Ar pezh

De Arbres
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Le nom pezh dénote une 'pièce', un 'morceau', une 'pièce de théâtre' ou de tissu.


(1) or pezh aour
un pièce or
'une pièce d'or'
Breton central, Favereau (1984:393)


Ce nom est très productif dans ses grammaticalisations. Il a grammaticalisé en un quantifieur de degré (ur pezh mell arzh 'un ours énorme') ou comme l'équivalent d'un singulatif (ur pezh dilhad, 'une pièce de vêtement'). Il forme aussi avec l'article ar un pronom relatif inanimé de type 'ce que' (ar pezh a laran 'ce que je dis'). En vannetais, pezh est le mot interrogatif de manière équivalent au breton standard peseurt.


Nom

dérivation

On le trouve dans le nom composé standard pezh-c'hoari, ou moins répandu maintenant pezh-teatr.


(2) Berr eo c'hoaz niver ar pesiou-teatr brezonek hag a dal ar boan lakaat c'hoari anezo.
court est encore nombre le pièce.s-théâtre breton que R1 vaut le 1peine mettre jouer P.eux
'Il y a encore peu de pièces de théâtre bretonnes qui valent la peine d'être montées.'
Léonard, Perrot (1907:11)

singulatif

Devant un nom collectif, le nom pezh peut servir de singulatif lexical (Kervella 1947:§343).

(3) dilhad > ur pezh dilhad

habit > / un pièce habit / > 'un habit'


un nom intensifieur

Devant n'importe quel nom, pezh est un quantifieur intensifieur de degré.


(1) Ar gazez he-devoa greet eur pez mignaouadenn.
le 1chatt.e 3SGF avait fa.it un morceau miaul.ement
'La chatte avait poussé un grand miaulement.'
Trégorrois, Gros (1970b:'ober')


(2) or pezh ki bras
un grand chien grand
'un énorme chien'
Breton central, Favereau (1984:393)


Pezh 'morceau' comme mell et pikol 'énorme', ainsi que leurs dérivés mellad et pezhiad ('contenu d'un gros morceau') sont souvent cités comme des exemples d'adjectifs prénominaux. Cependant, comme souligné par Kervella (1995:§512) repris par Trépos (2001:§228), il s'agit non pas d'adjectifs mais de noms, comme le montrent leurs marques de pluriel typiquement nominales :

pezhioù, mell, pikolioù, pezhiad, mellad.

Ils peuvent aussi prendre le genre féminin, ou des suffixe hypocoristiques de type nominal.


nombre

Pezh se met au pluriel devant des noms au pluriel.


(3) /pexjew byga:laj /
morceau.x enfant.s
'des enfants robustes.'
Vannetais (Groix), Ternes (1970:226)


  • setu aze pezhioù tokoù
'voilà des chapeaux gigantesques'
Menard & Cornillet (2020:'pezh')


genre

Le nom pezh 'pièce, morceau', comme la tête nominale hini qui peut déclencher une mutation typique des noms féminins (hini vras 'la grande'), peut être précédé du cardinal féminin div. Cependant, précédé d'un article, pezh ne subit pas lui-même la lénition (ur pezh a… , mais * ur bezh a… ).


  • ur pẹch a bawt 'un fort gars'
  • ur pẹch a ẅyẹch 'un beau brin de fille', occasionnellement diẅ bẹch a ẅyẹch 'deux brins de filles', Cléguérec, Thibault (1914:176)


forme hypocoristique

Le mot pezh peut aussi se trouver suffixé par le morphème -où hypocoristique distinct du pluriel. L'exemple en (4) dénote "souvent des enfants", avec un sens hypocoristique.


(4) péjó tut
morceau.x gens
'des gens énormes'
Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012:45)


distribution dans le syntagme nominal

Le nom intensifieur pezh se situe après l'article et le cardinal, devant le nom tête.


(5) daou bez ki, naon du d'eze
deux1 morceau chien faim noir à.eux
'deux molosses affamés'
Léonard (Plouharzel), Perrot (1912:410)


(6) e pés tɑ̃m kiķ
ur pezh tamm kig
un morceau morceau viande
'un très gros morceau de viande'
Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012:45)


(7) ur pezh taol troad em revr
un sapré coup pied en.mon2 cul
'un sapré coup de pied au cul' (le mien)
Standard, Herri (1982:71)


Le nom pezh peut se trouver devant mell, pikol, ou malestoue.


(8) or pezh mell den bras
un morceau grand personne grand
'un sacré grand gars'
Breton central (Poullaouen), locuteur né vers 1910, Favereau (1984:438)


  • ur pezh mell pikol roc'h zu vras
'un énorme rocher noir'
Menard & Cornillet (2020:'pikol')
  • [e pés piķol lwę̃nn]
'une énorme bête'
Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012:45)
  • [péjó malestouéó tié]
'd'énormes maison'
Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012:45)


Les noms intensifieurs tanfoeltr et pikol peuvent se placer avant pezh.

  • un tanfoeltr pikol pezh boul
'une énorme boule'
Menard & Cornillet (2020:'pezh')

en e bezh, 'en son entier'

(1) [vaˈluˑɐʶ no ˈfeͥs]
avaloù douar en o fezh
pomme.s terre en leur2 pièce
'pommes de terre entières'
Cornouaillais (Briec), Noyer (2019:323)


Pronom relatif

Comme pronom relatif inanimé, (ar) pezh a l'usage du français ce que (Chalm 2008:§Q5).


(1) M'eus ket soñj ag ar pezh oa...
1SG a pas souvenir de le pièce était
'Je ne me rappelle plus ce que c'était/de la pièce que c'était… '
Vannetais (Arradon), Audic (2011:15)


morphologie

L'article est parfois élidé devant le pronom relatif.


(2) Asa ! Ar West n'eo ket ken pezh ma oa !
Eh ben ! le West ne1 est pas plus ce.que que était
'Eh ben ! Le Far-West n'est plus ce qu'il était !'
Standard, Skol an Emsav (1977:28)


(3) [ tut pe ɥelǝt nǝd ǝ tʃǝ daɲ ]
tout 'pezh 'welit _ nend eo ket din.
tout N R voyez ne+C est pas à.moi
'Tout ce que vous voyez n'est pas à moi.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:49)


(4) / ni če gol brop pex ə red əzaj /
ne1 est pas très-1 propre N R faites ici
'Ce n'est pas bien décent ce que vous faites là.'
Vannetais (Groix), Ternes (1970:228)


(5) Setu amañ ar pezh a skrivas _ .

'Voici ce qu'il écrivit.'
Piv a ouio pezh a soñje _ ?
'Qui saura ce qu'il pensait ?'
Standard, Chalm (2008:§Q5)

syntaxe

les lacunes

Le pronom relatif (ar) pezh lie une lacune du sujet, de l'objet ou d'un objet indirect de l'enchâssée.


(1) Morse n'e-noa bet disklêriet an den-ze ar pezh a oa erruet _ ganin.
jamais ne1 R avait été d.it le personne. leN R était arriv.é à.moi
'Jamais cet homme n'a raconté ce qui m'était arrivé.'
Cornouaillais (Uhelgoat), Skragn (2002:21)


(2) Med ar pez a gavan dreist ennañ eo ar feson simpl e-neus da gôzeal gand an oll.
mais le morceau R1 trouve super en.lui est le façon simple R a de1 parler avec le tous
'Mais ce que j'aime chez lui c'est la façon simple qu'il a de s'adresser à tous.'
Léonard, Miossec (1980:69)


(3) A-dra-sur an den Doue a soñje er pezh na sonjemp-ni ket...
certainement le personne Dieu R1 pensait en.le morceau ne1.R1 pensions-nous pas
'Certainement, l'homme de Dieu pensait à ce dont nous ne pensions pas… '
Léonard (Bodilis), Ar Floc'h (1985:21)


Dans la construction figée pezh a gari 'autant que tu voudras', l'interprétation de la lacune est de type adverbial, comme le ferait kement 'autant que … '.


(4) rei koat ta henn'zh, pezh a gari.
donner bois à1 celui.là morceau R1 aimeras
'Frappez-le, tant que vous voudrez.'
Breton central, Favereau (1984:394)


rannig a1, e4 ou ma

Le relatif ar pezh est suivi du rannig associé à la lénition puisqu'il est nominal, sauf dans les dialectes qui associent l'autre rannig, celui de la mutation mixte, au mouvement A-barre.


(5) er pech i tan a leret ___ .'
ce que R4 viens de1 dire
'ce que je viens de dire'
Vannetais de Cléguérec, Thibault (1914:180)


Le complémenteur ma est exceptionnel.


(6) … ar pes ma voant ô vont da obér…
le morceau que4 étaient à4 aller pour1 faire
'… ce qu'ils allaient faire … '
Léonard pré-moderne (Plouider, 1905), Burel (2012:196)

ar pezh vs. petra

Le pronom relatif objet ar pezh est en compétition avec petra lorsque la tête de la relative est l'objet de la matrice.


(5) Pa glevas petra a oa ...
quand1 entendit quoi R était
'Quand il entendit ce qui se passait… '
Léonard (Saint Pol de Léon), Milin (1922:403)


(6) Lak an dilhad er-maez bepred ma vo gwelet petra refont: pe sec'hfont pe na refont...
mets le habits dehors toujours que4 sera v.u quoi R1 feront ou1 R4 sècheront ou1 ne1 feront
'Mets le linge dehors toujours, que l'on voit ce qu'il fera: s'il sèchera ou non… '
Trégorrois, Gros (2014:'pe')


En (7), l'objet est relativisé, mais il n'est pas l'objet d'une matrice (* Petra 'laran eo ze).


(7) [ pez ˈlaʁɔ᷉ e ze ]
Ar pez a lâran eo se.
le que R1 dis est ça
'Ce que je dis c'est ça.'
Cornouaillais (Briec), Noyer (2019:241)

diachronie

L'extension de l'usage du relatif ar pezh se fait en concurrence avec les formes plus datées des relatives réduites.

 Académie bretonne (1922:290):
 "A s'employait autrefois en breton au lieu de ar pez a pour rendre « ce qui, ce que ». De là encore des locutions comme gra a gari, 'fais ce que tu voudras', gand a ri, 'quoi que tu fasses (avec ce que tu feras)', war a lavar, 'à (sur) ce qu'il dit'; sed a c'hoarvezas gantan, 'voici ce qui lui arriva', etc. On trouvera des exemples nombreux et très heureux de cet emploi de a dans nos écrivains classiques, Inizan et Milin surtout. Les Gallois en font grand usage dans les proverbes et sentences."


Pronom interrogatif

En vannetais, pezh est un pronom interrogatif de manière équivalent au standard peseurt, qui sert à l'identification à l'intérieur d'un ensemble. Ternes 1970:227), à Groix, donne /pex-kani/, 'lequel, laquelle'. Le moyen breton pezh avait aussi cet usage (Hemon 2000:§81).


(1) E pezh kours ag ar ble ?
en quel moment de le année
'À quel moment de l'année ?'
Vannetais (Arradon), Audic (2011:15)


Goyat (2012:228) signale à Plozévet, comme en vannetais, la forme pez, 'quel ?'. La forme pe co-existe à Plozévet, mais devant certains noms uniquement.


(2) /pøz 'ɛ̃:n/ , Pez unan ?, 'lequel ?', Goyat (2012:125)

/pøz 'ã:no pøz/ , Pez ano 'peus ?, 'Comment t'appelles-tu ? (ou vous appelez-vous ?)'
/pøz o'to va 'ɡata/ , Pez oto oa gantañ ?, 'Quelle voiture conduisait-il ?'
/pøz 'la:bur va i 'o:bɛr/ , Pez labour a oa oh ober ?, 'Quel travail faisait-il ?', Plozévet, Goyat (2012:228)


diachronie

L'interrogatif pezh du moyen breton a été remplacé dans le standard et le KLT de la langue moderne par petra.

(1) pez a leueret huy yuez?

B.n.771, breton 1557, cité dans Hemon (2000:§81)


(2) pe gano eo ?
peh anv eo interprétation de Guyonvarc'h (1984:78)
quel nom est
'Comment cela s'appelle-t-il ?'
Moyen breton vannetais 1499, Gl.AvH

À ne pas confondre

En vannetais et jusque dans la vallée du Scorff, pezh est un allomorphe dialectal de l'exclamatif pebezh 'quel..!'.