Différences entre les versions de « Ober »

De Arbres
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Version du 2 novembre 2024 à 11:01

Le verbe ober, gober signifie 'faire, réaliser'. C'est aussi un auxiliaire très employé pour former une conjugaison analytique. C'est un verbe irrégulier dans sa conjugaison car le radical est modifié.


(1) Klevout a ran ha kompren ne ran ket.
entendre R1 fais et comprendre ne1 fais pas
'J'entends et je ne comprends pas.'
Standard, Riou (1941:21)


Morphologie

infinitif de ober

La carte 271 de l'ALBB documente la variation de l'infinitif. On trouve en vannetais la forme gober, qui se conjugue autrement sur la même racine ra qu'en KLT.


(2) [ bøde ɛʃtrohaɥɛdaɲmi a wija gober ən trəwsə ]
Bout eo estroc'h-evidin-me a ouia gober an traoù-se.
être est autre.plus.que.moi-moi R1 sait faire le choses-
'Il n'y a pas que moi qui sait faire ça.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:36)


(3) Gober a ra pleg-kein lies.
faire R fait plie-dos souvent
'Il courbe souvent l'échine.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:38)


En guérandais, Brenn (2002) signale la forme infinitive zober.

formes des infinitifs conjugés avec ober

Georgelin (2016:'Displegañ ar verboù gant ober') note à Bégard une tendance à utiliser avec l'auxiliaire ober non pas la forme infinitive, mais la racine des verbes arriout, chaokat, degouezhout, gallout, gwelet, implijout, mankout, plijout, poanial, reiñ, soñjal, souetiñ, talvezout. Les verbes gonit, sentiñ et tostaat y sont cependant sous leur forme infinitive, ainsi que les verbes irréguliers mont et ober.

radical eure

Kervella (1947:142-143) rapporte une forme du passé en eure. En corpus du XXe, on trouve ces formes dans Al Lay (1925), Ar Gow (1962) ou Ar Floc'h (1985).


(4) Serri a eure d'ei he daoulagad.
fermer R fit à.elle son2 deux.œil
'Elle lui ferma les yeux.'
Bas-Trégorrois, Al Lay (1925:13)


(5) Kalz fougasoù a eure ar baraer gant e gi yaouank…
beaucoup frime.s R fit le boulanger avec son1 chien jeune
'Le boulanger frimait avec son petit chien… '
Cornouaillais (Pleyben), Ar Gow (1962:174)


(6) Degouezhout a eure hepdale an tri all er gwaremm.
arriver R1 faisait bientôt le trois autre en.le garenne
'Les trois autres arrivèrent tout de suite après à la garenne.'
Léonard (Bodilis), Ar Floc'h (1985:14)


Hemon (2000:229) et Le Roux (1957:158-159) relèvent la forme eure en moyen breton, mais considèrent qu'il s'agit en breton du XXe siècle d'une forme litttéraire archaïsante. On en relève des formes en eure dans des corpus du XVIII° (en trégorrois pré-moderne, gret 'deus e hefort me 'eure ma hini, BUR20, Kernaudour 2017b).


On trouvait aussi en moyen breton la forme guere.

  • rac disprisa a guère pep tra mondain.
'car elle méprisait toute chose mondaine', Breton 1576, Ca., Loth (1890c:290)

radical gober

Gober est une forme assez répandue de l'infinitif en vannetais. C'est la forme gober qui est mutée en (1).


(1) 'mè ke' daou pe dri faz da r'hor.
Ne 'm beze ken met daou pe dri faz da c'hober. Équivalent standardisé
ne1 1SG avait plus mais deux ou1 trois2 pas à1 faire
'Ce n'était qu'à deux pas de chez moi.'
Cornouaillais (Riec), Bouzec & al. (2017:89)


(2) 'neus ket pikol tra da c'hober.
ne1 est pas beaucoup chose à1 faire
'Il n'y a pas grand-chose à faire.'
Cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:27)


C'est aussi la forme rare du radical dans té gobéro dë zèbagn , te a ray da zebriñ, 'tu feras à manger' rapporté par Le Ruyet (2012b) à Séné.

Dans l'ALBB, le verbe gober est conjugué consistamment sur la racine gober à l'Île d'Arz. La carte 264 'si nous faisons' obtient ma wobiramp, la carte 262 'si tu fais, si vous faites' ma wobires, ma wobiret, la carte 262 'si je fais' mar gobiran

Dans tous les dialectes, la racine en /g-/ est visible à l'impératif (Gra ! Grit !).


(3) Gra eur c'hleze a zaou droc'h d'am mab.
fais un 5épée de1 deux tranche à.mon2 fils
'Fais une épée à deux tranchants à mon fils.'
Cornouaillais (Pleyben), Ar Floc'h (1950:228)

dérivation

grammaticalisation

En haut-vannetais du XXIe, Delanoy (2010) mentionne dobér 'besoin' (item de polarité négative; Mes ket dobér, 'Je n'ai pas besoin').

Syntaxe

Le verbe et auxiliaire ober 'faire', existe syntaxiquement en trois sortes (Stephens 1982:97):

 (i) une forme sémantiquement vide qui sert uniquement de support morphologique pour des traits de personne, denombre et/ou de temps. Cette forme apparaît directement une tête verbale infinitive, ou dans les questions en reprise
 (ii) une forme anaphorique qui sélectionne une petite proposition comme argument interne, 
 (iii) une forme lexicale servant aussi de semi-auxiliaire causatif.


En (1), la forme gra de ober est une forme qui offre uniquement un support morphologique pour les traits de personne et de temps.


(1) Da vamm ne gaozea ket brezhoneg diouzhit, gra ?
ton1 mère ne1 parle pas breton à.toi fait
'Ta mère ne te parle pas breton, si ?'
Trégorrois (Bégard), locuteur né en 1920
Yekel (2016:'goulenn nac'h')


L'exemple en (2) montre bien la différence entre ober support morphologique et ober lexical, qui a vraiment le sens de 'faire', 'réaliser'. On voit d'abord la forme sémantiquement vide de l'auxiliaire ober qui suit l'infinitif lavar 'dire' (i), puis le verbe lexical ober 'faire' (iii) utilisé en se prenant lui-même comme auxiliaire (i).


(2) Lavar a ra, ober ne ra ket.
dire R fait faire ne1 fait pas
litt. 'Dire il fait, faire il ne fait pas.'> 'Il dit, il ne fait pas.'
Cornouaillais, Trépos (2001:351)


Dans les cas (i, ii, et iii), ober porte les traits de mode, de temps et éventuellement d'accord du sujet pour un verbe lexical. Dans le cadre d'une énumération, une seule occurrence de ober peut suffire.


(2) Grognal, gwic'hal, oc'hal, doc'hal ha soroc'hal a rae, ma tlee beza klevet betek Toulzac'h, moarvat.
grogner grogner grogner grogner et grogner R faisait que4 devait être entend.u jusqu'à Toulzac'h probablement
'Il grognait, il piaillait, il grognait à nouveau, il grognait encore et encore, à tel point qu'on devait probablement l'entendre jusqu'à Toulzac'h.'
Léonard, Kerrien (2000:86)


auxiliaire sémantiquement vide, auxiliaire anaphorique

Sémantiquement, la structure analytique avec l'auxiliaire ober est totalement équivalente à sa contrepartie synthétique où le verbe est directement conjugué.


(1) Anavezout a ran katwoman. vs. Katwoman a anavezan.
connaitre R fais Catwoman Catwoman R connais
'Je connais Catwoman.'
Standard


Cet auxiliaire sémantiquement vide est uniquement présent pour porter les marques d'aspect, de temps et d'accord éventuels du sujet, d'où le terme de conjugaison analytique. Stephens (1982) parle d'auxiliaire 'sémantiquement vide'. Hewitt (1988a) appelle cet auxiliaire ober 'l'auxiliaire factice'. Jouitteau (2011) l'appelle l'auxiliaire 'support', et l'associe au paradigme de la conjugaison analytique.


ne pas confondre

Tous les ordres de mots avec un infinitif devant un auxiliaire ober ne sont pas des cas de conjugaison analytique. Certains sont des cas d'antéposition de VP où l'auxiliaire sélectionne un groupe verbal infinitif en entier. Leurs différences syntaxiques sont synthétisées dans la fiche sur les ordres à infinitif préverbal.

la forme anaphorique

L'auxiliaire anaphorique ober sélectionne un syntagme verbal (noté VP pour 'Verb Phrase'). Ce groupe verbal doit être différencié d'une tête verbale simple.

Stephens (1982) propose d'appeler cet auxiliaire 'anaphorique', puisqu'il est interprété comme la conjugaison du verbe lexical qui est lui à l'infinitif. Cet auxiliaire 'anaphorique' apparaît dans des contextes syntaxiques très précis.


ordres neutres VP-AUX

L'ordre de mots le plus courant pour observer l'auxiliaire ober est l'antéposition de groupe verbal du type Mont mat a ra ?, où le groupe verbal précède l'auxiliaire ober conjugué.


rares ordres AUX-VP

On trouve quelques classes de phrases où il est possible de voir l'auxiliaire ober 'faire' précéder le groupe verbal infinitif.

Ce sont les focalisations en nemet ou ket 'met, et plausiblement aussi les cas d'ellipse de groupe verbal. En dehors de ces contextes de focalisation ou d'ellipses, il n'est pas grammatical de laisser un groupe verbal infinitif après l'auxiliaire ober. La phrase en (1) est agrammaticale.


(1) * Ne ra ket flourañ ar c'hazh.
ne1 fait pas caresser le 5chat
'Il ne caresse pas le chat.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (07/2022)


focalisations en nemet

L'ordre AUX-V le plus facile à illustrer est dans les contextes de focalisation du VP en nemet ou ket (ne)met.


(2) Ne ra ket met flourañ ar c'hazh.
ne1 fait pas mais caresser le 5chat
'Il ne fait rien d'autre que de caresser le chat.'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (07/2022)


(3) … ne rea pep kammed nemet koueza war e benn.
ne1 faisait chaque pas que tomber sur son1 tête
'… il ne faisait que tomber sur sa tête à chaque pas.'
Léonard (Saint Pol de Léon), Milin (1922:403)


La focalisation intonative uniquement n'est pas une option.


ellipses

Dans le cas d'ellipses du syntagme verbal, le groupe du verbe infinitif non-prononcé est plausiblement après l'auxiliaire.

C'est aussi cet auxiliaire 'anaphorique' qui apparaît avec des ellipses de verbes infinitifs dans les tournures d'intensification ken e ra ø, hag e ra ø. Il est plausiblement suivi d'une ellipse non-tensée du verbe qu'il modifie.


(4) Ar bugel-ze a labour ken e ra .
le enfant- R1 travaille autant R fait _[ø]_
'Cet enfant travaille énormément.'
Trégorrois, Gros (1984:50)


(5) Harz, ma faotr, ha gra !
aboie mon2 garçon et fais _[ø]_
'Aboie, mon garçon, allez vas-y.'
Trégorrois, Gros (1984:64)


reprise de domaine tensé

Le groupe verbal élidé peut reprendre un verbe tensé antéposé.


(6) Ar re 'neus ur post tu bennag, pa c'hallant degass un douzh o familh da labourad ba'r memes ti, a ra _
le ceux R a un poste côté quelconque quand1 peuvent apporter un de leur2 famille à1 travailler dans le même maison R fait <VP>
'Ceux qui ont quelque poste y amènent un membre de leur famille quand ils peuvent.'
Cornouaillais, Plourin (2000:42)


antéposition de VP coordonnés

L'auxiliaire ober dit 'anaphorique' peut obtenir la flexion sémantique de deux verbes différents lorsque deux verbes infinitifs sont coordonnés.


(7) Ar vrumenn-ze na glebiañ na sehañ ne ra
le 1brume- ni [ VP humid.er ] ni [ VP sécher ] ne1 fait ( ni VP ni VP )
'Cette brume-là ne sert à rien.'
Trégorrois, Gros (1984:79)

l'auxiliaire ober anaphorique à l'infinitif

L'auxiliaire anaphorique ober peut apparaître dans des domaines infinitifs. Typiquement, son argument interne est focalisé d'une manière ou d'une autre et l'objet d'un transitif y apparaît adjacent à son verbe lexical.


(1) Eno a zo kokouz penegwir ne vez ken med kargañ ar voz d'ober
y R est coques puisque ne1 est plus mais [ VP charger le poignée ] [ SC à1 faire (VP) ]
'Là, il y a des coques, puisqu'il n'y a qu'à ramasser à pleines mains.'
Trégorrois, Gros (1984:13)


(2) Lavared ya pe nann krak 'n hini a vez d'ober
[VP dire oui ou non carrément ] le N R est [ SC à1' faire (VP) ]
'Dire carrément oui ou non, c'est ce qu'il faut faire.'
Trégorrois, Gros (1984:82)


(3) /mə mbez guləne li:w ̌jəti, me Xi fote če təXi gober den/
Me 'mbez goulennet kant lev geti met hi faote ket dezhi gober din.
moi 1SG.a demand.é cent franc avec.elle mais elle fallait pas à.elle faire à.moi
'Je lui ai demandé cent francs, mais elle ne voulait pas me les donner.'
Vannetais (Groix), Ternes (1970:321)


l'auxiliaire ober anaphorique au participe

Les cas de reprise anaphorique en graet sont étranges, car il serait toujours impossible de rétablir l'ellipse.


(4) Ma zeir c'hoar zo dimezet ha me n'on ket bet graet morse.
mon2 trois sœur est mari.é et moi ne1 suis pas été fait jamais
'Mes trois sœurs sont mariées, et moi je ne l'ai jamais été.'
Favereau (1997:§374)

restrictions sur le verbe infinitif

Tous les verbes infinitifs ne peuvent pas se conjuguer avec l'auxiliaire ober.

En breton moderne, dans la plupart des dialectes, les verbes infinitifs peuvent s'auxilier avec le verbe ober, y compris lui-même (ober a ran X, /faire R fais X/ = 'Je fais X'), mais cette stratégie n'est possible ni avec le verbe bezañ 'être' (* Bez(añ) a ran X) pour 'je suis X' ni avec le verbe kaout/kavout 'avoir' (*ka(v)out a ran X) pour 'je possède X'.


De rares exceptions émergent à travers les dialectes. La copule existentielle peut être réalisée en breton central par l'expression bout a ra (cf. carte 80 de l'ALBB).


(1) Bout a ra tud a soñj gante ec'h on-me ur poeltron.
être R fait gens R1 fait pense avec.eux R+C suis-moi un poltron
'Il est des gens pour croire que je suis un pleutre.'
Breton central, Marie-Josèphe Bertrand, Kimiad paotred Plouilio


Le verbe kaout 'avoir' apparaît en conjugaison avec le verbe ober dans un manuel d'apprentissage des années cinquante en Léon, ce qui laisse à penser que les auteurs n'avaient pas conscience de la rareté de la structure.


(2) N'on ket souezet, rag kaout a ra ur spered lemm.
ne1 suis pas surpr.is car avoir R fait un esprit aiguïsé
'Je ne suis pas surpris, car elle est vive d'esprit.'
Léonard, Seite & Stéphan (1957:59)


En vannetais, le verbe 'avoir', basé sur le verbe 'être', peut se conjuguer avec l'auxiliaire ober (litt. /faire être Y à quelqu'un/ = 'quelqu'un avoir Y'), sous sa forme analytique (Ma 'm bout a ran (me)… , 'Si j'en ai (moi)', Favereau 1997:§418).


(3) hur bout a ramb 'nous avons'
hé dout e ré 'elle avait'
hag en devout e rehè m'anemisèd? est-ce-que mes ennemis auraient…?'
hou poud a ra 'vous avez (impersonnel)'
Vannetais, Revue Celtique VIII:43, IX:265, XI:473.
cité dans Le Roux (1957)


variation dialectale

À Groix, la conjugaison avec l'auxiliaire ober est plus restreinte qu'ailleurs.

 Ternes (1970:280)
 "La troisième conjugaison a une valeur sémantique particulière: l'action est envisagée dans son développement ou sa durée (aspect duratif). L'emploi de cette conjugaison est particulièrement commun pour désigner les phénomènes de la nature (y compris le temps qu'il fait et le temps qui passe) et les sensations physiques.
 […]
 Cet emploi de la troisième conjugaison ne coïncide pas avec l'usage dans d'autres dialectes bretons dans lesquels c'est cette conjugaison-ci qui est neutre sémantiquement. (P.ex. dialecte du Léon: gouzout a ran "je sais".) 
 Dans le breton groisillon, l'emploi de la troisième conjugaison est strictement limité à l'expression de l'aspect duratif."


En cornouaillais de l'Est intérieur, Naoned (1952:61) note que l'auxiliation en ober n'existe pas, à part pour des tournures exogènes venant d'autres dialectes (mont a ra, gober a ra glao, gout a rit…). Naoned (1952:61) précise que ober, à Scaër/Guiscriff, suit le verbe uniquement lorsqu'il y a une emphase lourde sur ce verbe. On trouve aussi mention d'une restriction sur l'auxiliation en ober dans Guillevic & Le Goff, p. 147.

semi-auxiliaire causatif

Ober apparaît aussi dans les structures causatives comme semi-auxiliaire. Il est alors associé à la préposition da et peut sélectionner une petite proposition (notée SC pour Small Clause).


(1) Ar berradou dour […] a rae d' an aer beza yen-sklas.
[ DP le goutte.s eau ] R faisait à [ SC le air être froid-INT ]
'Les gouttes d'eau […] rendaient l'air glacial.'
Léonard, Kerrien (2000:8)


(2) Lomig a raio d' ar vugale dastum avaloù.
Lomig R fera à1 [ SC le 1enfant.s récolter pomme.s ]
'Lomig fera ramasser des pommes aux enfants.'
Trégorrois, Stephens (1982:101)


La structure causative est un des rares cas où l'argument interne de ober est réalisé après lui dans un domaine tensé.

 Trépos (2001:§439):
 "Lorsque l'infinitif suit la forme de ober', celle-ci a son sens propre.
 
 Me a ray sevel eun ti, 'Je ferai construire une maison'
 Sevel a rin eun ti, 'Je construirai une maison'              "

Expressions

ober war dro, 's'occuper de'

(1) Benn ' vez prenet un azen e vez dav gober war e dro, mallestoupen !
quand R est achet.é un âne R4 est obligé faire sur son1 tour sacrebleu
'Quand on achète un âne on s'en occupe, sacrebleu!'
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)


L'alternative est d'utiliser bezañ war dro.


(2) Va mamm eo a vez war-dro ar yér.
mon2 mère est R1 est autour le poule.s
'C'est ma mère qui s'occupe des poules.'
Léonard, Seite & Stéphan (1957:83)

Diachronie et horizons comparatifs

L'exemple ci-dessous date de 1398. Dès le moyen breton, l'infinitif apparaît en initiale de phrase et précède "presque toujours" l'auxiliaire ober (Le Roux 1957:410). Il pourrait s'agir ici d'une antéposition de groupe verbal ou d'une antéposition de tête verbale seule.


(1) ferwet, ferwet, ferwet donet a rant.
fermez, fermez, fermez venir R font.3PL
'Fermez, fermez, fermez, ils viennent.'
Moyen vannetais 1398
cité dans Fleuriot (1997:26), Fleuriot (1964-65:146)


Le Roux (1957:48), note que les trois langues brittoniques présentent la conjugaison formée au moyen de l'infinitif et de l'auxiliaire 'faire', et propose d'en faire remonter l'origine au brittonique commun.


Hemon (1975:240) considère pour ober un emprunt au latin opera.


langues celtiques

langues brittoniques

auxiliaire initial

La construction périphrastique avec l'auxiliaire 'faire' est aussi productive en cornique et en moyen gallois (Le Roux 1957:408). Cependant, l'ordre auxiliaire/infinitif est inversé par rapport aux ordres de mots licites en breton (cf. E veulin a reas ar pab, Breton, cité dans Pennaod 1969:33).


(2) An pap a ruk y presia.
le pape R fit le louer
'Le pape le loua.'
Cornique, BM.:2792


Selon Le Roux (1957), citant Anwyll, la construction périphrastique avec l'auxiliaire 'faire' n'apparaît que dans des tournures restreintes en gallois moderne: au prétérit, au futur et à l'impératif.


(3) Gwnaeth Elin brynu torth o fara.
fit Elin acheter miche de pain
'Elin a acheté une miche de pain.'
Gallois moderne, Borsley & al. (2007:12)


idiosyncrasie en moyen gallois

Watkins (1993) note que l'auxiliation avec le verbe 'faire' n'est pas disponible en moyen gallois pour certains verbes, comme gwneuthur 'faire', bod 'être', geni 'naître', cael 'obtenir', gwybod 'savoir'. Meelen (2016) note cependant qu'il existe une variation car elle relève une structure avec ce dernier.


(4) A Gwybot a wnaeth Arthur…
et savoir prt fit Arthur
'Et Arthur sut que … '
Moyen gallois, BR.12.16
cité dans Meelen (2016)

autres langues celtiques

Le Roux (1957:48): "l'irlandais ignore cette construction, qui existe aussi, plus ou moins développée, dans d'autres langues, en particulier en français, en anglais et en allemand."

Puisque les langues celtiques gaéliques n'ont pas cette construction, Le Roux interroge une influence brittonique-latine pour la naissance de cette construction (cf. structure périphrastique en 'faire' en ancien français et latin). À noter cependant que l'auxiliaire 'faire' se trouve régulièrement dans des langues tout à fait indépendamment de l'influence du latin (par exemple en russe, basque ou coréen).

langues romanes

ancien français

Le Roux (1957:48) fait remonter l'apparition de cette construction en français aux Formulaires et Capitulaires de Charlemagne. La construction viendrait d'un glissement en latin de:

domum aedificare facio, 'j'ai fait construire.[agentif] une maison'
à
domum aedificari facio, 'j'ai fait construire.[passif] une maison > j'ai fait qu'une maison soit construite > j'ai construit une maison.'


Fleuriot (1997:99-103) note aussi l'usage d'une structure à auxiliaire 'faire' en ancien français: "Dans certains cas, en ancien français, 'faire' suivi d'un infinitif n'a pas de sens factitif. "La périphrase équivaut alors à un verbe simple" (Ménard 1970:60§72). Il cite, entre autres: Or faites prendre cette épée pour 'Prenez donc cette épée'; ou Faites-moi écouter pour l'impératif moderne 'Écoutez'.


français moderne

Il existe en français une forme du verbe faire où il semble avoir la même transparence sémantique que le verbe ober, 'faire' en breton. C'est la forme (ne) faire que INF, avec une lecture de focus contrastif obligatoire sur le contenu lexical du verbe infinitif. Le sujet de faire et celui du verbe infinitif y sont obligatoirement coréférents.


(5) Elle (ne) fait que dormir de toute la journée !
Je lui fais pas le ménage, je (ne) fais que prendre ses commissions.
Vous (ne) faites que prendre la mouche, aussi !


La conjugaison analytique déteint évidemment aussi sur le français de Basse-Bretagne:

  • Causer il fait, mais travailler, il fait pas !, Lossec (2010:90)


dialectes lombards

Des exemples de "do-support" à l'anglaise sont documentés dans d'autres langues romanes, comme le catalan (Llinas i Grau, 1991) ou le monnese, un dialecte lombard du nord de l'Italie parlé dans le village de Monno (Benincà & Poletto 2004).


(1) Ke fa-1 majà ?
quoi fait-il manger
'Qu'est-ce qu'il mange ?'
Monnese, Benincà & Poletto (2004:52)


(2) Ngo fe-t ndà ?
fais-tu aller
'Où vas-tu ?'
Monnese, Benincà & Poletto (2004:73)


autres langues

L'auxiliation avec un verbe sémantiquement léger de type ober 'faire' existe dans de nombreuses langues du monde. On en trouve de multiples exemples dans les langues germaniques (Platzack 2012); le néerlandais (Cornips 1994, 1998), en Danois (Houser & al. 2006, Ørsnes, 2011), en suédois (Källgren & al. 1989), en norvégien (Lødrup 1990).

Hors des langues indo-européennes, on en a des exemples en coréen (Hagstrom 1995, 1996) ou en basque du centre et de l'Ouest (Rebuschi 1983, Ortiz de Urbina 1989, Haddican 2007).


(1) Ik doe wel even de kopkes af wasse.
je fais prt juste le tasse prt lave
'Je vais laver les tasses.'
Néerlandais Cuijk, Atheme report 2015


(2) Chelswu–ka chayk-ul ilk-ci ani ha-ess-ta.
Chelsu.NOM livre.ACC lire-ci NEG faire.PASS.DECL
'Chelsu n'a pas lu le livre.'
Coréen, Hagstrom (1996)


(3) Ines etorri egin da.
Ines venir faire AUX
'Ines est VENUE.'
Basque, Haddican (2007:736)

Horizons théoriques

motivation pour l'insertion

L'hypothèse traditionnelle, et la plus répandue, est que l'insertion de l'auxiliaire 'faire' est une stratégie morphologique de dernier recours pour fournir un hôte aux morphèmes de flexion (Chomsky 1957, Lasnik 1981, Chomsky 1991, Bobaljik 1995, Embick & Noyer 2001). Pour l'insertion de ober en breton, Jouitteau (2005, 2011, 2012a, 2013, 2020b) se situe dans cette tradition d'analyse: suite à l'excorporation du verbe lexical pour réaliser V2 en dernier recours à l'étape de la linéarisation, le verbe 'faire' ober est inséré pour fournir un support morphologique aux morphèmes affixaux du temps et de l'accord.


Bjorkman (2011:180) propose au contraire que l'auxiliaire 'faire', dont ober en breton, est la réalisation de la tête , la tête du VP étendu, qui pour une raison particulière à chaque langue est linéarisée de façon non-adjacente au verbe lexical. Bjorkman (2011) argumente en montrant à partir du breton, du dialecte lombard de Monno et des langues germaniques scandinaves que l'insertion de l'auxiliaire 'faire' ne découle pas d'une impossibilité de lien entre le verbe lexical et la tête T. En breton comme en dialecte lombard, l'auxiliaire 'faire' apparaît alors même que le mouvement de V° en T° est par ailleurs possible. En scandinave, l'auxiliaire 'faire' est compatible avec la flexion du verbe lexical, ce qui peut obtenir un doublement des marques de flexion (en suédois, mais aussi marginalement en danois et norvégien, cf. réfs. dans Bjorkman 2011:186).


(1) Spiller golf gjør jeg aldr. (verbe spille 'jouer')
play.present golf do.present I never
'Play golf I never do.'
Norvégien, Lødrup (1990:3, ex. 1)

Terminologie

Le terme breton pour 'support' est skor. Lorsque l'auxiliaire sert uniquement de support morphologique pour la réalisation de traits de temps, nombre, personne, sans contenu lexical propre, on peut utiliser le terme verb skor. C'est le cas dans la conjugaison analytique en ober, ou dans les questions en reprise en ober.

Le terme verb skor, ou 'skorverb, est à mettre en contraste avec verb-skoazell, littéralement 'verbe de secours', qui est le terme pour 'auxiliaire'. KAG (2016) utilise le terme skoazeller.


Bibliographie

breton

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