A

De Arbres
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La préposition a1 est parfois utilisée indifféremment de la préposition eus, dont elle fournit le radical lors d'une incorporation pronominale.


(1) al liv eus ar wezenn, al liv anezhi
le couleur de le 1arbres.SG le couleur de.elle
'la couleur de l'arbre, sa couleur'
Standard


La préposition a est aussi une préposition outil, ou une préposition support, qui est sémantiquement transparente et semble alors n'avoir pour fonction que de fournir un matériel morphologique pour une incorporation pronominale. Cet usage sémantiquement vide est caractéristique des objets pronominaux, qui ne sont donc pas structuralement des objects "directs".


(2) Hemañ a wel anezo o tont.
celui.ci R1 voit P.eux à4 venir
'Celui-ci les voit venir.'
Cornouaillais (Pleyben), Ar Floc'h (1950:229)


Morphologie

mutation

La préposition a1 déclenche une lénition sur le groupe nominal qui la suit (cf. kleiz 'gauche', dehoù 'droite').


(3) Darn a red a-gleiz, darn all a-zehou…
certain R1 court à-1gauche certain autre à-1droite
'Certains courent à gauche, d'autres à droite.'
Trégorrois (Kaouenneg), ar Barzhig (1976:36)


On trouve parfois, mais rarement, des exceptions à la mutation.


(4) anawa mat ar vwes nɛ͂n zi ʃom akosti
Me ' anava mat ar vaouez an hani ' zo ' chom a-kostez.
moi R connait bien le 1femme le hini R1 est à4 rester à-côté
'Je connais bien la femme qui habite à côté.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:48)


(5) Monet a rae a bihan fourchad.
aller R faisait à petit pas.longueur
'Il allait à petits pas.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:45)


En (6), il s'agit d'une spirantisation ou d'une mutation réduite à K>C'H.


(6) Eno a zo leun a herreg.
y R1 est plein de5 rocher.s
'Là, il y a plein de rochers.'
Trégorrois, Gros (1970b:§'leun')

dérivation

préposition fléchie

Le paradigme de la préposition a emprunte à une autre préposition de provenance, ac'hann 'de', pour construire son paradigme fléchi (cf. Le Roux 1896:14).


prépositions et adverbes complexes en a

La préposition a apparaît aussi dans de nombreux composés prépositionnels et adverbiaux.


(1) [ betad ǝ rǝt avǝzǝl mi frasǝt ]
Betaat a rit a-vuzul m'eh vrasait.
bêtir R faites à-mesure que R+C grandissez
'Vous devenez plus bête en grandissant.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:26)


voir aussi a-raok, a-enep, a-walc'h, a-benn, a-bouez, a-drenv, a-dreuz, a-bosubl, a-nevez

variation dialectale

Les pronoms incorporés apparaissent toujours sur la droite du composé.


réalisation du pronom incorporé

Il y a une petite variation dialectale dans la réalisation du pronom incorporé.


préposition a(g), Vannetais pré-moderne Guillome (1836:90-91)
(2) nombre, personne forme équivalent standard traduction
1SG a-han-on/ a-han-an ac'hanon 'moi, de moi'
2SG a-han-ous/ a-han-as ac'hanout 'toi, de toi'
3SGM a-ne-hou anezhañ 'lui, de lui'
3SGF a-ne-hi anezhi 'elle, de elle'
1PL a-han-omb/ a-han-amb ac'hanomp 'nous, de nous'
2PL a-han-oh ac'hanoc'h 'vous, de vous'
3PL a-ne-hai anezho 'eus, de eux, elles, de elles'


(3) C'hwi a gemera ac'hanin e'it un azen pe petra ?
vous R1 prend P.moi pour un âne ou quoi
'Tu me prends pour un âne ou quoi ?'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:110)


(4) Jôzeb, pa zec'h de Lañnijen, c'hui zei da welet nounn.
Joseph quand1 viendrez à1 Lanvénégen vous R1 viendra pour1 voir P.moi
'Joseph, quand tu passeras par Lanvénégen, tu viendras me voir.'
Cornouaillais de l'Est (Lanvenegen), Martin (1929:181)


Favereau (1984:356) considère qu'en breton central, les formes 3PL en anezho, aneho sont connues mais restent exceptionnelles, au profit de 'nehe.

formes en /z/

Favereau (1984:356) considère que, tout du moins en breton central, la forme en /z/ de la troisième personne "reste exceptionnelle".


réductions

Dans les parlers de l'aire centrale, les formes avec un pronom incorporé peuvent être très courtes, réduites à une seule syllabe.


préposition a, Breton central, Wmffre (1998:30), [fig.12]
(1) nombre, personne forme équivalent standard traduction
1SG hɑ͂w ac'hanon 'moi, de moi'
2SG hɑ͂n ac'hanout 'toi, de toi'
3SGM nɑ͂w anezhañ 'lui, de lui'
3SGF nɛj anezhi 'elle, de elle'
1PL hɑ͂m ac'hanomp 'nous, de nous'
2PL hɑ͂ħ ac'hanoc'h 'vous, de vous'
3PL nœ͂ anezho 'eus, de eux, elles, de elles'


(2) [ me wɛl hãX ]
Me ' wel ac'hanoc'h.
moi R1 voit P.vous
'Je vous vois.'
Cornouaillais (La Forêt Fouesnant), Avezard-Roger (2004a:287)


(3) [ gɥɛl arõ oX ]
Gwelout a ran ac'hanoc'h.
voir R fais P.vous
'Je vous vois.'
Breton central (Duault), Avezard-Roger (2004a:288)

Préposition spatiale

de provenance

La préposition a1 peut avoir un sens de provenance. Elle provoque la lénition (cf. a1-gleiz, 'à droite', carte [1] de l'ALBB).


(1) Nikun ne da tre, 'met a Vreiz e ve.
personne ne1 vient postpos. sauf de1 Bretagne R4 serait
'Personne ne pénètre, à moins d'être né en Bretagne.'
Léonard, Kerrien (2000:12)


prépositions complexes

Sous ce sens de provenance, elle sert à composer des prépositions complexes comme a-zindan.


 Ledunois (2002:250):
 
 "Il est souvent difficile pour les prépositions dérivées formées sur a de savoir s'il faut en faire une préposition à part entière ou une variante de la préposition de base. La question se pose en particulier lorsqu'on peut utiliser indifféremment l'une ou l'autre. Avec le couple dindan/a-zindan le doute n'est guère permis dans la mesure où la première suppose l'absence de mouvement et la seconde la présence de mouvement."


eus a, deus a

La préposition a1 peut apparaître devant un syntagme nominal sélectionné par la préposition eus (Le Gonidec1838 :186-7) si le nom est indéfini ou si c'est un nom propre.


(2) Ar plac'h yaouank, ne ouie doare eus a netra, a zo souezet.
le fille jeune ne1 savait façon de de rien R1 est étonn.é
'La jeune femme, qui ne savait rien de rien, est étonnée.'
Léonard (Saint Pol de Léon), Milin (1922:402)


(3) quent ma sortiou deus a vreis
kent ma sortio deus a Vreizh Équivalent standardisé
avant que4 sortira de de1 Bretagne
'avant qu'elle ne s'expatrie'
Trégorrois pré-moderne, fin XVII°, Kernaudour (2017:7, 11)


(4) An buhez Sant Gwenole abat kentaf eus a Landevennec.
le vie Saint Gwenole abbé premier de de Landevennec
'La vie de Saint-Gwénolé premier abbé de Landévennec.'
Léonard de 1580 (Berrien), GW.


préposition spatiale statique

Utilisée avec des désignations de directions, a perd le sens de provenance (la phrase ne peut pas signifier Certains couraient venant de la gauche, d'autres venant de la droite).


(5) Darn a red a-gleiz, darn all a-zehou…
certain R1 court à1-gauche certain autre à1-droite
'Certains courent à gauche, d'autres à droite.'
Trégorrois (Kaouenneg), ar Barzhig (1976:36)


La préposition a1 a aussi un sens spatial statique dans les prépositions complexes telles que a-us (da) ou a-zioc'h, 'au-dessus'.

Elle sert à former une multitude de prépositions complexes, comme a-ere e vlev, 'par (le lien de) ses cheveux' (Académie bretonne 1922:153).

variation dialectale

Gros (TBP.I) note que dans le sens spatial, la préposition a1 a été remplacée en trégorrois moderne par euz ou deuz, et quelque fois par deuz a.

Préposition outil

préposition fonctionnelle "à tout faire"

Parfois, a semble être une préposition à tout faire, semblable en cela au français 'à' ou 'de'.


(1) Eur marmouz bennag e-nevoa libistret ar prenestr a goh-saout.
un singe quelconque 3SGM avait barbouill.é le fenêtre de1 merde-vaches
'Quelque galopin avait enduit la fenêtre de bouse de vache.'
Trégorrois, Gros (1970b:§'libistra')


(2) Hennez a oa e bord eur batiment a lïen.
celui-là R1 était en bord un bâtiment à1 voile
'Celui-là était à bord d'un navire à voiles.'
Trégorrois, Gros (1970b:§'lien')


partitif

C'est aussi la préposition qui apparaît sous la portée de la négation pour réaliser un partitif (n'eus ket a vara, 'Il n'y a pas de pain'), des comparatifs de supériorité comme en (3) ou des quantifieurs comme en (4).


(3) Aliesoh a grohen leue a ya da zeha evid a grohen buoh.
souvent.plus de1 peau veau R1 va à1 sécher que de1 peau vache
'Il meurt plus de jeunes que de vieux.'
Trégorrois, Gros (1970b:§'leue')


(4) É nep tu ne vehé kavet kement a sord guskemanteu èl é Breih.
en nep côté ne1 serait trouv.é autant de1 sorte vêt.ement.s comme en Bretagne
'Nulle part on ne trouverait autant de sortes de costumes qu'en Bretagne.'
Vannetais, Héno (1910:19)


tournure distributive pep a

(5) Kontit deom pep a gontadenn.
contez à.nous chaque de1 histoire
'Contez-nous chacun une histoire.'
Cornouaillais (Bigouden), Trépos (2001:§317)

ur brav a baotr

(6) Ar frer rener eta a rankas bezañ klevet un diaoul a dra diwar va fenn…
le frère direct.eur donc R1 dut être entend.u un diable de1 chose de.sur mon2 tête
'Le frère supérieur a dû entendre une diable de chose sur mon compte … '
Léonard (Bodilis), Ar Floc'h (1985:75)


variation dialectale

L'Académie bretonne (1922:152) note en vannetais un emploi plus complet et plus régulier de a : mirit outan a wall-ober, 'empêchez-le de faire (du) mal', qui serait en concurrence avec, dans d'autres dialectes, l'usage alternatif de da: da wall-ober.

D'autres prépositions entièrement fonctionnelles existent en breton, en particulier les prépositions assignatrices de Cas, souvent da.

Dans l'emploi partitif, l'emprunt de émerge en concurrence en breton central.


(1) o zyn zo deʒa mœs ke bit dø 'kɛvə døs ã
Ur sizhun ' zo dija 'meus ket bet de keve deus eñ.
un semaine R est déjà 1SG. a pas eu de nouvelles de lui
'Il y a une semaine déjà que je n'ai pas eu de nouvelles de lui.'
Breton central (Duault), Avezard-Roger (2004a:121)


Préposition support d'incorporation morphologique: ac'hanout, anezhi

La préposition support a1 est finalement utilisée comme support morphologique par défaut pour un pronom clitique (en breton, les pronoms faibles sont obligatoirement incorporés). La préposition est alors entièrement explétive, sémantiquement équivalente au pronom seul, d'où une terminologie centrée sur ce pronom: Le Gléau (1973:17) appelle 'pronom composé tonique' le composé morphologique que la préposition support a forme avec un pronom incorporé. Timm (1995) parle de "forme pronominale a".

On trouve cette préposition support avec un pronom objet, mais aussi sujet, résomptif ou non (Timm 1995). Elle est de morphologie égale à la préposition a sélectionnée ou sémantiquement pleine, sauf qu'il n'en existe pas de forme sans pronom incorporé. Elle n'apparaît jamais lorsque son objet est inincorporable (lorsque c'est un nom lexical, ou un démonstratif).


support d'objet pronominal

La préposition a1 sert prototypiquement de support d'incorporation à un pronom objet postverbal comme en (1).


(1) Te, marteze a hellfe kana anezi.
toi peut.être R1 pourrait chanter P.elle
'Toi, tu pourrais peut-être la chanter.'
Léonard, (Cléder), Seite (1998:21)


Le pronom apparaît morphologiquement incorporé dans la préposition. En (2), le quantifieur flottant oll a vu son complément 3PL être évacué de sa position in-situ pour s'incorporer en un fondu morphologique dans la préposition explétive a.


(2) Greet am-eus anez-o oll.
fa.it R.1SG a P.eux tous <elles>
'Je les ai toutes faites.' (les troménies)
Léonard, (Cléder), Seite (1998:21)


distribution

illicite antéposé

La préposition support en a est illicite dans la zone pré-tensée (Stephens 1982:81, Timm 1995:3). Cela se vérifie en breton standard comme dans la plupart des dialectes : lorsqu'antéposé devant le verbe tensé, l'objet pronominal apparaît obligatoirement sous forme de pronom fort indépendant.


(1) * Anezho a gavas Lenaig war an aod.
P.eux R1 trouva Lena.DIM sur le côte
'Lenaig les a trouvés sur la côte.'
Trégorrois, Stephens (1982:81)


(2) ( C'hwi / * Ac'hanoc'h ) am eus gwelet er marc'had gant ur garrigellad avaloù.
vous / P.vous R.1SG a v.u en.le marché avec un 1char.iot.ée pomme.s
'C'est vous que j'ai vu au marché avec un chariot de pommes.'
Standard, Kerrain (2001)


Comme souligné dans Timm (1995:28,fn8), cela marque un contraste avec la préposition a/eus qui est sélectionnée par une expression (ober forzh eus… ), et peut apparaître à l'initiale.


(3) Lezomp ar sujet. Anezhañ ne ran forzh.
laissons le sujet P.lui ne1 fais cas _
'Laissons le sujet. Il ne m'importe pas.'
Malmanche (1973)
cité dans Timm (1995:28,fn8)


On relève aussi des exemples à Saint-Pol-de-Léon avec le verbe gwelout 'voir', ce qui suggère une variation stylistico-lexicale qui permettrait de prendre la partie pour le tout (Je vois (une partie de) elle > Je la vois).


(4) [ anezi e velan ]
P.elle R1/4 vois
'Je la vois.' (C'est elle que je vois)
Léonard (Saint-Pol-de-Léon), Avezard-Roger (2004a:419)


(5) [ anezo e velɔ̃m bɛmde ]
P.elle R1/4 voyons chaque.jour
'Nous les voyons tous les jours.' (C'est eux que nous…)
Léonard (Saint-Pol-de-Léon), Avezard-Roger (2004a:419)


Il y a cependant une variation dialectale dans la possibilité d'antéposer un objet pronominal incorporé dans une préposition a. Hewitt (2001:9) considère qu'en trégorrois, l'antéposition de l'objet focal de forme a est autorisé aux personnes 1 et 2. La donnée agrammaticale de Stephens (1982:81) était effectivement une personne 3.


 Hewitt (2001:9): Trégorrois
 "Avec emphase en position initiale, pour la 1e et 2e personne, il faut ajouter le pronom: Anout-te meus gweled. Pour la 3e personne, on peut utiliser les pronoms emphatiques: Heñv meus gweled, pas hiņt."

avant le sujet

L'objet pronominal incorporé dans la préposition support a peut apparaître dans des ordres VOS.


(6) [ kaʁud aʁa anezã he vygale]
Karout a ra anezhan e vugale.
aimer R1 fait P.lui son1 enfant.s
'Ses enfants l'aiment.'
Léonard (Saint-Pol-de-Léon), Avezard-Roger (2004a:419)

après l'objet indirect

En (7), on peut voir que la préposition de racine a- accueillant l'objet pronominal 3SGF, apparaît après la préposition accueillant l'objet indirect.


(7) Méd lavar din anezi da welet.
mais dis à.moi a.elle pour1 voir
'Mais dis-la moi pour voir.'
Léonard, (Cléder), Seite (1998:7)

basculement diachronique et répartition dialectale

Une alternative à l'incorporation dans la préposition support a est de cliticiser le pronom objet devant la tête verbale. Cette possibilité est archaïsante en standard et pour les dialectes du centre, surtout sur les verbes tensés.


(5) Marijo neus (o frenet / prenet anezho).
Marijo a les2 achet.é / achet.é P.eux
'Marijo (les) a achetés.'
Cornouaillais (Douarnenez), [HD 2010]


Hemon (2000:§69) signale de rares exemples d'objets en préposition support en moyen breton.

palaour na ezneuez muy anezi, 1576, Ca. n.34
na saludet quet à Nezafu, Gk.II:166


Favereau (1997:§248) situe le glissement de la forme proclitique à la préposition support "courant 17°, surtout après 1700". Hemon (2000:§69) considère que cette forme se répand nettement seulement à partir de la seconde moitié du XVIII° siècle.

La répartition géographique des stratégies d'incorporation du pronom faible objet sont documentées par l'ALBB:

carte 288, traduction de 'Si je la voyais je lui dirais.'.
carte 287, traduction de 'Tu ne peux pas me voir'.

Les dialectes sont aussi inégaux dans leur date d'adoption du système, et l'adoption du système en préposition support peut ne pas concerner également tous les paradigmes verbaux. Au début du XXe, l'Académie bretonne (1922:151) considère qu'en Léon, c'est un emploi "récent et abusif" pour les "verbes à un mode autre que l'infinitif". En 1957, le manuel pédagogique des léonards Seite & Stéphan, p.61 considère que les formes avec préposition support a sont employées couramment dans la langue populaire, à côté des proclitiques.


Un dialecte donné peut aussi ne pas être homogène. En 1922, l'académie bretonne dans la revue Buhez Breiz considère encore que l'usage de la préposition support ac'hanoun, ac'hanout est un trait du Léon en opposition avec le Trégor pour lequel ils donnent des formes proclitiques (Per hi gwelas, 'Pierre la vit'). Dès le XVIII° cependant, Le Brigant (1779:21) donnait à Tréguier, èn a sko anon, Eñ a sko ac'hanon, 'Lui me frappe'.

Quelle que soit la date du basculement du système proclitique vers les objets à préposition support, à travers les dialectes et à travers les paradigmes, ce basculement est net en breton moderne dans les variétés du standard, en cornouaillais ou en Trégor. Ce basculement n'a pas eu lieu en vannetais.

l'hypothèse d'un glissement à partir du partitif

Favereau (1997:§248) propose que le basculement s'est opéré à partir de la forme sémantiquement partitive de la préposition a: Kemerit anezhi aurait glissé de 'Prenez-en' en 'Prenez-la', avec en réaction une distinction de la lecture partitive par l'utilisation de la préposition diouzh, Kemerit diouti.

Cependant, les exemples donnés par Hemon en moyen breton montrent clairement des référents animés, ce qui montre qu'à cette date déjà et au moins dans certains dialectes, la préposition support était utilisée hors de la lecture partitive. L'hypothèse partitive n'explique pas non plus une entrée de la préposition support par les paradigmes de l'infinitif.


quid des objets du verbe kaout?

Dans tous les dialectes, les objets proclitiques sont incompatibles avec le verbe kaout/endevout, 'avoir' lorsqu'il est conjugué. La seule option avec ce verbe, lexical ou auxiliaire, est donc une préposition a support. En (4), le verbe infinitif kaout reçoit un objet proclitique va. Cette option n'est pas disponible plus loin dans la phrase puisque le verbe est conjugué et que la place proclitique est occupée par le marqueur du sujet. C'est la forme ac'hanon qui apparaît alors.

(4) pa na de quet falvezet deoc'h va c'haout evit ho Salver,

ho pezo ac'hanon da viana evit ho Parner.
Breton 1718, RP.:142.


Quid alors des objets du verbe kaout conjugué avant le XVIII°? Etaient-ils ineffables ?

Comment ces objets étaient-ils réalisés puisque la place proclitique y est interdite ? En particulier, l'option qui est possible en vannetais moderne d'objet direct après le verbe 'kaout' est restreinte à la personne 3, donc comment étaient réalisés les objets du verbe 'avoir' aux autres personnes ?

Gant queuz bras e-m-eus ef clasquet
J.:189, Moyen breton
Cafet … onn-eux ef
J.:101, Moyen breton

support de sujet pronominal

La préposition a peut aussi accueillir un pronom anaphorique du sujet, dans les cas de résomption du sujet comme la résomption du sujet 'à la Cornouaillaise' ou la construction prédicative équative.


(2) Hemañ a oa eur paotr fin anez.
celui-ci R1 était un gars fin P.lui
'Celui-ci était malin.'
Léonard, (Cléder), Seite (1998:8)


(3) [mə zo ˈdɛd a bɛn da ˈgõpʁən ˈnaɔ̯̃ a ˈpoʃə ʃə ˈkoːst ijõ ˌnõ]
Me zo deuet a-benn da gompren anezhañ a-bosubl n'en deus ket kaozeet ouzhin anezh.
moi est ven.u à.bout de1 comprendre P.lui même.si ne R.3SG a pas parl.é à.moi P.lui
'J'ai réussi à le comprendre quand bien même il ne m'a pas parlé.'
Cornouaillais (Moëlan), Cheveau & Kersulec (2012-évolutif:Moëlan,'a-bosubl')


On voit aussi apparaître cette préposition support dans des tournures réfléchies.


(4) An nor a zigoras anezhi hec'h-unan.
le porte R1 ouvrit P.elle son-un
'La porte s'ouvrit toute seule.'
Konan (1980:173)
cité dans Timm (1995:10)


(5) Aet eo er-maez anezh e-unan.
all.é est dehors P.lui son1-un
'Il est sorti de lui-même.' (de son propre chef, ou seul)
Kervella, 253
cité dans Timm (1995:7)

Diachronie

 Hamp (1976): - a 'depuis, de' -
 "While Cornish agrees with Breton in showing aL, Welsh favours oL.
 Fleuriot DGVB. 49 mentions the conflicting etymologies which have been offered from *au and *apo; I have enlarged on this point, Ériu 24, 1973, 163, stressing the fact that *au did not notably occur as a separate particle in Western IE. It now seems to me that this dual derivation gives us the basis to explain the double outcome. Strictly, we may explain Welsh oL, as I have done op. cit., from either or both of *au and *(p)o. We may then view aL as the natural outcome of *apo> *ao (disyllabic) >*a, with loss of final syllable. The proximity of the semantics and the reduction under low stress then allowed the two to become partly, but never totally, conflated."


Stark & Widmer (2000) étudient l'hypothèse que le marquage en a- de l'argument interne en breton découlerait d'un phénomène de contact avec le moyen français ou le moyen gallo. Ils considèrent aussi l'hypothèse que l'évolution pourrait tout aussi bien venir d'une évolution interne à la langue, le résultat d'une évolution du système pronominal.


Widmer (2017:226) considère qu'émerge en moyen breton une ancienne préposition de type of en anglais (de) qui sélectionne uniquement l'objet d'un transitif (le patient) ou le troisième argument d'un ditransitif (ni l'agent ni le patient), ou encore pour un explétif météorologique sujet.


(1) Hogos dez eu anezy.
presque jour est P.elle
'Ce sera bientôt le matin.'
Breton XVI°, Le Berre (2011)
(noté Pa.3742 dans Widmer 2017:226)


Hemon (1975:114-115) et Ernault (1897c:199-207) considèrent que la préposition s'installe largement à la fin du XIXe.

German (2007:175) relève en moyen gallois l'usage d'un pronom sujet incorporé dans la préposition o (Pwyll Pendeuic Dyued; Pedeir Keinc y Mabinogi). Il rapporte aussi l'exemple de Heusaff (1996:30) en gallois moderne.


(2) Ac yna edrych ohonaw fe ar liw yr erchwys.
et regarda P.lui lui sur couleur le meute
'Et il regarda la couleur de la meute.'
Moyen gallois, German (2007:172)


(3) nid oes dim ohono efe 'n canu.
NEG COP NEG P.lui lui à chanter
'Il n'est pas en train de chanter.'
Gallois (Morgannwg), Heusaff (1996:30)


Horizons comparatifs

En français du Limousin, la préposition de est partitive.

  • On n'avait plus que t'sapin, Y'avait plus que t'ça.
'On n'avait plus que du sapin. Il n'y avait que de ça.'
Français du Limousin, Le temps des forêts, film documentaire de François-Xavier Drouet (2018)


Terminologie

Le terme breton pour 'support' est skor, ce qui donne l'expression araogenn skor, 'préposition support'.

Glanndour (1981:6) utilise le terme araogenn raganv-gour pour anezhañ.

Bibliographie

  • Cheveau, L. 2007b. 'The Direct Object Personal Pronouns in Lorient Area Breton', Studia Celtica 41, Cardiff: University of Wales Press.
  • Gros, Jules 1970. TBP.I Le trésor du breton parlé I. Le langage figuré, chapitre II.
  • Ledunois, Jean-Pierre. 2002. La Préposition Conjuguée en breton, thèse, Skol-Veur Roazhon, Atelier National de Reproduction des Thèses. (p.234-).
  • Stephens, Janig. 1982. Word order in Breton, Ph.D. thesis, School of Oriental and African Studies, University of London.