Différences entre les versions de « Les inanimés »

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Le trait '''inanimé''', ou '''neutre''', est le troisième trait du système de [[genre]], aux côtés du masculin et du féminin.
Les '''inanimés''' sont les [[pronoms]], les [[noms concrets]] et les [[noms abstraits]] qui réfèrent à des entités du monde qui ne sont ni humaines ni animales. Ils s'opposent aux [[animés]].


L'inanimé est marqué en breton dans différents paradigmes:
: le [[pronom relatif]]; ''[[pezh|ar pezh]]'', 'ce que, ce qui'
: le [[mot interrogatif|pronom interrogatif]]; ''[[petra]]'', 'quoi, qu'est-ce que'
: le [[POP|pronom objet proclitique inanimé]]; ''hen, hel, her'' dans les dialectes [[KLT]] (à proclitiques) et standard
: le [[pfi|pronom fort indépendant]] ''[[se]]'', ''[[ze]]'', abréviation de ''an dra-se'', 'cette chose là'


{| class="prettytable"
|(1)|| Ac'hanta, || petra || ' || soñjez || eus || '''kement-se''' ?
|-
||| [[interjection|Dis-donc !]] || [[petra|quoi]] || [[R]] || [[soñjal|penses]] || [[eus|de]] || [[kement|autant]]-[[se|ça]]
|-
||| colspan="15" | 'Dis-donc, mon vieux, qu'en penses-tu ?'
|-
||||||||| colspan="15" | ''Standard'', [[Kervella (2001)|Kervella (2001]]:22)
|}
Morphologiquement, le trait '''inanimé''' est le troisième trait du système de [[genre]], aux côtés du masculin et du féminin. Syntaxiquement, les inanimés sont illicites comme [[argument]] [[agent]] dans la [[structure thématique]] des verbes.


Le trait inanimé est absent dans différents paradigmes:
 
: les [[pronoms incorporés]] (dans l'[[système d'accord|accord verbal]], une [[Les prépositions fléchies|préposition]] ou une préposition support comme ''[[a]]'')
== Inventaire ==
 
Le trait inanimé est marqué en breton dans différents paradigmes:
: le [[pronom relatif]]: ''[[pezh|ar pezh]]'' 'ce que, ce qui'
: le [[mot interrogatif|pronom interrogatif]]: ''[[petra]]'' 'quoi, qu'est-ce que'
: le [[pfi|pronom fort indépendant]] : ''[[se]]'', ''[[ze]]'' abréviation de ''an dra-se'' 'cette chose là' ou ''[[kement]]-se'' 'cela'
: le [[morphème]] [[clitique]] [[anaphorique]] ''[[-henn]]'': ''evel-henn'' 'comme cela', ''betek-henn'' 'jusque là'
 
Il existe une variation quant à l'obligation du trait inanimé sur les pronoms de troisième personne: 
: le [[POP|pronom objet proclitique]]: ''hen, hel, her''
: le [[POP|pronom objet proclitique]]: ''e''
: le [[DEM|pronom démonstratif]]: ''hennezh''
 
Le trait inanimé n'est jamais déterminé morphologiquement dans les paradigmes suivants:
: les [[pronoms incorporés]] (ces pronoms sont présents dans l'[[système d'accord|accord verbal]], et comme objet des [[Les prépositions fléchies|prépositions]], dont la [[préposition support]] comme ''[[a]]'': ''anezhañ, ''anezhi''...)
: les [[POSS|déterminants possessifs]]
: les [[POSS|déterminants possessifs]]


Les [[noms]] et [[pronoms]] de première et seconde personne sont, puisqu'ils dénotent les participants du [[cadre énonciatif]], ne sont jamais des inanimés (leur référent peut l'être dans le monde réel, comme dans le cas d'un conte avec deux tables qui se parlent, mais le langage les traite alors comme des participants au langage, donc des [[animés]]).


Les pronoms neutres, dont le [[pronom météorologique]], qui prennent des traits grammaticaux féminins, ne sont pas des inanimés en ce sens qu'ils ne [[réfèrent]] pas à des entités inanimées (ce sont des [[explétifs]] et ils ne réfèrent pas).  
Les pronoms neutres, dont le [[pronom météorologique]], qui prennent en breton moderne des traits grammaticaux féminins (''-i''), ne sont pas des inanimés. Ils ne [[réfèrent]] pas à des entités inanimées (ce sont des [[explétifs]], donc ils ne réfèrent pas du tout).




== Variation dialectale du proclitique objet inanimé ==  
=== raretés dialectales ===
 
==== ''hennezh'' inanimé ====
 
Le [[DEM|pronom démonstratif]] ''hennezh'' peut, tout du moins en trégorrois, [[référer]] à un inanimé.


[[Le Gléau (1973)|Le Gléau (1973]]:21) note que "strictement employés", le proclitique ''hen'' renvoie à un inanimé, en opposition à ''e'', humain. Tous les dialectes ont, au moins dans des expressions archaïques ou gelées, la possibilité d'utiliser un proclitique objet pour référer à une entité inanimée. Cependant, cela ne veut pas dire que ''hen'' soit à proprement parler un pronom porteur du trait inanimé dans ce dialecte.
 


{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (1) ||M' '''henn''' || anzava.
|(1)|| '''Hennez''' || n'eo || ti || ebet.
|-
|-
| || [[pfi|moi]]'[[POP|le]].IN ||avoue
||| [[hennezh|celui-là]] || [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> [[COP|est]] || [[ti|maison]] || [[ebet|aucun]]
|-
|-
|||colspan="4" | 'J'en conviens, je l'avoue.' ||''Le Scorff'', [[Ar Borgn (2011)|Ar Borgn (2011]]:27)
||| colspan="15" | 'Cela, ce n'est pas une maison.'
|-
||||| colspan="15" | ''Trégorrois'', [[Gros (1984)|Gros (1984]]:197)
|}
|}


== Morphologie ==


[[Le Gléau (1973)|Le Gléau (1973]]:21) note par exemple des usages de indifférenciés de ''e'' et ''hen'' dans ''Buhez ar Zent'' (1869). Selon lui, la forme ''hen'' supplante le [[POP|proclitique objet]] animé dans les contextes où l'objet est proclitique sur un verbe tensé, car alors l'emploi de ''hen'' évite la confusion possible avec un [[R|rannig]] ''e''.
=== moins de marquage du duel ===


Les inanimés sont plus rarement utilisés avec des préfixes du [[duel]], même si leurs référents vont toujours par deux, et sont attachés à des membres du corps dont le nom prend un préfixe du duel (''[[troad]]'', ''daoudroad'' vs. ''[[loer]]'', ''loeroù'').


==== standard ====
== Syntaxe ==
 
=== attribution ''eus'' vs. ''da'' ===
 
L'[[attribution]] à une entité inanimée est réalisée avec la préposition ''[[eus]]'' (''un ti eus ar bourg'' 'une maison du bourg'). L'[[attribution]] à une entité animée est introduite par la [[préposition]] ''[[da]]'' (''un ti da Yann'' 'une maison attribuée à Yann', [[Kervella (1995)|Kervella 1995]]:§434, §364, [[Trépos (2001)|Trépos 2001]]:179).
 
== Les objets proclitiques, ''hen'' vs. ''e'' ==
 
Les [[pronoms proclitiques objets]] ''hen'' et ''e'' ne sont pas morphologiquement équivalents: le pronom ''hen'' est désambiguïsant par rapport à ''e''.
 
 
: - ''Hen, hel, her'' est historiquement une forme réservée aux verbes tensés, qui s'est ensuite généralisée, de dialectes en dialectes, aux autres verbes. Cette généralisation ne s'est pas forcément opérée uniformément en même temps dans tous les dialectes.
 
: - Le pronom proclitique objet ''e'', devant un verbe [[fléchi]], peut éventuellement être confondu avec le [[rannig]], d'autant plus que l'[[ellipse]] de l'objet est répandue en breton. Ce n'est aucunement le cas pour le proclitique ''hen''. [[Le Gléau (1973)|Le Gléau (1973]]:21) émet l'hypothèse que la forme ''hen'' supplante le [[POP|proclitique objet]] ''e'' dans les contextes où l'objet est proclitique sur un verbe tensé, précisément pour éviter une confusion possible avec un [[R|rannig]] ''e''. Il est important de documenter les usages en prenant en compte les possibles différences entre proclitiques sur verbes tensés et non-tensés ([[infinitifs]] et [[participes]]).
 
: - Le pronom proclitique objet ''hen, hel, her'', comme ''e'', est de troisième personne. Contrairement à lui, il n'est jamais marqué pour le [[genre]].
 
: - Le [[Pronoms objet proclitiques|pronom proclitique objet]] ''hen'' n'a pas d'équivalent dans le paradigme des [[déterminants possessifs]], qui ne contient que des pronoms référant indistinctement aux animés et non-animés. Le pronom proclitique objet ''hen'' est un trait distinctif des pronoms proclitiques objets par rapport à un paradigme qui lui ressemble, celui des  [[déterminants possessifs]]. Le pronom proclitique objet ''e'', lui, est morphologiquement indistinguable du déterminant possessif 3SG ''e''. Il provoque uniformément une [[lénition]] sur le nom ou le verbe qui le suit.
 
== ''Hen, hel, her'', pronom neutre ==
 
=== ''hen'', ''hel'', ''her'' référant à un inanimé ===


En langue [[KLT]] standard, le pronom proclitique inanimé est utilisé productivement.  
Tous les dialectes ont, au moins dans des expressions archaïques ou gelées, la possibilité d'utiliser un proclitique objet ''(h)en, (h)el, (h)er'' pour référer à une entité inanimée.  




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (1) || Bez' ||ez eas ||Frañsez Kervella|| d''''hen''' gwelout ||e 1938 (...)
|(1)|| Bez' || ez eas || Frañsez Kervella || d''''hen''' || gwelout || e || 1938 (...)
|-
|-
| || [[Bezañ préverbal|BEZ]] ||[[R]] [[mont|alla]] |||| [[da|pour]] [[POP|le]].IN [[gwelout|voir]] ||[[P.e|en]] 1938
||| [[bezañ préverbal|être]] || [[R]] [[mont|alla]] || [[nom propre|Frañsez Kervella]] || [[da|pour]] [[POP|le]].IN || [[gwelout|voir]] || [[P.e|en]] || [[cardinaux|1938]]
|-  
|-  
| ||colspan="4" | 'Frañsez Kervella alla le voir en 1938 (en contexte, un bâtiment).'  
||| colspan="15" | 'Frañsez Kervella alla le voir en 1938.' (un bâtiment).'
|-
||||||||| colspan="15" | ''Standard'', [[Denez (1993)|Denez (1993]]:20)
|}
 
 
{| class="prettytable"
|(2)|| Red || eo || beza || greet || anezhi || evit || '''her''' || gouzoud.
|-
||| [[ret|obligé]] || [[eo|est]] || [[bezañ|être]] || [[ober|fa]].[[-et (Adj.)|it]] || [[a|P]].[[pronom incorporé|elle]] || [[evit|pour]] || [[POP|le]].IN || [[gouzout|savoir]]
|-
||| colspan="15" | 'Il faut l'avoir fait pour le savoir.'  
|-  
|-  
| ||||||||colspan="4" |''Standard'', [[Denez (1993)|Denez (1993]]:20)
||||||||| colspan="15" | ''Léonard (Cléder)'', [[Seite (1998)|Seite (1998]]:41)
|}
|}




Cependant, toute référence à une entité inanimée ne l'utilise pas forcément. [[Kervella (1995)|Kervella (1995]]:§429) traite comme équivalentes les formes ''Selouit se'', ''Her selaouit'' et ''Selaouit-'', 'Écoutez ça/le'.
{| class="prettytable"
|(3)|| D'ezhan || em euz || '''hel''' || lavaret. || / || D'ezhi || '''hel''' livirinn.
|-
||| [[da|à]].[[pronom incorporé|lui]] || [[R]].1SG [[kaout|a]] || [[POP|le]] || [[lavarout|d]].[[-et (Adj.)|it]] || || [[da|à]].[[pronom incorporé|elle]] || [[POP|le]] [[lavarout|dirai]]
|-
||| colspan="15" | 'Je le lui ai dit.' / 'Je le lui dirai.'
|-  
||||||||| colspan="15" | ''Léonard'', [[Constantius (1900)|Constantius (1900]]:69)
|}


Ar Barzhig, originaire de Kaouenneg (au sud de Lannion), parle vraisemblablement trégorrois mais écrit en langue standard. Il utilise les inanimés ''hen, hel, her'', mais laisse parfois échapper un pronom ''e'' en référence inanimée.
 
{| class="prettytable"
|(4)|| M' '''henn''' || anzava.
|-
||| [[pfi|moi]] [[POP|le]].IN || [[anzav|avoue]]
|-
||| colspan="15" | 'J'en conviens, je l'avoue.'  
|-
||||||||| colspan="15" | ''Vannetais (Le Scorff)'', [[Ar Borgn (2011)|Ar Borgn (2011]]:27)
|}




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (3) ||... pa zegouezhe din|| kouezhañ war ur vlevenn,|| un tamm taouarc'h ||pe un troad amprevan,
|(5)|| ' || Gaoja || ket || hon || parland, || ' || ra || ket || met || '''en''' || chakat.
|-
|-
|||[[pa|quand]] arrivait [[da|à]].[[pronom incorporé|moi]] ||tomber [[war|sur]] [[art|un]] cheveu|| [[art|un]] morceau tourbe ||[[pe|ou]] [[art|un]] pied insecte
||| [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> || [[kaozeal|parle]] || [[ket|pas]] || [[POSS|notre]] || [[parlant|parlé]] || [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> || [[ober|fait]] || [[ket|pas]] || [[met|mais]] || [[POP|le]].IN || [[chaokat|mâcher]]  
|-
|-
|||'''hen''' lakaen ||a-gostez hep imor.
||| colspan="15" | 'Il ne parle pas notre langue, il ne fait que la mâcher, la torturer.'  
|-
|-
|||[[POP|le]].IN [[lakaat|mettais]] ||[[a|de]]<sup>[[1]]</sup>-côté [[hep|sans]] humeur
||||||| colspan="15" | ''Vannetais (Le Scorff)'', [[Ar Borgn (2011)|Ar Borgn (2011]]:75)
|}
 
 
{| class="prettytable"
|(6)|| Mar || laret || d'ein || più || e || glasket, || M'hellou || rein || d'oh || tu || '''er''' || havet.
|-
||| [[ma(r)|si]] || [[lavarout|dites]] || [[da|à]].[[pronom incorporé|moi]] || [[piv|qui]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[klask|cherchez]] || [[pfi|moi]] [[gallout|pourrai]] || [[reiñ|donner]] || [[da|à]].[[pronom incorporé|vous]] || [[tu|moyen]] || [[POP|le]] || [[kavout|trouver]]
|-  
||| colspan="15" | 'Si vous me dites qui vous cherchez, Je pourrai vous aider à le découvrir.'
|-
||||| colspan="15" | ''Vannetais'', chanson ''Le marquis de Pontcallec'', [[Le Mercier d'Erm (1926)|Le Mercier d'Erm (1926]]:68)
|}
 
 
{| class="prettytable"
|(7)|| m' || ha || punissou, || té, || pé || n'ellein || quet || '''er''' || gobér. 
|-  
|-  
| ||colspan="4" |'Quand il m'arrivait de tomber sur un cheveu, un morceau de tourbe ou un insecte,
||| [[pfi|moi]] || [[POP|te]] || [[punisañ|punirai]] || [[pronom d'incise contrastif|toi]] || [[pe|ou]] || [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> [[gallout|pourrai]] || [[ket|pas]] || [[POP|le]] || [[ober|faire]]
|-  
|-  
| ||colspan="4" | je le mettais de côté sans mauvaise humeur.'  
||| colspan="15" | 'Je te punirai, toi, ou je ne le pourrai pas.'
|-  
|-  
| ||||||||colspan="4" |''Trégorrois (Kaouenneg)'', [[ar Barzhig (1976)|ar Barzhig (1976]]:22)  
||||||||| colspan="15" | ''Vannetais'', [[Guillome (1836)|Guillome (1836]]:32)
|}
|}
Le pronom [[proclitique]] inanimé n'est productif que dans la mesure où les dialectes ont gardé trace d'un paradigme d'[[objets proclitiques]]. Dans les variétés où les formes [[objet]] en [[préposition support]] ''anezhi'' sont utilisées, le proclitique inanimé reste présent dans les expressions figées.




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
| (4) ||d'ar mare-se|| eo || an hini||ez ae ar maouezed ||d''''e''' laerezh. (an taouarc'h)
|(8)||<font color=green>/min ||<font color=green>'da:re / ||<font color=green> /min ||<font color=green>ˌtu:e ||<font color=green> 'ry / ||<font color=green> / min ||<font color=green> 'ɛrɡɛz /
|-
||| M'(h)en || dare || M'(h)en || tou || ruz || M'(h)en || argas.
|-
||| [[pfi|moi]] [[POP|le]] || V || [[pfi|moi]] [[POP|le]] || [[touiñ|jure]] || [[ruz|rouge]] || [[pfi|moi]] [[POP|le]] || [[argas|rejeter]]
|-
|-
||| [[da|à]] [[art|le]] moment-[[DEM|ci]] || [[COP|est]] || [[art|le]] [[hini|N]] ([[COP|est]]) || [[R]] allait [[art|le]] femmes || [[da|à]] [[POP|le]].IN voler ([[art|le]]le tourbe)
||| colspan="15" | 'Je ne sais pas.', 'Je le jure tout rouge.', 'Je le rejette.'
|-  
|-  
| ||colspan="4" |'C'est à ce moment là que les  femmes allaient la voler (la tourbe).', ||||||  [[Ar Barzhig (1976)|Ar Barzhig (1976]]:27)
||||||||||||| colspan="15" | ''Cornouaillais (Plozévet)'', [[Goyat (2012)|Goyat (2012]]:249)
|}
|}


==== Léon ====


On trouve en Léon des usages pour un inanimé, mais aussi pour un animé, sur un infinitif comme sur un verbe [[fléchi]].
Selon [[Gros (1984)|Gros (1984]]:207) la forme ''hen'', comme les formes proclitiques en général, tend à disparaître ("''Hen'' ne s'entend plus guère en trégorrois parlé que dans les proverbes, ayant été supplanté par ''anezañ''"). Gros a cependant des usages productifs de ''hen'', au moins sur des verbes infinitifs.




{| class="prettytable"  
{| class="prettytable"
|(2) || Red eo ||beza greet anezhi ||evit '''her''' gouzoud.  
|(9)|| Pep || hini || e-neus || e || benn… || pa || rank || '''hen''' || dougen.
|-
|-  
| || [[ret|obligé]] [[COP|est]] ||[[bezañ|être]] [[ober|fait]] [[a|P]].[[pronom incorporé|elle]]|| [[evit|pour]] [[POP|le]].IN [[gouzout|savoir]]
||| [[pep|chaque]] || [[hini|un]] || [[R]] 3.[[kaout|a]] || [[POSS|son]]<sup>[[1]]</sup> || [[penn|tête]] || [[pa|quand]] || [[rankout|doit]] || [[POP|le]] || [[dougen|porter]]
|-
|-  
| ||colspan="4" | 'Il faut l'avoir fait pour le savoir.' |||||| ''Léonard (Cléder)'', [[Seite (1998)|Seite (1998]]:41)
||| colspan="15" | 'Chacun a son avis puisque chacun a une tête.'
|-
||||||||| colspan="15" | ''Trégorrois'', [[Gros (1984)|Gros (1984]]:207)
|}
|}
Le pronom ''hen'', à travers les dialectes, peut toujours référer à un inanimé. Cela n'implique cependant pas que ''hen'' soit à proprement parler un pronom porteur du trait inanimé.
=== ''hen'', ''hel'', ''her'' référant à un animé ===
A travers les dialectes, le pronom ''hen'' peut-il aussi référer à des entités animées ?
==== standard ====
Selon [[Le Gléau (1973)|Le Gléau (1973]]:21) le proclitique ''hen'', lorsque "strictement employé", renvoie à un inanimé par contraste avec ''e'', humain. Cette formulation implique donc qu'il existe effectivement des emplois moins stricts. [[Le Gléau (1973)|Le Gléau (1973]]:21) note des usages indifférenciés de ''e'' et ''hen'' dans ''Buhez ar Zent'' (1869).
==== Léon ====
On trouve en Léon des usages de ''hen'' pour un inanimé, mais aussi pour un animé, sur un infinitif comme sur un verbe [[fléchi]].




{| class="prettytable"  
{| class="prettytable"  
|(3) || Prest oa ||da lezel ||al laeron ||d’'''hen''' lakat en noaz.   
|(1)|| Prest || oa || da || lezel || al laeron || d' '''hen''' || lakat || en noaz.   
|-
|-
| || prêt [[COP|était]] ||[[da|à]] [[lezel|laisser]]||[[art|le]] voleur || [[da|de]]'[[POP|le]] [[lakaat|mettre]] [[P.e|en]] nu
||| [[prest|prêt]] || [[COP|était]] || [[da|à]]<sup>[[1]]</sup> || [[lezel|laisser]] || [[an, al, ar|le]] [[laer|voleur]].[[-on (PL.)|s]] || [[da|de]] [[POP|le]] || [[lakaat|mettre]] || [[En-, end-, e-, er-, ez-|en]] [[noaz|nu]]
|-
|-
| ||colspan="4" | 'Il était prêt à laisser le voleur le dépouiller.' |||||| ''Léonard (Plouharzel)'', [[Perrot (1912)|Perrot (1912]]:[http://br.wikisource.org/wiki/Pajenn:Perrot_-_Bue_ar_Zent.djvu/726 726])
||| colspan="15" | 'Il était prêt à laisser les voleurs le dépouiller.'
|-
||||||||| colspan="15" | ''Léonard (Plouharzel)'', [[Perrot (1912)|Perrot (1912]]:[http://br.wikisource.org/wiki/Pajenn:Perrot_-_Bue_ar_Zent.djvu/726 726])
|}
|}




{| class="prettytable"  
{| class="prettytable"  
|(4) || ... '''hen''' lezjont ||da vont ||gant e hent.   
|(2) || '''hen''' || lezjont || da || vont || gant || e || hent.   
|-
|-
| || [[POP|le]] [[lezel|laisser]] ||[[da|à]]<sup>[[1]]</sup> [[mont|aller]] || [[gant|avec]] [[POSS|son]] route
||| [[POP|le]] || [[lezel|laisser]] || [[da|à]]<sup>[[1]]</sup> || [[mont|aller]] || [[gant|avec]] || [[POSS|son]]<sup>[[1]]</sup> || [[hent|route]]
|-
|-
| ||colspan="4" | '... Ils le laissèrent s'en aller.' |||||| ''Léonard (Plouharzel)'', [[Perrot (1912)|Perrot (1912]]:[http://br.wikisource.org/wiki/Pajenn:Perrot_-_Bue_ar_Zent.djvu/726 726])
||| colspan="15" | 'Ils le laissèrent s'en aller.'  
|-
||||||||| colspan="15" | ''Léonard (Plouharzel)'', [[Perrot (1912)|Perrot (1912]]:[http://br.wikisource.org/wiki/Pajenn:Perrot_-_Bue_ar_Zent.djvu/726 726])
|}
|}
==== dialectes en perte de proclitiques ====
Le pronom [[proclitique]] inanimé n'est productif que dans la mesure où les dialectes ont gardé trace d'un paradigme d'objets proclitiques. Dans les dialectes où les formes [[objet]] en ''anezhi'' sont utilisées, le proclitique inanimé reste présent dans les expressions figées.




===== Cornouaillais =====
Dès [[Constantius (1900)]], on trouve la forme ''hel'' en [[clitique]] sur un verbe [[impératif]] avec un [[référent]] animé.




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
|(3)|| N' '''hel''' || lez || ket || da || goueza || en || dienez.
|-
|-
|(1)|| <font color=green>/min 'da:re / ||<font color=green> /min ˌtu:e 'ry /||<font color=green> / min'ɛrɡɛz /
||| [[ne|ne]] le || [[lezel|laisse]] || [[ket| pas]] || [[da|à]]<sup>[[1]]</sup> || [[kouezhañ|tomber]] || [[P.e|en]] || [[dienez|indigence]]
|-
|-  
||| M’(h)en dare || M’(h)en tou ruz || M’(h)en argas.
||| colspan="15" | 'Ne le laisse pas tomber dans l'indigence.'  
|-
|-
| ||[[pfi|moi]] [[POP|le]] V || [[pfi|moi]] [[POP|le]] jure rouge || [[pfi|moi]] [[POP|le]] rejeter
||||||||| colspan="15" | ''Léonard'', [[Constantius (1900)|Constantius (1900]]:375)
|-
||| colspan="4" | 'Je ne sais pas.', 'Je le jure tout rouge.', 'Je le rejette.',|||| ''Plozévet'', [[Goyat (2012)|Goyat (2012]]:249)
|}
|}




===== Trégorrois =====
==== trégorrois ====
 
Pour le trégorrois [[Le Clerc (1986)|Le Clerc (1986]]:§139, II), les formes ''hen'' et ''e'' s'utilisent toutes deux sur un verbe fléchi pour les animés.


  [[Gros (1984)|Gros (1984:207)]]
Il est possible que pour [[Gros (1984)|Gros (1984]]:207), ''hen'' soit marqué pour un trait non-humain, car il peut éventuellement référer à un animal.
  ''Hen'' ne s'entend plus guère en trégorrois parlé que dans les proverbes, ayant été supplanté par ''anezañ''.




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
|(2)|| Pep hini|| e-neus ||e|| benn... ||pa ||rank ||'''hen''' dougen.
|(4)|| Pep || hini || a anavez || doare || e || loen || pa || rank || '''hen''' || bevañ.
|-  
|-  
| || [[pep|chaque]] [[hini|un]] ||[[kaout|a.3SG]] ||[[POSS|son]] ||tête ||[[pa|quand]]|| [[rankout|doit]] ||[[POP|le]] porter
||| [[pep|chaque]] || [[hini|un]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> [[anavezout|connait]] || [[doare|façon]] || [[POSS|son]]<sup>[[1]]</sup> || [[loen|bête]] || [[pa|quand]]<sup>[[1]]</sup> || [[rankout|doit]] || [[POP|le]] || [[bevañ|vivre]]
|-  
|-  
| ||colspan="4" | 'Chacun a sa tête (son avis, sa volonté)... puisqu'il doit la porter.'
||| colspan="15" | 'Chacun voit midi à sa porte.'
|-  
|-  
| ||colspan="4" | ('Chacun a son avis puisque chacun a une tête'.)||||||''Trégorrois'', [[Gros (1984)|Gros (1984]]:207)
||||||||||| colspan="15" | ''Trégorrois'', [[Gros (1984)|Gros (1984]]:207)
|}
|}




Il est possible qu'au lieu d'inanimé, ce pronom soit parfois uniquement non-humain, car il peut éventuellement référer à un animal:
==== vannetais ====
 
Le dialecte vannetais a un usage productif des [[POP|formes proclitiques]] ''(h)er'', ''(h)en'', ''(h)el'' qui peuvent aussi référer à des animés, même devant les verbes infinitifs.




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
|(5)|| Pep hini || a anavez || doare e loen || pa rank || '''hen''' bevañ.
|(5)|| hag || int || o-daou || d''''en''' || herzel || ag || ar Baradoez.
|-  
|-  
| || [[pep|chaque]] [[hini|un]] || [[R]] connait || façon [[POSS|son]] bête || [[pa|quand]] [[rankout|doit]] || [[POP|le]] vivre.transitif
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==== vannetais ====
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|(6)|| Stert || eo || '''er''' || c'hompren || kar || ne || ra || ket || 'met || zeal.
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||| [[start|difficile]] || [[COP|est]] || le || [[kompren|comprendre]] || [[kar|car]] || [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> || [[ober|fait]] || [[ket|pas]] || [[nemet|seulement]] || [[zeal|zézayer]]
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=== le proclitique ''e'' et le trait inanimé ===
 
Le proclitique ''e'' est le pronom 3SG masculin, mais c'est aussi un pronom utilisé de façon plus large, dans une utilisation du masculin comme genre par défaut. A travers les dialectes, le pronom ''e'' peut aussi référer à des entités inanimées.
 
 
===== standard =====


En vannetais, le même pronom ''(h)er'', ''(h)en'', ''(h)el'' est utilisé, mais il ne porte pas le trait inanimé. On trouve ''en'' ou ''er'' indistinctement comme pronom animé, même devant les verbes infinitifs.
Toute référence à une entité inanimée n'utilise pas forcément ''hen'' en standard. Ar Barzhig, originaire de Kaouenneg (au sud de Lannion), parle vraisemblablement trégorrois mais écrit en langue standard. Il utilise ''hen, hel, her'', mais laisse parfois échapper un pronom ''e'' en référence inanimée.




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{| class="prettytable"
| (1)||m'||ha|| punissou, ||té, || pé n'ellein quet ||'''er''' gobér.
|(1) || pa || zegouezhe || din || kouezhañ || war || ur vlevenn, […] || '''hen''' || lakaen || a-gostez || hep || imor.
|-
||| [[pa|quand]]<sup>[[1]]</sup> || [[degouezhout|arrivait]] || [[da|à]].[[pronom incorporé|moi]] || [[kouezhañ|tomber]] || [[war|sur]] || [[un, ul, ur|un]] <sup>[[1]]</sup>[[blev|cheveu]].[[-enn|SG]] || |[[POP|le]].IN || [[lakaat|mettais]] || [[a|de]]<sup>[[1]]</sup>-[[a-gostez|côté]] || [[hep|sans]] || [[imor|humeur]]
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| || [[pfi|moi]] || [[POP|te]]|| punirai ||[[pronom d'incise contrastif|toi]] || [[pe|ou]] [[ne]] pourrai [[ket|pas]] || [[POP|le]] [[ober|faire]]
||| colspan="15" | 'Quand il m'arrivait de tomber sur un cheveu, [] je le mettais de côté sans mauvaise humeur.'
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| ||colspan="4" | 'Je te punirai, toi, ou je ne le pourrai pas.'||||||||''Vannetais'', [[Guillome (1836)|Guillome (1836]]:32)
||||||||| colspan="15" | ''Trégorrois (Kaouenneg)'', [[ar Barzhig (1976)|ar Barzhig (1976]]:22)  
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{| class="prettytable"
|(3)|| hag int o-daou ||d''''en''' herzel|| ag ar Baradoez
|(2)|| d'ar || mare-se || eo || an hini || ez ae || ar maouezed || d''''e''' || laerezh.
|-
||| [[da|à]] [[an, al, ar|le]] || [[mare|moment]].[[DEM|là]] || [[COP|est]] || [[an, al, ar|le]] [[hini|N]] ([[COP|est]]) || [[R]] [[mont|allait]] || [[an, al, ar|le]] [[maouez|femme]].[[-ed (PL.)|s]] || [[da|à]] [[POP|le]].IN || [[laerezh|voler]]
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Pour le paradigme des [[Pronom objet direct après un impératif|objets de l'impératif]], [[Kervella (1995)|Kervella (1995]]:§429) traite comme équivalentes les formes ''Selouit '''se''''', '''''Her''' selaouit'' et ''Selaouit-'''eñ''''', 'Écoutez ça/le'.
 
===== Léon =====
 
 
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|(3)|| Na || vir || ket || na || rai || vad || neb || a || hell || '''he''' || ober.
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||| [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> || [[mirout|empêche]] || [[ket| pas]] || [[ne|ne]]<sup>[[1]]</sup> || [[ober|fera]] || <sup>[[1]]</sup>[[mat|bien]] || [[nep|qui]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> || [[gallout|peut]] || le || [[ober|faire]]
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| ||colspan="4" | '... et ils le chassent (Mathurin) hors du paradis.'  
||| colspan="15" | 'N'empêche point de faire le bien celui qui le peut.'  
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| ||||||||||colspan="4" | ''Vannetais'', [[ar Meliner (2009)|Ar Meliner (2009]]:175)
||||||||||| colspan="15" | ''Léonard'', [[Constantius (1900)|Constantius (1900]]:388)
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===== trégorrois =====
Pour le trégorrois [[Le Clerc (1986)|Le Clerc (1986]]:§139, II), l'emploi de ''hen'' "est de rigueur" pour l'inanimé, ce qui exclut ''e''. Il donne un exemple avec un verbe [[fléchi]].




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| (4) ||'||Gaoja ket|| hon parland, ||'||ra ket met || '''en''' chakat.
|(4)|| Me || '''hen'''/[[*]]''e'' || goar.
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| ||([[ne]])|| parle [[ket|pas]] ||[[POSS|notre]] parlé  || ([[ne]]) ||[[ober|fait]] [[ket|pas]] [[met|mais]] || [[POP|le]].IN mâcher
||| [[pfi|moi]] || [[POP|le]] || [[gouzout|sais]]
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|||colspan="4" | 'Il ne parle pas notre langue, il ne fait que la mâcher, la torturer.'  
||| colspan="15" | 'Je le sais.'  
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|||||colspan="4" |''Le Scorff'', [[Ar Borgn (2011)|Ar Borgn (2011]]:75)
||||||||| colspan="15" | ''Trégorrois (Tréguier)'', [[Le Clerc (1986)|Le Clerc (1986]]:§139, II)
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== Bibliographie ==


=== à ne pas confondre ===
=== breton ===


==== ''hen'' / ''e'' ====
* [[Pennaod (1969)|Pennaod, Goulven. 1969]]. 'Diwar-benn ar raganvioù-gour 3e un. gourel ha nepreizh ha raganvioù-diskouezañ zo.', [http://www.preder.net/ Preder] ''Kaier'' 123-124.


Le pronom proclitique objet inanimé aide à différencier les pronoms proclitiques objets des [[déterminants possessifs]]. Le [[Pronoms objet proclitiques|pronom proclitique objet]] inanimé n'a en effet pas d'équivalent dans le paradigme des [[déterminants possessifs]], qui ne contient que des pronoms référant indistinctement aux animés et non-animés.


==== ''Hen'' / ''Hennezh'' ====
=== horizons théoriques ===


  [[Gros (1984)|Gros (1984]]:207)
* De Swart, Peter & Helen De Hoop. 2018. 'Shifting animacy', ''Theoretical Linguistics'' 44 (1-2), Mouton De Gruyter. ('''et le reste du volume''').
  '''Hen''' (prononcé "én"), à ne pas confondre avec ''eñ'', 'il', 'lui', dont l' ''n'' ne se prononce pas (c'est un "e" nasalisé).
  '''Hen'', pronom personnel troisième personne est un complément d'objet direct, 'le'. Il doit s'écrire avec un seul 'n'.
  Dans ce mot, la voyelle /é/ est fermée (é). De ce fait, ''hen'' est absolument différent de ''henn'' ('ceci'), pronom démonstratif neutre, qui s'écrit avec deux 'n' et qui se prononce avec un /è/ moyen bref comme dans ''penn''. Ce ''henn'' se trouve dans ''[[evel]]-henn'' ('comme ceci') et ''[[betek]]-henn'' ('jusqu'ici').


== Bibliographie ==


* [[Pennaod (1969)|Pennaod, G. 1969]]. 'Diwar-benn ar raganvioù-gour 3e un. gourel ha nepreizh ha raganvioù-diskouezhañ zo.', [http://www.preder.net/ Preder] ''Kaier'' 123-124.


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Version du 26 octobre 2023 à 15:00

Les inanimés sont les pronoms, les noms concrets et les noms abstraits qui réfèrent à des entités du monde qui ne sont ni humaines ni animales. Ils s'opposent aux animés.


(1) Ac'hanta, petra ' soñjez eus kement-se ?
Dis-donc ! quoi R penses de autant-ça
'Dis-donc, mon vieux, qu'en penses-tu ?'
Standard, Kervella (2001:22)


Morphologiquement, le trait inanimé est le troisième trait du système de genre, aux côtés du masculin et du féminin. Syntaxiquement, les inanimés sont illicites comme argument agent dans la structure thématique des verbes.


Inventaire

Le trait inanimé est marqué en breton dans différents paradigmes:

le pronom relatif: ar pezh 'ce que, ce qui'
le pronom interrogatif: petra 'quoi, qu'est-ce que'
le pronom fort indépendant : se, ze abréviation de an dra-se 'cette chose là' ou kement-se 'cela'
le morphème clitique anaphorique -henn: evel-henn 'comme cela', betek-henn 'jusque là'

Il existe une variation quant à l'obligation du trait inanimé sur les pronoms de troisième personne:

le pronom objet proclitique: hen, hel, her
le pronom objet proclitique: e
le pronom démonstratif: hennezh

Le trait inanimé n'est jamais déterminé morphologiquement dans les paradigmes suivants:

les pronoms incorporés (ces pronoms sont présents dans l'accord verbal, et comme objet des prépositions, dont la préposition support comme a: anezhañ, anezhi...)
les déterminants possessifs

Les noms et pronoms de première et seconde personne sont, puisqu'ils dénotent les participants du cadre énonciatif, ne sont jamais des inanimés (leur référent peut l'être dans le monde réel, comme dans le cas d'un conte avec deux tables qui se parlent, mais le langage les traite alors comme des participants au langage, donc des animés).

Les pronoms neutres, dont le pronom météorologique, qui prennent en breton moderne des traits grammaticaux féminins (-i), ne sont pas des inanimés. Ils ne réfèrent pas à des entités inanimées (ce sont des explétifs, donc ils ne réfèrent pas du tout).


raretés dialectales

hennezh inanimé

Le pronom démonstratif hennezh peut, tout du moins en trégorrois, référer à un inanimé.


(1) Hennez n'eo ti ebet.
celui-là ne1 est maison aucun
'Cela, ce n'est pas une maison.'
Trégorrois, Gros (1984:197)

Morphologie

moins de marquage du duel

Les inanimés sont plus rarement utilisés avec des préfixes du duel, même si leurs référents vont toujours par deux, et sont attachés à des membres du corps dont le nom prend un préfixe du duel (troad, daoudroad vs. loer, loeroù).

Syntaxe

attribution eus vs. da

L'attribution à une entité inanimée est réalisée avec la préposition eus (un ti eus ar bourg 'une maison du bourg'). L'attribution à une entité animée est introduite par la préposition da (un ti da Yann 'une maison attribuée à Yann', Kervella 1995:§434, §364, Trépos 2001:179).

Les objets proclitiques, hen vs. e

Les pronoms proclitiques objets hen et e ne sont pas morphologiquement équivalents: le pronom hen est désambiguïsant par rapport à e.


- Hen, hel, her est historiquement une forme réservée aux verbes tensés, qui s'est ensuite généralisée, de dialectes en dialectes, aux autres verbes. Cette généralisation ne s'est pas forcément opérée uniformément en même temps dans tous les dialectes.
- Le pronom proclitique objet e, devant un verbe fléchi, peut éventuellement être confondu avec le rannig, d'autant plus que l'ellipse de l'objet est répandue en breton. Ce n'est aucunement le cas pour le proclitique hen. Le Gléau (1973:21) émet l'hypothèse que la forme hen supplante le proclitique objet e dans les contextes où l'objet est proclitique sur un verbe tensé, précisément pour éviter une confusion possible avec un rannig e. Il est important de documenter les usages en prenant en compte les possibles différences entre proclitiques sur verbes tensés et non-tensés (infinitifs et participes).
- Le pronom proclitique objet hen, hel, her, comme e, est de troisième personne. Contrairement à lui, il n'est jamais marqué pour le genre.
- Le pronom proclitique objet hen n'a pas d'équivalent dans le paradigme des déterminants possessifs, qui ne contient que des pronoms référant indistinctement aux animés et non-animés. Le pronom proclitique objet hen est un trait distinctif des pronoms proclitiques objets par rapport à un paradigme qui lui ressemble, celui des déterminants possessifs. Le pronom proclitique objet e, lui, est morphologiquement indistinguable du déterminant possessif 3SG e. Il provoque uniformément une lénition sur le nom ou le verbe qui le suit.

Hen, hel, her, pronom neutre

hen, hel, her référant à un inanimé

Tous les dialectes ont, au moins dans des expressions archaïques ou gelées, la possibilité d'utiliser un proclitique objet (h)en, (h)el, (h)er pour référer à une entité inanimée.


(1) Bez' ez eas Frañsez Kervella d'hen gwelout e 1938 (...)
être R alla Frañsez Kervella pour le.IN voir en 1938
'Frañsez Kervella alla le voir en 1938.' (un bâtiment).'
Standard, Denez (1993:20)


(2) Red eo beza greet anezhi evit her gouzoud.
obligé est être fa.it P.elle pour le.IN savoir
'Il faut l'avoir fait pour le savoir.'
Léonard (Cléder), Seite (1998:41)


(3) D'ezhan em euz hel lavaret. / D'ezhi hel livirinn.
à.lui R.1SG a le d.it à.elle le dirai
'Je le lui ai dit.' / 'Je le lui dirai.'
Léonard, Constantius (1900:69)


(4) M' henn anzava.
moi le.IN avoue
'J'en conviens, je l'avoue.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:27)


(5) ' Gaoja ket hon parland, ' ra ket met en chakat.
ne1 parle pas notre parlé ne1 fait pas mais le.IN mâcher
'Il ne parle pas notre langue, il ne fait que la mâcher, la torturer.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:75)


(6) Mar laret d'ein più e glasket, M'hellou rein d'oh tu er havet.
si dites à.moi qui R1 cherchez moi pourrai donner à.vous moyen le trouver
'Si vous me dites qui vous cherchez, Je pourrai vous aider à le découvrir.'
Vannetais, chanson Le marquis de Pontcallec, Le Mercier d'Erm (1926:68)


(7) m' ha punissou, té, n'ellein quet er gobér.
moi te punirai toi ou ne1 pourrai pas le faire
'Je te punirai, toi, ou je ne le pourrai pas.'
Vannetais, Guillome (1836:32)


Le pronom proclitique inanimé n'est productif que dans la mesure où les dialectes ont gardé trace d'un paradigme d'objets proclitiques. Dans les variétés où les formes objet en préposition support anezhi sont utilisées, le proclitique inanimé reste présent dans les expressions figées.


(8) /min 'da:re / /min ˌtu:e 'ry / / min 'ɛrɡɛz /
M'(h)en dare M'(h)en tou ruz M'(h)en argas.
moi le V moi le jure rouge moi le rejeter
'Je ne sais pas.', 'Je le jure tout rouge.', 'Je le rejette.'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:249)


Selon Gros (1984:207) la forme hen, comme les formes proclitiques en général, tend à disparaître ("Hen ne s'entend plus guère en trégorrois parlé que dans les proverbes, ayant été supplanté par anezañ"). Gros a cependant des usages productifs de hen, au moins sur des verbes infinitifs.


(9) Pep hini e-neus e benn… pa rank hen dougen.
chaque un R 3.a son1 tête quand doit le porter
'Chacun a son avis puisque chacun a une tête.'
Trégorrois, Gros (1984:207)


Le pronom hen, à travers les dialectes, peut toujours référer à un inanimé. Cela n'implique cependant pas que hen soit à proprement parler un pronom porteur du trait inanimé.

hen, hel, her référant à un animé

A travers les dialectes, le pronom hen peut-il aussi référer à des entités animées ?


standard

Selon Le Gléau (1973:21) le proclitique hen, lorsque "strictement employé", renvoie à un inanimé par contraste avec e, humain. Cette formulation implique donc qu'il existe effectivement des emplois moins stricts. Le Gléau (1973:21) note des usages indifférenciés de e et hen dans Buhez ar Zent (1869).


Léon

On trouve en Léon des usages de hen pour un inanimé, mais aussi pour un animé, sur un infinitif comme sur un verbe fléchi.


(1) Prest oa da lezel al laeron d' hen lakat en noaz.
prêt était à1 laisser le voleur.s de le mettre en nu
'Il était prêt à laisser les voleurs le dépouiller.'
Léonard (Plouharzel), Perrot (1912:726)


(2) … hen lezjont da vont gant e hent.
le laisser à1 aller avec son1 route
'… Ils le laissèrent s'en aller.'
Léonard (Plouharzel), Perrot (1912:726)


Dès Constantius (1900), on trouve la forme hel en clitique sur un verbe impératif avec un référent animé.


(3) N' hel lez ket da goueza en dienez.
ne le laisse pas à1 tomber en indigence
'Ne le laisse pas tomber dans l'indigence.'
Léonard, Constantius (1900:375)


trégorrois

Pour le trégorrois Le Clerc (1986:§139, II), les formes hen et e s'utilisent toutes deux sur un verbe fléchi pour les animés.

Il est possible que pour Gros (1984:207), hen soit marqué pour un trait non-humain, car il peut éventuellement référer à un animal.


(4) Pep hini a anavez doare e loen pa rank hen bevañ.
chaque un R1 connait façon son1 bête quand1 doit le vivre
'Chacun voit midi à sa porte.'
Trégorrois, Gros (1984:207)


vannetais

Le dialecte vannetais a un usage productif des formes proclitiques (h)er, (h)en, (h)el qui peuvent aussi référer à des animés, même devant les verbes infinitifs.


(5) hag int o-daou d'en herzel ag ar Baradoez.
et eux leur2-deux de1 le chasser de le paradis
'… et ils le chassent (Mathurin) hors du paradis.'
Vannetais, Ar Meliner (2009:175)


(6) Stert eo er c'hompren kar ne ra ket 'met zeal.
difficile est le comprendre car ne1 fait pas seulement zézayer
'Il est dur à comprendre parce qu'il ne fait que zézayer.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:151)

le proclitique e et le trait inanimé

Le proclitique e est le pronom 3SG masculin, mais c'est aussi un pronom utilisé de façon plus large, dans une utilisation du masculin comme genre par défaut. A travers les dialectes, le pronom e peut aussi référer à des entités inanimées.


standard

Toute référence à une entité inanimée n'utilise pas forcément hen en standard. Ar Barzhig, originaire de Kaouenneg (au sud de Lannion), parle vraisemblablement trégorrois mais écrit en langue standard. Il utilise hen, hel, her, mais laisse parfois échapper un pronom e en référence inanimée.


(1) … pa zegouezhe din kouezhañ war ur vlevenn, […] hen lakaen a-gostez hep imor.
quand1 arrivait à.moi tomber sur un 1cheveu.SG le.IN mettais de1-côté sans humeur
'Quand il m'arrivait de tomber sur un cheveu, […] je le mettais de côté sans mauvaise humeur.'
Trégorrois (Kaouenneg), ar Barzhig (1976:22)


(2) d'ar mare-se eo an hini ez ae ar maouezed d'e laerezh.
à le moment. est le N (est) R allait le femme.s à le.IN voler
'C'est à ce moment-là que les femmes allaient la voler.' (la tourbe)
Ar Barzhig (1976:27)


Pour le paradigme des objets de l'impératif, Kervella (1995:§429) traite comme équivalentes les formes Selouit se, Her selaouit et Selaouit-, 'Écoutez ça/le'.

Léon
(3) Na vir ket na rai vad neb a hell he ober.
ne1 empêche pas ne1 fera 1bien qui R1 peut le faire
'N'empêche point de faire le bien celui qui le peut.'
Léonard, Constantius (1900:388)
trégorrois

Pour le trégorrois Le Clerc (1986:§139, II), l'emploi de hen "est de rigueur" pour l'inanimé, ce qui exclut e. Il donne un exemple avec un verbe fléchi.


(4) Me hen/*e goar.
moi le sais
'Je le sais.'
Trégorrois (Tréguier), Le Clerc (1986:§139, II)

Bibliographie

breton


horizons théoriques

  • De Swart, Peter & Helen De Hoop. 2018. 'Shifting animacy', Theoretical Linguistics 44 (1-2), Mouton De Gruyter. (et le reste du volume).