Les ordres T3
Le breton est une langue où le verbe tensé est prototypiquement en seconde place (langue à verbe tensé second, V2, ou plus exactement 'à temps second', T2), et les grammairiens insistent souvent sur ce point.
Gros (1970:33): "L'étudiant évitera [..] de dire: * An deiz all souezet on chomet o weled an dud hanter-noaz war an drêzenn. ni: * An deiz all chomet on souezet... Il faut dire: An deiz all oan chomet souezet o weled... 'L'autre jour j'ai été étonné de voir les gens à demi-nus sur la plage.'
Anderson & Chung (1977) proposent même qu'en breton, un seul constituant peut être antéposé comme en (1).
(1) | Ni a desk brezhoneg | / | * | Deskiñ ni a ra brezhoneg. | ||
nous R1 apprend breton | apprendre nous R1 fait breton | |||||
'Nous apprenons le breton.' | Trégorrois, Anderson & Chung (1977) |
Cependant, certains ordres T3, où plus d'un constituant précède le verbe tensé, sont grammaticaux en breton. Il existe de nombreuses recherches concernant ces éléments qui peuvent apparaître ensemble devant l'élément tensé, et l'ordre dans lequel ils peuvent apparaître (Timm 1989, Schapansky 1996, Jouitteau 2005/2010, 2010...).
Cette page les recense. Dans les exemples ci-dessous, l'élément supplémentaire est signalé en caractères gras, et l'élément remplissant la zone pré-tensée est souligné d'un trait.
Adverbes + T2
Dans beaucoup de cas d'ordres à verbe en troisième position, il s'agit d'une phrase V2 classique précédée d'un type particulier d'adverbe.
adverbes d'évidentialité
En (1), marteze est un adverbe évidentiel; il marque l'attitude du locuteur vis-à-vis de son énoncé. L'adverbe apparaît au-dessus de la négation.
(2) | Marteze ivez | n'he doa ket | klasket | Matriona | kalz | war o lerc'h. |
peut-être aussi | ne 3SGF avait pas | cherché | Matriona | beaucoup | à.leur.suite | |
'Peut-être aussi que Matriona n'avait pas beaucoup cherché à les trouver.' | ||||||
Trégorrois (Kaouenneg)/Standard, Ar Barzhig (1976:34) |
Après un ou plusieurs adverbes d'évidentialité, l'ordre des mots de la phrase semble pouvoir être le même que s'ils n'étaient pas présents. Alternativement, l'adverbe peut compter comme l'élément initial.
Les phrases ci-dessous sont différentes alternatives à la traduction de la phrase 'Le ministre est arrivé en retard, et en plus, il semblait avoir bu.': Ar ministr kentañ a zo nin gavet re ziwehat, hag ozhpenn war ar marc'had...
(1) | a. | ... | an dud | o deus gwelet | oa meho. | ||
le gens | 3PL a vu | était saoul | |||||
b. | ... | gwelet | e veze | oa meho. | |||
vu | R était | était saoul | |||||
c. | ... | e veze | gwelet | oa meho. | |||
R était | vu | était saoul | Plougerneau, M-L. B. (04/2016) |
compléments adverbiaux décrivant la scène
adverbes de lieu et prépositions locatives
Le contexte des phrases ci-dessous est une voisine s'enquérant des heures des services postaux. L'adverbe de lieu est possiblement en focus contrastif, et le sujet (de l'actif ou du passif) est de l'information non-nouvelle.
(1) | Amañ | ar fakteur | a base da seizh eur | dach ar mintin. | |||
ici | le facteur | R1 passe à 7 heure | de le matin | ||||
'Ici ils distribuent le courrier à 7h.' | Plougerneau, M-L. B. (04/2016) |
(2) | Anmañ | ar c'hourrier | a vez kavet | da zeizh eur. | ||
ici | le courrier | R est trouvé | à1 7H | |||
'Ici le courrier est distribué à 7h/ils livrent le courrier à 7h.' | Lesneven/Kerlouan, Y. M. (04/2016) |
En (3), La structure prépositionnelle locative est possiblement en focus contrastif, et le sujet n'est pas focalisé (il traduit un impersonnel).
(3) | Er Frañs, | an dud | a zreb | melfed. | |||
dans.le France | le 1gens | R1 mange | escargots | ||||
En France, ils mangent des escargots. | Plougerneau, M-L. B. (04/2016) |
adverbes temporels
En (4), qui vient d'un corpus écrit, toute l'information de la phrase est nouvelle. Le focus porte donc sur la phrase en entier.
(4) | Un dervezh, | an aotrou person, | bet moarvat o welet | unan bennak klañv diwar-dro, | a dremenas dre tal an ti... | ||
un jour | le monsieur curé | été sans.doute à4 voir | un quelconque malade autour | R1 passa par front le maison | |||
'Un jour, le curé, qui était sans doute allé visiter un malade aux environs, passa devant la maison...' | |||||||
Léon (Bodilis), Ar Floc'h (1985:19) |
propositions orientées vers le sujet
(1) | Harpet war barlenn ar prenestr, | tennañ a ra hir | ar c’hrennard | war e anal. | ||||||
appuyé sur rebord le fenêtre | tirer R fait long | le adolescent | sur son1 haleine | |||||||
'Appuyé sur le rebord de la fenêtre, l'adolescent respire profondément.’ | Standard, Drezen (1990:14) |
proposition oppositive
(2) | Goude | dezhañ | bezañ klañv, | deuet | eo. | |
après/bien.que | à.lui | être malade | venu | est | ||
'Bien qu'il fût malade, il est venu.' | Vannetais, Falc'hun & Fleuriot (1978-79:7B) |
propositions temporelles
Les propositions temporelles peuvent s'empiler en zone préverbale, ici devant une négation.
(1) | Gwechall, | pa veze re a avel, | ez aent ket d’an aod. | |||
autrefois | quand1 était trop de1 vent (ne) | R allaient pas à'le côte | ||||
'Autrefois, ils n'allaient pas en mer quand il y avait trop de vent.' | ||||||
Léon (Plougerneau), Elégoët (1982:9) |
Le sujet peut aussi apparaître après elles.
(1) | Lakait-hé | skoaz-doc'h-skoaz, | par-doc'h-par, | àr lerc'h | c'hwi | 'choajo. |
mettez-eux | épaule-à-épaule | égal-à-égal | après | vous | choisirez | |
'Mets-les épaule contre épaule, égal contre égal, après tu choisiras, i.e. compare-les, après.' | ||||||
Le Scorff, Ar Borgn (2011:26) |
(2) | Jôzeb, | pa zec'h de Lañnijen, | c'hui | zei da welet nounn. | ||
Joseph, | quand1 irez à Lanvénégen | vous (R1) | viendrez pour1 voir P.moi | |||
'Joseph, quand tu passeras par Lanvénégen, tu viendras me voir.' | ||||||
Haute-cornouaille (Lanvénégen), Martin (1929:181) |
(3) | Disul, goude an oferenn, | ar beleg | a zo aet | da c'hoari c'hartoù. | |||
Disul, goude an oferenn, | ez eo aet | ar beleg | da c'hoari c'hartoù. | ||||
dimanche après le messe | (le prêtre) | R est allé | (le prêtre) | pour jouer 5 cartes | |||
'Dimanche, après la messe, le prêtre est allé jouer aux cartes.' | |||||||
Standard, Press (1986:204) |
Il y a variation quant à la possibilité de mettre un temps analytique après ces propositions adverbiales. La phrase en (5) est agrammaticale pour A. M. (04/2016) qui mettrait le sujet en zone préverbale (ar goanv vo o tostaat...).
(5) | Pan erruo ar brini du, | douget gant an avel gwalarn, | tostaat | a reio ar goanv. | ||
quand arrivera le corbeaux noir | porté avec le vent Nord-Ouest | approcher | R fera le hiver | Le Bozec (1933:28,29) | ||
'Quand arriveront les noirs corbeaux poussés par le noroît, l'hiver approchera.' |
propositions locatives
(2) | Én èbr heneoah | ne fehè bout kleuet | boéhieu en Eled | é kañnal d’er Peah. | ||||||
dans.le ciel ce.soir | ne serait être entendu | voix le anges | à chanter à le paix | |||||||
'Dans le ciel ce soir, on ne pourrait entendre les voix des anges chanter à la paix.' | Vannetais, Herrieu (1974:41) |
propositions adverbiales de manière
(3) | Stok-ha-stok | ni beus | gwraet an hent. | |||
contact-et-contact | nous a | fait le route | ||||
'Pare-chocs contre pare-chocs, nous avons fait la route.' | ||||||
Le Scorff, Ar Borgn (2011:27) |
Topique + NEG-V
Un topique peut apparaître au-dessus d'une négation.
(1) | An dour | na | vo nemet | tommoc'h a ze. | ||
le eau | ne.R | sera seulement | chaude.plus que ça | |||
'L'eau n'en sera que plus chaude' | Tréguier, Leclerc (1986:130) |
(2) | [ zân 'tomaz | nǝ | 'grédaz | kén | nǝ 'ɥelaz ] | |
Sant Tomas | ne | gredas | kent | ne welas. | ||
Saint Thomas | ne1 | crut | avant | ne vit | ||
'Saint Thomas ne crut qu'une fois qu'il vit.' | Proverbe, Plourin (1982:669) |
Topique suspendu + Neg-V
Un topique suspendu, reconnaissable à sa lecture 'quant à', peut aussi apparaître au dessus de la négation. Ce n'est pas surprenant car les topiques suspendus ont cette propriété qu'ils semblent tranparents pour l'ordre des mots dans la phrase.
(1) | [ | Evit yac'h ] | n' | eo bet biskoazh | _ | va mamm-gozh. | |
pour saine | ne' | est été jamais | mon2 mère-1vieille | ||||
'Ma grand-mère a toujours été malade.' | Standard, Press (1986:201) | ||||||
(litt. 'quant à saine, ma grand-mère n'a jamais été.') |
Topique suspendu + focus
(2) | Ar re-se, | o gwelet | em eus __ | meur a wech. | Standard (Dirinon), Kervella (1947:§713) | |
le ceux-ci | les2 vu | 1SG a | moulte de1 fois | |||
'Ceux-là, je les ai vus plus d'une fois.' |
Sujet + Adv
Des compléments adverbiaux de temps peuvent apparaître après un sujet même pronominal. Il s'agit alors d'un topique suspendu, reconnaissable à la pause prosodique après lui. Le topique suspendu est au dessus de la zone récursive des adjoints scéniques.
(1) | Me, | pa vije echu ar skol, | da beder eur, | a ranke | mont da geuneuta... | ||
moi, | quand1 était fini le école | à1 [numéraux cardinaux|quatre]] heure | R1 devait | aller à1 petit.bois.-eta | |||
'(Quant à) moi, après l'école, à quatre heures, je devais aller chercher du petit bois.' | |||||||
Léon (Bodilis), Ar Floc'h (1985:22) |
En (2), le sujet an dud apparaît devant l'adverbe sans qu'il y ait de rupture prosodique de signalée, cependant la sémantique de la phrase montre que cet adverbe le modifie. Le constituant An dud bremañ est en zone topique.
(2) | An dud bremañ | a zo gaoutuz! | |||||
le gens maintenant | R est malfaisants | ||||||
'Les gens maintenant sont malhonnêtes.' | Trégorrois, Gros (1984:489) |
Faux sujet + Adv
En (3), un faux sujet apparaît devant la proposition adverbiale temporelle.
Le faux sujet est plausiblement en position de topique suspendu. La temporelle est est une circonstancielle plus basse (difficile à traiter comme une incise car la proposition adverbiale temporelle est l'élément visible pour le rannig e).
(3) | Me, | evel m'am bez evet un dakenn win, | e lamm ar gwad | dioustu | em fenn. | |||
Moi, | comme que R.1SG ai bu un goutte vin, | R saute le sang | de.suite | dans.mon2 tête | ||||
'Moi, dès que je bois une goutte de vin, le sang me saute tout de suite à la tête.' | ||||||||
Trégorrois, Gros (1984:55). |
Objet antéposé
OSV
L'objet peut apparaître au dessus du sujet en zone initiale. L'objet est repris anaphoriquement plus bas, ce qui est le signe d'un topique. La présence de la négation force plausiblement une lecture de focus sur le sujet ar wazed.
(1) | An ti-se | ar wazed | n' | o deus ket | e welet. | ||
le maison-ci | le 1hommes | ne' | 3PL 3.a pas | le1 vu | |||
'Les hommes n'ont pas vu cette maison.' | Standard, Press (1986:201) |
SOV
(2) | Bilzig | gir | ne rannas. | |||
Bilzig | mot | ne dit | ||||
'Bilzig ne pipa mot.' | Bas-Trégor, Al Lay (1925:33) |
* OV-Aux-S
(3) | Al levr | (* lennet) | en deus | lennet | Tom. | |
le livre | lu | 3SGM a | lu | Tom | ||
'Tomm a lu le livre.' | Standard, Hendrick (1990:130) |
XP-SV en vannetais
Les possibilités en vannetais sont à classer à part car les dialectes du vannetais favorisent indépendamment les ordres à sujet initial.
Obj-S-V
(1) | [DP | Ur riñsad ] | ni (hon) boa | tapet _ | get re Klegereg. | ||
un rincée | nous (1PL) avait | pris | avec ceux Klegereg | ||||
'Une arrosée, une rinsée on s'était pris par ceux de Cléguérec.' | Le Scorff, Ar Borgn (2011:12) |
S-Neg-V
(1) | Ar gwez | n' int ket stank | ba'n dachenn-mañ. | ||||
le arbres | ne sont pas abondant | dans le parcelle-ci | |||||
'Les arbres ne sont pas nombreux dans cette ferme-ci.' | Le Scorff, Ar Borgn (2011:7) |
circonstancielle-S-V
(2) | Mar kouezhomp àr an douar, | ni a savo | arre. | ||||
si tombons sur le terre | nous R1/sup> lèvera | encore | |||||
'Si nous tombons à terre, nous nous relèverons.' | Le Scorff, Ar Borgn (2011:17) |
(3) | Ha liesoc'h evit ar sul, | ni 'garga | lan ar vuzul. | ||||
et souvent.plus que le dimanche | nous (R) charge | plein le1/sup> mesure | |||||
'Et plus souvent encore que le dimanche, nous chargeons mesure pleine.' | Ploue, Le Scorff, Ar Borgn (2011:17) |
circonstancielle-S-NEG-V
(1) | Pa vez sec'h an traoù, | ar chas | n'int ket | 'vit mouezhetat. | ||
quand est sec le choses | le chiens | ne sont pas | pour renifler | |||
'Quand il fait sec, les chiens ne peuvent pas renifler.' | ||||||
Séglien, Le Scorff, Ar Borgn (2011:52) |
C+T2
Press (1986:209) note que met, hogen, 'mais' et rak, 'car' n'ont pas besoin d'être immédiatement suivis du verbe fléchi. C'est pour lui le signe que ce ne sont pas des conjonctions de subordination.
(2) | Me a breno | ar sae, | hogen c'hwi | a wisko anezhi. | |
moi R1 achètera | le robe | mais vous | R1 habillera P.elle | ||
'J'achèterai la robe, mais tu la mettras.' | Standard, Press (1986:205) |
La disjonction pe, 'ou bien', a la même propriété.
Licence poétique
Comme en français, la poésie et les chansons permettent des inversions et des topicalisations multiples que l'on ne trouve pas par ailleurs dans la langue orale.
objet + circonstanciel + NEG + verb
(7) | Ar bank | en tan | ne lakaer ket | _ _ | _ _ | Dre ma vez | an alc'hwez | kollet. |
le coffre | dans.le feu | ne met.IMP pas | objet | CC de lieu | par que est | le clef | perdu | |
'On ne jette pas le coffre au feu pour en avoir perdu la clef.' | ||||||||
Barzaz Breiz 177-178, cité dans Menard (1995:17) |
Faux cas de T3
incises
Il semble pouvoir y avoir des incises de façon assez libre entre un élément initial et le verbe tensé. A l'écrit, ces incises sont signalées par des virgules. A l'oral elles le sont par des pauses prosodiques.
(1) | Aliez, | memestra, | e-nijent eur banne zoubenn | en eun ti | bennaked e | kêr. |
souvent | tout.de.même | R4-avaient un verre 1soupe | dans.un maison | quelconque dans | ville | |
'Ils avaient tout de même souvent un peu de soupe chez quelqu'un en ville.' | ||||||
Skragn (2002:60) |
Lorsque le rannig varie selon le premier élément d'un ordre T3, il est probable que l'élément entre les deux soit une incise, c.a.d. un élément qui n'intègre pas la structure syntaxique à part entière.
(2) | Ar re-mañ, | evid ar bloaz kenta | e oant e Huelgoad, | ||||
ceux.là | pour le an premier | R étaient à Huelgoat | |||||
a-noa bet | c'hoant rei deom | da weled petra a oa | Meurlarjez 'barz o bro. | ||||
R-avait eu | envie donner à.nous | à<up>1 voir quoi R était | carnaval dans leur2 pays | ||||
'Ils avaient eu envie, pour leur première année à Huelgoat, de nous montrer ce que c'était que le carnaval dans leur pays.' | |||||||
Breton d'Huelgoat, Skragn (2002:107) |
modification de l'élément initial
En (3), la proposition circonstancielle de temps modifie non pas la phrase, mais le sujet 'le cultivateur'. Le faux sujet est donc ici le seul élément devant le rannig.
(3) | Al labourer douar, | [ a-benn ma vez hanter-kant vloaz], | a vez friket | e | gorf | gand al labour. | |
le travailleur terre, | quand que est moitié-cent an | R est brisé | son1 | corps | avec le travail | ||
'Le cultivateur, quand il arrive à cinquante ans, a le corps brisé par le travail.' | |||||||
Trégorrois, Gros (1984:53). |
Diachronie
En moyen breton, on peut trouver des ordres V3 avec un objet antéposé au dessus d'un sujet.
(1) | Neuze en general | ar Salut | me | a rent. | Moyen breton, SP. I.50, cité par King (1982:85) | |
donc en général | le salut | moi | R rend | |||
'Donc en général je rends le salut.' |
Horizons comparatifs
Les langues à verbe tensé second (T2), à travers les langues du monde, sont de deux types: celles qui imposent strictement un ordre à verbe tensé second, comme le norvégien, et celles qui imposent un ordre où le verbe tensé est au moins en seconde position (pour une tentative de typologie, voir Jouitteau 2010).
les langues à ordres strictement V2
Dans le premier type, représenté par les langues germaniques telles que le norvégien, il n'y a qu'un seul élément qui peut apparaître devant le verbe tensé. Les ordres T3 y sont complètement agrammaticaux, à l'exception de ertaines particules focales.
les langues à ordres minimalement V2
Dans le second type, qui inclut le breton, il peut y avoir plus de matériel qu'un seul constituant devant le verbe tensé en matrices. Le breton n'est pas la seule langue T2 à autoriser aussi des ordres T3. C'est aussi le cas de plusieurs langues romanes anciennes, comme le vieil italien (Franco 2009b:149) ou du Rhaeto-romance (Poletto 2002). Dans le domaine germanique, les langues anciennes montrent aussi des ordres T3, comme le vieux haut-allemand (Tomaselli 1995) ou le vieil anglais (Roberts 1996) qui autorise des ordres disloqués à gauche en plus d'un focus. Une langue germanique moderne autorisant le T3 est le Mòcheno, langue germanique parlée par 580 personnes dans trois villages du Nord de l'Italie .
(1) | [Gester ] | [ (der Mario) ] | hòt | (der Mario) | kaft a puach . | |
hier | (le Mario) | a | (le Mario) | acheté un livre | ||
'Mario a acheté un livre hier.' | Germanique (Mòcheno), Cognola (2013:9). |
On trouve aussi des ordres T3 dans une autre langue T2 qui n'est ni romane ni germanique: le Karitiana (langue Arikém parlée par 350 personnes au Brésil). Dans l'exemple en karitiana en (2), on peut remarquer que comme en breton, le focus et le topique suspendu peuvent apparaître tous deux devant le verbe tensé. Cependant, par rapport au breton, les places respectives du focus et du topique suspendu sont inversées.
(2) | [Gok myry' in ] | yn | na-amang | andyk-i | (yn) . | ||
manioc seulement | 1SG | décl.planter | ASP-futur | 1SG | |||
'Quant à moi, je ne planterai que du manioc.' | Arikém (Karitiana), Storto (2011). |
Bibliographie
breton
- Jouitteau, M. 2010. 'A typology of V2 with regard to V1 and second position phenomena: an introduction to the V1/V2 volume', Jouitteau (éd.), Verb-first, Verb-second, Lingua.
- Jouitteau, M. 2005/2010. La syntaxe comparée du Breton, , éditions universitaires européennes, ISBN 978-613-1-52800-2. manuscrit en pdf ici ou ici.
- Schapansky, N. 1996. Negation, Referentiality and Boundedness in Breton, a case study in markedness and asymmetry, ms thesis.
- Timm, L. 1989. 'Word Order in 20th century Breton', Natural Language and Linguistic Theory 7: 3. 361-378.
horizons comparatifs
- Cognola, Federica. 2013. Syntactic Variation and Verb Second, A German dialect in Northern Italy, [Linguistik Aktuell/Linguistics Today, 201], John Benjamins.
- Poletto, Cecilia. 2002. 'The left-periphery of V2-Rhaetoromance dialects: a new view on V2 and V3', Sjef Barbiers, Leonie Cornips & Susanne van der Kleij (éds.), Syntactic Microvariation, 214–242. (Meertens Institute Electronic Publications in Linguistics 2). Amsterdam: Meertens Institute.
- Roberts, Ian. 1996. 'Remarks on the Old English C-system and the diachrony of V2', Language Change and Generative Grammar, Ellen Brandner & Gisella Ferraresi (éds), 154–167. Linguistische Berichte: Sonderheft 7.
- Storto, Luciana. 2011. 'Focus phenomena in Karitiana', communication orale à l'université Paris-Diderot (Linglunch).
- Tomaselli, Alessandra. 1995. 'Cases of V3 in Old High German', Clause Structure and Language Change, Adrian Battye & Ian Roberts (eds), 345–369. Oxford: OUP.
- Grewendorf, Günther. 20xx. 'Double Fronting in Bavarian Left Periphery', U. Shlonsky (éd.), Where do we go from here, Oxford University Press, xx-xx.