Différences entre les versions de « Comparatif de supériorité »

De Arbres
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|(3)||<font color=green> [ nos'''ɔχ''' ||<font color=green> zə ||<font color=green> tiɥɛl'''ɔχ''' ]
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||| Nos'''oc'h''' || zo || teñvel'''oc'h'''.
||| Nos'''oc'h''' || || zo || teñvel'''oc'h'''.
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||| [[noz|nuit]].plus || [[zo|est]] || [[teñval|sombre]].plus
||| [[noz|nuit]].plus || [[R]] || [[zo|est]] || [[teñval|sombre]].plus
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||| colspan="15" | 'Plus il fait nuit, plus il fait sombre.'  
||| colspan="15" | 'Plus il fait nuit, plus il fait sombre.'  

Version du 28 juin 2024 à 08:48

La façon canonique de construire une structure de comparaison de supériorité est d'adjoindre le suffixe -oc'h à un adjectif épithète ou attribut, un adverbe ou même parfois un nom.


(1) An traou-ze diwezatoc'h a vo un dudi sonjal enno.
le choses- tard.plus R1 sera un plaisir penser à.eux
'Tout cela plus tard, ce sera un bonheur d'y repenser.'
Léonard, Kerrien (2000:82)


Morphologie

variation dialectale

La variation dialectale du morphème -oc'h du comparatif de supériorité est documentée dans la carte 155 de Le Dû (2001), par une traduction du français 'plus sec', et la carte 048, traduction de 'plus léger'.


bases

La base la plus répandue est adjectivale.


(2) [ kani i brør zu brasɔχ ]
Kani he breur zo brasoc'h.
celui son2 frère est grand.plus
'Celle de son frère est plus grande.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:49)


Menard & Bihan (2016-) donne la forme adverbiale dérivée zokenoc'h 'de plus' sur l'adverbe zoken 'même'.

diminutif: -ikoc'h et -oc'hig

Le morphème comparatif de supériorité apparaît en fin de mot. Il peut cependant apparaître avant ou après un morphème diminutif.


(3) [ solãʒ kòhitʃɔχ brazətʃɔχ]
Solange ' oa koshikoc'h, brazikoc'h.
Solange R était vieux.DIM.plus grand.DIM.plus
'Solange était un peu plus vieille, grande.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:19)


(4) Gwashoc'hik e c'hoarvezas, e-pad ar studiadenn a nav eur.
pire.DIM R4 arriva pendant le étud.e de1 neuf heure
'Il se passa pire pendant l'étude de neuf heures.'
Standard, Drezen (1990:15)


(5) N'ouzomp ket hag hiroc'hik he doa ar son da larout _ diwar-benn ebatoù maner Kervanous.
ne1 savons pas si long.plus.DIM 3SGF avait le chanson à1 dire sur ébat.s manoir Kervanous
'Nous ne savons pas si la chanson en disait plus long sur les ébats du manoir Kervanous …'
Léonard, Abeozen (1986:38)

comparatifs irréguliers

mat > gwelloc'h

Dans tous les dialectes, le comparatif de supériorité de l'adjectif mat, 'bien', est gwell, gwelloc'h.


(6) Houmañ ' zo gwelloc'h 'vitañ.
celle-ci R1 est mieux que.lui
'Elle est mieux que lui.'
Goëlo, Koadig (2010:44)


Le morphème comparatif gwell- peut aussi être suivi de /a/ suivi d'un singulatif.


(7) Deut 'z eus gwellaenn.
ven.u R+C est améliorer.SG
'Il est apparu une amélioration.'
Favereau (1997:§443)

fall > gwazh, gwasoc'h

Dans tous les dialectes, le comparatif de supériorité de l'adjectif fall 'mauvais' est gwazh, gwasoc'h.


kalz > muioc'h

Le comparatif de supériorité du quantifieur kalz est muioc'h.


(8) [ i vrør myɔh a dawl awɛtõ ]
E vreur 'deus muioc'h a daol evitoñ.
son1 frère a plus de1 coup que.lui
'Son frère travaille mieux que lui.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:18)

Adj-oc'h vs. muioc'h Adj

Un adjectif au comparatif de supériorité peut apparaître sans le suffixe -oc'h si celui-ci apparaît sur son quantifieur (muioc'h).


  • muioh kevannuz
'plus sympatique, distrayant'
Trégorrois, Gros (1989:'kevannuz')
  • muioh karantezuz
'plus agréable'
Trégorrois, Gros (1989:'karantezuz')

Syntaxe

réalisation du second terme de comparaison

L'élément de comparaison peut être réalisé ou non. Si il est réalisé par un nom ou un pronom, l'élément de comparaison est introduit par la préposition/complémenteur eget ou la préposition evit.

La variation dialectale de l'utilisation de eget pour la traduction de 'plus fort que moi' est documentée dans la carte 190 de l'ALBB. On y voit que la forme eget, bien que valorisée en breton standard, n'apparait dans les dialectes que dans la partie Ouest du Léon. Partout ailleurs, c'est la préposition evit qui est utilisée dans le comparatif de supériorité (Le Clerc 1986:130).

Cette répartition dialectale n'est cependant pas aussi radicalement restreinte que ne le suggère la carte 190 de l'ALBB (Jouitteau 2020a).

 Jouitteau (2020a) (traduction) :
 "Les données de corpus et d'élicitation montrent que eget est attaché à la périphérie des dialectes conservateurs (pour le Léon, Plouider, Burel 2012:202; Plougerneau, Elegoet 1982; Bodilis, Ar Floc'h 1985:114; et pour le vannetais Herrieu 1994:148). À Plogonnec en Cornouaille, Kergoat (c.p.) note que eget est typique de la génération née avant la Première Guerre mondiale qui l'utilisait encore en comparaison avec gwelloc'h 'meilleur' ​​ou gwasoc'h 'pire'. Eget a été remplacé par evit dans les jeunes générations. Au début du XXe siècle, lorsque Le Roux demande des traductions de plus fort que moi, la forme eget est fournie dans l'extrême Ouest du Léon ; Landeda, Ouessant et Molène (Le Roux 1927: carte 190). Même dans ces zones, eget tend maintenant à être réalisé par différents allomorphes. Au vingtième siècle, evit est signalé même dans des îles comme Groix. Au XXIe siècle, parmi les locuteurs traditionnels, seuls quelques locuteurs du Léon avec encore une faible influence en standard montrent des utilisations spontanées de eget."


eget

(1) maouezed peuzziwiskoc'h an eil re eget ar re all.
femme.s presque.dés.habillé.plus le second ceux que le ceux autre
'des femmes presque plus dénudées les unes que les autres.'
Standard, Drezen (1990:12)


(2) Goulenn a raer genin paperioù muioc'h eget biskoazh.
demander R fait.on avec.moi papier.s plus que jamais
'On me demande des papiers plus que jamais.'
Vannetais, Herrieu (1994:148)


(3) Ar merc'het man, a énem glévé guélloc'h éguet choarezet aliès.
le femme.s-ci R1 se1 entendre mieux que sœur.s souvent
'Ces deux femmes s'entendaient souvent mieux que des sœurs.'
Léonard pré-moderne (Plouider, 1905), Burel (2012:202)

evit

(4) [ jøãkɔh ɔnmi awɛ marja ]
Yaouankoc'h on-me evit Maria.
jeune.plus suis-moi que Maria
'Je suis plus jeune que Maria.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:18)


Le second terme de comparaison peut être une proposition enchâssée.


(5) [ di'ɛsoh ɛ ˌhwa vi ma 'ʒõ:ʒɛn ]
Diaesoh eo c'hoaz evid ma zoñjen.
difficile.plus est encore que que4 pensais
'C'est encore plus difficile que je ne le pensais.'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:200)


(6) Bevañ a reomp ur poent ar vugale a hoar en em zervicha gwelloc'h it o zud gant an ordinateur.
vivre R1 faisons un temps le 1enfant.s R1 sait se1 servir mieux que leur2 parents avec le "ordinateur"
'Nous vivons un temps où les enfants savent plus des ordinateurs que leurs parents.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (05/2016)


Le second terme de comparaison peut aussi être réalisé comme un pronom incorporé.

a-se

Le Clerc (1986:130) note que le comparatif de supériorité est souvent suivi en breton de a-se, a-ze.


(7) An dour na vo nemet tommoc'h a ze.
le eau ne.R sera seulement chaude.plus de ça
'L'eau n'en sera que plus chaude'
Trégorrois (Tréguier), Le Clerc (1986:130)

réduplication progressive, 'de plus en plus Adj.'

Pour obtenir l'effet sémantique d'une progressive augmentation de la qualité d'un adjectif, on utilise une réduplication de l'adjectif, le premier portant la marque -oc'h du comparatif de supériorité, le second portant (optionnellement) la marque -añ du superlatif.

Cette opération est productive.

koshoc'h-koshañ, /vieux.plus-vieux.le.plus/, > 'de plus en plus vieux'
gwelloc'h-gwellañ, /mieux.plus-mieux.le.plus/, > 'de mieux en mieux'
bravoc'h-bravañ, /beau.plus-beau.le.plus/, > 'de plus en plus beau'


(1)... lakaat a raio anezo da garet gwelloc'h gwella o mesiou ha d'en em staga outo muioc'h-mui.
mettre R1 fera P.eux à1 aimer mieux mieux.le.plus leur2 campagne.s et à se attacher à.eux plus.plus-plus
'Il les fera s'attacher davantage à leurs campagnes, les aimant de mieux en mieux.'
Léonard, Perrot (1907:10)


variation dialectale

On trouve des occurrences de réduplication progressive sans le superlatif final, tout du moins dans les cas où la racine indique la présence du superlatif.


(2) Hag e lope warno gwashoc'h-gwazh.
et R tapait sur.eux pire.plus-pire
'Et il leur tapait dessus de pire en pire.'
Léonard, Abeozen (1986:62)


On note une variation dialectale dans la productivité de la réduplication progressive. Goyat (2012:206) note que cette structure est très peu utilisée à Plozévet, voire "inusitée par beaucoup de locuteurs". Hewitt (2001) considère que les locutions brassoc'h brassañ ou bras ouzh bras 'de plus en plus grand' sont inconnues en Trégor où on trouve War vrassâd a h-a., littéralement 'Il va en grandissant.'.

Syntaxe de l'adjectif épithète

L'adjectif au comparatif de supériorité peut être épithète.


(1) Mari he-deus bet kaeroh chañs evidon-me.
Marie SGF-3.a eu beau.plus chance que.moi
'Marie a eu plus de chance que moi.'
Trégorrois, Gros (1989:'kaer')


substantivisation

La tête nominale modifiée par l'adjectif peut n'être pas réalisée. L'adjectif avec un suffixe comparatif de supériorité -oc'h est alors substantivé sans l'ajout de la tête nominale hini/re. En (2), à Groix, le nom indéfini est la tête d'une relative. Ce résultat est répliqué à Scaër/Bannalec.


(2) /parskan bud ə waj e-rgaer bijənoX ẃidon… ag ə jaleče raportiɲ /
parce.que être R y.avait en.le 1foyer petit.plus que.moi que R pouvait.pas rapporter
'Parce qu'à la maison il y avait des plus petits que moi qui ne pouvaient pas rapporter.' (de l'argent)
Vannetais (Groix), Ternes (1970:248)


(3) pegur e oa bihanoc'h widin 'ba ger.
car R était petit.plus que.moi dans le 1foyer
'Parce qu'à la maison il y avait des plus petits que moi… '
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b)

Sémantique

modification du degré de supériorité

Il est possible de modifier le degré des expressions comparatives de supériorité en -oc'h (cf. 'un peu plus', 'beaucoup plus').


(1) [ on ta'miɡ di'vɛtoh ɛ'ry:ɛd ]
Eun tammig diwezatoh eo erruet.
un morceau.DIM tard.plus est arriv.é
'Il est arrivé un peu plus tard.'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:201)


(2) Kalz tanavoc'h bezhin int.
beaucoup fin.plus algues sont
'Ce sont des algues beaucoup plus fines.'
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:25)


effet sémantique sur les noms

Le suffixe -oc'h a pour effet d'intensifier le degré de la qualité des adjectifs. Lorsqu'il se trouve sur un nom, il a pour effet d'intensifier le degré de la qualité prototypique de ce nom.


(3) [ nosɔχ tiɥɛlɔχ ]
Nosoc'h zo teñveloc'h.
nuit.plus R est sombre.plus
'Plus il fait nuit, plus il fait sombre.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:18)


  • mintinoh 'plus tôt le matin', Plozévet, Goyat (2012:198)

Diachronie

Pour une vue diachronique sur la gradation dans les comparatives de supériorité, se reporter à Nurmio & Russel (2021).


Terminologie

Le comparatif de supériorité est désigné en breton par le terme derez-muioc'h, (Evenou 1987:526), ou derez-uheloc'h (Kervella 1947, Chalm 2008).

Press (1986:233) traduit derez-uheloc'h par l'anglais comparative degree.


Bibliographie