Différences entre les versions de « Résomption du sujet 'à la cornouaillaise' »

De Arbres
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* [[Stump (1989)|Stump, G. T. 1989]]. 'Further remarks on Breton agreement: A reply to Borsley and Stephens', ''Natural Language and Linguistic Theory'', 7:429-471.  
* [[Stump (1989)|Stump, G. T. 1989]]. 'Further remarks on Breton agreement: A reply to Borsley and Stephens', ''Natural Language and Linguistic Theory'', 7:429-471.  


* [[Timm (1995)|Timm, L., 1995]]. 'Pronominal A-forms in Breton: A discourse-based analysis', ''Journal of Celtic Linguistics'' 4:1-34.
* [[Timm (1995)|Timm, Lenora., 1995]]. 'Pronominal A-forms in Breton: A discourse-based analysis', ''Journal of Celtic Linguistics'' 4:1-34.


* [[Trépos (2001)|Trépos, P. 2001]] [1968, 1980, 1996], ''Grammaire bretonne'', 1968 édition Simon, Rennes.- 1980 édition Ouest France, Rennes; 1996, 2001 édition Brud Nevez, Brest.
* [[Trépos (2001)|Trépos, P. 2001]] [1968, 1980, 1996], ''Grammaire bretonne'', 1968 édition Simon, Rennes.- 1980 édition Ouest France, Rennes; 1996, 2001 édition Brud Nevez, Brest.

Version du 30 août 2022 à 15:32

La résomption du sujet dite 'à la Cornouaillaise' montre un sujet dans son emplacement canonique, doublé par un pronom incorporé dans une préposition support, c.a.d. sémantiquement nulle.

Ci-dessous en (1), le sujet masculin singulier qui déclenche l'accord sur le verbe n'est pas exprimé, c'est un pronom vide. Il est repris anaphoriquement par le pronom masculin singulier -añ incorporé dans la préposition support a.


(1) Ne glev netra anezañ.
ne1 entend rien P.lui
'Il n'entend rien.'
Cornouaillais, Trépos (2001:444)


La résomption du sujet est restreinte à la personne 3 et est souvent associée à présence de la négation syntaxique et aux verbes intransitifs.


Interprétation

Les pronoms résomptifs du sujet ne sont pas des arguments du verbe (Timm 1995).

Ils ont une fonction "pléonastique" (Le Gléau 1973:17, Stump 1984:44). Ils sont sans effet particulier de discours (ni contrastif, ni emphatique).

La préposition a dans laquelle le pronom résomptif est incorporé est sémantiquement nulle. C'est une préposition-outil qui semble uniquement servir de support morphologique à cette incorporation.


Distribution

Les structures de résomption du sujet, dans les variétés de breton où elles sont productives, sont soumises à deux restrictions:

- la restriction à la personne 3
- l'association avec la négation ou avec certains contextes monotones décroissants.

La résomption du sujet est surreprésentée avec les verbes intransitifs mais existe aussi avec des verbes transitifs.


restriction à la personne 3

Kervella (1947:§424) note une utilisation du pronom à la personne 3, qu'il lie à la difficulté d'utiliser un pronom direct (de forme donc , hi ou int), "surtout aux temps composés".

N'eo ket deuet anezhi c'hoazh.
An ti ne oa ket echu mat anezhañ c'hoazh pa 'z ejont di da chom.
N'int ket en em gavet anezho kennebeut.


Il existe cependant de tels résomptifs hors des temps composés.


(2) Ne rafent ket an dra-se anezo, koulskoude !
ne1 feraient pas le 1chose- P.eux cependant!
'Ils ne feraient tout de même pas cela !'
Cornouaillais, Trépos (1968:§444)


Selon Trépos (1968:§444), dans une formulation qui induit l'optionalité, "A la forme négative, la troisième personne peut-être renforcée par la préposition conjuguée anezañ: 'lui', anezi: 'elle', anezo: 'eux, elles'." Au singulier, le résomptif peut servir à une désambiguïsation de genre.


(3) Ne hello ket sevel ken anezi.
ne1 pourra pas lever plus P.elle
'Elle ne pourra plus se lever.'
Cornouaillais, Trépos (2001:444)


(4) Paneve se, me lar dezhi, nie ket gallet kaout boued anezho ivez.
quand.ce.n'est ça moi d.it à.elle auraient pas pu avoir nourriture P.eux aussi
'Sans ça, je lui dis, ils n'auraient pas pu avoir à manger non plus.'
Douarneniste (Tréboul), Troadec, Hor Yezh (1983:72)


Urien & Denez (1979) et Timm (1995:18) relèvent la restriction à la personne 3.


association avec la négation ?

Dans la plupart des diaectes, cette structure de résomption du sujet est nettement associée à la négation: elle semble n'apparaître que dans les contextes négatifs.

Cependant, on trouve des occurrences sans la négation en pays glazik dans le pays de Douarnenez, à Briec et à Sarzeau.


En dialecte Douarneniste, la négation n'est pas nécessaire à la résomption du sujet (Stephens (1993b) citant la thèse de P. Denez).


(5) Hag e chome anezhi un tammig.
et R restait P.elle un morceau.DIM
'Et elle restait un peu.'
Douarnenez, Denez (1977), cité dans Stephens (1993b:372)


Ces faits sont confirmés dans un corpus au Juch près de Douarnenez.


(6) Setu e-giz-se ouie ken an dra-se anezhi.
voila comme-ça savait seulement le 1chose- P.elle
'Voilà comme ça, elle ne savait que ça.'
Cornouaillais (Le Juch), Hor Yezh (1983:21)


La donnée en (7) montre que le sujet peut aussi être un pronom indépendant. Dans la traduction française, l'adverbe ne de la négation explétive apparaît, mais le verbe dont n'aurait pas muté en teuio si une négation était présente. Pour Mona Bouzeg de Riec en Cornouaillais de l'est maritime, la phrase est agrammaticale sans la négation morphologique ((ne) ... ket).


(7) araok teuio honnezh d'ar gêr anezhi.
avant R4 viendra celle.là à le 1foyer P.elle
'Avant qu'elle (ne) retourne à la maison.'
Cornouaille, (Douarnenez), Timm (1995:21)


À Briec, on trouve de la résomption du sujet hors négation. Il pourrait s'agir d'un phénomène différent de celui observé à Douarnenez, car on n'observe pas non plus de restriction à la personne 3.


(8) [xɥɪ zo ˈfaʁːdɛt ˈheu xoe᷉ x, pjɛx mɐx hɔ᷉ n amɔs plax ?]
C'hwi zo fardet, hirio, ac'hanoc'h, pelec'h emaoc'h o vont a mod-se, plac'h ?
vous est sapé aujourd'hui P.vous êtes à4 aller de1 mode- fille
'T'es bien sapée, aujourd'hui, toi ! Où tu vas donc, la fille ?'
Cornouaille (Briec), Noyer (2019:307)


(5) [ mɐ mi gweːt la vi be ken imˈzao se, mi be gul geˈnæx ˈhɑ᷉ ɔ᷉ n ˈpʁeˑnə ˈmeɲjɔχ]
Ma mije gouezet, lar e vije bet ken imzav-se, mije bet goullennet ganeoc'h, ac'hanon, da prenañ muioc'h.
si 1SG aurais s.u que R était été tant se.lève-(que).ça 1SG aurais eu demand.é avec.vous P.moi de acheter plus
'Si j'avais su que c'était si peu cher, je t'aurai demandé d'en acheter plus'.
Cornouaille, (Briec), Noyer (2019:242)


En (10), un effet d'emphase est noté et il pourrait s'agir d'une dislocation à droite.


(10) [ ɐ ˈflastəʁt nøs tut ɐ buˈkeːdu, ne᷉ ɔ! ]
Ha flastret e neus toud ar boukedoù, anezh !
et écras.é R.3SGM a tout le fleur.s P.lui
'Et il a écrasé toutes les fleurs !' ('And he squashed all the flowers, he did !')
Cornouaille, (Briec), Noyer (2019:242)


L'hypothèse d'une dislocation à droite n'est pas disponible pour la donnée de Sarzeau, où le sujet apparaît avant le participe.


(11) ha p' en duai anei achiwet
quand 3SG avait P.lui achevé
'Quand elle eut fini... '
Vannetais (Sarzeau), Ernault (1876-1878:233)


(12) ha pi oe anei chuaic'h i torheiñ ar-n-ou...
quand fut P.lui fatigué à4 frapper sur.n.lui
'Quand elle fut lasse de le frapper... '
Vannetais (Sarzeau), Ernault (1876-1878:233)


pas de restriction aux intransitifs

Les exemples en corpus montrent que la résomption du sujet est plus répandue avec les verbes intransitifs (Urien & Denez 1979). Cependant, on trouve des contre-exemples en breton douarneniste ou en vannetais. Timm (1995:20, 21) fournit des exemples de résomption du sujet avec les verbe prenañ 'acheter', deskiñ 'apprendre' et gwerzhañ 'vendre'. Noyer (2019:242) donne des exemples avec flastrañ 'écraser' et goulenn 'demander'. On trouve aussi sous leur forme transitive les verbes debriñ 'manger', lâret 'dire', gwelout 'voir' ou kuzhat 'cacher'.


(1) Brene ket gwall alies onenn anezh.
(ne) achetait pas très souvent frêne P.lui
'Il n'achetait pas de frêne très souvent.'
Cornouaille, (Douarnenez), Hor Yezh (1983:17)


(2) /(in) 'ɥɛl -ən cə 'mi nin'tʁa: /
Int 'wel -int ket mui netra anezhe.
eux 1voit -eux pas plus rien P.eux
'Ils ne voient plus rien.'
Névez, Desseigne (2015:40)


(3) 'noa ket lâret 'nezhi ma oa 'ba' he soñj mont d'ar fest-noz pe d'ar sinema.
avait pas d.it P.elle si était dans son2 pensée aller à le fest-noz ou à le cinéma
'Elle n'avait pas dit (elle), si elle pensait aller au fest-noz ou au cinéma.'
Cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:31)


(4) [e ˈwee ke χwa, ˈneɔ᷉ , lavɐ χwaʁˈveːt]
E oueze ket c'hoaz, anezh, lar (e) oa c'hoarvezet.
R savait pas encore P.lui que était pass.é
'Il ne savait pas encore que ça s'était passé.'
Cornouaille, (Briec), Noyer (2019:242)


On trouve aussi des placements après le sujet - ils pourraient alors être en périphérie droite.

(5) Setu hi neus ket bet amzer da zebriñ tout ar moneiz anezhi...

Bas-Cornouaillais (Tréboul), Hor Yezh (1983:73)

incompatibilité avec un sujet lexical postverbal

La compatibilité avec un sujet lexical est avérée.


(1) Ma eontr 'oa ket kontant ' naoñ. Breton de Saint-Yvi, German (2007:176)
mon2 oncle était pas content P.lui
'Mon oncle n'était pas content.'


Desseigne (2015) note cependant que le pronom anaphorique du sujet à Trégunc n'est pas autorisé lorsque ce groupe nominal sujet est postverbal.


(2) /n- 'ɛ(e) cə n-'dyd də 'gusəd 'ʁe zy'ɥæ:t (* ) /
Ne zae ket an dud da gousket re ziwezhat (* anezho). Équivalent standardisé
ne1 allait pas le 1gens pour1 dormir trop1 tard P.eux
'Les gens n'allaient pas se coucher trop tard.'
Tregunc, Desseigne (2015:40)


On peut par ailleurs vérifier que le résomptif ne devient pas un vrai pronom sujet, car il est compatible dans le champ postverbal avec des traits d'accord.


(3) Ah ben peogwir ne ouient ket mat anezho da lakaat pesked e boestoù.
ah ben parce.que ne1 savaient pas bien P.eux pour1 mettre poisson.s en boîte.s
'Eh bien parce qu'ils ne savaient pas bien mettre les poissons en boîte.'
Anna Colin [01/1984] Cornouaille (Plouhinec), Ouest en mémoire


Cette restriction n'est en tout cas pas avérée partout.


(4) araok teuio honnezh d'ar gêr anezhi.
avant R4 viendra celle.là à le 1foyer P.elle
'Avant qu'elle (ne) retourne à la maison.'
Cornouaille, (Douarnenez), Timm (1995:21)


site d'apparition du pronom anaphorique

Les formes transitives à objet réalisé permettent de voir que le résomptif du sujet apparaît à droite, mais aussi dans l'emplacement canonique d'un sujet réalisé, à gauche de l'objet. En (1), l'ordre des mots est VSO: le verbe précède le sujet qui précède l'objet. Si le pronom résomptif du sujet était apparu en périphérie droite, il serait apparu à droite de l'objet ar si-se he deus.


(1) Ne guz ket anezhi ar si-se he deus.
ne1 cache pas P.elle le vice- 3SGF a
'Elle ne cache pas son vice [ce vice qu'elle a].'
Vannetais, Ar Meliner (2009:94)


(2) Papa gave ket aes anezhañ ar matelaouioù.
Papa ne1 trouvait pas facile P.lui le matelas
'Papa ne trouvait pas les matelas pratiques.'
Cornouaillais (Le Juch), Hor Yezh (1983:25)


(3) /nwa če naj kals unit /
N'o doa ket anezho kalz gounit. équivalent écriture standard
ne avait pas P.eux beaucoup gain
'Ils n'avaient pas beaucoup de gain.'
Vannetais (Groix), Ternes (1970:292)


Borsley & Stephens (1989:414) notent que l'anaphore ne peut pas être à l'initiale, en contraste avec une préposition sémantiquement pleine. Ils en concluent qu'il s'agit d'un pronom lexical, mais les pronoms lexicaux peuvent être antéposés.


(4) (* Anezho ) N'int ket bras (anezho).
P.eux ne sont pas grand P.eux
'Ils ne sont pas grands.'
Douarneniste, Borsley & Stephens (1989:414)
adaptation de Denez (1977)

Répartition dialectale

La résomption du sujet, en dehors des constructions prédicatives équatives, est absente des dialectes du nord.


(1) N'eus ket graet a devadur c'hoazh evit an hañv __ .
ne1 est pas fait de1 brûl.ure encore pour le été
'Il n'a pas encore fait chaud [, cet été].'
Trégorrois (Prat, 1987), Konan (2017:66)


Cornouaille

La construction est typique du Cornouaillais et s'y maintient. À Plozévet, les multiples exemples de Trépos se retrouvent dans Goyat (2012). Elle est attestée de multiples sources à Sein.


(2) /ma ked divar 'zu:r ˌnɛ /
N'ema ket diwar zour anez.
ne1 est pas de1 eau P.lui
'Il n'a pas bu que de l'eau.', litt. 'Il n'est pas à l'eau (de).lui.'
Plozévet, Goyat (2012:264)


(3) E choujal 'don va binoklou 'dint ket ganeoñ aneu.
à4 penser suis mon binocles sont pas avec.moi P.eux
'Je suis en train de penser: j'ai pas mes binocles.'
Sein, Kersulec (2016:27)


(4) hounne ne glô banne ani.
celle-là ne1 entend verre P.elle
'Celle-là n'entend goutte.'
Sein, Fagon & Riou (2015:'boudar')


Cette construction est aussi relevée à Tregunc et Névez par Desseigne (2015). Elle est aussi largement reportée par Bouzeg (1986) pour la région de Riec.


(5) Ne vez ket alies divew anezh.
ne1 est pas souvent pfx1-saoul P.lui
'Il est ivre la plupart du temps.'
Cornouaillais de l'est maritime (Riec), Bouzeg (1986:I)


Saint-Yvi, Pays Glazik

A Saint-Yvi, le système a basculé. Il ne s'agit plus de la résomption du sujet classique, et il semble que le composé prépositionnel soit en passe de devenir le vrai sujet de la phrase. Ce basculement est en train d'advenir au moins partiellement aussi jusque dans la région de Quimperlé. En (1), tournure innovative restreinte à certaines expressions et à certains locuteurs en breton de Saint-Yvi, toutes les personnes du paradigme semblent possibles.


(1) oar ket 'hanon. oar ket 'hanout. oar ket naoñ. oar ket nei. oar ket 'hanom.
sait pas P.moi sait pas P.toi sait pas P.lui sait pas P.elle sait pas P.nous
'Je /tu / il / elle / on ne sait pas.'
Saint-Yvi, German (2007:175)


Ce résomptif du sujet n'apparaît pas toujours de façon obligatoire. En (2), nèy/anezhi réalise l'objet, et non un doublement du sujet malgré la présence de la négation dans la phrase. Il est possible que la langue évite un redoublement (? ne gar ket anezhi anezhañ).


(2) / ga:r két nèy /
Ne gar ket anezhi. Équivalent standardisé
ne1 aime pas P.elle
'Il ne l'aime pas.'
Saint-Yvi, German (1984:87)


Le dialecte de Saint-Yvi développe aussi, tout du moins aux personnes 1PL et 3PL, un pronom sujet en dehors des contextes de négation typiques des structures de résomption du sujet dite 'à la cornouaillaise'.


(3) vi ahanom ' hond da Sant Ivi.
quand était P.nous à4 aller à Saint-Yvi
'Quand nous avions l'habitude d'aller à Saint-Yvi.'
Saint-Yvi, German (2007:177)


(4) / ngur' nãmën ma ha'nõm/
Ar gouarnamant emañ ac'hanomp. Graphie peurunvan
le gouvernement est P.nous
'Le gouvernement c'est nous.'
Cornouaillais (Saint-Yvi), German (1984:131)


(5) / bènn ve ha'nõm ba na'fèrn/
A-benn ' vez ac'hanomp barzh an oferenn. Graphie peurunvan
quand est P.nous dans le messe
'Quand nous sommes à la messe.'
Cornouaillais (Saint-Yvi), German (1984:131)


La réinterprétation progressive du composé prépositionnel en sujet de la phrase est particulièrement évident lorsqu'ils peuvent déclencher l'accord gelé. En (6), le sujet est 3PL mais son verbe aux traits 3SG. German (2007:176) note que ce choix de l'accord est optionnel, mais que l'accord riche obtient un effet d'emphase sur le sujet. L'accord est aussi noté optionnel dans Bouzec & al. (2017:501).


(6) lare oa ket ' kas kaout an dra-se 'nè.
eux disait était pas à4 vouloir avoir le 1chose-ci P.eux
'Ils disaient qu'ils ne cherchaient pas cela.'
Saint-Yvi, German (2007:176)


(7) (Yè) rêè ket trouz 'bet .
(Hè) ne raent ket trouz ebet anezhe. Équivalent standardisé
eux ne1 faisait pas bruit aucun P.eux
'Ils ne faisaient pas de bruit.'
Cornouaillais de l'Est, Bouzec & al. (2017:501)


Le dialecte de Saint Yvi se distingue par plusieurs autres phénomènes liés à l'accord du sujet. En (8), on peut voir que le sujet prénégation an dud ne déclenche pas l'accord riche (cf. an dud ne deuent ket), et qu'un autre paradigme de sujet postverbal 3PL est possible () et déclenche aussi l'accord pauvre (ra).


(8) An dud teue ket da vakañs 'nè giz ra brem'.
le 1gens R4 venait pas pour1 vacancer P.eux comme fait eux maintenant
'Les gens ne venaient pas en vacances comme maintenant.'
Saint-Yvi, German (2007:176)


L'étendue dialectale de la résomption du sujet comme à Saint-Yvi est plausiblement très restreinte. On trouve ailleurs des structures de résomption du sujet en négatives sans restriction sur la personne. Cependant, si la préposition semble bien sémantiquement vide, elle semble disloquée à droite alors que les résomptifs du sujet sont, eux, intégrés à la proposition.


(9) [ˈgɑ᷉ nɔ᷉ ke ma waχ, hɔ᷉ ]
(Ne) ganan ket mat a-walc'h, ac'hanon.
ne1 chante pas bien assez P.moi
'Je ne chante pas assez bien.'
Cornouaille (Briec), Noyer (2019:252)


(10) N'em eus kavet riboull all ebet, ac'hanon.
ne R.1SG a trouv.é chemin autre aucun P.moi
'Je n'ai trouvé aucun autre chemin.'
traducteur Cosey, Kavell ar Bodhisattva, Jonathan 4, p.33

Bas-vannetais et Quistinic

La construction de résomption du sujet est prototypique de la Cornouaille, mais existe aussi en bas-vannetais (voir aussi Nicolas 2005:33 pour Quistinic).


(1) N'eo ket forzh fin anezh.
ne est pas très fin P.lui
'Il n'est pas très fin.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:52)


(2) [ brøma sεlant ʃəvras dən trəwsə anε mε nøzεn wεn sevεr ]
bremañ 'sellant ket vras d'an traoù-se anezhe met neuze 'oant sever.
maintenant ne1 regardent pas 1grand à le choses-ci P.eux mais alors R étaient sévère
'Maintenant ils ne sont pas regardants sur ces choses-là, mais à l'époque, ils étaient sévères.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:22).


En vannetais de Quistinic, on trouve aussi des résomptifs du sujet avec des verbes transitifs, et avec l'auxiliaire kaout 'avoir' (3).


(3) [ nø laburaʃəd øni ] / [nø laburaʃət hønõ ]
ne laboura ket anezhi ne laboura ket anezh
ne1 travaille pas P.elle ne1 travaille pas P.lui
'Elle/Il ne travaille pas.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:33)


Le résomptif du sujet y semble optionnel, peut-être utilisé pour marquer le focus si l'on en juge par l'équivalence avec un pronom préverbal marquée par Nicolas (2005:33).


(4) [ Ɉi labur tʃǝt / nø laburaɲ tʃǝt anehɛ ]
gi ne labourint ket ne labourint ket anezhe
eux ne1 travaillent pas ne1 travaillent pas P.eux
'Eux, ils ne travaillent pas.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:33)


Vannetais

Les exemples semblent plus sporadiques dans le reste du vannetais.


(1) N'eo ket forzh kaer anezhi...
ne est pas très beau P.elle
'Elle n'est pas très belle... '
Vannetais, Herrieu (1994:84)


(2) Ar beroù-se 'daent ket en-dro anezhe, nann.
le "beroù"-ci (ne1) venaient pas de.retour P.elles non
'Ces "beroù" ne réapparaissaient pas, non.'
Haut-vannetais (Jo Sergent), Louis (2015:153)


(3) Ar pemoc'h, nag e rae un toull en douar, ' rae ket droug ebet anezhoñ.
le cochon bien.que R4 faisait un trou en.le terre (ne1) faisait pas mal aucun P.lui
'Le cochon, même s'il faisait des trous dans le sol, il ne faisait aucun mal.'
Haut-vannetais (Jo Sergent), Louis (2015:214)


Groix

On retrouve la résomption du sujet en contexte négatif à Groix.


(4) / we:ru če naj /
ne1 sauront pas P.elles
'Elles ne sauront pas.'
Vannetais (Groix), Ternes (1970:285)


(5) / nə šed afaer əni /
ne1 a pas besoin P.elle
'Elle n'a pas besoin.'
Vannetais (Groix), Ternes (1970:285)

pas à Ouessant

On ne trouve pas de résomption du sujet "à la cornouaillaise' à Ouessant (l'exemple ci-dessous est trompeur car noñ en périphérie droite pourrait réaliser un résomptif de troisième personne dans d'autres dialectes, mais à Ouessant ce pronom résomptif serait réalisé aneuzeu).


(6) Med ar re-ze ne lavarent jamez gaou noñ.
mais le ceux-ci ne1 disaient jamais mensonge non
'Mais elles ne mentaient jamais.'
Ouessant, Gouedig (1982)


(7) Ar zaout a veze lazet en Eusa [...] deuent ket deuz an douar-braz _ .
le vaches R1 était tu.é en Ouessant venaient pas de le terre-grand
'Les vaches qui étaient tuées à Ouessant [...] ne venaient pas du continent.'
Ouessant, Gouedig (1982)

Sémantique

effet de focus ou non

Desseigne (2015:48) remarque qu'il n'a pas relevé d'effet de focus sur la personne dans son corpus provenant de Tregunc/Névez, contrairement à Trépos et Favereau qui signalaient un effet d'emphase sur la personne dans ces structures à résomption du sujet.


Diachronie

On trouve en 1790 des emplois de cette sorte de résomption avec le verbe lexical 'avoir'.


(1) Hor c'here n'en deus anezhañ nag erv nag ant.
notre5 cordonnier ne 3SGM a P.lui ni planche.de.terre ni sillon
'Notre cordonnier n'a aucun bien.'
MG.:143, cité dans Le Gléau (1973:17).

À ne pas confondre

La résomption du sujet à la cornouaillaise doit être contrastée avec des constructions du faux sujet, présente dans tous les dialectes, et qui peuvent aussi accidentellement utiliser la préposition 'eus' avec une pronom incorporé de 3SG, dans une phrase qui se trouve être négative.

Ci-dessous, la phrase est négative et le syntagme nominal préverbal lie la préposition a/eus qui porte ses traits de genre et de nombre 3. Ici, ce qui montre qu'il ne s'agit pas d'une résomption du sujet à la Cornouaillaise est le fait que la préposition eus, si on rétablissait l'argument ar bannah gwin-ze à sa droite, ne disparaitrait pas (eur veskennad eus ar bannah gwin-ze).


(1) [Ar bannah gwin-ze]3SGM na oa ket eur veskennad anezañ.3SGM
le verre vin- ne-R y.avait pas un dé.à.coudre.ée de.lui
'Ce verre de vin-là, il n'y en avait pas plein un dé à coudre.'
Trégorrois, Gros (1984:14)


En (2), la préposition anezhañ pourrait être remplacée par un possessif devant diabarzh (...ha du-mouar e diabarzh). Il s'agit d'une structure prédicative équative. Pour s'en convaincre, il suffit de noter que la prédication, si elle devait être transférée au temps passé, révélerait une copule (...hag 'oa du-mouar an diabarzh anezhañ).


(2) E gwirionez, d'ober hor boa gant ur gwaz gwenn a-ziavaez ha du-mouar an diabarzh anezhañ.
en vérité à1 faire 2PL avait avec un homme blanc en-dehors et noir-mûres le dedans de.lui
'En vérité, nous avions affaire à un homme blanc dehors et noir profond à l'intérieur.'
(Priel 1955)

Intérêt théorique

Les premières analyses formelles de ces pronoms semblent être celles de Urien & Denez (1979), qui reprennent la description de Trépos (1968) de la restriction à la personne trois et l'association récurrente avec la négation. Ils notent l'association récurrente avec les verbes intransitifs.

Pour Borsley & Stephens (1989), le pronom de troisième personne est un sujet pronominal. En ce sens, les exemples ci-dessus représenteraient des exceptions à l'effet de complémentarité qui caractérise le système d'accord breton. Timm (1995) s'oppose à l'analyse des pronoms comme pronoms sujets. Elle montre qu'ils peuvent apparaître dans la même phrase qu'un sujet réalisé (ses autres arguments ne portent pas, car elle confond les pronoms du sujet et les pronoms écho du sujet, qui ont une distribution distincte). Stump (1989:441) note qu'à la différence des sujets, les pronoms résomptifs ne peuvent pas être antéposés. Ce ne sont donc décidément pas des arguments du verbe. Timm (1995) propose que ces pronoms ne sont pas des sujets postverbaux, mais des pronoms anaphoriques.

Les différentes restrictions de cette structure (personne 3, négation, verbes intransitifs) restent inexpliquées.


Bibliographie

  • Blanchard, N. 2004. 'L'utilisation pédagogique des textes du concours 'Ar Falz, La Bretagne Linguistique 13, numéro spécial Dialectologie et Géolinguistique, CRBC : UBO, Brest, 13-30.
  • Gros, J. 1984. Le trésor du breton parlé III. Le style populaire, Brest: Emgleo Breiz - Brud Nevez.
  • Stump, G. T. 1984. 'Agreement vs. incorporation in Breton', Natural Language and Linguistic Theory, 2:289-348.
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  • Timm, Lenora., 1995. 'Pronominal A-forms in Breton: A discourse-based analysis', Journal of Celtic Linguistics 4:1-34.
  • Trépos, P. 2001 [1968, 1980, 1996], Grammaire bretonne, 1968 édition Simon, Rennes.- 1980 édition Ouest France, Rennes; 1996, 2001 édition Brud Nevez, Brest.
  • Urien, J.Y. & Denez, Per, 1977-9. 'Essai d'analyse sémiologique du mot verbal et du syntagme verbal en breton contemporain', Studia Celtica, 12-13:259-90, 1977; 14-15:290-312.