Périphéries de la phrase

De Arbres

Les périphéries d'une phrase sont son bord droit et son bord gauche. En breton, la périphérie gauche de la phrase est plus riche que sa périphèrie droite; on y trouve potentiellement plus d'éléments, et ils y sont plus diversifiés.


Périphérie droite

La périphérie droite désigne l'endroit de la phrase où on trouve les particules comme avat, 'mais, cependant' neuze, eta, 'alors, donc' (Press 1986:209), ou certaines reprises stylistiques comme en (1).


(1) N'oan ket kalz ouzhpenn daouzek vloaz 'poan chomet er gêr dac'h ar skol, ma'z oan.
ne1'étais pas beaucoup au.delà douze1 an quand1 étais resté à.le 1foyer de le école que/si étais
'Je n'avais pas beaucoup plus de douze quand je suis restée à la maison pour aller à l'école.'
Léon (Plougerneau), Elégoët (1982:7)


(2) Ar bleizi 'zo er goadeg, eus emaint.
le loup.s 'est dans.le bois.ée de sont Menard & Kadored (2001:§'eus')
'(Le fait est que) les loups sont dans le bois (bien sur).'


dislocation à droite

On peut aussi déplacer des constituants de l'intérieur de la phrase vers sa périphérie droite, comme dans les cas des dislocations à droite. On voit alors une reprise pronominale co-référente dans la phrase (ici, hemañ).


(2) Hemañ a zo treñk, al lez-mañ.
celui.ci R est aigre le lait-ci
'Celui-ci est tourné, ce lait.' Trégorrois, (Gros 1984:135)
'Il est tourné, ce lait.'


Les règles de coréférence y sont plus lâches qu'à l'intérieur de la phrase. En (3), un pronom incorporé impersonnel co-réfère avec un groupe nominal de troisième personne.


(3) ... e ranked mond en douar-braz, ar re doa moyenn.
R4 devait.IMP aller dans terre-grand le ceux avait moyen
'...on devait aller sur le continent, ceux qui avaient le(s) moyen(s).'
Ouessant, Gouedig (1982)

Périphérie gauche

La périphérie gauche désigne tout le domaine à gauche de la projection temporelle (le domaine CP moins le domaine IP). C'est, en breton, tout le domaine à gauche de l'ensemble rannig et verbe tensé. La périphérie gauche est en breton plus riche que la périphérie droite. De multiples éléments peuvent y apparaître, repoussant le verbe tensé en troisième place ou plus. En (1),


(1) Pa vez ezhomm a-wechoù cheñch plas, ma gav ket dit e vije bezhin a-walc'h war da dro, e veze chachet ar grapin ha savet anezhi...
quand1 est besoin parfois changer place si1 trouve pas à.toi R4 serait algues assez sur ton1 tour R4 était tiré le1 grapin et monté P.elle
'Quand on devait se déplacer de temps en temps, si on trouvait qu'il venait à manquer d'algues, on tirait sur le grapin pour le remonter.'
Léon (Plougerneau), Elégoët (1982:9)


résomptivité ou non

Dans la périphérie gauche, un constituant peut ne pas avoir de pronom co-référent dans le corps de la phrase. En (1), la particule focalisatrice hepken 'seulement' montre un tel constituant focalisé qui lie une catégorie vide.


(1) Teir reunenn hepken a c'hellan da gemerout _ digant pep~hini.
3 crin.SG seulement R1 peux de1 prendre _ avec chaque un
'Je peux prendre seulement trois crins à chacun.' Cornouaille (Pleyben), Ar Floc’h (1950:157)


En (2), Le syntagme nominal ar muntr-se est en zone topique. Il co-réfère, lui, avec un pronom objet à l'intérieur du domaine IP.


(2) Ar muntr-se, em eus-hoñ lakaet àr goust ar jandarmed.
le meurtre- R.1SG ai-lui mis sur1 compte le gendarmes
'Ce crime, je l'ai mis sur le compte des gendarmes.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:14)

structure de la périphérie gauche

L'ordre des mots dans la périphérie gauche est relatif à la structure informationnelle de la phrase. En breton, la périphérie gauche reçoit: les topiques suspendus, les topiques, les focus, la partie ne de la négation, mais aussi, puisque c'est une langue V2, des sujets en position A, des explétifs, des participes passés, des têtes verbales infinitives.


analyse formelle: une zone CP articulée

Jouitteau (2005/2010:chap 2) propose une structure de la périphérie gauche bretonne comme suit:


(2) [ForceP Force° [TopP [FocP [ModeP NEG [FinP Fin
topique suspendu adjoints scéniques topique focus négation ne explétif rannig-verbe
structure du domaine CP, Jouitteau (2005/2010:126)


Le topique suspendu et les adjoints scéniques, dont les propositions circonstancielles, introduisent la phrase avec un niveau d'intégration très bas. Viennent ensuite les positions de topique simple et de focus, qui apparaissent tous deux au-dessus de la négation. La position de spécifieur de FinP n'est remplie qu'en dernier recours, dans les phrases thétiques positives. Selon Jouitteau (2005/2010), l'auxiliaire tensé fait aussi partie de la périphérie gauche puisqu'il est situé dans la projection FinP, la projection la plus basse de la périphérie gauche, qui sélectionne le reste de la phrase,IP, comme complément.

Cette structure ne comprend pas les évidentiels, qui apparaîssent entre le topique suspendu et le topique simple. Elle fait aussi une prédiction fausse: le quantifieur nikun, qui ne devrait pas pouvoir être topicalisé (pas de topique en position A) ni focalisé (présupposition d'existence du focus) ne devrait pas pouvoir apparaître devant une négation.


(3) Koulskoude, eur wech c’hoaz, nikun ne c’helle lavaret en divije kemeret eur vrochenn diwar goust den.

'Cependant, une fois encore, personne ne pouvait dire qu’il aurait volé même une broche à quiconque.' Léon 1878, Inisan (1930:9)

Bibliographie

breton

  • Roberts, Ian. 2004. 'The C-system in the Brythonic Celtic languages, V2, and the EPP', Rizzi (éd.), The Structure of CP and IP, Oxford: Oxford University Press, 297–327.


ouvrages théoriques et horizons comparatifs

  • Obenauer, Hans-George Obenauer (dir.) 2005. L'architecture propositionnelle, la syntaxe de la périphérie gauche, Recherches Linguistiques de Vincennes 33, ISBN 2-84292-167-4. résumés et intro en ligne