L'objet

De Arbres

Un objet est le complément d'un élément transitif. Les éléments transitifs sont les prépositions (evit e frankiz, pour sa liberté) et les verbes (dieubiñ ar yer, libérer les poules).


Le(s) cas de l'objet

Il n'y a pas en breton de marquage casuel sur les noms qui soit prototypique de l'objet, tel que le marquage accusatif dans les langues latines. Les objets pronominaux, cependant, ont plusieurs formes qui peuvent être prototypiques de l'objet.



inventaire des formes morphologiques


(1) Ha me d' he c'hlask, al loenig paour, he gronnet em danter.
et moi de la2 chercher le animal.petit pauvre la2 envelopp.er en.mon2 tablier
'Et j'ai couru la chercher, la pauvre bête, je l'ai enveloppée dans mon tablier.'
Vannetais, Ar Meliner (2009:98)


Dans le domaine post-verbal, un pronom objet apparaît avec des marquages morphologiques divers suivant son mode. On distingue:


(2) Achuit-hi, achuit-hi 'ta.
achève-la achève-la 'donc
'Achève-la, achève-la donc.'
Vannetais, Ar Meliner (2009:98)



  • En vannetais, un pronom objet enclitique sur le verbe kaout 'avoir' apparaît avec un marquage casuel direct, comme -int en (3).


(3) Ma soudarded en deus-int lazhet a daoloù bazh, e-pad an noz hag o lakaet aze evit farsal.
mon2 soldat.s 3SGM a-eux tu.é à1 coup.s bâton pendant le nuit et les m.is pour rire
'Mes soldats les ont tués à coups de bâtons, pendant la nuit et les ont mis là pour rire.'
Vannetais, Herrieu (1994:85)


Le marquage casuel direct de l'objet postverbal après le verbe 'avoir' est restreint aux pronoms de troisième personne (Jouitteau & Rezac 2008, 2009). Les auteurs proposent de dériver cette exception et sa restriction aux pronoms de troisième personne par un effet de la contrainte personne/cas (PCC).

Syntaxe

place dans le syntagme verbal

L'objet est généré assez bas dans la structure, dans le groupe verbal, dans un constituant incluant le verbe et ses modifieurs, mais à l'exclusion du sujet (Hendrick (1988, 1990:150-158).

Cette position basse prédit qu'une série d'éléments apparaîssent à sa gauche, comme le sujet, une sous-partie du sujet ou un adverbe temporel. On peut aussi trouver à sa gauche l'objet indirect pronominal introduit par da.


(1) Bez' e tebr Mona he boued er gegin.
être R4 mange Mona son2 nourriture en.le cuisine
'Mona mange sa nourriture dans la cuisine.'
Standard, Press (1986:197)


(2) Toud e tasent d'ober o-unan al labourou.
tout R4 cherchaient à1 faire leur2un le travail.s
'Ils tâchaient tous à faire eux-mêmes les travaux.'
Léonard (Ouessant), Gouedig (1982)


(3) Fourlichou, hi ivez, a spias a-benn-kaer Leich.
Fourlichou elle aussi R1 aperçut tout.de.suite-très Leich
'Fourlichou, elle aussi, aperçut tout de suite Leich.'
Vannetais, Ar Meliner (2009:35)


En (4), c'est l'objet indirect qui apparaît à gauche de l'objet, incorporé dans la préposition da.


(4) Int a zeuy pa roy mammig dezho arc'hant.
eux R1 viendra quand/si donnera maman.DIM à.eux argent
'Ils viendront quand maman leur donnera de l'argent.'
'Ils viendront si maman leur donne de l'argent.'
Press (1986:210)


mouvements à l'initiale

L'objet peut être antéposé à l'initiale de phrase, avec ou sans effet de focus ou de topique.


focus, topique

Les ordres à objet préverbal sont souvent attachés à une saillance dans la structure informationnelle (topique ou focus). L'objet, s'il est focalisé doit apparaître en initiale de phrase, avant l'élément tensé (remontée par mouvement A-barre).


antéposition d'un indéfini

En breton, contrairement au français standard, il est possible d'antéposer un objet indéfini.


(5) Selloù rous a eostan get an holl …
[ regard.s roux ] R moisson.ne _ de le tous
'Je récolte DES REGARDS NOIRS de tout le monde … '
Vannetais, Herrieu (1994:87)


Cette règle qui s'applique aux éléments focalisés en breton est typique du français de Basse-Bretagne (voir l'article sur les ordres de mots à objet focal antéposé en franco-breton).

(6) "Du raccommodache" je peux bien faire _

Brest, Péron (2001:15)
antéposition d'un pronom objet

Un pronom fort indépendant peut apparaître à la personne 3 s'il s'agit d'un focus contrastif.


(1) Heñv meus gweled, pas hiņt.
lui 1SG.a v.u pas eux
'C'est lui que j'ai vu, pas eux.'
Hewitt (2001)


Les pronoms objets incorporés dans des prépositions, de type ac'hanon, anezhi ne peuvent être antéposés en zone préverbale que dans certaines variétés de trégorrois. Leur focalisation apparaît par la présence d'un pronom écho pour les personnes 1 et 2.


(2) Anout-te meus gweled.
P.toi 1SG.a v.u
'Je t'ai vue.'
Hewitt (2001)


La trégorroise Janig Stephens (1982:81) dit spécifiquement du pronom de type anezho qu'il n'est pas un pronom indépendant, ce qu'elle illustre par le fait qu'il "ne peut pas apparaître en position de topique". Il est plausible qu'une focalisation n'est pas plus grammaticale pour elle.


(3) * Anezho a gavas Lenaig war an aod.
P.eux R1 trouva Lenaig sur le côte
Stephens (1982:81)


objet initial sans focus ni topique

L'objet peut aussi, en breton, et c'est plus rare, apparaître en initiale de phrase sans être focalisé (4).


(4) Mêd [DP an êr ] he-deus _ da veza nevez?
mais le air 3SGF a de être nouveau
'Mais elle a l'air d'être nouvelle ?'
Léonard (Cléder), Seite (1998:95)


Dans ce cas, l'objet est remonté en dernier recours pour assurer l'ordre T2 (Jouitteau 2005/2010). Cela ne peut arriver que dans les cas où l'objet est originaire de la droite immédiate du verbe tensé dans le champ du milieu (Jouitteau 2007).

Cette règle T2, qui force le verbe tensé à apparaître en seconde place, n'est pas observable en français de Basse-Bretagne: le sujet y est obligatoirement préverbal et l'antéposition de l'objet sans focalisation n'y est pas possible (* Mais l'air elle a _ d'être nouvelle ?).


ellipse de l'objet

En breton, contrairement au français standard, l'objet peut être élidé. Parfois, son antécédent est présent dans la phrase ou saillant en contexte. Parfois non, et son interprétation fait appel à des calculs pragmatiques.


(1) Ma arhant-me, bepred, n'aint ket da fall, pa n'em eus ket _[ø]_.
mon2 argent-moi toujours ne1 ira pas à1 mauvais quand1 ne1 R.1SG a pas <argent>
'Mon argent, en tout cas, ne perdra pas de sa valeur puisque je n'en ai pas.'
Trégorrois, Gros (1989:'arhant')


(2) Piou ' rafe ket _[ø]_ ?
qui ne1 ferait pas <le>
'Qui ne le ferait pas ?'
Trégorrois, Gros (1984:256)


(3) Pa 'meus ket amzer, e kemeran _[ø]_.
quand1 1SG.a pas temps R4 prends <temps>
'Quand je n'ai pas le temps, je le prends.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:110)


ditransitifs

Dans certaines langues comme l'anglais, il existe des constructions à deux objets, où deux arguments d'un verbe obtiennent le Cas direct. Ce sont des verbes ditransitifs. Ces tournures n'existent pas en breton.


(4) I gave him the book.
je donnai lui le livre
'Je lui ai donné le livre.'
Anglais


relativisation de l'objet

Les relatives de l'objet peuvent prendre des pronoms résomptifs.


(5) Ar bleiz a lazas ma c'hi anezhañ a boueze tost da 80 lur.
[ [ le loup ] R1 tua mon2 chien P.lui ] R1 pesait près de1 80 lur
'Le loup que mon chien a tué pesait près de 40 kilos.'
Standard, Trépos
cité dans Favereau (1997:§575)

Diachronie et horizons comparatifs

Parina (2006:122) compare le doublement de l'objet en bulgare, en macédonien et en moyen gallois.


Terminologie

L'expression correspondant à complément d'objet direct est en breton renadenn tra eeun, ou renadenn dra eeun. Ménard (2012) donne klokaenn amkan eeun.


Bibliographie

breton

  • Hemon, R. 1952-54. 'The Breton personal pronoun as direct object of the verb', Celtica, 2:229-244.
  • Loth, J. 1890b. 'L'initiale du complément du verbe fléchi subissant l' infection destituens', Henri d'Arbois de Jubainville (dir.), avec le concours de Joseph Loth et d'Émile Ernault, Revue Celtique XI:208-209, texte.


horizons comparatifs

  • Parina, Elena. 2006. 'Direct Object Double Marking in Celtic and South Slavic languages – Preliminary Remarks', Séamus Mac Mathúna & Maxim Fomin (éds.), Parallels between Celtic and Slavic, Studia Celto-Slavica 1, 119-130.
  • Zwicky, A. M. 1984. 'Welsh soft mutation and the case of object NPs', CLS 20, 387-402.