Différences entre les versions de « Variation dialectale »

De Arbres
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|(1)|| Gouzout || a reant || '''magnifik''',|| pétra || â dlié || erruout || gant || ô || bugalé.
|(1)|| Gouzout || a reant || '''magnifik''', || pétra || â dlié || erruout || gant || ô || bugalé.
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||| [[gouzout|savoir]] || [[R]] [[ober|faisaient]] || pertinemment  || [[petra|quoi]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> [[dleout|devait]] || [[erruout|arriver]] || [[gant|avec]] || [[POSS|leur]]<sup>[[2]]</sup> || [[bugel|enfant]].[[pluriel interne|s]]
||| [[gouzout|savoir]] || [[R]] [[ober|faisaient]] || pertinemment  || [[petra|quoi]] || [[R]]<sup>[[1]]</sup> [[dleout|devait]] || [[erruout|arriver]] || [[gant|avec]] || [[POSS|leur]]<sup>[[2]]</sup> || [[bugel|enfant]].[[pluriel interne|s]]

Version du 22 mars 2022 à 13:49

La présente grammaire du breton sur ARBRES est une grammaire des différents parlers du breton. Cette grammaire a pour but de documenter solidement la variation syntaxique réelle des parlers bretons modernes. Son but est d'établir la réalité scientifique de la microvariation syntaxique, dans un esprit de comparaison typologique avec les autres langues humaines.

Jouitteau (2020a) a étudié la variation syntaxique entre les dialectes du breton. Elle trouve une variation syntaxique considérable entre les dialectes traditionnels. Le dialecte standard, lui, est moins distant des dialectes traditionnels que ne le sont les dialectes traditionnels entre eux.


Préambules à la quantification de la variation syntaxique

diversité des représentations

Dans l'ignorance des arguments scientifiques de typification et de quantification de la variation syntaxique, les représentations les plus diverses coexistent.

Pour certains, la variation dialectale serait telle qu'aucune inter-compréhension ne serait possible. L'état de la langue serait réduite à des 'badumes', des formes de langues ultralocales séparées profondément dans leur structure même des variétés géographiquement les plus proches.

 German (2007:148):
 "modern Breton is spoken today under a multitude of dialectal forms in which intercomprehension is sometimes difficult, if not impossible."


Pour d'autres, la variation dialectale syntaxique tiendrait toute dans quelques tournures spécifiques à un dialecte donné. Dans cette dernière hypothèse, la variation entre dialectes tient dans sa majeure partie dans des variations morphologiques, phonologiques et prosodiques, (c.a.d. là où, précisément, la variation a été jusqu'ici solidement documentée).


 Merser (1963:ii):
 "Le vannetais possède exactement la même grammaire que les autres dialectes (KLT Kerne-Cornouaille, Léon, Treger-Trégor), a en gros le même vocabulaire, mais diffère profondément par la prononciation."
 "Deux bretonnants, l'un parlant le vannetais littéraire, l'autre le KLT, se comprennent parfaitement."
 Stephens (1982:3):
 "The syntax of the dialect of Bro-Wened does not differ dramatically from the others as can be judged from the grammar and the text books by Guillevic & Le Goff (1931) and by Herrieu (1979). The difference between the dialect of Bro-Wened and the KLT is very pronounced at the phonological level, including a stress on the ultimate syllable in Bro-Wened whereas in the others stress is still on the penultimate."


de la relativité de l'intercompréhension

une inter-compréhension documentée

Si la phrase N'eo ket ar memes brezhoneg 'C'est pas le même breton' est bien connue, elle ne doit pas forcément être interprétée comme une impossibilité de communication entre locuteurs. L'existence de liens économiques de longue date en peut être cause ou preuve. Ci-dessous, le léonard Seite de Cléder évoque par exemple une intercompréhension aisée avec la variété trégorroise ou des monts d'Arrée, sans qu'on soupçonne que cela découle d'un réel bilinguisme entre deux dialectes différents du breton.

 Seite (1985:32), à propos de chiffonniers originaires des monts d'Arrée venus vendre des draps:
 "Ne gomzent ket ar brezoneg eveldom-ni : Brezoneg “Kerne” a lavarem a zistagent. Brezoneg “trefoet”, rag kement brezoneg ha ne veze ket heñvel ouz on hini, a veze greet anezañ atao “brezoneg trefoet”. Komprenet mad e vezent koulskoude gand an oll, ha konta 'reent deom kalzig keleier dastumet ganto a-hed an hent, e Kleder hag e Sibiril, pe war-dro."
 [Ils ne parlaient pas breton comme nous: nous disions qu'ils parlaient du breton de Cornouaille. Du "patois de breton", car tout breton qui n'était pas pareil au nôtre était appelé ainsi. Ils étaient cependant compris de tous, et ils nous racontaient pas mal de nouvelles récoltées sur leur route, à Cléder, à Sibiril ou aux alentours.]
 
 Seite (1985:69):
 "Goud a ouie brezoneg koulz ha ni, med hini Treger. Klederiz, pa gomze dezo brezoneg, her homprene mad, med lavared a reent : « Brezoneg trefoet a zeu gantañ. » Evel-se e veze lavaret atao e Kleder euz an oll re a gomze brezoneg eun tamm bennag disheñvel diouz hini o farrez."
 [Il parlait aussi bien breton que nous, mais trégorrois. Les gens de Cléder, quand il leur parlait, le comprenaient bien, mais ils disaient qu'il parlait du "patois de breton". On disait cela à Cléder de tous ceux qui parlaient un breton un tant soit peu différent de celui de la paroisse.]

entraves non-syntaxiques à la compréhension interdialectale

Il est hors de doute que les variétés de breton montrent une très forte typification dialectale car un étudiant appliqué de la langue peut identifier en trois phrases l'origine dialectale d'un locuteur traditionnel à 30 km près. Mais quelle est la place de la divergence proprement syntaxique ? Thibault (1914:439) a étudié dans trois articles les différences entre le haut-vannetais et la variété de haut-vannetais parlée à Cléguérec. Il trouve que Cléguérec "a bien les caractères du haut-vannetais dont le séparent toutefois des différences importantes en phonétique, [et] assez nombreuses quant au vocabulaire", mais aussi des différences qualifiées de "insignifiantes en grammaire". La phonologie, le lexique et l'accentuation jouent un rôle certain dans l'intercompréhension et le marquage différentiel des dialectes (pour les différences d'accentuation entre générations, voir Kennard 2021, et pour la variation dialectale dans les mutations, voir Timm 1985).

Les différences dialectales peuvent mener à des contre-sens importants d'un dialecte à un autre. En (1), le verbe fléchi est kas, qui apparaît ici avec une lénition initiale. En breton central et en cornouaillais de l'Est, ce verbe qui remonte au moyen gallois signifie 'chercher (à), vouloir', et certains le confondent avec le verbe klask, 'chercher'. Dans les autres dialectes et en standard, le verbe kas signifie uniquement 'emmener, envoyer', ce qui ne fait guère sens ici, où l'interprétation la plus plausible deviendrait donc une forme fléchie du verbe kasaat, 'haïr' qui obtient l'interprétation radicalement opposée 'Tout le monde a horreur de voir Christiane'. La phrase en (1) montre un modal original dans ce dialecte, mais ne montre pas une structure syntaxique originale : elle utilise une structure syntaxique commune au standard et à tous les dialectes.


(1) [ tud ən dyt ataw gaz gwɛl kʁistjan]
Tout an dud atav 'gas gwel Kristiane.
tout le 1gens toujours (R)1 cherche voir Christiane
'Tout le monde demande toujours Christiane.'
Duault, Avezard-Roger (2004a:412)


Ces différences jouent évidemment sur l'intercompréhension dialectale, et sur le choix du français comme lingua franca par les locuteurs traditionnels. Ces différences impactent-elles pour autant la structure même de la langue ? Pour répondre à cette question il faut documenter très précautionneusement les faits de variation syntaxique eux-mêmes.

diachronie de la variation dialectale

A ces divergences profondes sur la réalité grammaticale des divergences dialectales s'ajoute un désaccord des chercheurs quant à l'origine des variations dialectales.

Jackson (1967:6, 33), cité dans Le Dû (1997), considère que le moyen breton tardif constitue virtuellement un point antérieur à la différenciation des dialectes. Selon Fleuriot (1982:269), cité dans Le Dû (1997), la différenciation du vannetais remonte au XII°, puis la différentiation entre eux des dialectes KLT date du XVI°. Falc'hun, lui, soutient depuis sa thèse en 1951 que le parler vannetais a toujours été distinct, reflétant la différence entre le parler des Ossismes et celui des Vénètes.


méthodologies

inclure les données négatives

Étudier une langue revient à documenter ses limites, un peu comme dessiner demande de tracer des contours. La grammaire descriptive comme la grammaire générative utilisent pour ce faire les données agrammaticales (les données marquées par une étoile *). Les phrases agrammaticales, par définition, ne se trouvent pas en corpus et demandent un travail d'élicitation avec des locuteurs natifs, ce qui veut dire qu'on a besoin que quelqu'un dont le cerveau humain s'est développé avec la langue nous dise qu'une donnée particulière ne fait pas partie de cette langue.

Tout comme les données positives (les phrases grammaticales), les données négatives (les phrases agrammaticales) doivent être documentées en prenant en compte les coordonnées dialectales du locuteur: ce qui est lourdement agrammatical dans un dialecte peut être grammatical dans un autre. Selon Gros (1989:'aliez'), l'adverbe alies est composé de la préposition a suivie de lies, 'beaucoup'. Ce trégorrois natif qui écrit dans les années 60 ajoute que lies n'est plus jamais employé isolément. Cette source est solide et on est fondé à croire l'expertise de l'auteur mais cette vérité s'applique uniquement sur les variétés connues de lui. On trouve ainsi cinquante ans après des occurrences de lies employé seul dans la vallée du Scorff (Ar Borgn 2011).


(1) Gober a ra pleg-kein lies.
faire R fait plie-dos souvent
'Il courbe souvent l'échine.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:38)

se méfier des filtres normativistes

Dans le but de mesurer la variation syntaxique réelle, il est important méthodologiquement de ne pas analyser sans le savoir des données normativisées soit par la méthodologie d'enquête soit par la source choisie. On se méfiera particulièrement des corpus écrits édités qui rejettent ouvertement les tournures dialectales et modifient les données dans un but normativiste. En élicitation, il est important de dire, expliquer et répéter que les données recherchées sont celles d'un breton naturel, tel que la locutrice se le représente parler avec d'autres locuteurs natifs connus d'elle.

Variation morphologique vs. syntaxique

La variation morpho-phonologique, c'est à dire la variation dans la réalisation des éléments linguistiques, n'est pas en soi un fait de variation syntaxique. Ceci ne veut pas dire que la variation morphologique n'a pas d'impact sur la compréhension syntaxique interdialectale.

Dans les dialectes du vannetais 'aucun' est réalisé en erbet, une forme proche de la source de grammaticalisation le focalisateur de minimiseur er bed '(pas un) dans le monde'. En cornouaillais bord vannetais, seule la seconde syllabe est réalisée. En (1), un locuteur du vannetais serait fondé à interpréter une ellipse du prédicat de la copule ('Il n'y a rien/Il n'y en a aucun'). Il ne s'agit pas à proprement parler de variation syntaxique, mais l'interprétation de la structure en est tout de même impactée.


(1) N'eucheu tamm èr bét.
N'eus ket tamm aer ebet. Équivalent standardisé
ne1 y.a pas morceau air aucun
'Il n'y a pas un brin de vent.'
Cornouaillais (Riec), Bouzec & al. (2017:59)


Quantifier la variation syntaxique

matériel fonctionnel dialectal original

grammaticalisations

La grammaticalisation est un processus d'évolution de la langue qui enrichit le contenu grammatical d'un élément, typiquement en transformant un élément lexical en élément fonctionnel. Dans un contexte de langue minorisée où la diffusion des créations grammaticales est restreinte, ces grammaticalisations ont peu de chances d'être diffusées largement et deviennent donc des marques grammaticales d'une variété dialectale.

Quelques exemples:

  • la conjonction d'opposition na boût 'zo Doue 'bien que, même si' qui est prononcée nabochdou en cornouaillais de l'Est et bord vannetais et na bout en vallée du Scorff.
  • le complémenteur déclaratif penaos 'que', une grammaticalisation de l'interrogatif de moyen de même forme. On le trouve en Trégor et Poher, aussi relevé à Plouider ou St. Thégonnec en Léon, ou en vannetais.
  • le complémenteur déclaratif la(r) 'que' qui est une grammaticalisation du verbe lavarout 'dire' répandue dans le coeur de l'aire centrale (Cornouaille à l'exclusion de l'extrême-Ouest - pays bigouden, Trégor et Poher à l’exclusion de l’extrême-Est – Pelem).
  • la préposition dezit ou de-zit, grammaticalisation de da sellet 'pour regarder', relevée par Ternes (1970:317) à Groix avec le sens 'par rapport à, en comparaison de'.


la préposition généraliste émergente de l'aire centrale

Dans l'aire centrale a émergé en breton moderne une préposition généraliste deus pour ouzh, diouzh et eus (Académie bretonne 1922:292). Ce creuset a aussi absorbé la préposition dimeuz qui était concurrentielle avec eus dans le coeur de l'aire centrale en breton pré-moderne. Cette préposition irradie en Vallée du Scorff, et sur les bords du Léon on la trouve sous la forme dac'h, à Saint-Pol-de-Léon et jusqu'à Plougerneau.

Cette préposition généraliste est exogène au Léon de l'Ouest dont Ouessant, ainsi qu'au breton standard. En vannetais, on trouve la préposition doc'h qui a absorbé diouzh et ouzh, mais pas l'équivalent vannetais de eus qui est ag.


les pronoms forts post-verbaux de Saint Yvi

German (2007) relève dans la syntaxe du breton de Saint Yvi des formes nouvelles comme la création d'un paradigme partiel de pronoms sujets forts qui n'ont pas besoin d'être focalisés, et qui pourtant peuvent apparaître dans le champ du milieu sans que le verbe tensé ne déclenche d'accord.


(1) Ma mamm a breparé traou dom benn zigoue ahanom ba'n ger...
mon2 mère R1 préparait choses à.nous quand1 arrivait P.nous dans le 1foyer
'Ma mère nous préparait des choses quand nous rentrions...'
Cornouaille (Saint-Yvi), German (2007:179)


les pronoms impersonnels non-sujets du Léon

Les auteurs du Léon Fave et Seite ainsi que le cornouaillais Ar Gow montrent un paradigme de pronoms impersonnels incorporés dans les prépositions et un réflexif impersnnel an unan. Ces faits sont rares mais vivants au XXI° siècle (Rezac & Jouitteau 2015). Ailleurs, et même en Léon, ils ne sont pas compris.


(2) Ar skiant-prenet eo ar pezh a zesker dreizeur an-unan.
le science-acquis est ce que R1 apprend.on par.IMP le unan
'L'expérience c'est ce qu'on apprend par soi-même.'
Léon (Kerlouan), A.M., cité dans Rezac & Jouitteau (2015)


Ces pronoms impersonnels peuvent exclure le locuteur.

(3) [CONTEXTE: Un psy à un autre, à propos d'un groupe de patients]
Gwelout a ran mat emeur o vond doun enneur an-unan.
voir R1 fais bien est.on à4 aller profond en.IMP le unan
'Je vois bien qu'on va profond dans soi-même.'
Léon (Kerlouan), A.M., cité dans Rezac & Jouitteau (2015)


les pronoms démonstratifs pluriels synthétiques du Trégor

Dans toute l'aire centrale brittophone, on trouve des formes ar re-ze, ar re-ma 'ceux-ci, ceux-là' avec un pluriel externe (Favereau 1997:§264). L'ensemble du composé démonstratif est devenu un syntagme nominal synthétique opaque, en bordure duquel les morphèmes apparaissent, ce qui est un indice de la régularisation du paradigme des formes plurielles sur les formes synthétiques du singulier. En Trégor, cette évolution montre un pas de plus car les formes montrent un effacement du morphème re, et n'ont plus que -où comme seule forme du pluriel (ar se, ar ma, trégorrois, Hewitt 2001, Le Dû 2012:71). Sur l'ensemble peut alors se suffixer un diminutif ([ mawéķ], (ar) maoùig à Plougrescant, Le Dû 2012:69). D'autres dérivations deviennent possibles pour ces pronoms synthétiques, comme ar re-maniz, 'ceux ou celles d’ici, habitant ici' rapporté dans Favereau (1997:§264).

La différence de ces formes nouvelles avec la forme analytique standard ar re-se, ar re-mañ est considérable.


les pronoms interrogatifs

Les pronoms interrogatifs sont des marqueurs dialectaux connus (cf. la page de ce site sur les mots interrogatifs). L'utilisation de l'un ou l'autre a rarement d'impact sur le reste de la phrase.

  • L'interrogatif de manière pegiz est restreint au cornouaillais de l'Est, et est réalisé ailleurs par les formes penaos ou peseurt mod (ALBB carte 519), ou peneuz en breton central (Wmffre 1998).
  • L'interrogatif de lieu statique et dynamique pelec'h marque le KLT et le standard quand le vannetais distingue la provenance de la destination, en utilisant respectivement peban et emen. La même opposition existe à Groix (provenance: /zo-men/, 'd'où?'; location /imen/, Ternes 1970:227).
  • L'interrogatif de temps ('quand') se trouve sous différentes formes; peur en Léon, pedavare, pelare, pevare dans le sud de l'aire centrale (pezavare dans Trépos 2001:§322, /pøz'va:re/ à Plozévet; Goyat 2012:211), pegoulz au nord-est, (voir la carte 518 de l'ALBB), /pəxeir/ à Groix (Ternes 1970:228), e pezh kours en vannetais à Arradon (Audic 2011:15)...


En KLT, les interrogatives peuvent de façon optionnelle ajouter une préposition da (Petra da ober?).


verbes défectifs

Dans l'Est du territoire parlant, en trégorrois, en Pélem et en vannetais, emañ 'être' est restreint à la troisième personne (Favereau 1997:§416, carte 63 de l'ALBB qui traduit 'Je suis en train de manger', 'Nous sommes en train de manger'). Dans ces dialectes, la copule eo supplée au paradigme défectif. La restriction à la personne 3 n'existe pas en Cornouaille, en Léon, en Poher, et elle n'est pas représentée en standard.

Ceci a une influence sur l'ordre des mots, car si emañ peut apparaître en initiale de phrase, la copule eo ne le peut normalement pas.


règles syntaxiques dialectales originales

système des particules préverbales a/e

Les particules préverbales apparaissent uniquement devant les verbes tensés, et sont sensibles à l'élément qui les précède. Certains dialectes ont deux rannigs. En Léon et en vannetais, a1 suit les constituants nominaux sauf les prédicats nominaux, plus en Léon les résultats de mouvement A-bar. La particule est e4 ailleurs. La Cornouaille proche du Léon s'aligne. En cornouaillais de l'Est, ce système est intact à Lanvenejen (Evenou 1987), mais pas à Gourin, Faouët, Scaër ou Riec (Martin 1929, Bouzeg 1986) qui suivent le breton central.

Les dialectes de l'aire centrale n'ont qu'un seul rannig comme le breton central, ou en Cornouaille jusqu'à Douarnenez (Denez 1977), Pont-l'Abbé (Habask 1983:114) et Plozévet (Goyat 2012:282) contra Trépos 1980:96).

En périphérie de l'aire centrale, apparaissent de multiples irrégularités. Kervella (1972:35) suit les participes par a1, ce qu'on retrouve en trégorrois. Le trégorrois semble user d'un système de rannig unique provoquant la lénition (Stephens 1982:25, mais voir Le Clerc (1986:63-4, Fave 1998:51), avec pour Plougrescant une grammaticalisation du rannig e4 en complémenteur déclaratif (contra Le Dû 2012:105). Les rannigs alternent à Sein, mais on y trouve des lénitions inattendues.


règles de conjugaison du verbe kaout/endevout 'avoir'

Il est bien connu que la morphologie d'accord du verbe kaout/endevout montre une variation dialectale consistante. Les règles de conjugaison de ce verbe changent aussi de dialecte en dialecte (Jouitteau & Rezac 2008, 2009, voir aussi la page de ce site sur kaout).

En breton standard, kaout s'accorde en nombre et en genre avec son sujet, que celui-ci soit lexical ou pronominal, incorporé ou non. A Plougrescant aussi, ce verbe s'accorde en genre, mais un sujet lexical, s'il est postverbal, déclenche soudainement l'accord pauvre, premier pas vers la régularisation du verbe sur l'effet de complémentarité. Dans les autres dialectes, l'accord ne se fait pas en genre. En Léon, kaout s'accorde en nombre avec tout sujet mais pas en genre. En breton central, en cornouaillais de l'Est et jusqu'à Tréguier, le verbe se régularise sur les autres verbes de la langue et montre un effet de complémentarité où tout sujet non-incorporé déclenche un accord pauvre 3SG. Le vannetais montre aussi l'effet de complémentarité, parfois sans accord en genre. Un sujet lexical de troisième personne, singulier ou pluriel, déclenche un accord pauvre 3SGM. Le vannetais est unique à travers les dialectes à permettre un pronom objet direct après le verbe 'avoir’, et à montrer un paradigme entier pour le verbe infinitif ("infinitif conjugué").


accord avec un sujet postverbal à Plougerneau

A Plougerneau, un verbe tensé peut montrer un accord riche avec un sujet lexical si celui-ci est postverbal. Cette possibilité est agrammaticale dans les autres dialectes.


(2) Louedañ { a ra / a reont } buan ar c'hraonvPL.
moisir R fait / R font vite le 5noix
'Les noix moisissent vite.'
Léon (Plougerneau), M-L. B. (01/2016)

antéposition de O + Verbe

En cornouaillais de l'Est, il semble y avoir un évitement des structures à antéposition de [o + Verbe]. Kennard (2013:179, 203) montre que parmi trois générations de locuteurs interviewés autour de Quimper, les phrases progressives commençant par o + verbe infinitif en tête, de type O tebriñ avaloù emañ ar paotr, 'Le garçon est en train de manger des pommes', sont produits par les jeunes générations mais elle n'en relève pas chez les locuteurs traditionnels.

H.G. est bilingue en standard et en parler de Scaër/Bannalec. Elle peut utiliser le standard o kouezhañ ou le dialectal 'kouezho, mais pas prononcer la particule pour donner o kouezho. Or, la petite proposition standard est antéposable, mais pas la version dialectale. Toute phrase commençant par Kouezho... est interprétée par la locutrice comme une conjugaison analytique en ober (Kouezho a ra...).


(1) Ma loeroù zo { o kouezhañ / 'kouezho / * o kouezho ! }
mon2 chaussette.s est à4 tomber
'J’ai les chaussettes qui descendent.'
Scaër/Bannalec, H. Gaudart (03/2017)


(2) { O kouezhañ / * ' Kouezho } ema ma loeroù !
à4 tomber / à4 tomber est mon2 chaussette.s
'J’ai les chaussettes qui descendent.'
Scaër/Bannalec, H. Gaudart (03/2017)


L'impossibilité de [o + Verbe] à l'initiale n'est en tout cas pas partagé par tous les dialectes, car on trouve une telle antéposition à Sein (Kersulec 2016:27), à Saint-Pol-de-Léon (Avezard-Roger 2004a:217), ou à Duault (Avezard-Roger 2004a:281).

antéposition de ac'hanon, anezhi

En standard et dans la plupart des dialectes (1), un pronom objet postverbal incorporé dans une préposition support a (de type ac'hanon, anezhi...) ne pourrait pas être focalisé en zone préverbale, où l'objet doit apparaître comme un pronom fort indépendant. A Saint-Pol-de-Léon, cependant, cette antéposition est possible (2).


(1) { C’hwi / * Ac’hanoc’h } am eus gwelet er marc'had gant ur garrigellad avaloù.
vous / P.vous R.1SG a vu en.le marché avec un1 char.iot.ée pomme.s
'C'est vous que j'ai vu au marché avec un chariot de pommes.'
Standard, Kerrain (2001)


(2) Anezhi e welan.
P.elle R4 vois
'Je la vois, c'est elle que je vois.'
Saint-Pol-de-Léon, Avezard-Roger (2004a:419)

résomption du sujet

Les dialectes du Sud doublent le sujet par un pronom résomptif incorporé dans une préposition support dans les contextes négatifs faibles (voir la résomption du sujet 'à la Cornouaillaise').


(3) Ne glev netra anezañ.
ne1 entend rien P.lui
'Il n'entend rien.'
Cornouaillais, Trépos (2001:444)


interprétations dialectales originales

hennezh inanimé

Le pronom démonstratif hennezh peut, tout du moins en trégorrois, référer à un inanimé.


(1) Hennez n'eo ti ebet.
celui.ci ne1 est maison aucun
'Cela, ce n'est pas une maison.'
Trégorrois, Gros (1984:197)


piv inanimé

A La Forêt Fouesnant, piv peut référer à un inanimé pour lequel le standard et les autres dialectes utiliseraient petra.


(2) pij da gɔ̃ te dɔX...
Piv yan da gontan deoc'h...
qu(o)i vais pour1 conter à.vous
'Qu'est-ce que je vais te raconter... '
La Forêt Fouesnant, Avezard-Roger (2004a:218)


(2) ma pju lakefən ve da fesən
Ma piv lakefen 'vit mont da fesen?
mais qu(o)i mettrais pour1 aller à fête
'Qu'est-ce que je pourrais mettre pour aller à la fête ?'
La Forêt Fouesnant, Avezard-Roger (2004a:189)

pronom fort à lecture de variable liée

D'habitude, à travers les dialectes, les pronoms forts indépendants du breton supportent mal les lectures de variables liées, où on trouve plutôt la tête nominale (an) hini ou son pluriel (ar) re. Une lecture standard de la phrase en (1) de La Forêt Fouesnant donnerait plutôt 'Il est fou et il ne comprend pas celà'.


(1) sud ma ɔ̃ a gɔ̃ pʁɛn ket n dʁa s
Sot ema ha (ne) gompren ket an dra-se.
sot est lui que 1comprend pas le 1chose-ci
'Il est fou celui qui ne comprend pas cette chose.'
La Forêt Fouesnant, Avezard-Roger (2004a:139)

négation

réalisation du ne et conséquences

Les variations dialectales quant à la réalisation de la négation peuvent conspirer pour produire des sens opposés. En (2), le breton de Ouessant a grammaticalisé le nom tamm 'morceau' en mot négatif, c'est-à-dire que ce mot peut apporter sémantiquement une négation à lui seul dans la phrase. Cette grammaticalisation provient d'un usage large dans ce dialecte des négations préverbales non-réalisées. Dans les dialectes traditionnels, et surtout ceux où l'article peut facilement n'être pas prononcé - ce qui rend difficile le repérage des noms nus, ces phrases seraient interprétées comme positives, avec un sens donc radicalement opposé.


(2) Bez' 'peus tamm kavalier ? Eus ket kavet eur havalier deoh euz a Eusa ?
être avez morceau cavalier (ne1) est pas trouv.é un 5cavalier à.vous de de1 Ouessant
'Tu n'as pas de cavalier ? Il ne t'a pas été trouvé de cavalier de Ouessant ?'
Ouessant, Gouedig (1982)


(3) ar re 'doa tamm deñved a gave brao mond da zelled.
le ceux avaient morceau mouton.s R1 trouvait beau aller à1 regarder
'ceux qui n'avaient pas de moutons aimaient aller regarder.'
Ouessant, Gouedig (1982)


accord et sujet prénégation

La plupart des dialectes imposent l'accord riche avec un sujet prénégation, mais il existe des exceptions dans les dialectes du Sud.

structure informationnelle

Dans le domaine de la structure informationnelle, les changements entre les dialectes traditionnels et la langue standard sont notables.


valeur du sujet dans les ordres SVO

Les lectures disponibles pour les ordres SVO sont différentes à travers les dialectes, en particulier entre le vannetais qui en fait un usage plus large et les dialectes KLT.

Dans un mouvement de différenciation d'avec le français, le dialecte standard appauvrit la diversité des lectures des structures SVO des parlers traditionnels (pour plus de détails, se reporter à la page de ce site sur les ordres SVO).


lecture du sujet devant la négation

En standard, un sujet devant une négation est nettement restreint à une lecture de focalisation. Cet effet n'est pas documenté dans les dialectes traditionnels (pour plus de détails, se reporter à la page de ce site sur le sujet prénégation).


la construction du faux sujet ?

La construction du faux sujet de type Me 'zo laouen ma c'hoar 'Ma soeur est contente' semble beaucoup plus répandue en corpus de locuteurs traditionnels que dans le parler standard. Il faudrait vérifier la constance dialectale de ce décalage, et vérifier qu'il ne s'agit pas d'un décalage indépendant entre oral et écrit.

A ne pas confondre: variation dialectale ou variation autre ?

variation vs. breton standard

Dans la mesure où ses locuteurs sont natifs de la langue, le breton standard est une variété particulière de breton parlé. Pour une étude des particularités de cette variété, se reporter à la page sur le breton standard.

variations générationnelles

évolutions de la langue

La variation dialectale peut être diachronique, et un fait linguistique qui fut historiquement stable peut devenir propre à une génération en particulier.

Kennard & Lahiri (2017) notent que la particule o4 'à' du progressif a tendance à n'être pas prononcée par les générations du XX°, alors que les plus jeunes générations tendent à prononcer cette particule o. La léniprovection provoquée par la particule, elle, est stable.


évitements lexicaux

Un autre critère générationnel souvent mentionné dans les représentations sociolinguistiques est l'attitude par rapport aux emprunts récents du français, supposé différent entre les générations. En fait, mis à part les jeux de code-switching volontaires propres aux bilingues, l'attitude des locuteurs natifs quant à l'emprunt accidentel est nettement une attitude de rejet.

Cependant, la représentation que chaque locuteur a de son interlocuteur joue un rôle considérable qui a un impact certain sur la communication intergénérationnelle.


rejet des emprunts identifiés comme accidentels

Ce qui est un emprunt ou pas n'a pas d'impact sur les stratégies langagières des locuteurs. C'est précisément ce qui est conscientisé par eux comme un emprunt récent qui a déclenche un rejet. Les générations du XX° siècle parlant les dialectes traditionnels employent couramment des mots installés de longue date en breton qui sont en fait historiquement des emprunts anciens au français, ou au gallo. Que ces locuteur soient conscients que tel ou tel mot est un emprunt linguistique au domaine roman ne change pas leur usage. Aucun locuteur n'évite l'adverbe morse 'jamais' sous prétexte qu'il s'agit d'un emprunt au gallo morcé 'morceau' (Ernault 1892b:353, un morcè de chè 'un morceau de viande', Auffray 2007), ou provient de la même racine que le français morceau ou morceler. Même lorsque l'emprunt est plus transparent, tant qu'il n'est pas identifié comme récent, et que ce mot est adopté, installé dans le lexique usuel validé par la communauté de locuteurs, il n'est pas évité par les locuteurs natifs traditionnels. La phrase en (1) illustre l'emprunt transparent dans un manuscrit de 1905 de l'adjectif français magnifique pour former un adverbe en breton du Léon.


(1) Gouzout a reant magnifik, pétra â dlié erruout gant ô bugalé.
savoir R faisaient pertinemment quoi R1 devait arriver avec leur2 enfant.s
'Ils savaient pertinemment ce qui devait advenir de leurs enfants.'
Léon (Lesneven, 1905), Burel (2012:38)


Linguistiquement, un emprunt installé de longue date et un emprunt du jour même peuvent être réalisés de la même exacte manière, utiliser les mêmes mécanismes d'adoption (adaptation aux système des mutations, au système phonologique, ajout de suffixes bretonnisants, etc.). Les locuteurs ne réagissent pas à l'emprunt lui-même, ou à son mode de réalisation lignuistique mais à ce qu'ils interprètent à tord ou à raison comme de l'innovation. Les emprunts récents sont rejetés comme agrammaticaux. Les locuteurs qui commentent des emprunts récents les associent à des stratégies palliatrices d'apprenants L2, ou plus globalement à un état francisé de la langue.

Ceci est vrai des locuteurs traditionnels des plus vieilles générations comme des jeunes locuteurs natifs. L'attitude de rejet d'un emprunt récent au français ne fournit pas de contraste entre les générations.


la variation dialectale crée un faux effet de francisation

La variation dialectale dans un pays bilingue fait ressentir à un locuteur donné une fausse impression de francisation excessive des autres variétés. Chaque variété de breton a, au fil d'une longue histoire de contact avec le français, adopté des éléments différents de la langue en contact. La préposition durant est par exemple un emprunt transparent au français. On la trouve en breton du Sud-Est : elle est attestée en vannetais, à Groix, dans la vallée du Scorff et en cornouaillais de l'Est maritime. Pour les locuteurs traditionnels de cette aire parlante, durant est un mot installé en breton traditionnel. Pour les brittophones d'autres variétés cependant, il s'agit soit d'un mot incompréhensible, soit d'un mot du français.


(1) Traoù krizv en deus gwelet durant ar brezel.
choses atroce R.3SGM a v.u pendant le guerre
'Il a vu des choses atroces durant la guerre.'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:13)


L'effet de francisation des dialectes non-connus est proportionnel à la restriction dialectale d'un locuteur donné. Plus ce locuteur est restreint à une et seule variété, plus il interprète les emprunts traditionnels d'autres dialectes comme des signes de francisation. Plus au contraire le locuteur maitrise de multiples formes traditionnelles, moins l'effet de francisation est fort. Ce locuteur reconnaît un stock plus important de mots historiquement empruntés au français comme installé dans le lexique breton, même si cela peut être par des communautés différentes. Le spectre dialectal d'un locuteur donné influe donc sur son attitude vis-à-vis des emprunts.

Les générations ne sont pas différentes dans leur attitude vis-à-vis des emprunts, mais leur brassage dialectal peut, lui, être prototypiquement différent et donc faire varier l'intensité de l'effet d'exotisation. Présentée à la phrase en (2), une jeune trentenaire du Sud-Est dont la variété oscille entre le léonard et le standard, identifie nettement durant comme un emprunt récent au français et le rejette pour cette raison (I.G. (08/2018)). Cette locutrice a cependant passé toute sa scolarité dans cette zone du Sud-Est, dans l'Est de la Cornouaille, avec une familiarité déclarée avec le vannetais. Son aire parlante excède mais contient une partie de celle de l'usage traditionnel de durant. Dans un échange intergénérationnel sur cette même aire, une jeune locutrice du XXI° peut, en réagissant comme une locutrice traditionnelle qui serait d'un autre dialecte, importer l'effet d'exotisation au cœur de l'aire parlante.


(2) un den ha 'laboura mat durant an deiz 'vez ket kavet bepred.
un homme C (R)1 travaille bien pendant le jour est pas trouv.é toujours
'On ne trouve pas toujours un homme qui travaille bien toute la journée.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:50)
performativité des représentations

L'attitude des locuteurs quant aux emprunts lexicaux récents, que l'innovation soit réelle ou présumée, joue un rôle considérable dans les échanges entre variétés linguistiques différentes, et en particulier entre générations différentes.

Dans l'échange, soupçonner que quelqu'un emprunterait préférablement au français implique de ne pas utiliser en vocabulaire breton de mots qui pourraient entrainer confusion. Cet effet n'est pas exclusif à une génération en particulier. Il joue dans les échanges internes à une génération, et est démultiplié dans l'échange inter-générationnel. En cela, il a un impact considérable sur la passation.

Deux locuteurs ayant la même attitude vis-à-vis des emprunts et le sachant n'ont pas de mal à décider en (3) que /briz/ est le nom breton de la couleur grise, et non un emprunt au français brise 'petit vent'. Mais si l'un ou l'autre du locuteur ou de l'interlocuteur pense de l'autre qu'il est susceptible d'emprunter au français, alors la voyelle de l'article de prononciation dialectale er au début de la phrase est réinterprétée comme la préposition standard e 'dans, en' en morphème porte-manteau avec l'article (e + ar > er 'dans le/la'). Le sens de la phrase devient alors 'En mer, il y a de la brise'.


(3) Er mour zo briz.
Ar mor zo brizh. Équivalent standardisé
le mer est gris
'La mer est grise, brouillée.'
Cornouaillais (Moëlan), Bouzec & al. (2017:155)


Une insécurité linguistique quant au ciblage dialectal de l'interlocuteur amène donc à réduire le lexique breton, à favoriser les formes comprises comme sûres, c'est-à-dire le passage au français, le passage à ce qui est représenté comme standard, ou même un changement de stratégie en favorisant ouvertement les emprunts. Cet effet est aussi observable entre locuteurs qui possèdent en fait la même richesse lexicale. Si l'effet est clair lorsqu'un ancien s'adresse à un plus jeune, il existe aussi à l'inverse. Un ou une locutrice jeune peut raisonnablement penser devoir se défaire de la suspicion d'avoir effectué un emprunt et cherchera aussi plausiblement à éviter une construction ambigüe.

variation stylistique

La variation dialectale croise la variation stylistique ou de niveau de langue, mais les deux doivent être distinguées.

Un niveau de parler argotique ou familier préserve prototypiquement les règles de syntaxe d'un dialecte donné, mais varie profondément au niveau lexical.

Un dialecte, au contraire, est une variété syntaxique différente. Un bon exemple est celui des règles de conjugaison du verbe 'avoir' en breton. Ce verbe montre une variation dialectale très grande selon les dialectes (accord ou non-accord avec un sujet pronominal ou lexical, devant ou derrière lui, avec ou sans distinction de genre...). Dans ces variations dialectales, aucune variation lexicale n'est en cause.


orthographe

L'histoire des différents systèmes orthographiques en Bretagne a lié le développement de différentes orthographes à des dialectes particuliers. C'est un fait historique, sociologique et politique, et c'est un fait qui a un rapport avec la langue, mais c'est un fait indépendant de la réalité linguistique des locuteurs. Au niveau linguistique, le message existe d'abord et essentiellement dans son oralité. La façon dont ce message est transcrit sur papier, que ce soit dans chacune des différentes orthographes disponibles ou même en Alphabet Phonétique International, n'a rien à voir avec la variation dialectale de la langue en soi. Transcrivez un poème d'Anjela Duval avec des lettres de l'alphabet grec, il n'en deviendra pas pour autant un poème grec.

Si l'étude de l'orthographe est liée à celle de la variation dialectale, c'est lorsque le jeu des orthographes révèle un fait dialectal. En ce sens, pour l'étude de linguistique proprement dite, les systèmes d'orthographe divergents sont une source de données.

 D'Arbois de Jubainville (1896:66), en réponse à une demande d'établissement orthographe unifiée envoyée à la Revue Celtique XVII :
 "Pour donner à tous les Bretons la même orthographe, il faudrait réduire tous leurs dialectes à un; or, les différences grammaticales qui constituent les dialectes sont précisément un des points de vue auxquels le breton moderne est le plus intéressant aux yeux des érudits; ainsi, pour me borner à un exemple, les divergences entre le Vannetais et le Léonard jettent sur les origines de beaucoup de mots bretons une lumière qui sans cela nous ferait défaut. Le but de la Revue Celtique, dans sa partie linguistique, est d'observer les caractères que nous offrent les diverses langues néo-celtiques, soit dans les Iles-Britanniques, soit sur le continent, et d'en conclure des lois linguistiques ou des faits historiques; ce but n'est pas de réformer quoi que ce soit dans ces langues, rien ne serait moins scientifique."

géographie vs. variation

Une idée répandue est que la géographie influe sur les variétés linguistiques. Cela est vrai dans la mesure où, effectivement, les variétés linguistiques sont pour la plupart géographisées, représentables, au moins pour une approximation, sur des cartes. Cela est aussi vrai dans la mesure où une frontière naturelle, comme une montagne ou surtout pour la Bretagne une rivière, peut restreindre des échanges humains et donc être à l'origine d'absences de contacts qui laissent perdurer des distinctions dialectales. Les géographies humaines, c'est-à-dire espaces où vivent des groupes humains qui échangent pour des raisons culturelles, économiques, religieuses, etc. dessinent effectivement de fait des géographies linguistiques. Les lignes de séparation des dialectes du breton correspondent souvent à de telles géographies humaines (voir Costaouec 2012 pour une étude sous cet angle du dialecte de la Forêt-Fouesnant).

Là s'arrête l'influence de la géographie physique sur les variétés langagières. Il serait beaucoup plus téméraire de postuler que la géographie en elle-même influe sur la matière langagière. Il existe des exemples en phonologie, comme Everett (2013) qui note une corrélation statistique entre les langues qui utilisent des consonnes éjectives et les zones de haute altitude, où la densité de l'air est moindre. Concernant la syntaxe des langues humaines, il n'existe au monde aucune donnée ou hypothèse comparable.

Diachronie

L'étude de la variation dialectale est en soi celle d'une diversité linguistique à un moment donné (variation synchonique), mais cette étude peut se mener pour une époque non-contemporaine, ou même avec une profondeur diachronique si l'on observe l'émergence ou la disparition de varitions linguistiques.

Le Roux (1957:16) considère que le groupes dialectaux du XX° étaient déjà distingués en moyen breton oral, même si les textes étaient néanmoins rédigés en standard littéraire, vannetais ou KLT. Même si la plupart des autres textes ne trahissent le dialecte de l'auteur que par quelques formes, le Catholicon (1464) est par exemple de variété nettement trégorroise. Le Roux (1957:17) date l'émergence de textes écrits réellement dialectaux, trégorrois ou cornouaillais, du début du XX°.

Les textes moyen breton ou de breton pré-moderne qui ont été réédités de nombreuses fois, et traduits d'un dialecte à l'autre, fournissent un matériel de choix pour l'étude des dialectes. Le Goaziou (1950) appelle ainsi les linguistes à se saisir de l'étude des collocoù: "dans les éditions Galles, de Vannes, à la fin du XVIII° ou au début du XIX°, on peut étudier l'adaptation méthodique du dialecte vannetais à un texte léonard composé en 1717 à Morlaix."

L'étude diachronique de la variation peut aussi documenter les variétés qui disparaissent comme, sur la frontière linguistique Est du domaine brittophone (Sébillot 1878) qui marque l'évolution historique de la ligne de contact entre les différents dialectes bretons, le gallo et le français.

Terminologie

Les termes de patois ou de forme patoisante, hormis leur valeur plus ou moins péjorative, renvoient à des formes dialectales.

De même en breton pour les termes comme trefoedaj, trefoedadur utilisés entre autres dans Kervella (1947).

Bibliographie

breton

  • Costaouec, Denis. 2012. 'Linguistic geography of Breton and sociocultural motivations', STUF - Sprachtypologie und Universalienforschung 65(1), 47–64. texte.
  • Desseigne, A. 2015. 'Etude de la microvariation en breton. Enquêtes à Trégunc et Névez (Sud-Finistère)', Denis Costaouec & Tanguy Solliec (éds.), Actualité de la recherche sur le breton et les langues celtiques, jeunes chercheurs, Emgleo Breiz, 20-46.
  • Jouitteau, M. 2020a. 'Standard Breton, traditional dialects, and how they differ syntactically', Journal of Celtic Linguistics 21, 29–74, texte.
  • Jouitteau, M. et M. Rezac. 2008. 'From mihi est to have across Breton dialects’, Paola Benincà, Federico Damonte and Nicoletta Penello (eds.), Proceedings of the 34th Incontro di Grammatica Generativa, Unipress, Padova, special issue of the Rivista di Grammatica Generativa, vol. 32., 161 - 178. texte
  • Sébillot, Paul. 1878. 'Sur les limites du breton et du français, et les limites des dialectes bretons', Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris 1-2, 236-247, texte.
  • Solliec, Tanguy. 2017. 'Explorer la variation en breton grâce à la dialectométrie : la Basse-Bretagne considérée par la distance linguistique', Mannaig Thomas & Nelly Blanchard (éds.), La Bretagne Linguistique 21, CRBC.

français

  • Pooley, T. and Kasstan, J. R. 2016. 'Les variétés régionales non-méridionales de France: nivellement; dédialectalisation; supralocalisation', Sociolinguistica 30 (1): 175-198. texte.


ouvrages théoriques

  • Brandner, Ellen. 2020. 'A “borderline case” of syntactic variation', Glossa: A Journal of General Linguistics 5(1), 25. DOI: http://doi.org/10.5334/gjgl.606.
  • Everett Caleb. 2013. 'Evidence for Direct Geographic Influences on Linguistic Sounds: The Case of Ejectives', PLoS ONE 8(6):e65275.