La négation

De Arbres
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La négation propositionnelle est un processus ou une construction par laquelle une proposition est dite fausse. Sa forme la plus répandue en breton est une négation discontinue qui entoure le verbe conjugué ne (verbe) ket.


(1) N'eo ket melen.
ne1 est pas jaune
'Ce n'est pas jaune.'


Matériel morphologique

négation propositionnelle

ne … ket

Le breton, comme le français, a une négation bipartite, ce qui est assez rare typologiquement. Cette négation propositionnelle est dite discontinue ou bipartite car les éléments ne et ket entourent le verbe tensé: [ne VERB ket]. Les tournures les plus archaïsantes peuvent n'utiliser que ne, le standard utilise ne et ket, et certains dialectes montrent une utilisation possible de ket uniquement.


(2) … med e hellent ked ober da doud an dud.
mais R4 pouvaient pas faire à1 tout le 1gens
'Mais ils ne pouvaient pas le faire pour tout le monde.'
Léonard (Ouessant), Gouedig (1982)


(3) Ar gwaz a nevez ket ar vugale tamallet.
le homme R connaît pas le 1enfant.s accus.é
'L'homme ne connaît pas les enfants accusés.'
Léonard (Plougerneau), M-L.B (10/2018)


(4) Ar vugale o deus ket c'hoariet.
le 1enfant.s 3PL a pas jou.é
'Les enfants n'ont pas joué.'
Léonard (Plougerneau), M-L.B (10/2018)


infinitives

Dans les propositions infinitives, on trouve les négations nompas ou pas.

Il existe aussi des stratégies alternatives qui utilisent la préposition privative hep, 'sans' (tremen hep ober, /passer sans faire/ ou chom hep ober, /rester sans faire/). Dans les propositions infinitives à l'impératif, on trouve une stratégie alternative en arabat, une construction modale.


autres négations

La négation implique des éléments autres que les éléments de négation propositionnels:

- la préposition privative hep, 'sans'
- les négations non-propositionnelles pas et nompas.
- les items de polarité négative
- les indéfinis sous la négation
- les mots négatifs: netra, neblec'h...


noms nus devenus mots négatifs

La phrase en (4) est une conditionnelle, avec une protase sans négation de proposition aucune, ni ne ni ket. Son interprétation est cependant clairement négative (s'il n'y avait pas eu d'ajonc, s'il n'y avait eu aucun ajonc). Le nom nu tamm lann est en breton standard un item de polarité négative. Il pourrait être autorisé par la protase de la conditionnelle, mais il aurait alors un sens positif (le moindre ajonc, quelque ajonc). Ce n'est pas le cas dans le dialecte de Ouessant où le nom nu tamm a évolué en mot négatif, capable de porter seul la négation.


(4) ma viche bet tamm lann, viche ket bet gellet tomma ar forn.
si4 serait été morceau ajonc serait pas été p.u chauff.er le four
'S'il n'y avait pas eu d'ajonc, le four n'aurait pas pu être chauffé.'
Léonard (Ouessant), Gouedig (1982)


Il est aussi possible que la négation puisse être la particule ne vidée de sa phonologie, car le verbe peut sembler être à l'initiale. La position devant lui serait remplie par la négation qui n'est pas prononcée. Ces phrases sans morphologie de la négation contiennent toujours un nom nu qui est autorisé par elles. En cela, elles sont comparables au français T'inquiète !, qui ne peut signifier que ne t'inquiète pas, avec la cliticisation de l'expérienceur qui est le signe syntaxique fort que la négation est présente (à l'affirmative, t'inquiète ne peut pas signifier inquiète-toi).


(5) med, ato ar memez kestion, oa tamm arhant, setu...
mais toujours le même "question" était morceau argent alors
'Mais, toujours la même question, il n'y avait pas d'argent, alors… '
Léonard (Ouessant), Gouedig (1982)

Syntaxe

ne complémenteur

En termes syntaxiques, la partie pré-verbale ne de la négation est un complémenteur (Tallerman 2005, Anderson 2005, Jouitteau 2005/2010), comme son équivalent en irlandais (Hendrick 1990:130).

Lorsque le sujet apparaît au-dessus du complémenteur ne, il déclenche un accord riche. Empiriquement, lorsque le sujet est devant la partie ne de la négation, ce sujet est doublé par un pronom de même traits qui s'incorpore sur le verbe et y déclenche un accord riche (voir l'article sur le sujet prénégation). Selon Jouitteau (2005:411), le pronom qui déclenche l'accord sur le verbe est un résomptif du sujet déclenché par un ' that-trace effect'.

incompatibilité avec bez '

Les phrases qui contiennent la particule bez' ne sont pas compatibles avec la négation (Press 1986:193).


incompatibilité avec la conjugaison en ober

Les structures de conjugaison analytique en ober ne sont pas compatibles avec la négation.


incompatibilité avec le pronom objet postverbal d'un impératif

La négation propositionnelle bipartite ne … ket est incompatible avec le pronom objet postverbal d'un impératif (Le Gléau 1973:19). C'est alors le proclitique objet qui est utilisé.


(1) hasǝ cǝt.
Na ma c'hasit ket
ne1 me2 envoyez pas
'Ne m'emmenez pas.'
Bas-vannetais, Cheveau (2007:207)


négation et formes du verbe bezañ 'être'

existentielles

En (1), kizhier gouez est le sujet précédant le verbe bezañ 'être' sous sa forme a zo. La présence de la négation préverbale ne permet en (2) que ce sujet soit postverbal, ce qui déclenche la forme ez eus réservée aux sujets indéfinis postverbaux. En (3), la même phrase au passé montre la forme à l'imparfait de eo puisque ez eus est défectif pour les formes du passé. Certains locuteurs résistent à l'absence de bornage temporel ou locatif dans les formes négatives, mais pas la locutrice citée dans Verkerk & Shirtz (2021), Marianna Donnart.


(1) Kizhier gouez a zo.
chat.s sauvage R1 est
'Il y a des chats sauvages.'
Breton, M. Donnart citée dans Verkerk & Shirtz (2021)


(2) N'eus ket kizhier gouez.
ne1 est pas chat.s sauvage
'Il n'y a pas de chats sauvages.'
Breton, M. Donnart citée dans Verkerk & Shirtz (2021)


(3) Ne oa ket kizhier gouez.
ne1 était pas chat.s sauvage
'Il n'y avait pas de chats sauvages.'
Breton, M. Donnart citée dans Verkerk & Shirtz (2021)


équatives

(4) Ur c'helenner eo Tom.
un enseign.ant est Tom
'Tom est enseignant.'
Breton, Marianna Donnart (p.c. Verkerk & Shirtz (2021))


(5) N'eo ket ur c'helenner, ur medesin eo Tom.
ne1 est pas un enseign.ant un médecin est Tom
'Tom n'est pas enseignant, il est médecin.'
Breton, Marianna Donnart (p.c. Verkerk & Shirtz (2021))

Sémantique

On relève des cas d'absence superficielle de ne, où la négation est tout de même calculée sémantiquement. À l'inverse, il existe aussi des contextes où ne réalise une négation explétive, c'est-à-dire une négation qui n'est pas calculée sémantiquement.

Lorsque plusieurs éléments négatifs sont présents dans une même phrase, le breton suit pour le calcul de la négation le système de la concordance négative.

Deux marques de la négation dans la même phrase peuvent être calculées comme une seule négation (concordance négative), ou comme deux négations qui s'annulent (bris de concordance négative). À l'inverse, deux expressions positives ne peuvent jamais être calculées comme une négation.


La présence dans une phrase d'une négation permet l'usage de certains éléments autrement agrammaticaux: les items de polarité négative.


La négation est un contexte monotone décroissant, ce qui veut dire qu'elle implique ses sous-ensembles.

  • Si L'ordinateur ne reconnait pas Michel et Zoé., ceci implique logiquement que L'ordinateur ne reconnait pas Zoé.
  • Si Je n'ai pas mangé de gâteau, ceci implique logiquement que Je n'ai pas mangé de gâteau aux pommes.
  • Si Il est sans chemise et sans pantalon., ceci implique logiquement que Il est sans chemise.


notation en sémantique formelle

En sémantique formelle, la négation est notée par le symbole ¬. On lit ¬ p par 'ce n'est pas le cas que /proposition/'.

Diachronie

En moyen breton, la particule ne(nd) est restreinte aux phrases matrices et la particule na(c) aux enchâssées et aux impératives. La particule postverbale quet s'y rajoute progressivement en moyen breton. Pour une comparaison des systèmes de la négation dans la diachronie des langues brittoniques, se reporter à Willis (2013).

En français, la négation ne pas peut être entièrement absente si un clitique signale la présence syntaxique de la négation (T'inquiète, je m'en occupe !). Les exemples bretons où ne et ket sont tous deux absents de la réalisation de surface sont moins contraints.

En sémantique lexicale, il n'est pas rare à travers les langues qu'une négation comprise sémantiquement dans un mot apparaisse ou disparaisse. Il faut s'attendre à trouver les mêmes évolutions diachroniques en breton. Par exemple, c'est un développement récent de l'anglais de dire I could care less dans le sens de I couldn't care less 'Je ne pourrais pas moins m'en soucier'. En français, c'est un développement récent de dire Vous n'êtes pas sans ignorer au lieu du plus daté Vous n'êtes pas sans savoir. De même, comparez Ça t'apprendra à embêter le chat avec Ça t'apprendra à ne pas embêter le chat, ou l'utilisation de la réponse sans doute afin d'induire un doute.


Horizons comparatifs

Dans les langues indo-européennes, la négation qu'elle soit continue ou discontinue apparaît proche du verbe fléchi. Ce n'est pas toujours le cas à travers les langues du monde. Plusieurs zone de l'Afrique subsaharienne montrent par exemple un phénomène de négation de fin de phrase (Idiatov 2018).


(1) ʔám gbɛ́ sàɗì hã́ kóò kɔ́m ɲɔ́ŋ .
Je tuais animal pour.que femme mon mangeait NEG
'Je n'ai pas tué de gibier pour nourrir ma femme.' (que ma femme mange)
Gbaya kara (Centre Afrique), Roulon-Doko (2012:5)
cité dans Idiatov (2018)

Terminologie

Le terme breton qui correspond à 'la négation' est an nac'hañ. Le terme de ger nac'h renvoie aux mots négatifs.


Bibliographie

breton

description générale

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description de la variation dialectale

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