Différences entre les versions de « Kêr »

De Arbres
 
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Il existe une abréviation traditionnelle depuis le [[moyen breton]] pour ''kêr'', notée par la lettre ''k'' au pied barré: ''ꝃ''. Parfois, cette abréviation apparaît même comme un ''K'' simple à l'initiale d'un [[nom de lieu]].
Il existe une abréviation traditionnelle depuis le [[moyen breton]] pour ''kêr'', notée par la lettre ''k'' au pied barré: ''ꝃ''. Parfois, cette abréviation apparaît même comme un ''K'' simple à l'initiale d'un [[nom de lieu]].


[[Le Menn (1979a)]] un exemple de ce ''K barré'' dans ''[[EFL|L'éloge funèbre de Peiresc]]'' en 1638 (''Kian'', lu ''Keryann''). Pour l'étude du K barré et son essor au XVII°, il renvoie à la ''Nouvelle Revue de Bretagne'' 1947, n°1 p. 69, n°3 p. 215-217, n°4 p. 316, n°5 p. 397-398. Luçon (2024) en relève des exemples beaucoup plus précoces en pays nantais dès 1395 dans ''ꝂSavari'' à Guérande en alternance avec l'alternative plus précoce ''Q͡r Savari'' mais aussi K dans ''Kaernelis'' puis en 1404 dans les noms de famille de ''Ꝃroaut'' et ''Ꝃderien'' (auj. Kerrouault en Férel et Kerdréan en Batz-sur-Mer).
[[Le Menn (1979a)]] relevait un exemple de ce ''K barré'' dans ''[[EFP|L'éloge funèbre de Peiresc]]'' en 1638 (''Kian'', lu ''Keryann''). Luçon (2024) en relève des exemples beaucoup plus précoces en pays nantais dès 1395 dans ''ꝂSavari'' à Guérande en alternance avec l'alternative plus précoce ''Q͡r Savari'' mais aussi K dans ''Kaernelis'' puis en 1404 dans les noms de famille de ''Ꝃroaut'' et ''Ꝃderien'' (Kerrouault en Férel et Kerdréan en Batz-sur-Mer). Pour l'étude du K barré et son essor au XVII°, [[Le Menn (1979a)]] renvoyait à la ''Nouvelle Revue de Bretagne'' 1947, n°1 p. 69, n°3 p. 215-217, n°4 p. 316, n°5 p. 397-398.


== Bibliographie ==
== Bibliographie ==

Version actuelle datée du 3 mai 2024 à 23:51

Le nom kêr dénote une 'ville', un 'village', un 'endroit habité', une 'ferme' ou une 'maison' au sens large. Dans l'expression d'ar gêr 'à la maison', il s'agit du 'foyer'.


(1) E kêr ne gaved mui netra.
en ville ne1 trouvait.on plus rien
'On ne trouvait plus rien en ville.'
Léonard (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:197)


Morphologie

variation et répartition dialectale

La carte 366 de l'ALBB montre la variation dialectale de la traduction de en ville, à la maison au début du XXe. On retrouve la variation des formes de ce terme à la fin du XXe dans la carte 010 du NALBB 'un village' et la carte 011 de son pluriel 'des villages', kêrioù, keriadennoù.

'chez soi, chez moi' ("home")

(2) Ne yade ket er gear?
ne1 était pas en.le 1maison
'Il n'était pas à la maison ?'
Cornouaillais (Sein), Fagon & Riou (2015:44)


(3) Deuet int en va c'hear.
ven.u sont en mon2 foyer
'On est entré chez moi.'
Léonard (Lesneven/Kerlouan), Y. M. (04/2016b)


(4) Va c'hear enn-dèon eo.
mon2 maison vraiment est
'C'est ma vraie maison.'
Léonard (Ouessant), Malgorn (1909)


'ferme, terres, exploitation agricole'

Le singulier de la traduction de (une) ferme est documenté dans la carte 259 du NALBB, et son pluriel des fermes dans la carte 260.

À travers les dialectes, le nom kêr 'ferme', est en concurrence lexicale avec atant, menaj, plas, tiegezh, feurm, ti-feurm, koumanand, tachenn, mereuri, parfois sur les sens différents de 'bâtiment de vie', 'exploitation agricole', 'ensemble de terres'...


(5) Labourioù disheñvel a oa da gas da benn er c'hêrioù a-hed ar bloaz...
travau.x dis.semblable R1 était à1 mener à1 bout en.le ferme.s au.long le an
'Les fermes nécessitaient divers travaux à l'année...'
Cornouaillais (Ploéven), Gouérec (2018:4)


(6) Pa veze dornadeg, e kêr-mañ-kêr...
quand1 était battage en ferme-ci-ferme
'Quand on battait dans telle ou telle ferme… '
Cornouaillais (Bigouden), Bijer (2007:243)


dérivation

La finale -iadenn obtient le nom kêriadenn 'village'.

Diachronie

 Kervella (Al Liamm 1954, n°43, p.44):
 "Ar ger-se a zo bet lakaet da zont alies diwar al latin castra ; anat eo avat e vije neuze kastr e-brezhoneg. Ne gredan ket muioc'h e teuje diwar quadra ; rak ne gredan ket e vije kavet a stummoù kozh estreget caer, car- pe kêr. Diwar quadra e c'hortozjed *quazr, *quaezr, e brezhoneg bremañ kwaer, stumm ha n' eus ket anezhañ kement ha ma ouzon. Ha ret eo avat e teuje ar ger diwar al latin ? Furoc'h, ha diazezet startoc'h eo moarvat goulakadur Loth hag Ifor Williams hag a dosta kêr ouzh kae."


Deshayes (2003) suit cette proposition, avec une racine brittonique * kagro-, qui obtient l'irlandais cathair 'ville fortifiée', le gallois caer 'forteresse', le cornique kêr 'fort, cité' et le vieux breton caer 'place forte, ville, village', de même racine que kae. Il relève kaer en 1499, s. f, 'ville, village, lieu habité'.


Toponymie

Loth (1903) utilise la variation des formes de kêr en toponymie comme un marqueur historique de la frontière linguistique.

 Loth (1903:296):
 "Dans la zone où le breton a brusquement reculé au XIe siècle, peut-être au XIIe, on a car; dans les communes où le breton ne s'est éteint qu'à l'époque moderne, on a ker. De plus, les noms mêmes en car ne sont pas nombreux dans la première zone; dans plusieurs communes, à part quelques noms très anciens de villages, le cadastre est entièrement français; dans les communes, à Ker, le cadastre est en grande partie breton. La raison de la prononciation car, c'est qu'anciennement l'accent était très fort sur a dans cáer, comme en gallois et en cornique, et le e s'entendait peu. En zone bretonnante, cáer a passé par cąer, kęar, kęr et, en léon, par kęer, kęar, avec a très atténué."

  • deut dan gaer poaz eo an panennou
'Rentrez chez vous, les pains sont cuits'
Moyen breton (1396), ms. BN. lat. 1314

À ne pas confondre

Parfois, les noms toponymiques actuels en kêr- sont des anciens krec'h 'hauteur, colline', comme c'est le cas de Kergouenec au Juch près de Douarnenez, attesté sous la forme Crechguenec en 1687 (Ofis 2003).

Graphie, le K barré

Il existe une abréviation traditionnelle depuis le moyen breton pour kêr, notée par la lettre k au pied barré: . Parfois, cette abréviation apparaît même comme un K simple à l'initiale d'un nom de lieu.

Le Menn (1979a) relevait un exemple de ce K barré dans L'éloge funèbre de Peiresc en 1638 (Kian, lu Keryann). Luçon (2024) en relève des exemples beaucoup plus précoces en pays nantais dès 1395 dans ꝂSavari à Guérande en alternance avec l'alternative plus précoce Q͡r Savari mais aussi K dans Kaernelis puis en 1404 dans les noms de famille de Ꝃroaut et Ꝃderien (Kerrouault en Férel et Kerdréan en Batz-sur-Mer). Pour l'étude du K barré et son essor au XVII°, Le Menn (1979a) renvoyait à la Nouvelle Revue de Bretagne 1947, n°1 p. 69, n°3 p. 215-217, n°4 p. 316, n°5 p. 397-398.

Bibliographie

  • Luçon, Bertrand. 2024. 'Kêr en Pays nantais : une histoire graphique mouvementée', Blog Noms de lieux bretons du Pays nantais. texte.
  • Loth, Joseph. 1903. 'Carhais ; Maraes ; Osismii ; Uxisama. — Caer ; car ; ker et la question du recul de la langue bretonne de la fin du Xe siècle jusqu'a nos jours', Revue Celtique 24, 288-298. texte.