Interrogatives polaires
Les questions oui/non, aussi appelées interrogatives totales ou interrogatives polaires n'ont que deux réponses possibles ('oui' ou 'non'). L'interrogation porte sur toute la proposition (1).
(1) | Ha | dont | a raio | da | ger ? | ||||||||||||||
est-ce-que | venir | R fera | à1 | foyer | |||||||||||||||
'Reviendra-t-il ?' | |||||||||||||||||||
Trégorrois, Stephens (1990:163) |
Les interrogatives ne sont pas toutes des questions (cf. les interrogatives indirectes introduites en français par si, Je t'affirme que je ne sais pas si je viendrai).
(2) | Goulenn | a | reer | ouzor | an-unan | ha | n'eo | ket | an | anv-ze | eun | distresadur […] | |||||||||||||
demander | R | fait.on | à.on | le-un | si | ne1 est | pas | le | nom-là | un | dé.dessin.ation | ||||||||||||||
'On se demande si ce nom n'est pas une transformation.' | |||||||||||||||||||||||||
Léonard (Cléder), Seite (1998:88) |
Inventaire
Une question oui/non ressemble à une phrase déclarative, à laquelle s'ajoute un marqueur interrogatif. La morphologie de ce marqueur peut être un morphème segmental ou une intonation montante imposée sur la phrase. Ces morphèmes ou l'intonation montante réalisent une particule interrogative. La particule interrogative est glosée 'Q' sur ce site.
en matrices
intonation montante
En (1), le seul marqueur interrogatif est l'intonation montante. L'intonation montante réalise alors une particule Q dans la structure syntaxique.
(1) | Ar vro | a zo | kaer | ive ? | ||||||||||||||
le 1pays | R est | beau | aussi | |||||||||||||||
'L'intérieur est beau aussi ?' | ||||||||||||||||||
Léonard (Cléder), Seite (1998:58) |
En dialecte de Briec, on a la possibilité de commencer la phrase par le verbe tensé dans la question oui/non. La particule Q réalisée par l'intonation suffit à remplir l'espace initial préverbal.
(2) | [ ɛj | bɛt | de | ˈɛ᷉ tɛʁ?] | ||||||||||||||
Eo-he | bet | da | Inter ? | |||||||||||||||
est-elle | été | à | Intermarché | |||||||||||||||
'Est-elle allée à Intermarché ?' | ||||||||||||||||||
Cornouaillais (Briec), Noyer (2019:252) |
L'intonation montante ne peut réaliser un marqueur interrogatif qu'en matrice.
L'intonation montante est disponible dans tous les dialectes. Ses alternatives morphémiques varient selon les dialectes, où on trouve devant le verbe fléchi une particule hag, hag-eñ, daoust hag-eñ… Ci-dessous en cornouaillais de l'Est, la locutrice rejette systématiquement daoust et hag-eñ. Que son choix soit l'intonation montante ou la particule ha(g), l'ordre des mots est équivalent à celui d'une matrice non-interrogative (donc Ha dont 'raio adarre, mais pas * hag e teuio adarre).
(3) | (* Daoust) | ha | dont | ' | raio | adarre ? | ||||||||||||||
Q | et/que | venir | R1 | fera | encore | |||||||||||||||
'Reviendra-t-il ?' | ||||||||||||||||||||
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b) |
(4) * | ((Daoust) | hag | (-eñ)) | e | teuio | adarre ? | ||||||||||||||
Q | et/que | expl | R4 | viendra | encore | |||||||||||||||
'Reviendra-t-il ?' | ||||||||||||||||||||
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b) |
(5) | Kloñ | (m)oc'h ? | / | * | (hag | (-eñ)) | oc'h | kloñ ? | ||||||||||||||
malade | êtes | / | et/que | expl | êtes | malade | ||||||||||||||||
'Êtes-vous malade ?' | ||||||||||||||||||||||
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b) |
ha(g)
La particule ha(g) peut seule introduire une question oui/non en matrice (ou en enchâssée).
(1) | Ac'hanta, | Sam, | Ha | sevenet | eo | bet | ma | urzhioù ? | ||||||||||
Dis-donc ! | Sam | est-ce-que | réalis.é | est | été | mon2 | ordre.s | |||||||||||
'Dis-donc, Sam, mes ordres ont-ils été exécutés ?' | ||||||||||||||||||
Standard, Biguet (2017:59) |
(2) | Ha | klevet | hoc'h eus | a-wechoù | displegañ | an taolennoù | e | misionoù | hor | bro ? | ||||||||
Q | entend.u | 2PL a | parfois | expliquer | le tableau.x | en | mission.s | notre | pays | |||||||||
'Avez-vous parfois entendu expliquer les tableaux dans les missions de notre pays ?' | ||||||||||||||||||
Standard, Kervella (1933:39) |
(3) | Ha | plijoud | a | ra | deoh | ar goañv ? | ||||||||||||
Q | plaire | R1 | fait | de.vous | le hiver | |||||||||||||
'Est-ce que l'hiver vous plaît ?' | ||||||||||||||||||
Léonard, Seite & Stéphan (1957:43) |
(4) | Hag | anaout | a | rez | Breizh-Izel ? | |||||||||||||
Q | connaître | R1 | fais | Bretagne-Basse | ||||||||||||||
'Connais-tu la Basse-Bretagne ?' | ||||||||||||||||||
Standard, Drezen (1932:9) |
(5) | Ha | pell | e | chomimp | amañ, | Kapiten ? | ||||||||||||||
Q | long | R4 | resterons | ici | capitaine | |||||||||||||||
'Allons-nous rester longtemps ici, capitaine ?' | ||||||||||||||||||||
Standard, An Here (1993:28) |
Cette particule est-ce-que ha(g) du breton standard est absente dans certaines variétés de trégorrois comme celui de Gros (1966:25), et en breton central (mais pas pour Louis Le Clerc ou Janig Stephens). Dans les variétés sans ha(g), le marquage interrogatif résulte soit d'une intonation particulière, soit de la particule interrogative daoust hag eñ (Wmffre 1998:44, Gros 1970:25). L'interrogatif ha(g) (eñ) y existe en enchâssées.
(6) | (* ha) | c'hwi | a | zo | sod ? | ||||||||||||||
Q | vous | R1 | est | sot | |||||||||||||||
'Êtes-vous fou ?' | |||||||||||||||||||
Trégorrois parlé (Trédrez), Gros (1966:25) |
(7) | Ha | da | Bariz | ec'h | i ? | ||||||||||||||
Q | à1 | Paris | R+C | iras | |||||||||||||||
'Iras-tu à Paris ?' | |||||||||||||||||||
Trégorrois (Tréguier), Le Clerc (1986:205) |
(8) | Hag | ankouaet | a-ratozh-kaer | gant | ar | plac'h | da | brenañ | peg ? | ||||||||
Q | oubli.é | exprès | avec | le | fille | de1 | acheter | colle | |||||||||
'Est-ce que la fillette a fait exprès d'oublier d'acheter de la colle ?' | |||||||||||||||||
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), Gaudart (2022:23) |
Favereau (1997:§529) considère, lui, que la particule interrogative ha(g) "est devenue rare, donc plus emphatique".
ha daoust ha(g)
le complexe ha daoust ha(g) est cité par le cornouaillais Trépos.
(2) | Ha (daoust ha) | klañv | oc'h ? | ||||||||||||||
est-ce-que | malade | êtes | |||||||||||||||
'Est-ce que vous êtes malade ?' | |||||||||||||||||
Cornouaillais, Trépos (2001:§381) |
daoust ha(g)
Daoust ha(g) est relevé en Léon, en Goëlo (Koadig 2010:101), en Cornouaille (Skragn 2002), en breton central (Wmffre 1998:44) et en breton standard (Kervella 1993, Menard & Kadored (2001...).
(2) | Daoust hag | afer | den | eo | an dra-se ? | ||||||||||||||
est-ce-que | affaire | quelqu'un | est | le 1chose-là | |||||||||||||||
'Est-ce que ça regarde quelqu'un ?' | |||||||||||||||||||
Standard, Menard & Kadored (2001:'den') |
(3) | daoust hag | alïes | […] | n'hon deus-ni | ket | e | zouget | war | hent | an ifern ? | |||||||
Q | souvent | ne1 1PL a-nous | pas | le1 | porté | sur | route | le enfer | |||||||||
'Ne l'avons-nous pas souvent porté sur la route de l'enfer ?' | |||||||||||||||||
Léonard, Perrot (1912:842) |
daoust hag eñ
Daoust hag eñ (da-c'houzout-hag-eñ/'Est-ce que … ') est relevé en Basse-cornouaille dans Menard (1995). La forme hag eñ est signalée en trégorrois par Le Dû (2012:99). Ces formes sont exogènes à Quimperlé.
Il ne semble pas y avoir de différence sémantique entre la forme hag simple et la forme hag eñ mais syntaxiquement, les forme en hag eñ sont obligatoirement suivies directement par le verbe tensé.
(3) | Daoust hag eñ | e | ranke | ar re | yaouank | gwechall | chom | da | veskañ | ar ribot | hep | ober | amann ? | |||||
est-ce-que | R4 | devait | le ceux | jeune | autrefois | rester | à1 | battre | le ribot | sans | faire | beurre | ||||||
'Est-ce que les jeunes autrefois devaient frotter sans conclure ?' | ||||||||||||||||||
Bas-cornouaillais, Menard (1995:18) |
(4) | Daoust hag-en | e | vefe | o | vont | gant | an ankou ? | |||||||||||
est-ce-que | R4 | serait | à4 | aller | avec | le ankou | ||||||||||||
'Est-ce qu'il perdrait la boule ?' | ||||||||||||||||||
Cornouaillais / Léon, Croq (1908:11) |
eske
La particule eske /eskø/, emprunt transparent à la particule Q des matrices du français, est relevé en bas-vannetais.
(3) | [eskø | so | ta:w | ʁe | be:w ] | ||||||||||||||
est-ce-que | est | toujours | ceux | vivant | |||||||||||||||
'Est-ce qu'il y (en) a encore des vivants ?' | |||||||||||||||||||
Bas-vannetais, Cheveau (2007:213) |
c'hwistim hag(-eñ)
La particule c'hwistim est utilisée en Petit Trégor et en Goëlo (Le Clerc 1986:205, Koadig 2010:101).
Son étymologie est transparente (c'hwi 'estim, /vous estimez/, 'vous pensez (que...)'), mais pas explicative car ha(g) n'est pas utilisé en tête des complétives.
(4) | C'hwistim | (hag / hag-eñ) | ec'h | i | da | Bariz? | ||||||||||||
Q | Q | R+C | iras | à1 | Pariz | |||||||||||||
'Est-ce que tu iras à Paris ?' | ||||||||||||||||||
Goëlo, Koadig (2010:101) |
en enchâssées
Il n'existe pas, à travers les dialectes, de particule Q enchâssée phonologiquement vide, et l'intonation montante ne peut pas réaliser une question en enchâssée. En (1), il n'est pas possible de ne pas prononcer ha en initiale de proposition sans perdre la lecture de question oui/non enchâssée.
(1) | Kontant | e | vichen | bet | ma | meche | gouezet | (ha)* | Yann | a | ganfe. | |||||||
content | R4 | serais | été | si4 | avais | s.u | si | Yann | R1 | chanterait | ||||||||
'J'aurai été content de savoir si Yann chanterait.' | ||||||||||||||||||
Léonard (Lesneven/Kerlouan), A. M. (04/2016b) |
Certaines particules Q sont identiques morphologiquement en matrice et en enchâssées. Dans certains dialectes, des différences émergent comme c'est le cas dans d'autres langues. Le français distingue ainsi les particules des questions oui/non suivant que la proposition est une matrice (est-ce que P) ou une enchâssée (Je me demande si P).
ha(g), hann
La particule ha(g) se trouve aussi en enchâssées sous la même forme qu'en matrices en breton standard et dans la plupart des dialectes, mais une distinction matrice/enchâssée émerge en cornouaillais, où la particule enchâssée est différenciée par la présence d'une coda nasale. La forme an 'si' est relevée dans des gloses en vieux breton (Loth 1884).
(2) | N'oun | ket | hann | ema | chomet | haoñ | ba'n | ger. | ||||||||||
ne1 sais | pas | si | est | rest.é | lui | dans le | 1foyer | |||||||||||
'Je ne sais pas s'il est resté à la maison.' | ||||||||||||||||||
Cornouaillais (Saint-Yvi), German (2007:174) |
ha(g) vs. hag-eñ
Le Clerc (1986:205) semble impliquer que lorsqu'il y a un mouvement de focus dans cette enchâssée, la forme est alors hag et non hag-eñ. La particule -eñ serait donc, au moins dans cette variété, en distribution complémentaire avec d'autres éléments entre ha(g) et le verbe fléchi. C'est aussi l'avis de Merser (2011:56), selon qui la forme ha(g) apparaît lorsqu'un constituant après lui occupe la place préverbale (ordres V2 en enchâssées). La forme hag eñ apparait lorsque le verbe de la subordonnée le suit directement, ou parfois devant la négation ne. Rivero (1999), travaillant avec les données de Stephens, et Bihan & Press (2003:187) pointent la même complémentarité. Il semble donc y avoir une unanimité sur le sujet, au mois pour ce qui concerne le trégorrois.
(3) | N'ouzon | ket | ha | lennet | en deus | al levr. | ||||||||||||
N'ouzon | ket | hag- | eñ | en deus | lennet | al levr. | ||||||||||||
ne1 sais | pas | si | 3SGM a | l.u | le livre | |||||||||||||
'Je ne sais pas s'il a lu le livre.' | ||||||||||||||||||
Trégorrois, Rivero (1999:81-82) |
(4) | N' | ouzon | ket | { ha | dont | a raio. | / | hag-eñ | e | teuio }. | ||||||||
ne1 | sais | pas | si | venir | R fera | si-3SGM | R4 | viendra | ||||||||||
'Je ne sais pas s'il viendra.' | ||||||||||||||||||
Standard, Merser (2011:56) |
Avec une négation, hag comme hag-eñ sont possibles, ce qui montre que eñ n'est pas uniquement une opération de dernier ressort pour préserver l'ordre des mots.
(5) | Goulennet | em boa | diganti | hag-(eñ) | ne | felle | ket | dezhi | dont. | |||||||||
demand.é | 1SG avait | à.elle | si | ne1 | plaisait | pas | à.elle | venir | ||||||||||
'Je lui avais demandé si elle (ne) voulait (pas) venir.' | ||||||||||||||||||
Bihan & Press (2003:187) |
daoust ha(g) vs. hag-eñ
L'interrogatif hag-eñ est suivi directement par le rannig et le verbe tensé. Daoust ha(g) est aussi utilisé, des fois par le même locuteur, mais daoust ha(g) peut être séparé du verbe tensé.
(6) | Goulenn | a reas | outañ | hag-eñ | e | lenne | ha daoust ha | dont | a rae | tud | d'e | welout. | ||||||
demander | R1 fit | à.lui | si | R4 | lisait | et si que | venir | R1 faisait | gens | à le1 | voir | |||||||
'Il lui demanda si il lisait, et si on lui rendait visite.' | ||||||||||||||||||
Standard, Herri (1982:66) |
eñ
(7) | Me | meus | ket | soñj | eñ | vie | puniset | ar vugale. | ||||||||||
moi | 1SG.a | pas | souvenir | Q | était | pun.i | le 1enfant.s | |||||||||||
'Je ne me rappelle pas si les enfants étaient punis.' | ||||||||||||||||||
Cornouaillais (Le Juch), Hor Yezh (1983:21) |
ma
Merser note que l'usage de ma est "rejeté par les puristes". Effectivement, au début du XXe, l'Académie bretonne (1922:153) recommande de distinguer ma, mar, 'si' conditionnel; mar bez brao an amzer, 'si le temps est beau', de ha, 'si' "dubitatif": n'ouzon ket ha brao e vezo an amzer, 'Je ne sais si le temps sera beau'. Par cette recommandation prescriptiviste, elle signale donc déjà l'existence d'une variation. Selon Bihan & Press (2003:187), l'utilisation de mar(d) en questions polaires est un trait des plus jeunes locuteurs, qui reprennent un usage autrefois typique du breton central.
(1) | N'ouzon | ket | { mard | / | hag-eñ } | eo | aet | ma | gwreg | d'ar | gêr. | |||||||
ne1 sais | pas | si | si-3SGM | est | all.é | mon2 | femme | à le | 1foyer | |||||||||
'Je ne sais pas si ma femme est rentrée.' | ||||||||||||||||||
Bihan & Press (2003:187) |
(2) | N'ouzon | ket | { ma | / | hag-eñ } | e | teuio. | |||||||||||
ne1 sais | pas | si | si-3SGM | R4 | viendra | |||||||||||||
'Je ne sais pas s'il viendra.' | ||||||||||||||||||
Standard, Merser (2011:57) |
Selon Merser (2011:57), le 'si' interrogatif se rend de plus en plus par le complémenteur ma en Haute-Cornouaille. En fait, la forme ha(g) ou hag-eñ peut même y être agrammaticale.
(3) | N'uion | ket | { ma | / | * hag(-eñ) } | neus | lennet | al levr. | ||||||||||
ne1 sais | ket | si | si-3SG | a | l.u | le livre | ||||||||||||
'Je ne sais pas si il a lu le livre.' | ||||||||||||||||||
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b) |
On relève effectivement des particules Q en enchâssées réalisées en ma chez Guilloux en vannetais.
(4) | Hañni | en des | gouiet | a-oudé | ma | ou doé | kavet | mad | en | tri | deloh. | |||||||
N | R.3SGM a | s.u | depuis | si 3PL | avait | trouv.é | bon | le | trois | truite | ||||||||
'Personne depuis n'a su s'ils avaient aimé les trois truites.' | ||||||||||||||||||
Vannetais, Guilloux (1992:94) | ||||||||||||||||||
cité dans Schapansky (1996:184) |
la ma
En cornouaillais de l'Est, le complémenteur déclaratif la(r) peut précéder la particule Q enchâssée ma.
(5) | N'uion | ket | (la) | ma | teuio. | ||||||||||||||
ne1 sais | ket | que | si4 | viendra | |||||||||||||||
'Je ne sais pas s'il viendra.' | |||||||||||||||||||
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (04/2016b, 05/2016) |
(6) | Goul | ' | ra | er | c'huizin | la | ma | zo | bet | fichet | pep | gato. | ||||||
demander | R | fait | en.le | 5cuisine | que | si | est | été | décor.é | chaque | gâteau | |||||||
'Il demande en cuisine si chaque gâteau a été décoré.' | ||||||||||||||||||
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (05/2016) |
la(r)
La(r) peut être le seul marqueur Q (ou précéder une particule Q vide ?).
(6) | N'uion | ket | la(r) | teuio. | ||||||||||||||
ne1 sais | ket | que/si4 | viendra | |||||||||||||||
'Je ne sais pas s'il viendra.' | ||||||||||||||||||
Cornouaillais (Scaër/Bannalec), H. Gaudart (05/2016) |
bea
(7) | Mendare | be(a) | eo | gwir | pe | n'e | ket | ar pez | e lavar. | |||||||||
je.me.demande | si | est | vrai | ou | ne1 est | pas | le morceau | R dit | ||||||||||
'Je me demande si c'est vrai ou pas ce qu'il dit.' | ||||||||||||||||||
Cornouaillais (Sein), Fagon & Riou (2015:44) |
Syntaxe
site d'apparition en matrices
Les particules Q des questions oui/non peuvent apparaître précédées d'un topique suspendu (1).
(1) | Tostennoù | Kistinid | ha | glannoù | ar Blaouezh | ha bout | am bo | ar joa | d'ho | kwelet | c'hoazh | ur wezh ? | ||||||||||
butte.s | Kistinid | et | rive.s | le Blavet | Q être | R.1SG 1.aura | le joie | de vous3 | voir | encore | un 1fois | |||||||||||
'Buttes de Kistinid et rives du Blavet, est-ce que j'aurai encore une fois la joie de vous voir ?' | ||||||||||||||||||||||
Vannetais, Herrieu (1994:215) |
Pour Thibault (1914:189) en haut-vannetais, le topique devant ha est même obligatoire, ha n'est pas licite à l'initiale. Il donne l'interrogative Pier e đey ? 'Pierre viendra-t-il ?' ou, avec la particule Q et le pronom résomptif Pier ha gye đey ?.
Une particule Q de questions oui/non peut être à l'initiale si elle est suivie d'un explétif. Dans la phrase de Herrieu ha bout am bo ar joa… l'explétif bout suit la particule interrogative ha. En (2), c'est l'explétif bet.
(2) | Ha | bet | oc'h | bet | ec'h | ober | un droig...? | |||||||||||
est-ce-que | expl | êtes | été | à+C,4 | faire | un 1tour.DIM | ||||||||||||
'Es-tu allé faire un petit tour...?' | ||||||||||||||||||
Vannetais, Ar Meliner (2009:178) |
analyse
(3) | [ForceP | Force° | [QP | [ModeP | NEG | [FinP | Fin | ||||||||||||||||
topique suspendu | adjoints scéniques | Q | négation ne | explétif | rannig-verbe | ||||||||||||||||||
Structure de la périphérie gauche en interrogatives |
ordre des mots en enchâssée
Q-V2
L'intervenant entre ha(g) et le verbe peut être un adverbe comme alies 'souvent', ou un explétif comme bez'.
(1) | N'ouzon | ket | hag | { alies / bez } | a noa | choa | da | ganañ. | ||||||||||
ne1 sais | pas | si | souvent / expl | avait | joie | de1 | chanter | |||||||||||
'Je ne sais pas si il avait souvent du plaisir à chanter.' | ||||||||||||||||||
Léonard (Lesneven/Kerlouan), A. M. (04/2016b) |
Ha(g) peut aussi tolérer les ordres de mots SVO (à sujet initial) ou OVS, à objet initial.
(2) | Kontant | e | vichen | bet | ma | meche | gouezet | ha | Yann | a | ganfe. | ||||||||||||
content | R4 | serais | été | si4 | avais | s.u | si | Yann | R1 | chanterait | |||||||||||||
'J'aurai été content de savoir si Yann chanterait.' | |||||||||||||||||||||||
Léonard (Lesneven/Kerlouan), A. M. (04/2016b) |
(3) | N'ouzon | ket | hag | (soñj) | em eus | (soñj) | dac'h | tout. | |||||||||
ne1 sais | pas | si | souvenir | R.1SG a | souvenir | de | tout | ||||||||||
'Je ne sais pas si je me souviens de tout.' | |||||||||||||||||
Léonard (Lesneven/Kerlouan), A. M. (04/2016b) |
(4) | Gwelomp | hag | eur | mored | all | a | c'hellimp | ober. | |||||||||||
voyons | si | un | somme | autre | R1 | pourrons | faire | ||||||||||||
'Voyons si nous pourrons nous rendormir.' | |||||||||||||||||||
Léonard, Perrot (1907:27) |
L'antéposition d'un objet prosodiquement lourd requiert une prosodie particulière, mais reste grammaticale.
(5) | N'ouzon | ket | hag | // sonj dac'h tout // | em eus. | |||||||||||||
ne1 sais | pas | si | souvenir de tout | R.1SG a | ||||||||||||||
'Je ne sais pas si je me souviens de tout.' | ||||||||||||||||||
Léonard (Lesneven/Kerlouan), A. M. (04/2016b) |
focus ?
Selon l'Académie bretonne (1922:294), en léonard, le terme directement après ha(g) semble porter une lecture de focus. N'ouzon ket ha dont a ri feteiz est traduit par 'Je ne sais si « venir tu feras ».', … ha te a zeuio feteiz, '...si « c'est toi qui viendras ».' et ...ha feteiz et teuï par '...si « c'est demain » que tu viendras.' Le système vannetais avec ma(r), en contraste, est vu comme une perte en expressivité.
*Q-V3
Deux adverbes peuvent par contre être agrammaticaux en intervenants.
(6) | N'ouzon | ket | hag | (* alies) | abred | (* alies) | ez a | (alies) | da gousket. | |||||||||
ne1 sais | pas | si | souvent | tôt | souvent | R va | souvent | pour1 dormir | ||||||||||
'Je ne sais pas si il allait (souvent) se coucher tôt.' | ||||||||||||||||||
Léonard (Lesneven/Kerlouan), A. M. (04/2016b) |
réponses à une question oui/non
Répondre à une "question oui/non" par l'affirmative en français implique de prendre en compte si cette question est négative ou positive (oui vs. si).
En breton, cette prise en compte s'étend aux réponses négatives, où le verbe fléchi est répété.
(7) | Plijout | a | ra | dit ? | - (Në) | ra | kët ! | |||||||||||
plaire | R | fait | à.toi | - ne1 | fa.it | pas | ||||||||||||
'Ça te plait ? - Non !' | ||||||||||||||||||
Goëlo, Koadig (2010:42) |
Pour en savoir plus, se reporter à la fiche sur les réponses aux questions.
Sémantique
Certains adverbes ont besoin du contexte de l'interrogation pour être autorisés dans la phrase. Par exemple, biskoazh en (3) est autorisé par la présence de ha qui marque l'interrogation. La phrase déclarative correspondante serait agrammaticale ou interprétée comme négative (*Klevet ac'h eus en deus biskoazh bet aon.)
(8) | Ha | klevet | ec'h eus | en defe | biskoazh | bet | aon ? | |||||||||||
est-ce-que | entend.u | R.2SG a | R.3SGM aurait | jamais | eu | peur | ||||||||||||
'As-tu entendu qu'il aurait jamais (la moindre fois) eu peur ?' | ||||||||||||||||||
Standard, Menard & Kadored (2001:'biskoazh') |
Diachronie et horizons comparatifs
En breton moderne, la morphologie de la particule Q ha(g) 'si' est identique à celle du marqueur de coordination et à celle du complémenteur ha(g) qui apparaît comme tête C des subordonnées.
En vieux breton, on relève án 'si' dans une glose (án nibóth án bódláún /si sans.volonté/gain si content/, traduit 's'il doit accepter ou ne pas accepter', 'avec gain ou sans gain', 'consentant ou non', Loth 1884). Zeuss analyse la forme án avec l'interrogatif a suivi d'un marqueur de négation. Loth (1884) le rapproche plutôt de l'irlandais in qui correspond au latin an.
En moyen breton précoce, la particule était juste a. Elle a évolué en se rapprochant de la morphologie de la coordination. En moyen vannetais dans les Noueloù Gwened fin XVI°, début XVII°, Hemon (1956:xlix) note que la particule commence à être orthographiée avec un h- initial, et à montrer une consonne épenthétique -k en finale.
Favereau (1997:§529) rapproche ha, anciennement a, du a gallois, de même sens.
En occitan du Couserans, la particule Q des questions polaires peut être que, un homophone (entre autres) du complémenteur introduisant les complétives.
(1) | Que | cau hèr | caudà'u ? | |||||||||||||||
Q | faut faire | chauffer-le | ||||||||||||||||
'Il faut le faire chauffer ?' | ||||||||||||||||||
Occitan du Couserans, Ensergueix (2012:55) |
(2) | Que | credi | qu | 'i hossa. | ||||||||||||||
EXPL?/C | crois | C | y est | |||||||||||||||
'Je crois qu'il y est.' | ||||||||||||||||||
Occitan du Couserans, Ensergueix (2012:86) |
Stylistique
Dans les questions polaires où le locuteur attend une réponse positive, l'usage de la négation est préféré en cornouaillais de l'est maritime (Bouzeg 1986:37).
(1) | 'Ma | ket | distanet | al laezh ? | ||||||||||||||
est | pas | refroid.i | le lait | |||||||||||||||
'Le lait est-il refroidi ?' | ||||||||||||||||||
Cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:37) |
(2) | 'Peus | ket | anavezet | Soaz ? | ||||||||||||||
3.a | pas | conn.u | Soaz | |||||||||||||||
'Avez-vous connu Soaz?' | ||||||||||||||||||
Cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:37) |
Bibliographie
breton
- Hemon, R. 1969. 'Hag-eñ', Ar Bed Keltiek 126 : 155-156.
- Rivero, Marı́a Luisa. 1999. 'Stylistic verb-movement in yes-no Questions in Bulgarian and Breton', Crossing Boundaries, advances in the theory of Central and Eastern European languages, Kenesei, Istvan (éd.), Amsterdam, John Benjamins, 67-90.
horizons comparatifs
- Cable, Seth. 2010. The Grammar of Q: Q-Particles, Wh-Movement and Pied-Piping, Oxford University Press.
- Cable, Seth. 2008. 'Q-Particles and the Nature of Wh-Fronting', Matthewson, Lisa (éd.), Quantification: Universals and Variation, North Holland Linguistics Series. Emerald.
- Hagstrom, P. 1998. Decomposing questions, MIT dissertation.