Les démonstratifs

De Arbres

Les démonstratifs sont prototypiquement les groupes nominaux dans des usages qui servent à montrer la personne ou la chose à laquelle ils référent. Ils servent aussi en discours à mentionner un référent qui a déjà été mentionné auparavant.

Le breton a des pronoms démonstratifs comme homañ, houmañ 'celle-ci' ou hennezh.

Le breton n'a pas de déterminant démonstratif du type ce, cette, ces en français ou this, these en anglais. En revanche, il a une façon analytique de former les syntagmes nominaux démonstratifs avec l'adjonction d'un adverbe déictique spatial (cf. ar vuoc'h-mañ /la vache-là/ 'cette vache').


Morphologie

Les paradigmes des démonstratifs en breton procèdent tous par affixation de la version clitique d'un adverbe déictique spatial (type amañ, aze, ahont, carte 004 de l'ALBB).


Pronom neutre henn

Le pronom neutre henn est peu usité. Il existe dans des états anciens de la langue. C'est un pronom démonstratif neutre, comme le sont le masculin hennezh et le féminin hounnezh. Cette forme a une variante enclitique sur le verbe tensé, -henn.


(1) credet henn

'Croyez-le'
Moyen breton (1530), J.:32-b.


Il faut distinguer ce pronom objet des formes rares d'abréviation de hennezh.


(2) … hag hen eur penn outan !
et lui un tête à.lui
'… et il faisait une de ces têtes !'
Cornouaillais / Léon, Croq (1908:20)


Groupes nominaux démonstratifs

Le groupe nominal démonstratif se forme en adjoignant à la bordure droite du groupe nominal un déictique locatif.


(1) Piou an diaoul al lakepod-man ?
qui le diable est [DP le énergumène-ci ]
'Qui diable est cet énergumène ?'
Léonard, Kerrien (2000:12)


(2) Ar bugel-se] ne ra ken tra nemet gouelañ.
[DP le enfant. ne1 fait plus chose seulement pleurer
'Cet enfant ne fait plus que pleurer.'
Standard, An Here (1995nemet)


morphologie

accentuation

En KLT, où l'accent est régulier sur la pénultième, on voit que le déictique final est invisible pour l'accentuation de mot.


(3) [ me ɡav ˌma:d ãn a'va:lu se]
Me a gav mad an avalou-se.
moi R1 trouve bon le pomme.s.
'J'aime bien ces pommes.'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:128-9)


variation dialectale

Un /n/ apparaît en finale en vannetais.


(4) … ' vehe ket bet ker pell genin, an traoù-sen.
ne serait pas été tant long avec.moi le choses.
'Je n'aurai pas eu (cet egzéma) pendant aussi longtemps.'
Haut-vannetais, Louis (2015:144)


syntaxe

place de l'adjectif

Lorsqu'un adjectif est présent, il apparaît devant l'adverbe déicitique spatial (Seite & Stéphan 1957:57).


(1) an ti (braz)-se (* braz)
le maison grand. grand
'cette grande maison'
Léonard, Seite & Stéphan (1957:57)


(2) Ar plac'h paour mañ neus tra.
[DP le fille pauvre.ci ] a chose
'… Cette pauvre fille n'a rien.'
Douarneniste, Hor Yezh (1983:120)


(3) Al loen paour-mañ n'eo ket druz e draou.
[DP le animal pauvre.ci ] ne1 est pas gras son1 choses
'Cette pauvre bête-ci n'a pas gras à manger.'
Trégorrois, Gros (1970b:§'loen')


(4) Hag ar votez-lèr-mañ ?
et [DP le 1chaussure cuir.ci ]
'Et cette chaussure ?'
Cornouaillais, (bigouden), Bijer (2003:14)


(5) En-anat e talveze al lodenn diwezhañ-mañ dezhañ da sil…
adv-évident R4 importait [DP le part.ie tardif.ci ] à.lui de1 passoire
'Cette dernière partie lui servait évidemment de passoire … '
Trégorrois (Perros-Guirec), Konan (1954)


pour Groix, voir Ternes (1970:214)


place de holl

Seul un quantifieur comme holl, 'tout', peut apparaître encore plus à droite que l'adverbe déictique spatial clitique. Cela est dû à une propriété de holl, qui comme tous en français, est un 'quantifieur flottant', c'est-à-dire qu'il peut apparaître séparé du syntagme qu'il quantifie. Ici, c'est la structure holl an traoù-se qui a été modifiée pour donner an traoù-se holl.


(6) an traoù-se holl
le choses. tout
'toutes ces choses'
Cornouaillais (Pleyben), Ar Gow (1999:19)


sans article

Le nom n'a pas d'article en breton avec un indéfini pluriel, avec un dépendant possesseur ou avec un nom propre. Dans tous ces contextes syntaxiques, le démonstratif analytique est possible ce qui montre que la structure est indépendante de la réalisation morphologique de l'article, de la projection syntaxique de l'article, ou encore de la notion sémantique de définitude.


avec un nom indéfini

Dans un syntagme démonstratif, l'article n'est jamais un article indéfini (* un den-mañ), mais les noms indéfinis pluriel, marqués par l'absence d'article, sont compatibles.


(7) Ne soñjen ket he-dije trompet eur zodez tud ken fin-mañ.
ne1 pensais pas 3SGF aurait trompé un 1sot.te gens si fin.ci
'Je ne pensais pas qu'une sotte aurait trompé des gens aussi malins que ceux-ci.'
Trégorrois, Gros (1996:115)


avec un nom propre

Les noms propres sont compatibles avec les démonstratifs.


(8) Ur gér truhek é Karnasen-man.
un 1village pitoy.ant est Karnasen.ci
'Ce Karnasen est un VILLAGE MISERABLE.'
Vannetais, Jaffré (1986:16)
cité dans Schapansky (1996:101)


Parfois, c'est la forme indépendante du déictique spatial amañ 'ici' qui est utilisée (cf. aussi le bretonnisme Jean-Marie ici est rigolo).


(9) Jɑ̃ Mai amɑ̃ fêntuz.
Jean-Marie ici est drôle
'Ce Jean-marie est amusant.'
Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012:46)

Horizons comparatifs

Dans les autres langues celtiques, on observe aussi des constructions analytiques de démonstratifs, avec un article défini et un déictique adverbial.

De telles constructions analytiques sont aussi connues dans le domaine roman, comme en gallo (l'aferr-là, 'cette affaire', B. Obrée c.p.) ou encore en créole Haïtien (la vache-là, 'cette vache', A. Zribi-Hertz c.p.).

Il est rare, dans les langues du monde, que des démonstratifs apparaissent en même temps qu'un article défini et les deux sont typiquement en distribution mutuelle exclusive (comme en français *la cette chaise, *ces les pelles...). Cependant, il existe des langues où ce n'est pas le cas, comme en bulgare familier (Arnaudova 1998).

Enfin, il existe aussi des langues où des marqueurs définis apparaissent avec des démonstratifs. Dans l'exemple suédois en (1a) ci-dessous, grisen a l'air de comprendre un article défini post-posé, -en. En (1b), on voit que ce marqueur apparaît dans le même syntagme nominal qu'un démonstratif devant le nom. Cependant, les marqueurs de définitude y sont alors plus similaires à des marques d'accord qu'à des articles (Embick & Noyer 2001:581).


(1)a. Gris-en med lång svans grymtade.
cochon-défini avec longue queue grogna
'Le cochon à la longue queue grogna'
b. den gamla mus-en
le vieille souris-défini
'la vieille souris, cette vieille souris'
Suédois, Embick & Noyer (2001:580)


Terminologie

Les pronoms démonstratifs sont désignés en breton par le terme:

- raganv diskouez, (Chalm 2008).
- (adj. -diskouezañ), (Chalm 2008)

Bibliographie

littérature théorique

  • Arnodova, Olga. 1998. 'Demonstratives and the structure of the Bulgarian DP', Papers from the second conference on Formal Approaches to the South Slavic Languages, 1-32; Trondheim Working Papers in Linguistics, University of Trondheim.
  • Embick, D. & R. Noyer 2001. 'Movement Operations after Syntax', Linguistic Inquiry 32:4, 555–595.

sur le breton

  • Pennaod, Goulven. 1969. 'Diwar-benn ar raganvioù-gour 3e un. gourel ha nepreizh ha raganvioù-diskouezañ zo.', Preder Kaier 123-124.
  • Urien, Jean-Yves. 1992. 'Le démonstratif dans la syntaxe du nom en breton', Roazhon 2 : Klask 2 :105-129.