Différences entre les versions de « En ur »
(Aucune différence)
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Version du 27 novembre 2012 à 17:20
L'équivalent du gérondif français est en breton une nominalisation verbale introduite par en ur, un composé morphologique qui "semble" être composé de la préposition e(n) suivie de l'article ur.
(1) | Gout' ouie | en ur | sevel, | da betra | e vefe kinniget | an devezh. |
savoir R savait.3SG | en | lever | à quoi | R serait employé | le journée | |
'Elle savait (bien), en se levant, à quoi serait employée la journée.' | ||||||
standard, Ar Barzhig (1976:29) |
Morphologie
Le composé invariable en ur est une particule qui provoque une lénition sur le verbe infinitif qui le suit immédiatement. Ce déclencheur de lénition est représenté ici par le chiffre 1 en exposant:
- Trépos (2001:§86)
Le composé est parfois présenté comme un composé comprenant la préposition e(n), 'dans', suivie de l'article indéfini ur (Trépos 2001:§350). A l'appui de cette hypothèse, on pourrait citer des structures comme en (2), où au lieu d'un syntagme nominal comme pennad tizh, on aurait la possibilité de sélectionner un verbe.
(2) | Ha diskenn a ra, | en ur pennad tizh, | gant an diri. | |||
et descend R fait | en un coup vitesse | avec le escalier | ||||
'Et il descend, en coup de vent, les escaliers.' | standard, Drezen (1990:29) |
L'usage de la préposition spatiale en, marque de la coïncidence entre la figure et le fond, n'aurait non plus rien d'étonnant dans un usage de calcul temporel de coïncidence entre deux actions. On peut construire un parallèle parlant avec d'autres prépositions qui marquent la coïncidence entre la figure et le fond: war et ouzh, 'sur', qui sont utilisées pour former le mode progressif.
Cependant, plusieurs arguments montrent que le ur dans le composé n'est pas morphosyntaxiquement identique avec ur l'article indéfini.
- - Ces structures n'existent tout d'abord pas avec la variante définie de l'article (*en ar pennad tizh).
- - La lénition que provoque le composé affecte moins de consonnes que la lénition opérée par un article indéfini le ferait sur un nom. Ceci suggère que l'article dans le composé n'est plus syntaxiquement un article, même de façon abstraite (voir le tableau des lénitions).
- - L'article indéfini dans le DP existe sous les différentes formes un, ul, ur, dépendant de la consonne initiale du nom qui le suit. Dans le composé en ur, il n'existe pas de telle variantes (*en un, en ul).
En synchronie tout du moins, il est donc évident que la particule en ur n'est plus décomposable.
Syntaxe
La particule en eur/en ur précède toujours directement un verbe infinitif, ou ses proclitique potentiels.
(x) | Me, atao, | a huñvree | en eur en em | lakaad e stad | ar baotred faro ... | |
1SG toujours | R rêvait | en ur reflex | mettre dans état | le gars fiers | ||
'Moi, toujours, je rêvais en me mettant à la place des gars fiers...' | ||||||
Uhelgoat, Skragn (2002:96) |
Elle sélectionne un VP comme argument interne.
Le sujet de ce VP est toujours coréférent avec celui de la principale.
Trépos (2001:§350) considère que en eur forme un gérondif qui équivaut à une subordonnée circonstancielle (temps, cause, condition, moyen...).
Selon Fave, au contraire, (1998:133,br.), une propriété distinctive des structures dont la tête est en ur est qu'elles ne sont jamais subordonnées. Il ne justifie pas cette remarque.
Sémantique
Comme le gérondif en français, ce composé est utilisé pour la coïncidence temporelle ou, sans doute par extension, le moyen.
coïncidence temporelle
(1) | Setu, en ur1 | [VP | zont | d'ar gêr ] | e choment a-sav | eno neuze. | |
voici, | aller | à le maison | R restaient P-debout | y alors | |||
'Donc, en rentrant à la maison, ils s'arrêtaient là.' | Léon, Mellouet & Pennec (2004:79). |
(2) | [xagãza | nur | ze:biɲ] | ||||
Int a gomza | en ur1 | [VP | zebriñ ]. | ||||
3PL R parlait | manger | ||||||
'Ils parlent tout en mangeant.' | Groix, Ternes (1970:252). |
(3) | gout' ouie | en ur sevel, | da betra | e vefe kinniget | an devezh. | ||
savoir R savait.3SG | ptc lever | à quoi | R serait employé | le journée | |||
'Elle savait (bien), en se levant, à quoi serait employée la journée.', | standard, Ar Barzhig (1976:29) |
(4) | Disoñj 'ya | nen 'ser | dont kozh. | |||||
oublieux va | on ptc | venu vieux | ||||||
'On perd la mémoire en vieillissant.' | Haut-cornouaillais (Rieg), Bouzeg (1986:30) |
moyen
(2) | Nemet unan bennak | a | en em gave | da gaout | en ur1 | [VP | chipal]. |
seulement 1 quelconque | R | se trouvait | à avoir | chiper | |||
'Mais quelques uns arrivaient à en avoir en chipant.' | Léon, Mellouet & Pennec (2004:77) |
Trépos (2001:§350) donne:
En eur1 gemer a-gleiz e oen faziet. 'C'est en tournant à gauche que je me trompai.' Pinvidig eo deuet en eur1 laerez ar re all. 'Il est devenu riche en volant les autres.' Dond [R|a]] ri a-benn, en eur1 lakaad da nerz. 'Tu réussiras, si tu mets toute ta force, (en y mettant toute ta force).'
Variation dialectale
bordure vannetais-cornouaille
Cette structure est introduite en bas-vannetais et en haut-cornouaillais par la forme composée sar, qui ne provoque pas de mutation.
(1) | [ saʁ | [VP | mɔ̃n | tǝ ɥǝl | ǝʁ moh ] ] . | ||
sar | mont | da welet | ar moc'h | ||||
aller | pour voir | le cochon | |||||
'Tout en allant voir les cochons[, on boit un verre].' | Bas-vannetais, Cheveau (2007:212) |
(2) | 'ser | geipal Doue | (cf. standard 'galoupat') | |||||
courir Dieu | ||||||||
'en courant à toutes jambes.' | Haut-cornouaillais (Rieg), Bouzeg (1986:27) |
(3) | Petra 'gan | 'ser | mont d'an traoñ? | |||||
quoi R chante | aller à le bas | |||||||
'Qu'est-ce qui chante en descendant?' | Haut-cornouaillais (Rieg), Bouzeg (1986:36) |
trégorrois
En trégorrois de Tréguier, le réfléchi en em est prononcé de la même façon que en ur, l'équivalent du gérondif français.
(4) nõnn gɑ̃nnɑ̃, 'se battre', Tréguier (Plougrescant), Le Dû (2012a:38)
(5) Lênn ré nõnn gèrzed (standard: lenn a rae en ur gerzhed)
- lire R faisait en marcher
- 'Il lisait en marchant.', Tréguier (Plougrescant), Le Dû (2012a:72)
A ne pas confondre
L'équivalent du gérondif français en ur, puisqu'il peut marquer le moyen, a une sémantique partiellement coïncidente avec celle de la particule o. Comme noté par de nombreux auteurs (et surtout ceux qui se soucient de corriger les fautes des apprenants francophones), les particules en ur et o ne sont pas équivalentes (par exemple, Fave 1998:133,br.).
Trépos (2001:§350) note justement qu'en (10), les deux particules sont grammaticales mais que l'usage de la particule o permet d'avoir la lecture J'ai vu votre mère qui allait à Quimper. La particule o sélectionne effectivement un domaine non-tensé plus large qui comprend un pronom vide (PRO) qui peut être lié par, dans l'exemple ci-dessous, l'objet de la principale.
(10) | Ho mamm | am-eus gwelet | en eur1/o4 | vont da1 Gemper. | |||
votre mère | R.1SG-ai vu | ptc | aller à Quimper | ||||
'J'ai vu votre mère en allant à Quimper.', | Trépos (2001:§350) |
Une infinitive circonstancielle de moyen peut aussi s'exprimer par la préposition gant.
(11) | gant [SC | dont duman ] , | am gwelfet. | ||
avec | PROx | venir chez.moi | R.1SG verrezx | ||
‘Vous me verrez, pourvu que vous veniez chez moi.’ | Tréguier, Leclerc (1986:212) |
Bibliographie
- Stephens, J. 1983b. 'Talvoudegezh “o” hag “en ur”', Hor Yezh, 152:23-31.