En-, end-, e-, er-, ez-

De Arbres

Le préfixe end-, en-, er-, ez-, e- peut marquer morphologiquement les adjectifs prédicatifs. On le trouve aussi en préfixe d'adverbes. Ce marquage est peu répandu en breton comparé au yn gallois.


(1) Bezhin brein, berniet ez c'hlas, ha breinet da c'houde.
goémon fermenté tass.é pfx1 vert et ferment.é à1 après
'Du goémon fermenté, entassé vert, et laissé à fermenter ensuite.'
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:15)


Morphologie

variation dialectale

Konan (2017:'ent-gwirion') note que ent- se prononce en trégorrois avec la voyelle [ɛ], ce qui fournit un contraste avec la préposition e 'dans, en' prononcée [e] et parfois [i] (e-sell, [in'zɛl]).


diachronie et mutations

La particule ez- ne semble provoquer de mutation que G>C'H et parfois B>V (mais pas toujours, cf. ez-bev 'vivant', e-berr 'bientôt').


(2) … o konta en-doa bet an tign ez-vihan.
à4 conter 3SGM avait eu le teigne pfx-1petit
'en racontant quil avait eu la teigne petit'
Léonard (Plouzane) , Briant-Cadiou (1998:27)


Gros (1996:190-192) contraste le ez léonard qui provoque une mutation (ez-vihan 'petit') du en trégorrois qui n'en provoque pas (en-bihan 'petit'). Fleuriot (1970b:716) relève des exemples sans mutation dans la première édition Gros (1966:203-205); en tomm 'chaud(ement)', en gouez 'sauvagement', en yaouank 'étant jeune', en beo 'vivant' ou en gleb 'mouillé' et considère qu'"il y a là certainement un usage qui dérive de l'emploi en breton moyen de ent, en avant un adjectif, gallois yn". Il attribue l'absence de mutation en trégorrois à une assimilation avec la préposition e(n) 'dans'. Quelques exemples donnés par Gros sont en effet de bons exemples de confusion possible:


(3) Natali he doa lakeet he hig en sall.
Nathalie 3SGF avait m.is son2 viande pfx saumure
'Nathalie avait mis sa viande en saumure.'
Trégorrois, Gros (1996:191)


allomorphes

Favereau (1997:§235) différencie les préfixes end- et en-. Il fournit une paire minimale: end-eeun 'effectivement' et en-eeun, tout droit'. Cependant, Trépos (2001:§231) donne end-eeun, 'tout droit'. Favereau (1997:§235) donne d'ailleurs les deux morphèmes possibles sur en(d)-istribilh 'suspendu'.


en-, -em-

Trépos (2001:§230) donne en-noazh 'tout nu'. Gros (1996:190-192) oppose le en trégorrois au ez léonard. Konan (2017) donne comme trégorroises les formes en-dihun 'au réveil' et en-kousket 'au coucher' correspondant aux formes de breton standard ez-dihun et ez-kousket.


(3) en-istribilh doc'h ar skeul.
en-suspens de le échelle
'suspendu à l'échelle'
Breton central (Loqueffret), Solliec (2015:75)


Trépos (2001:§319) donne aussi une forme en em- avec emberr 'bientôt, tantôt' qui est réductible à la forme en en- devant la labiale /b/.

Dans les colloquoù au moins dès la version de 1632, on trouve en mat.

  • Ha ne maouch quet en mat hoaz?
'N'êtes-vous pas encore bien ?', Moyen breton, Qu. 1632

ent-

Favereau (1997:§235) donne: end-eeun 'effectivement', ent-habaskig 'tout lentement', enta 'donc', endeo 'de fait', en-ere 'relié par', en(d)-istribilh 'suspendu', en-pign,

Konan (2017) donne ent-gwirion 'en vérité'.


e(r)-

Trépos (2001:§230) donne e-kriz 'cru', e-poaz 'cuit', e-beo 'vivant', e-tomm 'chaud'. Favereau (1997:§234) donne e-berr 'bientôt, ce soir', en-leal 'franchement', e-noazh 'nu', e-krec'h 'en haut', e-maez, er-maez 'dehors', e-pign 'pendu', ervad, 'bel et bien', e-sav 'debout', e-kichen, 'près'.

ez-

Gros (1996:190-192) oppose le en trégorrois au ez léonard.

Trépos (2001:§230) donne ez-poaz 'cuit', ez-beo 'vivant', ez-yen 'froid'.

Favereau (1997:§235) donne: es-pign 'accroché', ez-c'hlas 'encore vert', es-kroug 'accroché'

Catégorie de la base

adjectifs

Ce préfixe se trouve devant les adjectifs prédicatifs.


(1) Gwelloc'h e kavan ar hokez e-kriz.
mieux R4 trouve le 5coquillages pfx-cru
'J'aime mieux les coquillages lorsqu'ils sont crus.
Cornouaillais, Trépos (2001:§319)


(2) En-noaz eman ar paour-kaez bugelig.
pfx-nu est le pauvre-cher enfant.DIM
'Le pauvre bébé est tout nu...
Cornouaillais, Trépos (2001:§230)


(3) En-noaz e vo red din mond.
pfx-nu R sera obligé à.moi aller
'Il faudra que j'aille tout nu…
Cornouaillais, Trépos (2001:§319)

adverbes

Trépos (2001:§231) donne end-eeun 'tout droit'.


(4) distagañ ez-aketus gant ur gontell ar c'hregin-se
dés.attacher pfx-appliqué avec un 1couteau le 5coquillage.s.
'détacher délicatement ces coquillages avec un couteau.'
Standard, Drezen (1932:26)

verbes

(5) chom es-kroug, es-pign
rester pfx-pendre pfx-monter
'rester accroché'
Breton central (Poher), Favereau (1997:§235)


Syntaxe

cliticisée sur constituant non-terminal

La particule est souvent proclitique sur une tête lexicale, mais on trouve des exemples où elle précède un groupe nominal.


(1) Ar re-ze a oa marvet en tud yaouank.
le ceux. R était mour.u pfx gens jeune
'Ceux-là moururent jeunes.'
Trégorrois, Gros (1996:190)

Diachronie

Pour une discussion de l'origine de la particule ent, se reporter à Fleuriot (1964a:225-226, s.v. int).

Horizons comparatifs

Gros (1996:190-192) considère que les expressions françaises suivantes sont d'origine celtique, une "survivance du gaulois":

  • Les haricots se mangent en gousses ou en graines, en vert ou en sec.
  • Il est mort en brave.
  • Il s'est conduit en homme d'honneur.


À ne pas confondre

Il existe un préfixe différent e-, es-, ez- (ehan 'pause', eskemm 'échange', ezporzhiañ 'exporter') qui dérive, lui, de la préposition eus.

Le Brigant (1779:23) relève aussi un préfixe de forme ez- qui semble de même sens que ar- sur les adjectifs, qui obtient une approximation. Il donne ezvoen 'blanchâtre' et ezvélen 'un peu jaune ou jaunâtre'.

La forme en- ne doit pas être confondue avec le préfixe en-, em-. Ce dernier est grammaticalisé à partir de la préposition e 'dans, en'. Il marque l'intériorité comme dans adenkorvañ, '.in.carn.er'. Lorsque en semble en concurrence avec la préposition a, il s'agit aussi plus probablement de la préposition e(n). A côté de a-hend-all, 'autrement', on trouve la forme En-hend-all.


(1) En-hend-all, ne c'hellemp ket mont.
P-chemin-autre ne1 pouvions pas aller
'Autrement, on ne pouvait pas y aller.'
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:14)

Bibliographie