag ar gêr-mañ ne oa ket kalz _ nemet Jermaned é terc'hel stalioù.

'Dans la plus grande rue de cette ville, il n'y avait à peu près que des Allemands à tenir boutique.'
Vannetais, Herrieu (1994:280)


Chalm (2008:§R1.2.3) note que lorsque le quantifieur kalz apparaît seul, il est associé au rannig a, signe des éléments préverbaux nominaux, et il déclenche l'accord pluriel sur le verbe kaout, 'avoir'. Cet argument pointe vers la présence, au niveau syntaxique, d'un élément nominal avec lequel le verbe s'accorde.


(7) Kalz ' zo deuet gant o c'harr-tan.
beaucoup <gens> R1 COP ven.u avec leur2 voiture
'Beaucoup sont venus en voiture.'
Standard, Chalm (2008:R.1.2.3)


(8) Kalz o deus kriet diwar o aon.
beaucoup <gens> 3PL a crié de leur2 peur
'Beaucoup ont crié de peur.'
Standard, Chalm (2008:R.1.2.3)


un amzer, 'un temps'

Il existe aussi des ellipses du nom associées à des structures gelées. En (5), seul le groupe nominal indéfini un amzer 'un temps' peut être restitué.


(1) [ bøde pət a bɛmdø a: mam belo dər labur ]
Bout eo bet _[ø]_ ha me ' yae bemdez àr ma belo d'ar labour.
être est été <un temps> que moi R1 allait chaque.jour sur1 mon2 vélo à1 le travail
'Il fut un temps où j'allais tous les jours au travail à vélo.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:51)


(2) Bet e bet _[ø]_ e reamp ar c'hourrie asamblez da gerc'hat ar ravitailhamant.
être est été <un temps> R faisions le 5courrier ensemble pour1 chercher le ravitaillement
'Il fut un temps où nous faisions ensemble le ravitaillement.'
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:11)


(3) Na laka ket ar rouejou ken evel ma oa bet _[ø]_ hag e ree.
ne1 met pas le filet.s plus comme que4 était été <un temps> que R faisait <mettre les filets>
'Il ne pose plus de filets comme il le faisait à un moment donné.'
Trégorrois, Gros (1989:'bet')

groupes, paires et ensembles

Certaines paires, regroupements ou ensembles d'entités plurielles n'apparaissent pas dans la structure. L'article est clairement singulier (devant les noms indéfinis pluriels, l'article ne se prononce pas). Le nom qui est prononcé juste après est pluriel. L'interprétation révèle un classifieur élidé. Ces structures ne semblent autorisées qu'avec le pluriel -où.


 Gros (1984:177):
 eur botou, 'une paire de chaussures'
 eur bragou, 'une paire de culottes, un pantalon'
 eur godellou, 'une paire de poches'
 eur mañchou, 'une paire de manches'
 eur manegou, 'une paire de gants'
 eul loeroù, 'une paire de bas'
 eul lunedou, 'une paire de lunettes (des lunettes)'


L'ellipse la plus courante semble être l'ellipse de la tête nominale re, signifiant 'paire', mais il en existe d'autres (eur hartou, 'un (jeu de) cartes', Merser 2011:9)


(1) Eur marvailhou a ouie.
un conte.s R1 savait
'Il savait plein de contes.'
Standard, Merser (2011:9)


À noter que dans ul loerou, 'une (paire de) bas', la consonne finale de l'article n'est pas réalisée suivant l'élément élidé re, comme dans ur re loerou, mais suivant la consonne initiale du nom loerou. L'hypothèse d'une élision implique donc ici que l'élision soit faite avant l'opération phonologique de la liaison. L'exemple en (2) montre aussi que l'ellipse n'est pas signalée par une mutation. L'hypothèse d'une élision implique donc ici que l'élision soit faite avant l'opération phonologique de la mutation.


(2) eur boutou eur re voutou
un chaussure.s un paire1 chaussure.s
'une (paire de) chaussures'
Standard, Merser (2011:9)


L'article indéfini ur n'est par ailleurs pas compatible avec un nom pluriel ('d'autres plaisirs', (* ur) plijadurioù all), ce qui est un signe fort que l'élément élidé est présent syntaxiquement.


(3) Kenta tra o-devoa da ober ' oa prena eur botou all.
premier chose 3PL 3.avait.HAB à1 faire R1 était acheter un chaussure.s autre
'Ils devaient avant toute chose s'acheter une paire de chaussures.'
Léonard (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:34)


Ellipse du sujet

L'ellipse d'un topique sujet existe (a zo gwir !!) mais est relativement peu productif en breton adulte, qui utilise des pronoms vides (gwir eo).


(1) A : Simone a zo eat d'an ospital. B : … a zo gwir !
Simone R est all.é à le hôpital R est vrai
A : 'Simone est allée à l'hôpital.' / B : 'C'est vrai !'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (01/2016)


On trouve en productions enfantines des ellipses du sujet relativement aisément en corpus spontané. Stephens (2000) montre que les phrases en (2) et (3) arrivent à un âge où les enfants respectent par ailleurs globalement l'ordre à verbe second du breton adulte.


(2) A : Ha da dad a oar un tammig ? B : _[ø]_ a oar c'hoari tout.
et ton1 père R sait un peu <sujet élidé> R1 sait jouer tout
A : 'Et ton père sait jouer un peu ?' / B : 'Il sait jouer de tout.'
Production enfantine (4 ans, 11 mois),
Stephens (2000:131)


(3) A : Petra eo se ? Diplo ? B : _[ø]_ zo traoù evit c'hoari.
quoi est ça Diplo <sujet élidé> R1 est choses pour jouer
A : 'C'est quoi ? Diplo ?' / B : 'C'est des choses pour jouer.'
Production enfantine (4 ans, 11 mois), Stephens (2000:141)


Diachroniquement, Le Roux (1957:440) relève des ellipses du sujet aussi anciennement que fin XV°. Elles sont signalées par le rannig a.

  • Da pinigenn memem tenno
Da guir roe sent __ a mem rento
__ A amanto __ a gouelo tenn
'Je me retirerai pour faire pénitence
me rendrai vers le vrai roi des saints
m'amenderai, pleurerai abondamment', Breton fin XV°, N. 378.

Ellipse de l'objet

L'objet est parfois élidé sous la condition d'identité avec un antécédent (1).


(1) Euz an traou koz am-bez soñj euz an traou nevez-dremenet n'am-bez ket _[ø]_ .
de le choses vieux R.1SG a souvenir de le choses nouveau1-pass.é ne1 R.1SG a pas <souvenir>
'J'ai souvenir des choses anciennes, je n'en ai pas des choses récentes.'
Trégorrois, Gros (1984:331)


On trouve aussi des contextes où l'objet est seulement saillant dans le discours.


(2) [ wèh h,ón l'a:r _[ø]_ tén ]
'oac'h o vont da lâret din
étiez à4 aller à1 dire _ à.moi
'Vous alliez me le dire.'
Breton central, Humphreys (1995:393)


L'ellipse peut alors être reprise anaphoriquement. En (3), ar bouzelloù 'les boyaux' co-réfère avec le sujet de la phrase antécédente.


(3) Anez e helled toulla _[ø]_ ha sklabeza al lard a oa outo.
sans (ça) R4 pouvait.on trouer __ et salir le lard R1 était sur.eux
'Sans ça on pouvait les trouer et salir le lard sur eux.'
Léonard (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:8)


Cependant, les ellipses de l'objet excèdent même ces environnements où l'objet est présent dans la structure informationnelle. L'objet non saillant en discours peut aussi être juste déduit dans l'interprétation.


(4) Setu an dud zo bet komañset da daoler _[ø]_ war ar gwinizh […].
donc le 1gens est été commenc.é de1 mettre sur1 le blé
'Donc les gens ont commencé à en mettre sur le blé.' (de l'engrais)
Léonard, Mellouet & Pennec (2004:92).


(5) Piou e-nevoa greet ?
qui R.3SG avait fa.it _[ø]_
'Qui l'a fait ?'
Trégorrois, Gros (1970:33)


(6) A-hont a zo eur chiminal hag a laosk diwarni.
là-bas R est un cheminée que R laisse _[ø]_ de.elle
'Là-bas, il y a une cheminée qui tire mal.'
Trégorrois, Gros (1970:§'leuskel')


Le mécanisme de l'ellipse n'est pas un simple système de recopiage, car en (7), l'interprétation n'est pas #'Mon argent, en tout cas, ne perdra pas de sa valeur puisque je n'ai pas mon argent.'


(7) Ma arhant-me, bepred, n'aint ket da fall, pa n'em eus ket _[ø]_.
mon2 argent-moi toujours ne1 iront pas à1 mauvais quand1 ne1 R.1SG a pas <argent>
'Mon argent, en tout cas, ne perdra pas de sa valeur puisque je n'en ai pas.'
Trégorrois, Gros (1989:'arhant')


ellipse de l'argument d'un existentiel

(8) Atav e vez _[ø]_ gant ar merc'hed divergont-se a zo falc'het o flourenn pell a zo.
toujours R4 est avec le femme.s dévergondé. R1 est faux.é leur2 fleurette long R1 est
'C'est toujours la même histoire avec les filles dépucelées de longue date.'
Bas-cornouaillais, Ar Floc'h (1950:77)
cité dans Menard (1995:148)

ellipse du sujet d'un passif

En (1), si argument il y a jamais eu, l'argument interne sujet du passif a été élidé.


(1) /'saɛd zo 'e'tre:zu /
Savet zo etrezo.
mont.é est ? entre.eux
'Ils se sont disputés.'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:262)

Ellipse d'argument indirect du verbe

(2) Bet out _[ø]_  ?
all.é es
'Tu y es allé.e ?'
Trégorrois, Gros (1970:33)


(3) Med bez a zo darn hag en em laosk _[ø]_ ive !
mais être R1 est certain que se1 lâcher aussi
'Mais il y en a aussi qui se laissent aller.'
Trégorrois, Gros (1970b:§'leuskel')


Ellipse de l'auxiliaire ober + sujet

(1) A : Ne viot ket pell evit dont da vezañ pinvidik. B : Karout _[ø]_ awalc'h, aotrou.
ne1 serez pas loin pour venir à1 être riche aimer (R ferai(s)) assez monsieur
A : 'Vous serez riche avant longtemps.' / B : 'J'aimerais assez, monsieur.'
Milin
cité dans Kervella (1947:§744)


(2) efed muioc'h ne ra ket _ mes founnusoc'h _[ø]_ kwa.
effet plus ne1 fait pas mais vite.plus fa.it quoi
'Ça ne fait pas plus d'effet mais (ça fait) plus vite quoi.'
Scaër, Cheveau & Kersulec (2012-évolutif:Scaër,'founnusoc'h')


(3) Kouignal a rae ar boledoù, spiniñ _[ø]_ an divskouarn, tintal _[ø]_ ouzh an tokoù-houarn.
couiner R1 faisait le balle.s frôler le deux.oreille tinter à le chapeau.x-fer
'Les balles couinaient, frôlaient les oreilles, tintaient sur les casques.'
Standard, CAPES 2005, traduction Hanotte (2000)


Dans les infinitives, on ne peut pas voir si le sujet est inclus dans l'ellipse, puisqu'il s'agirait de toute façon d'un sujet nul.


(4) Trabidellañ a rae ha gweañ _[ø]_ he daouarn.
flageoler R faisait et tordre son2 deux.main
'Elle flageolait et se tordait les mains.'
Standard, ar Barzhig (1976:61)

Ellipse de IP

(1) A : - Petra raec'h ba Beauce ? B : Femelat betrav _[ø]_ .
quoi faisiez dans "Beauce" éclaircir betteraves <R faisais>
A : 'Que faisais-tu en Beauce ?' / B : 'Femeller [Démarier], éclaircir les betteraves.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:38)


(2) Chom a sav a rankis ober, pennglinañ _[ø]_ .
rester à.debout R1 dus faire _ a.genou.iller (R1 dus faire )
'Je dus m'arrêter, mettre un genou en terre.'
Standard, corrigé CAPES 2005
traduction de Hanotte, X. 2000. Derrière la colline, Belfond.


Le verbe tensé peut aussi être élidé sous identité avec un sujet différent.


(3) Kentoc'h e skuizh ar freilh eget _[ø]_ al leur.
plutôt R4 fatigue le fléau que (fatigue) le aire
'Le fléau se fatigue plus tôt que l'aire.'
Breton pré-moderne, Sauvé (1878:10)
cité dans Menard (1995:157)


evel + sujet

(4) N'eus netra hag a gousi an douar evel an ed _[IP ø]_ .
ne1 est rien que R1 souille le terre comme le blé/céréale
'Rien ne souille la terre comme la céréale (ne souille la terre).'
Breton pré-moderne, Dihunamb (1909:315)
cité dans Le Gléau (2000b:461)


avec l'auxiliaire anaphorique ober

Les cas de reprise anaphorique d'ellipses qui utilisent graet, participe de ober, 'faire' sont étranges, car il serait impossible de rétablir l'ellipse tout en gardant la forme en ober.


(5) Me 'zo kondaonet d'ar maro, ha c'hwi '(v)o graet ivez !
moi est condamné à1 le mort et vous sera fa.it aussi
'Je suis condamné à mort, et vous le serez également !'
Favereau (1997:§374)


(6) /mə mbez guləne li:w ̌jəti, me Xi fote če təXi gober den/
Me 'mbez goulennet kant lev geti met hi faote ket dezhi gober din.
moi 1SG.a.HAB demand.é cent franc avec.elle mais elle fallait pas à.elle faire à.moi
'Je lui ai demandé cent francs, mais elle ne voulait pas me (les) donner.'
Vannetais (Groix), Ternes (1970:321)


après mot interrogatif

(7) Aaaa ! Me meus bet tomm ayayaylh ! Ma vouefes pegement (meus bet tomm ).
Ahlala ! moi 1SG.a eu chaud aîeaïeaïe ! si4 savais combien 1SG.a eu chaud
'J'ai eu un coup de chaud, ahlala ! Si tu savais combien (j'ai eu chaud) !
Cornouaillais (Locronan), A-M. Louboutin (02/2022)

Ellipse du VP

Les structures verbales peuvent ne pas être prononcées lorsqu'une structure similaire a été produite précédemment.


avec l'auxiliaire anaphorique ober

Dans les cas d'ellipse du syntagme verbal, les traits de temps et de mode et d'accord éventuel sont portés par l'auxiliaire ober, 'faire'. C'est alors plausiblement la forme non-tensée du verbe qui est élidée.


(1) Ma mamm a harme ha ma-unan a reen ivez.
mon2 mère R pleurait et [ mon-un R faisait _[VPø]_ aussi ]
'Ma mère pleurait et moi-même je le faisais aussi.'
Trégorrois, Gros (1984:187)


Il est possible d'antéposer une sous-partie du groupe verbal par mouvement A-barre. Il est alors en dehors de l'ellipse. En (2), le verbe interprété dans l'ellipse est le verbe sentiñ, 'obéir'. Son argument ouzh ar garreg a été évacué du syntagme verbal par mouvement focal.


(2) An hini ne sent ket ouzh ar stur, ouzh ar garreg a raio sur.
le celui ne1 obéit pas à le gouvernail à le 1rochers R1 fera _[VPø]_ sûrement
'Qui n'obéit pas à la barre obéira aux rochers.'
Proverbe


Le syntagme verbal élidé n'a pas à être en relation de c-commande avec l'ellipse. En (3), le sujet et sa relative sont séparés de leur verbe a ra par une proposition circonstancielle de temps. Le syntagme verbal de cette proposition circonstancielle de temps, degass un douzh o familh da labourad ba'r memes ti, est interprété comme objet élidé de l'auxiliaire ober 'faire' de la proposition principale.


(3) … pa c'hallant [ degass un douzh o familh da labourad ba'r memes ti ] , a ra _[VPø]_
quand1 peuvent apporter un de leur2 famille à1 travailler dans le même maison R fait
'… lorsqu'ils peuvent faire venir quelqu'un de leur famille pour travailler dans la même maison, ils le font.'
Cornouaillais, Plourin (2000:42)


Il est intéressant de noter que le syntagme verbal élidé est alors plausiblement après l'auxiliaire tensé a ra, alors que cet ordre de mots serait illicite sans élision, car la tête verbale serait obligatoirement montée dans la tête tensée:

Ar re neus ur post tu bennak a zegas un douzh o familh da labourad ba'r memes ti.
et non pas
*Ar re neus ur post tu bennak a ra degas un douzh o familh da labourad ba'r memes ti.


Comme noté par Lasnik (2001), l'effacement phonologique d'un trait interprétable semble satisfaire à l'effacement de son trait ininterprétable correspondant.


Ellipse de proposition infinitive

(4) Honnez na oa ket eur plah vrao, na tost ivez _[ø]_ !
celle-là ne.R était pas un fille1 belle ni près aussi <de être un fille1 belle>
'Ce n'était pas une jolie fille, ni près de l'être (elle était laide).'
Trégorrois, Gros (1984:161)


Ellipse de prédicat introduite par ken

L'adverbe ken, ker, kel, 'tant, tellement' peut introduire une réitération du prédicat. Sémantiquement, cette tournure sert à insister sur le degré du prédicat adjectival.


(1) Me 'vad, emon-me, a zo nehet ken ez on nehet.
moi cependant dis-je-moi R1 est inquiét.é autant R+C,4 suis inquiét.é
'Moi, dis-je, je suis inquiet, je suis vraiment inquiet !'
Trégorrois, Gros (1984:63)


Sous identité, ce prédicat réitéré peut être partiellement élidé, qu'il soit adjectival ou verbal. Seule reste la copule ou l'auxiliaire ober, 'faire', servant de support morphologique au matériel temporel (Jouitteau 2011, 2012).


ellipse de prédicat adjectival

(2) Hennezh a zo gaouiad, ken ez eo _[ø]_
celui-là R1 est mensong.eur autant R4z est
'Celui-là ment comme un arracheur de dents'
Trégorrois, Gros (1984:50)


(3) A-hervez e oa droug ken e oa _[ø]_.
selon R4 était méchant autant R4 était
'Il paraît qu'il était terriblement méchant'
Trégorrois, Gros (1984:50)


ellipse de prédicat verbal

(4) Ar bugel-ze a labour ken e ra _[VPø]_
le enfant. R1 travaille autant R4 fait
'Cet enfant travaille énormément.'
Trégorrois, Gros (1984:50)


(5) Ar paotr all a c'hoarzhe ken e(/a) ree _[VPø]_

'L'autre garçon riait autant qu'il pouvait.'
Trégorrois, Gros (1984:50)

Objet élidé focalisé par ken

À Groix, un objet élidé peut être focalisé par l'adverbe ken, 'seulement'. Une analyse alternative est qu'il s'agit de la forme ancienne de ken, nom signifiant 'autre chose'.


(6) / fə še lake čein ar-əntãn /
2SG.a pas m.is seulement sur-le feu
'Tu n'as mis que cela sur le feu ?'
Vannetais (Groix), Ternes (1970:292)


Ellipse de l'article

Il existe quelques contextes où l'article n'est pas réalisé dans le groupe nominal. C'est par exemple le cas lorsqu'un adjectif au comparatif de supériorité est antéposé au nom.


(1) N'em-eus ket an'vet gwasoh lorgenn morse !
ne1 R.1SG a pas conn.u pire paresseux jamais
'Je n'ai jamais rencontré quelqu'un avec un tel poil dans la main !'
Cornouaillais (L'Hôpital-Camfrout), Le Gall (1957:'lorgenn')


Indépendamment, certains dialectes centraux et jusqu'en Hat-Cornouaillais ne prononcent que rarement les articles (cf. la page sur les articles).


(2) n'hiñ gev mad chiss, gev mad li !
An hini a gav mat ar chistr a gav mat al li ! Équivalent standardisé
le celui R1 trouve bon le cidre R1 trouve bon le lie
'Qui aime le cidre aime la lie !'
Cornouaillais de l'Est, Bouzec & al. (2017:273)


Sluicing

Le sluicing, en français 'éclusage' ou 'ellipse en écluse', est un type d'ellipse où seul un élément interrogatif wh- survit à l'ellipse.


(3) … hag ez eas da guzad n'onn dare da beleh ______.
et R+C,4 alla pour1 cacher ne1 sais du.tout [ pour1 <est allé se cacher> ]
'...et il est allé se cacher je ne sais pas où.'
Léonard (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:164)


identité de l'ellipse

L'élément élidé peut être varié: une proposition tensée, un participe...


(4) … bremañ ez eus aze des bâtiments n'on dare d'ober petra. _____ .
maintenant R+C,4 est ici des bâtiments ne1 sais du.tout [ pour1 faire petra <ya des bâtiments> ]
'...maintenant il y a des bâtiments je sais pas à quoi ils servent.'
Léonard (Ouessant), Gouedig (1982)


ellipse sans identité

En (5), la reconstitution de l'ellipse donne n'ouzon ket eus a belec'h 'oa deuet, qui contient une copule oa qui n'est pas réalisée dans le reste de la phrase.


(5) Eur rummad all deuet n'ouzon ket euz a beleh _____ .
un groupe autre ven.u [ ne1 sais pas de de1 <était venu> ]
'un autre groupe venu de je ne sais où… '
Léonard (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:200)


interrogatif tête de relative

En (6), l'interrogatif pelec'h survivant de l'ellipse est la tête d'une relative. Cette structure est agrammaticale en français.


(6) Kuzad a reas ar fuzuill n'on dare peleh ha n'en-doe ket a ezomm da en em servicha diouz outañ.
cacher R fit le fusil ne1 sais du.tout [ que ne1 3SGM avait pas de1 besoin de1 se1 servir de de.lui ]
'Il cacha le fusil je ne sais où, dans un endroit où il n'avait pas besoin de s'en servir.'
Léonard (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:195)


Bibliographie

horizons comparatifs

  • Rouveret, Alain. 2012. 'VP Ellipsis, Phases and the Syntax of Morphology', Natural Language and Linguistic Theory' 30: 897-963.

autres études théoriques

  • Anderbois, Scott. 2011. Issues and alternatives, PhD dissertation, University of California, Santa Cruz.
  • Arregui, Ana, Clifton, Charles, Frazier, Lyn and Keir Moulton. 2006. 'Processing elided VPs with flawed antecedents: the recycling hypothesis', Journal of Memory and Language 55(2): 232-246.
  • Baltin, Mark. 2012. 'Deletion vs. pro-forms: An overly simple dichotomy?', Natural Language and Linguistic Theory 30:381–423.
  • Chung, Sandra. 2006. 'Sluicing and the lexicon: The point of no return', Proceedings of the annual meeting of the Berkeley Linguistics Society 31, 73–91.
  • Chung, Sandra. 2013. 'Syntactic identity in sluicing: how much and why', Linguistic Inquiry 44: 1, 1-44.
  • Chung, Sandra, William A. Ladusaw, & James McCloskey. 1995. 'Sluicing and Logical Form', Natural Language Semantics 3:239–282.
  • Craenenbroeck, Jeroen van. 2010. 'Invisible Last Resort. a note on clefts as the underlying source for sluicing', Lingua 120, 1714–1726.
  • Dalrymple, Mary, Stuart M. Shieber, and Fernando C. N. Pereira. 1991. 'Ellipsis and higher-order unification', Linguistics and Philosophy 14, 399–452.
  • Fiengo, Robert, & Robert May. 1994. Indices and identity, Cambridge, MA: MIT Press.
  • Ginzburg, Jonathan, & Ivan Sag. 2000. Interrogative investigations, Stanford, CA: CSLI Publications.
  • Hardt, Daniel. 1993. Verb phrase ellipsis: Form, meaning, and processing, dissertation doctorale, University of Pennsylvania.
  • Kehler, Andrew. 2002. Coherence in discourse, Stanford, Calif.: CSLI Publications.
  • Kim, Christina, Gregory M. Kobele, Jeffrey T. Runner, & John T. Hale. 2012. 'The acceptability cline in VP ellipsis', Syntax 14, 318-354.
  • Lasnik, Howard. 1995. 'Verbal Morphology: Syntactic Structures Meets the Minimalist Program', Kempchinsky and Campos (éds.), Evolution and Revolution in Linguistic Theory: Essays in Honor of Carlos Otero, Georgetown: Georgetown University Press.
  • Lasnik, H. 2001. 'A note on the EPP', Linguistic Inquiry 32.2.
  • Lobeck, Anne. 2005. 'Ellipsis in DP', Martin Everaert And Henk Van Riemsdijk (éds.), The Blackwell companion to Syntax, Blackwell Publishing, vol II, chap.22.
  • Mechant, Jason. 2001. The syntax of silence: Sluicing, islands, and the theory of ellipsis, Oxford University Press.
  • Merchant, Jason. 2008. 'An asymmetry in voice mismatches in VP-ellipsis and pseudogapping', Linguistic Inquiry 39, 169–179.
  • Merchant, Jason. 2013. 'Voice and Ellipsis', Linguistic Inquiry 44, 77-108.
  • Potsdam, Eric. 2007. 'Malagasy sluicing and its consequences for the identity requirement on ellipsis', Natural Language and Linguistic Theory 25:577–613.
  • Sag, Ivan. 1976. Deletion and Logical Form, dissertation doctorale, MIT, Cambridge, MA.
  • Sag, Ivan, & Jorge Hankamer. 1984. 'Toward a theory of anaphoric processing', Linguistics and Philosophy 7:325–345.
  • Vicente, Luis. 2008. 'Syntactic isomorphism and non-isomorphism under ellipsis', Unpublished manuscript texte.
  • Warner, Anthony. 1985. The structure of English auxiliaries: A phrase structure grammar, Bloomington, Indiana: Indiana University Linguistics Club.
  • Williams, Edwin. 1977. 'Discourse and Logical Form', Linguistic Inquiry 8:101–139.