Sélection de l'auxiliaire

De Arbres
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Aux temps composés, les deux auxiliaires bezañ 'être' et kaout 'avoir' sélectionnent des verbes lexicaux selon la structure thématique de ces derniers.

Les verbes transitifs apparaissent avec l'auxiliaire kaout 'avoir' (Kervella 1995:§208). La situation des intransitifs est moins claire.


(1) Eul loen a oar abred pegoulz e vez manket.
un animal R1 sait tôt quand R4 est manqu.é
'Un animal reconnaît vite quand il a fait une faute.'
Trégorrois, Gros (1989: 'abréd')


(2) Ar brizonerion o doa marvet get an naon.
le 1prisonn.iers 3PL 3.avait mourr.u avec le faim
'Les prisonniers étaient morts de faim.'
Haut-vannetais, Louis (2015:96)


Préliminaire à l'analyse: les environnements non-testables

opacité de la sélection dans les infinitives

Dans les propositions infinitives, le verbe auxiliaire peut apparaître sous la forme bezañ ou bout, qui est à la fois la forme infinitive du verbe 'être' et du verbe 'avoir'.

Les exemples en infinitives montrent donc des auxiliations en bezañ ou bout avec toute sorte de structure thématique verbale; transitifs et intransitifs.


(3) [ ɵ funisô wa mojen bu be grajT ]
ar fonnusañ oa moaien bout bet graet.
le vite.le.plus était moyen être été fa.it
'le plus rapidement qu'il était possible de faire.'
Cornouaillais de l'Est (Lanvénégen), Evenou (1987:575)


exemples de transitifs auxiliés en infinitives

 verbes transitifs relevés:
 refuziñ, 'refuser', lazhañ, 'tuer', kontañ, 'raconter'


(4) Gwell ' vize dac'h bout refuzet.
mieux R serait à.vous [VP être refus.é ]
'Il aurait mieux valu que vous refusiez.'
Breton central, Davalan
cité dans Favereau (1997:§375)


(5) Darbet ' oa din bezañ la'het anezhañ.
faill.i R était à.moi [VP être tu.é P.lui ]
'J'ai failli le tuer.'
Breton central, Davalan
cité dans Favereau (1997:§375)


(6) Arabat ' oa deoc'h bezañ kontet an-dra-se dezhe.
défendu R était à.vous [VP être cont.é le 1chose- à.eux ]
'Il n'aurait pas fallu que vous leur racontiez cela.'
Favereau (1997:§375)


Les infinitives ne sont pas un environnement où la sélection de l'auxiliaire peut être aisément observée, puisque les deux auxiliaires n'y sont pas distinguables.

Ce paradigme pose d'autres questions. Il existe des formes morphologiques de l'auxiliaire 'avoir' qui ne sont pas ambiguës, et qu'on ne peut confondre avec l'auxiliaire 'être'. Ce sont les formes endevout et kaout. Existe-t-il dans les domaines infinitifs des exemples de ces formes verbales non-ambiguës ? Elles ne sont pas jusqu'à présent documentées. Pourquoi des formes infinitives de 'avoir' ne pourraient-elles pas être disponibles dans ces domaines ?

reprise de groupe verbal en ... en deus graet

Stephens (1982:185) remarque que même les verbes qui sélectionnent obligatoirement le verbe bezañ 'être' ont un auxiliaire perfectif en kaout dans le cas d'une antéposition du groupe verbal.


(1) Chomet { eo / * en deus } Fanch da gousket.
rest.é est R.3SG 3.a Fañch à1 dormir
'Fañch est resté dormir.'
Trégorrois, Stephens (1982:185)


(2) Chom da gousket en deus graet Fanch.
rester à1 dormir R.3SGM a fa.it Fañch
'Fañch est resté dormir.'
Trégorrois, Stephens (1982:185)


  • Dont deus Gwengamp o deus graet.
'Ils sont venus de Guingamp.'
Trégorrois, Stephens (1982:185)
  • Kouezhañ diwar ar gador he deus graet.
'Elle est tombée de sa chaise.'
Trégorrois, Stephens (1982:185)


L'auxiliaire kaout est alors celui du verbe transitif ober 'faire', et non celui du verbe infinitif antéposé dans son groupe verbal.

Verbes qui sélectionnent l'auxiliaire bezañ, 'être'

Dans les domaines tensés, le verbe bezañ est globalement sélectionné comme auxiliaire de façon beaucoup plus fréquente en breton qu'en français. Cependant, on ne relève pas d'exemples avec des transitifs (à la voix active).


inaccusatifs

Les verbes inaccusatifs sont ceux où le sujet est le patient ou l'expérienceur de l'action. Ils se trouvent prototypiquement avec l'auxiliaire 'être', ce qui dessine un contraste net avec le français. Cependant, la plupart des inaccusatifs ont aussi des emplois où le sujet est l'agent et où l'auxiliaire sera alors kaout 'avoir', ce qui donne une alternance dans la sélection de l'auxiliaire.

Vallée (1980:XXIV) associe l'auxiliaire bezañ 'être aux intransitifs "dont le sens est plutôt passif", ce qui est probablement à interpréter comme "à la voix active, mais sans argument agent". Il illustre avec padout 'durer', koustañ 'coûter', halañ 'vêler':

  • Padet eo., 'Il a duré.'
  • Koustet eo., 'Il a couté.'
  • Halet eo ar vuoc'h., 'La vache a vêlé.'


Les exemples donnés par Hewitt (2001) pour le trégorrois sont aussi des inaccusatifs.


(1) Kousted eo ker diñ. Paded eo pell a-waĺc'h. Brawaed eo an amser.
coût.é est cher à.moi dur.é est loin assez bell.i est le temps
'Ça m'a coûté cher. Ça a assez duré. Le temps s'est amélioré'
Trégorrois, Hewitt (2001)


Ce sont aussi des verbes inaccusatifs que Kerrain (2001) cite comme sélectionnant l'auxiliaire 'être' : bezañ 'être', chom 'rester', dimeziñ '(se) marier', paouez 'cesser, arrêter', fellout 'vouloir', et les verbes de mouvement mont 'aller', dont 'venir', kouezhañ 'tomber', pignat 'monter', et diskenn 'descendre'.


On relève aussi, encore en contraste avec l'auxiliaire avoir dans leur traduction:

 verbes intransitifs :
 kregiñ gant 'commencer'
 delc'her da 'continuer à'
 
(2) Kroget ' oant get brezel al linselioù.
commenc.é R étaient avec guerre le drap.s
'Ils avaient attaqué les ébats amoureux.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:38)


(3) N'on ket bet dalhet da gemer kig digand Jobig.
ne suis pas été continu.é à1 prendre viande à Jobig
'Je n'ai pas continué à prendre de la viande à Jobig.'
Trégorrois, Gros (1970:29)

inergatifs ?

Les verbes inergatifs ont un argument agentif et sélectionnent plutôt l'auxiliaire kaout 'avoir'. En (5), diflipañ semble inergatif - dans le contexte de cette bande dessinée, les personnes ont déployé beaucoup d'efforts agentifs pour s'échapper. Le verbe bezañ pourait être le résultat d'une passivisation, mais elle ferait peu sens en contexte.


(5) Boulc'hurun ! Diflipet int c'hoazh !
boule.5tonnerre ! échapp.é sont encore
'Tonnerre ! Ils se sont encore échappés !'
Standard, Kervella (2002b:33)


verbe détransitif

Un cas particulier à noter est celui des verbes détransitifs. Ces verbes sont détransitivés par l'ajout de la préposition da qui introduit alors l'expérienceur. On obtient alors un détransitif, un verbe qui n'a plus qu'un seul argument direct, et est donc intransitif. Il apparaît alors avec le verbe 'être'.


(6) Ar pae 'oa intereset din.
le paie était intéress.é à.moi
'La paie m'avait intéressé.'
Trégorrois, reporté dans Favereau (1997:§372)


verbe passivisés

Un cas spécial de verbe détransitif est un verbe mis au passif.


(7) Dantet ouñ bet gand eur morbik.
dent.é suis été avec un mer1.pie
'J'ai été pincé par une pie de mer.'
Léonard (Ouessant), Malgorn (1909)


'avoir quelque chose sur le corps'

Cette tournure du français a un équivalent breton qui utilise l'auxiliaire opposé. À noter aussi que le français utilise alors des articles (avoir de l'huile sur les doigts) là où le breton utilise des possessifs (/être de l'huile sur son doigt/).


(1) Ar breur Arturo a oa an tan en e gig, en e wad, en e benn.
le frère Arturo R était le feu en son1 chair en son1 sang en son1 tête
'Le frère Arturo avait le feu dans la chair, dans le sang, dans la tête.'
Standard, Drezen (1990:45)


(2) Emañ he blev war he daoulagad.
est son2 chevelure sur son2 deux.yeux
'Elle a les cheveux sur les yeux.'
Standard, Kerrain (2010:85)


(3) Ruz muzelloù zo war e fri.
rouge lèvre.s est sur1 son1 nez
'Il a du rouge à lèvres sur le nez.'
Standard, Kerrain (2010:85)


Verbes qui sélectionnent l'auxiliaire kaout, 'avoir'

Comme le verbe bezañ 'être', le verbe kaout 'avoir' se sélectionne aussi lui-même comme auxiliaire.


(1) Ha setu neus bet an traou-se tout evit netra deus perzh ma zud ivez.
et voila 3.a eu le choses- tout pour rien de part mon2 parents aussi
'Et aussi il a eu toutes ces choses là gratuitement de mes parents.'
Bas-Cornouaillais (Tréboul), Hor Yezh (1983:74)


verbes de mouvement

Kervella (1995:§213) remarque que le groupe des verbes de mouvement peuvent apparaître avec kaout 'avoir':

 lammat, bale, kerzhout, pourmen, trotal, galoupat, redek, nijal, tec'hout...


(1) Yann en doa kouezhet en droug ar mintin-mañ.
Yann 3SG 3.avait tomb.é en.le mal le matin.
'Yann a fait une crise d'épilepsie ce matin.'
Haut-vannetais, Louis (2015:232)


La liste semble induire la classe des verbes inergatifs, mais on trouve aussi des sujets qui ne peuvent pas être agents: comme en haut-vannetais avec un sujet inanimé.


(2) Karget eo ar fozelloù get ar glav en deus kouezhet a-c'houde dec'h.
charg.é est le fossé.s avec le pluie 3SG 3.a tomb.é depuis hier
'La pluie qui est tombée depuis hier a rempli les fossés.'
Haut-vannetais, Louis (2015:106)

inergatifs

Selon Gros (1984:327,8), kaout 'avoir' est l'auxiliaire des temps composés "d'un grand nombre de verbes intransitifs". Il ajoute, en plus des verbes de mouvement de Kervella, une série d'autres verbes sélectionnant l'auxiliaire 'avoir' :

 barailhat (bazailhat), begivinañ, berañ, bevañ, blejal, bramaat, breugeusat, butuniñ, c'hoarzin, c'hwezhañ, c'hweziñ, c'hwitañ, c'hwitellat, dañsal, darbar, despetiñ, diskuizhañ, dislonkañ, distrevial, distummañ, fraoñval, garmat, gouelañ, gragailhat, gwaskennat, gwinkal, harzal, hastañ, hopal, huchal, hulmañ, huñvreal, jilgammat, kac'haat, kanañ, kaozeal, klakenniñ, klemm, koazañ, komz, kontañ, kousk, krenañ, krial, labourat, loeniñ, lorgnat, luchañ, luhañ, mignaoual, neuial, pec'hiñ, poaniañ, reviñ, rodañ, rodeal, roulañ, ruzañ ('ramper'), seniñ, skarañ, skeiñ (gant), sklokal, skrignal, staotat, strakal, teuler (da), treiñ, troazhañ, truantal, youc'hal.


A part le cas tangent de c'hwezhañ 'souffler', cette liste semble coïncider avec celle des verbes inergatifs.


(3) Va hoar-gaer Margrid he-doa he c'hoar dimezet gand eul labourer er porz...
mon2 sœur-1beau Marguerite 3SGF 3.avait son2 sœur mari.é avec un travaill.eur en.le port
'La sœur de ma belle-sœur Marguerite avait marié un docker...'
Léonard (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:189)

inaccusatifs

Les verbes inaccusatifs, intransitifs avec uniquement un argument interne affecté par l'action, peuvent sélectionner l'auxiliaire kaout 'avoir'.


(4) /'bɛrvɛd nøz n 'du:r/
Bervet 'neus an dour.
bouill.i 3.a le eau
'L'eau a bouilli.'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:281)


Dans la liste de Gros (1984:327,8), on trouve aussi quelques inaccusatifs: diskornañ, fleriañ, sec'hiñ, skornañ, tommañ, yenañ....


verbes réfléchis

Contrairement au français, les verbes qui apparaissent avec un pronom réfléchi ou réciproque en breton peuvent sélectionner l'auxiliaire kaout 'avoir'. Selon Vallée (1980:XXIV), "le breton préfère am eus si le sens est actif". Il donne Al louarn en deus en em zouaret 'Le renard s'est terré.'

L'auxiliaire kaout se trouve avec des réfléchis dans tous les dialectes. L'agentivité ne semble pas nécessaire.


(1) Setu an uzinou o-deus en em lakaet da ober eul ludu dem-heñvel ha gwelloh-marhad.
voici le usine.s 3PL 3.a se m.is à1 faire un cendre quasi-1pareil et mieux-marché
'Donc les usines se sont mises à produire une cendre presque identique et meilleur marché.'
Léonard (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:49)


(2) Amelia e neus c'hoarzhet pa neus komprenet e noa en em dromplet.
Amelia R.3SG a r.i quand1 R.3SG a compr.is R.3SG avait se1 tromp.é
'Amélia a ri parce qu'elle a compris son erreur.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (05/2018)


(3) Ar vugale o deus en em welet deac'h.
le 1enfant.s 3PL 3.a R se1 v.u hier
'Les enfants se sont vus hier.'
Léonard (Plougerneau), M-L.B (10/2018)


(4) Ar vandenn a-bez he deus en em serret en eun torkad.
le 1bande en-entier 3SGF 3.a se1 rang.é en un troupeau
'Tout le troupeau s'est rassemblé.'
Trégorrois standardisé, Le Bozec (1933:82)


(5) Hep dale pell, Herri an-nevoa en em gollet.
sans retard long Herri R.3SGM avait.HAB se1 perd.u
'Il ne fallut pas longtemps pour qu'Herri se perde.'
Trégorrois (Tréguier), Ar Moal (1902:14)


(6) A pa oa predet, holl an dud o doa em stardet muioc'h c'hoazh trema an oaled...
et quand1 était dîn.é tout le 1gens 3PL 3.avait se1 rapproch.é plus encore vers le foyer
'Après le repas, tout le monde se rapprocha encore plus du foyer...'
Vannetais, Ar Meliner (2009:135)


(7) Klevet ar c'homzoù-se, em boa hum hiriset.
entend.u le 5parole.s- R.1SG 1.avait se1 hériss.é
'En entendant ces paroles, j'étais plein d'aversion.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:15)

breton vs. français

Dans quelques cas, on trouve l'auxiliaire 'avoir' kaout, où on ne l'attendrait pas en français, comme avec les verbes dont la traduction est en français un verbe pronominal: diskuizhañ '(se) reposer' ou fachiñ 'se fâcher', daoulinañ '(se) agenouiller'.


(1) bremañ p'am-eus diskuizet
maintenant quand1 R.1SG a .fatigué
'maintenant que je me suis reposé'
Trégorrois, Gros (1970:27)


(2) P'em behé kleuet goah get un dén d'em chonj, n'em behé ket fachet tam erbet.
si R.1SG 1.aurait entend.u pire avec un personne de mon2 pensée ne1 1SG aurait pas fâch.é morceau aucun
'Si j'avais entendu pire par une personne à ma convenance, je ne me serais pas du tout fâché.'
Vannetais (1917), Sévéno ENVD.


(3) Daoulinet he-deus er vered.
deux.genoux.é 3SGF 3.a en.le 1cimetière
'Elle s'est agenouillée dans le cimetière.'
Léonard, Seite & Stéphan (1957:26)


Verbes qui se trouvent avec les deux auxiliaires

verbes de mouvement

Les verbes de mouvement prennent normalement l'auxiliaire kaout 'avoir'.


(1) If 'n hini e-nevoa redet ar buannañ tout.
Yves le celui R.3SG avait.HAB cour.u le vite.le.plus tout
'C'est Yves qui avait couru le plus vite de tous.'
Trégorrois, Gros (1984:329)


Cependant, des dérivés de verbes de mouvements avec le préfixe de-, di-, comme deredek, dilammat, dinijal apparaissent avec bezañ 'être' Kervella (1995:§213).


(2) kalz tud eus a bell a oa deredet da gemer perzh el lidoù kaer...
beaucoup gens de de1 loin R1 était .accour.u pour1 prendre partie en.le fête.s beau
'Beaucoup de gens de loin étaient accouru pour participer aux festivités...'
Léonard (Bodilis), Ar Floc'h (1985:158)


De même, les verbes de mouvement associés avec la postposition kuit, apparaissent avec bezañ 'être' Kervella (1995:§213).


(3) Ma ne vijen ket redet kuit
si ne1 étais pas cour.u parti
'Si je ne m'étais pas enfui...'
Standard, Drezen (1990:74)


Kervella (1995:§213) ajoute même que la présence d'un complément circonstanciel peut déclencher l'auxiliaire bezañ 'être'.


  • Nijet eo al labous diwar e neizh.
  • Redet eo an dour dre ar san en devoa digoret.
  • Lammet eo ar c'had a-dre e dreid.


Il existe manifestement des variations dialectales à la règle de Kervella, car on peut trouver des verbes de mouvement avec kuit et un complément circonstanciel, tout en ayant l'auxiliaire kaout 'avoir'.


(4) Tec'het 'neus kuit dirak ar eontroù-kordenn.
enfui 3.a parti devant le oncle.s-corde
'Il s'est échappé devant les gendarmes.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:38)


komañs (da)

Le verbe komañs se trouve avec les deux auxiliaires.


(1) evid ar baotred o-deus komañset o studiou diwezad.
pour le 1homme.s 3PL 3.a commenc.é leur2 étude.s tard
'Pour les hommes qui ont commencé tard leurs études.'
Léonard, Fave (1989:121)


(2) Setu an dud zo bet komañset da daoler war ar gwinizh […].
donc le 1gens est été commenc.é à1 mettre sur1 le blé
'Donc les gens ont commencé à en mettre sur le blé.' (de l'engrais)
Léonard, Mellouet & Pennec (2004:92)


soñjal, 'penser'

Le verbe soñjal 'penser à, avoir l'intention de', peut se rencontrer avec les deux auxiliaires.


(1) A: - N'oc'h ket sonjet monet ? B: - Nann, n'on ket sonjet monet.
ne1 êtes pas pens.é aller Non ne1 suis pas pens.é aller
A : 'Tu n'as pas l'intention d'y aller ?' / B : 'Non, je n'en ai pas l'intention.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:67)


(2) Soñjet he-devoa dond da heul ar re all.
pensé 3SGF 3.avait venir pour1 suivre le ceux autre
'Elle avait décidé de venir à la suite des autres.'
Trégorrois, Gros (1984:327)


inaccusatifs koustañ, padout, plijout

Selon Gourmelon (2014:76), les verbes koustañ 'coûter', padout 'durer', plijout, 'plaire' sont utilisés avec l'auxiliaire bezañ en Léon et Trégor, et avec kaout dans une bonne partie de la Cornouaille.


(1) A-viskoaz eo bet plijet e wele dezañ.
à1-toujours est été pl.u son1 lit à.lui
'De tout temps son lit lui a plu (il a aimé son lit).'
Trégorrois, Gros (1970:29)


Ce n'est en tout cas pas le cas en Cornouaille à Plozevet, ni à Clohars-Carnoët.


(2) / ãn 'ti se ne ke ˌkustɛ 'kɛ:r ˌdɛ /
An ti-se n'eo ket koustet ker dezañ.
le maison- ne1 est pas coût.é cher à.lui
'Cette maison ne lui a pas coûté cher.'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:301)


(3) 'N dreu-s ' oa pad't duran' teir eur.
le 1chose- R était dur.é durant trois heure
'Ça a duré trois heures.'
Cornouaillais (Clohars-Carnoët), Bouzec & al. (2017:123)

état vs. action dans les intransitifs

Selon Guillevic & Le Goff (1986:47), il existe une alternance pour 'certains verbes' dans la sélection de l'auxiliaire selon qu'il s'agit d'un état ou d'une action. Ils donnent:

 'Je suis allé.'       oeit on    / em eus oet
 'Je suis venu.'       deit on    / em eus deit
 'Je suis arrivé.'     arriù on   / em eus arriùet
 'Il est mort.'        marù é     / en des marùet
 'Ils sont restés.'    chomet ind / ou des chomet
 'Je suis tombé.'      koéhet on  / em es koéhet


La différence n'est cependant pas toujours limpide.


(1) e beñ 'm eus chomet klañv getoñ.
Eh bien ! R.1SG a rest.é malade avec.lui
'Eh bien, j'en suis tombé malade.'
Haut-vannetais, Louis (2015:278)


Pour le KLT, on trouve la même note chez Gourmelon (2014:75), et chez Goyat (2012:301) à Plozévet ("Certains verbes se conjuguent tantôt avec l'auxiliaire /møz/ « 'meus » avoir, tantôt avec l'auxiliaire /be/ « beza » être, selon que l'on met l'accent sur l'action elle-même ou sur son résultat"), qui donne:

 /kọ'se:d nøz/ - /kọ'se:d ɛ/ koseet 'neus – koseet eo, 'Il/elle a vieilli.'
 /'klã:vɛd møz/ - /'klã:vɛd õ/ klañvet 'meus – klañvet on, 'Je suis tombé malade.'


Selon Kervella (1995:§213), le verbe kaout marque que l'état désigné par le verbe lexical est advenu parallèlement à un autre évènement. Il donne les phrases suivantes, qui ne correspondent pas toutes à sa règle:

 Kouezhet on en e gichen. vs. Kouezhet em eus en ur zont.
 'Je suis tombé à côté de lui.' vs. 'Je suis tombé en allant (sur la route)'
 
 Kousket e oan neuze. vs. Kousket em boa mat e-pad an noz.
 'J'étais endormi.e' vs. 'J'avais bien dormi pendant la nuit.'
 
 Marvet int.           vs. Marvet en deus al leue bihan.
 'Ils sont morts.'     vs. 'Le petit veau est mort.'
 
 Kresket eo an avaloù, vs. Kresket o devoa an delioù dindan eizhtez.
 'Les pommes ont grossi.' vs. 'Les feuilles ont poussé sous huitaine.'
 

Favereau (1997:§480) note aussi une alternance:

"Des interférences existent (PT 243, FK [213]), surtout pour les intransitifs, selon que l'on souligne l'action elle-même (avoir) ou son résultat (être), comme pour les réfléchis":
pignet eo/pignet en deus (= emañ e krec'h / graet en deus), 'Il est monté'
pegen kresket eo / ya, kresket en deus kalz (YG), 'Il a poussé (grandi).'
kouezhet on en e gichen / kouezhet em eus en ur zont (FK §[213], FR 3), 'Je suis tombé en venant.'
maro ê / marvet en neus - & marvet eo Ph, 'Il est mort /décédé'

Hypothèse de Schapansky (1994)

Schapansky (1994b) applique aux données du breton l'hypothèse non-accusative développée par Perlmutter (1978) sur la sélection de l'auxiliaire. Les verbes dits 'forts' correspondraient aux verbes non-ergatifs et utiliseraient l'auxiliaire kaout/endevout, 'avoir'. Les verbes dits 'faibles' correspondraient aux verbes non-accusatifs et utiliseraient l'auxiliaire bezañ 'être'.


Horizons comparatifs

Dans beaucoup de langues comme en anglais, l'équivalent de l'auxiliaire 'être' sélectionne des compléments dont la tête est un verbe inaccusatif (comme aller, venir...), laissant l'auxiliaire équivalent de 'avoir' aux autres verbes (Radford 1997).

En irlandais et dans les autres langues celtiques, l'auxiliaire est uniformément 'être' puisque seul le breton a développé un verbe 'avoir'. L'alternation des structures est cependant observable. L'équivalent du verbe 'avoir' est la structure dite possessive de type mihi est /être à/.


(1) teach ceannaithe agam.
est maison acheté avec.moi
'J'ai acheté une maison.'
Irlandais, Doyle (2013)


Les inergatifs irlandais sont globalement associés au parfait+possessif, et les inaccusatifs au verbe 'être' seul (Doyle 2013). Les prédicats agentifs tendent aussi à favoriser la structure possessive, et les prédicats téliques la structure avec 'être'.


Bibliographie

breton

  • Yann Gerven. 2014. ' pignet on? pignet em eus?', Yezhadur !, Alioù fur evit ar vrezhonegerien diasur, Keit Vimp Bev, 75-76.
  • Schapansky, Nathalie. 1994b. 'Shift in the auxiliary selection in Breton', The Lacus Forum 21, Hornbeam Press, Columbia, SC, ETATS-UNIS, 224-233.

autres langues celtiques

  • Doyle, Aidan. 2013. 'Split intransitivity in Irish and the syntax-semantics interface', E. van Gelderen, M. Cennamo and Johanna Bardal (éds.), Argument structure in flux, Amsterdam: John Benjamins, 345-372.
  • Greene, D. 1979. 'Perfects and perfectives in modern Irish', Ériu 30: 122-41.
  • Ó Sé, D. 1992. 'The perfect in modern Irish', Ériu 43: 61-81.
  • Ó Sé, D. 2004. 'The 'after' perfect and related constructions in Gaelic dialects', Ériu 54: 179-248.


horizons comparatifs et théoriques

  • Alexiadou, A. et al. (éds). 2004. The unaccusativity puzzle, Oxford: OUP.
  • Cennamo, M. and Sorace, A. 2007. 'Auxiliary selection and split intransitivity in Paduan', Variation and lexical-aspectual constraints', Split auxiliary systems, R. Aranovich (éd.), 65-99. Amsterdam: John Benjamins.
  • Keller, F. and Sorace, A. 2003. 'Gradient auxiliary selection and impersonal passivization in German: an experimental investigation', Journal of linguistics 30: 57-108.
  • Sorace, A. 2000. Gradients in auxiliary selection with intransitive verbs. Language 76: 859-90.
  • Sorace, A. 2004. 'Gradience at the lexicon-syntax interface: evidence from auxiliary selection and implications for unaccusativity', A. Alexiadou et al. (éds), The unaccusativity puzzle, Oxford: OUP, 243-68.
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  • Perlmutter DM. 1978. 'Impersonal passives and the unaccusative hypothesis', Proceedings of the Fourth Annual Meeting of the Berkeley Linguistics Society, Berkeley, CA: Linguistics Society, University of California, Berkeley, 157–1890.