Différences entre les versions de « Emañ »
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=== Léon === | === Léon === | ||
Le dialecte léonard a un paradigme au passé. | Le dialecte léonard a un paradigme au passé, ''edo'', plus la forme ''emedo' qui irradie jusqu'en proche Cornouaille avec sa forme alternative mutée ''evedo''. | ||
En Léon, la forme ''edo'' du passé est parfois utilisée en lieu et place de la copule ''eo'' au passé (''oa'') tant que le sujet reste défini [[Merser (2011)|Merser 2011]]:95). | |||
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: ''Kouet e 'zailh ba'n puz.'' | : ''Kouet e 'zailh ba'n puz.'' | ||
: ''Benn fin 'n dro e maro haoñ.'' | : ''Benn fin 'n dro e maro haoñ.'' | ||
=== trégorrois === | |||
Ce verbe n'existe en Trégor qu'à la personne trois de l'indicatif [[présent]] (carte [http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-065.jpg 65] de l'[[ALBB]], [[Gros (1970)|Gros 1970]]:26). Aux autres personnes, et aux autres temps, c'est le paradigme de ''[[eo]]'' qui le remplace (carte [http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-063.jpg 63], [http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-064.jpg 64] de l'[[ALBB]]). | |||
=== vannetais === | === vannetais === | ||
Ce verbe n'existe en vannetais qu'à la personne trois de l'indicatif [[présent]] (carte [http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-065.jpg 65] de l'[[ALBB]]). Aux autres personnes, et aux autres temps, c'est le paradigme de ''[[eo]]'' qui le remplace (carte [http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-063.jpg 63], [http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-064.jpg 64] de l'[[ALBB]]). | |||
[[Hewitt (1988a)]] note que l'[[ALBB]] montre que dans l'extrême vannetais, les formes ''emañ'' de la [[COP|copule]] (mais pas de tournures périphrastiques) apparaissent: | [[Hewitt (1988a)]] note que l'[[ALBB]] montre que dans l'extrême vannetais, les formes ''emañ'' de la [[COP|copule]] (mais pas de tournures périphrastiques) apparaissent: | ||
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En vannetais, les formes ''emañ'' de location sont incompatibles avec la négation ([[Hewitt (1988a)|Hewitt 1988a]]). | En vannetais, les formes ''emañ'' de location sont incompatibles avec la négation ([[Hewitt (1988a)|Hewitt 1988a]], [[Merser (2011)|Merser 2011]]:94). | ||
Version du 12 juin 2014 à 21:55
La forme verbale emañ est la troisième personne du singulier du verbe bezañ, 'être'. Cette forme alterne avec les formes zo, eo, ez eus, et vez du même verbe.
Prototypiquement, en standard, le verbe emañ est le verbe de situation spatiale et temporelle (progressif).
(1) | Emaint | diouig | eno o-unanou. | ||||
sont | deux.hyp | y leur.un.hyp | |||||
'Elles sont deux pauvres filles là-bas toutes seules.' | Trégorrois, Gros (1984:175) |
Morphologie
La forme emañ a un paradigme au présent, représenté par la forme 3SG emañ. Le paradigme du passé est représenté par la forme edo, vivante en dialecte du Léon. Kervella (1995:§229) dit préférer au passé les formes "complètes" en emedo.
(1) | présent | passé | passé (forme complète) | passé (forme complète mutée) | ||
Léon | Léon et proche Cornouaille | Léon et proche Cornouaille | ||||
1SG | emaon | (ez) edon | emedon | evedon | ||
2SG | emaout | (ez) edos | emedos | evedos | ||
3SG | emañ | (ez) edo | emedo | evedo | ||
1PL | emaomp | (ez) edomp | emedom, emedomp | evedom | ||
2PL | emaoc'h | (ez) edoc'h | emedoc'h | evedoc'h | ||
3PL | emaint | (ez) edont | emedont | evedont | ||
IMP | emeur, emaer | (ez) edod | emedod | evedod | ||
sources des formes: Standard, Kervella (1995:§206, §229), Merser (2011:93) |
- La forme impersonnelle emeur est parfois remplacée par e oar, ce que Kervella (1995:§206) réprouve mais commet plus loin (§ 231a: E oar oc'h hadañ an ed.)
- Favereau (1997:§416) localise les formes en emedo en Léon et "jusqu'à la limite de la Cornouaille, vers Crozon, Hanvec, Pleyben (comme dans l'oeuvre de Yeun ar Gow)."
- Il existe aussi une forme vieillie en edi, emedi, utilisée, elle, au 3SG présent (Kervella 1995:§206, Favereau 1997:§416). Dans la carte 63 de l'ALBB qui traduit un temps présent ('Je suis en train de manger', 'Nous sommes en train de manger'), on voit à Sein les formes edo, edomp.
- La forme du paradigme au présent est uniformément ema suivi d'un affixe porte-manteau de nombre et de personne. La nasalisation standard écrite de emañ est étonnante car elle n'est ni étymologique ni reflétée dans les dialectes.
- Favereau (1997:§416) et Deshayes (2003:'ema') proposent de dériver emañ de ema-eñv (est-3SGM).
- Cette hypothèse est plausible si l'on considère que dans les parlers de l'Ouest, le verbe 3SG est ema (ema Mari), mais avec des pronoms post-verbaux de désambiguïsatio genrée: emañ pour un sujet (vide) masculin et emei pour un sujet (vide) féminin (Merser 2011:93,fn2). La langue standard aurait donc pris pour norme neutre la forme spécifiée masculine dans les parlers de l'Ouest. La forme emañ n'est par aillers pas (plus?) genrée en Trégor ou en Haute Cornouaille (Merser 2011:93,fn2).
accentuation
Kervella (1995:§206,fn2) note que l'accentuation de mot tombe sur /a/ (orthographié añ en standard) ou sur /ər/, eur, marque de l'impersonnel.
Dans le Sud-Ouest (Merser 2011:93,fn1), les formes sont contractées (/(e)mɔ̃n, (e)mut, (e)mɔ̃m, (e)mɔX/ ).
un verbe défectif
Le verbe emañ est un verbe défectif, ce qui veut dire que ses paradigmes ne sont pas complets. C'est, le cas échéant, la forme eo de la copule qui le remplace. Dans la carte 63 de l'ALBB qui traduit 'Je suis en train de manger', 'Nous sommes en train de manger', on voit le verbe emañ émerger dans la partie Ouest à la première personne. La partie Est, du Trégor au vannetais, utilise la forme eo.
temps
La forme futur de emañ n'apparaît dans aucun dialecte du breton. C'est alors toujours la forme futur de eo qui y supplée, comme en (2).
(2) | Ne vin | ket me | mui amañ | é kennig dour deoc'h. | ||
ne serai | pas moi | plus ici | à proposer eau à.vous | |||
'Moi, je ne serai plus là à vous offrir de l'eau.' | Vannetais, Ar Meliner (2009:107) |
personne
Ce verbe est restreint à la troisième personne dans certains dialectes, comme en trégorrois, en Pélem et en vannetais (Favereau (1997:§416).
La restriction à la personne 3 existe aussi en gallois (Favereau (1997:§416) et en moyen-breton (Hemon 2000:§139.4.fn1).
La restriction à la personne 3 n'existe pas en Cornouaille, en Léon, en Poher. Elle n'est pas représentée en standard.
négation
Dans certains dialectes, comme en vannetais (Hewitt 1988a) ou en Pélem (Favereau 1997:§416), la forme emañ n'est pas compatible avec la négation.
(3) | Ema ar bara àr an daol. | vs | N-ê ket ar bara àr an daol. | |||
est le pain sur le table | ne est pas le pain sur le table | |||||
'Le pain (n') est (pas) sur la table.' | Vannetais, Hewitt (1988a) |
(4) | N' e' ket | é chom | amen. | |||
ne'est pas | à rester | ici | ||||
'Il n'habite pas ici.' | Haut-vannetais, Favereau (1997:§416) |
composition avec ou sans rannig
Tous les paradigmes commencent par la voyelle /e/, homophone du rannig e. Kervella (1995:§229) considère que les formes du présent type emañ et les formes du passé type emedo ont un rannig e intégré à la morphologie. La forme edo du passé serait, elle, dépourvue de rannig intégré, ce qui prédit que le rannig e peut (parfois) le précéder (D'ar mare-se ez edon dirazañ, 'J'étais alors devant lui.').
Cette hypothèse pose plusieurs problèmes.
- Au niveau des mutations, un rannig e devrait provoquer une mutation mixte - il devrait ne jamais précéder de consonne /m/ (qui devrait muter en /v/). Favereau (1997:§416) relève une telle forme à Landivisiau: evedo, qui semble illustrer l'exception de l'interprétation du e initial comme rannig.
- Syntaxiquement, si le rannig était intégré à la forme verbale, on devrait pouvoir observer une alternance a/e lorsque l'on fait précéder le verbe d'un nom, comme par exemple dans les constructions du faux sujet (2), ou dans une antéposition de l'objet (4). Or, ce n'est jamais le cas.
(2) | An den | emaon | o komz | outañ. | ||
le personne1 | suis | à parler | à.lui1 | Standard, Kervella (1995:§230) | ||
'La personne à qui je parle/ Je suis en train de parler à la personne.' |
(3) | Petra | ema | en e zoñj | ober _ ? | ||
quoi2 | est | dans son pensée | faire <quoi>2 | |||
'Que pense-t-il faire?' | Léon, Fave (1998:141) |
Il est plus probable que la voyelle /e/ réalise une particule liée à la possibilité pour le verbe d'apparaître en position initiale de phrase, avec une hésitation dans le cas de la forme edo, qui peut apparaître avec un rannig e.
composition avec ou sans accord sujet
Les morphèmes de personne, de nombre et de genre à la fin du verbe sont-ils des morphèmes d'accord?
Ce ne sont pas des pronoms forts indépendants: il serait exceptionnel de voir ceux-ci apparaître en situation postverbale. Le breton de St Ivy a par ailleurs a des pronoms forts indépendants post-verbaux 3PL (et peut-être 3SG). Le pronom 3SG haoñ en (5) pourrait y être un pronom fort indépendant, mais c'est moins plausiblement le cas dans les autres dialectes.
(5) Ema haoñ riboter., 'C'est un pistard.'
- Ema haoñ eun den mad., 'C'est un homme bon.'
- Ema haoñ an hañi brasoñ., 'C'est le plus grand.'; Cornouaillais (St Ivy), cité par Hewitt (1988a)
Les pronoms eñv et hi de la spécification genrée ne sont pas des pronoms écho. Que la forme ema soit ou non un verbe conjugué, eñv et hi ajoutent de l'information genrée.
Les morphèmes du reste du paradigme ne peuvent pas être des pronoms écho car il serait exceptionnel qu'ils ne doublent pas un affixe déjà présent.
variation dialectale morphologique
La forme standard 3PL est emaint. En vallée du Scorff, on trouve la forme emaont.
(4) | Emaont | doc'h | en em | lipaat. | ||
sont | à | se | lécher | |||
'Ils sont en train de se bécoter.' | Le Scorff, Ar Borgn (2011:56) |
En vannetais, on trouve la forme emant (Merser 2011:93,fn3).
A la troisième personne du singulier, dans le Trégor et en Haute-cornouaille, on emploie emañ, en vannetais on emploie ema (Merser 2011:93,fn2).
Syntaxe
sujet défini
Le sujet du verbe emañ est défini. La forme du verbe bezañ dédiée aux sujets postverbaux indéfinis est la forme ez eus.
Dans les tournures météorologiques comme Edo o nosaat (Menard & Kadored 2001:'emañ'), 'La nuit tombait', cette généralisation de la définitude du sujet associé àemañ/edo demande de considérer que le pronom météorologique vide est ici défini.
V1
Le verbe emañ est le seul verbe de la langue bretonne à pouvoir apparaître tensé en initiale de phrase dans tous les dialectes.
Le placement en initiale peut occasionnellement déteindre sur les stratégies de dernier ressort palliant à la défectivité du paradigme de emañ. En (1), le verbe est au passé. La forme edo du passé n'apparaît pas dans Le Bayon (1878), mais on peut noter un ordre à verbe tensé en initiale de phrase qui rappelle emañ.
(1) | É oen | é choñjal | get-n-eign | me | unañ. | |
R étais | à4 penser | avec.moi | mon | un | ||
'Je songeais en moi-même.' | Vannetais, Le Bayon (1878) |
Lorsqu'il n'est pas à l'initiale, emañ peut être précédé par n'importe quel constituant sauf son sujet.
(2) | Klañv 'ma, | gwall-glañv, | ziken. | |||||||
malade est | très1-malade | même | ||||||||
'Il est malade, très malade, même.' | Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:III) |
pas de sujet antéposé
Lorsque le sujet de la phrase apparaît devant l'élément tensé, la forme emañ n'est plus licite, et c'est la forme zo qui apparaît.
D'autres syntagmes nominaux peuvent être antéposés: la forme emañ de la copule apparaît en effet dans les constructions du faux sujet (Rezac 2008:26).
Rezac note qu'en dialecte du Léon, si un groupe nominal antéposé au temps par mouvement déclenche automatiquement la forme zo lorsqu'il est sujet (63b), c'est la forme emañ qui apparaît si le groupe nominal antéposé (Per) est un objet local (63a) ou résultant d'une extraction longue distance (63c).
Rezac (2008:26): Les DPs préverbaux autres que le sujet sont différenciés par la copule selon qu'ils lient une lacune ou un résomptif, et la clef de leur différence n'est pas dans la particule, qui les neutralise. (63)a. Per EMAÑ / *A ZO Mona o klask __ er c'hoad. Per is R is Mona PRG seek in.the wood 'Mona is looking for Per in the woods.' (Hendrick 1988: 105-6 note 2) (63)b. Per A ZO o klask Mona er c'hoad. Per R is PRG seek Mona in.the wood 'Per is looking for Mona in the woods.' (Hendrick 1988: 105-6 note 2) (63)c. Petra EMA en e zoñj [ober __]? what is in his thought do.INF 'What is he thinking of doing?' (Fave 1998:141 [Léon])
place du sujet postposé
Hewitt (1988) note que la forme emañ de situation a ceci de particulier que son sujet la suit directement.
Hewitt (1988a): "La structure double D ne peut pas être considérée comme auxiliaire d'un point de vue syntaxique puisque le sujet vient ordinairement rompre le constituant putatif auxiliaire-auxilié. Il vaut mieux alors parler d'une structure double avec un verbe syntaxique plein, suivi de son sujet et un prédicat lexical indépendant: Emañ an dud o labourat / e-kreis ar park/ du-hont.
La forme emañ ne peut pas être séparée de son sujet postposé, ce qui est une propriété de tous les verbes tensés dans les autres langues celtiques. En breton cependant, les autres verbes que emañ peuvent voir différents éléments intervenir entre la forme emañ et son sujet postposé.
auxiliaire
En cornouaillais et en haut-cornouaillais, le verbe emañ se trouve aussi comme auxiliaire 'être'. Dans ces emplois en tant qu'auxiliaire, le verbe emañ peut alors être séparé de son sujet post-tensé par le participe.
(4) | Ema deuet Yann d'ar gêr. | vs. | Deuet eo Yann d'ar gêr. | ||||
est venu Yann à le maison | venu est Yann à le maison | ||||||
'Yann est venu à la maison.' | |||||||
Haut-cornouaillais (Lanvénégen), Evenou (1987:626-38), cité par Hewitt (1988a) |
en périphérie droite
C'est la forme emañ qui apparaît dans les tournures complexes de discours en eus + verbe qui apparaissent en périphérie droite de la phrase comme en (5).
(5) | Ar bleizi | 'zo | er goadeg, | eus emaint. | |||||
le loups | R est | dans.le bois | P sont | An Here (2001:§'eus') | |||||
'(Le fait est que) les loups sont dans le bois (bien sur)' |
Sémantique
La forme emañ a des sémantiques diverses.
verbe de situation
Prototypiquement, la sélection de la forme emañ au détriment de la forme eo est causée par la présence d'une dimension sémantique de location dans le temps ou dans l'espace.
On a ainsi emañ dans une tournure progressive en (1), ou dans une tournure prospective comme en (2).
(1) | Emaint | o | tont d’ar gêr. | |
sont | à | venir à'le foyer | ||
'Ils sont en train de rentrer.' |
(2) | Emaint | dindan | donet d’ar gêr. | ||||
sont | sous | venir à'le foyer | |||||
'Ils sont sur le point de rentrer.' | Vannetais, Herrieu (1994:283) |
Selon Hewitt (1988), l'utilisation de la forme emañ a pour effet de borner le cadre spacio-temporel.
Hewitt (1988a): Quand on veut limiter le cadre spacio-temporel, un prédicat attributif peut devenir situatif avec un changement structurel concomitant, ewn ê, ewn emañ; klañv ê, klañv emañ; tèir blac'h int, tèir blac'h emaint."
La généralisation qui propose qu'à chaque fois qu'on a sémantiquement un prédicat situatif, c'est le verbe emañ qui est utilisé semble solide, avec une seule exception régulièrement massive: lorsque le sujet est antéposé, il déclenche la forme (R) zo de la copule.
à ne pas confondre
En (3), on pourrait être troublé par l'hypothèse que eo aurait remplacé emañ dans un sens situatif, en obtenant le sens: 'Les lunettes de Cupidon ne se trouvent pas sur mon nez.' Cependant, il s'agit uniquement ici d'une ellipse de a zo, et la copule eo y a bien un sens contrastif: 'C'est pas les lunettes de Cupidon qui se trouvent sur mon nez!'.
(3) | Gwir eo | nend eo ket | lunedoù Cupidon | àr ma fri... | |||
vrai est | ne est pas | lunettes Cupidon | (qui est) | sur mon nez | |||
'C'est vrai que je n'ai pas les lunettes de Cupidon sur le nez.' | Vannetais, Herrieu (1994:225) | ||||||
(Je suis plus lucide qu'un amoureux) |
copule prédicative
La forme emañ n'est pas restreinte à la sémantique de situation: elle peut être utilisée comme copule prédicative.
(2) | [ aɥɛdaɲ | ima ] | |||||
Evidin | ema. | ||||||
pour.moi | est | Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:34) | |||||
'C'est pour moi.' |
La forme emañ semble pouvoir être utilisée optionnellement de façon équivalente à la forme zo de la copule.
(2) | ... da lennerion | a zo ar brezhoneg | o | lavar pemdeziek, | èl m'ema | hon hani-ni. | |
à lecteurs | R y.a le breton | leur | langue quotidienne | comme que est | notre celui-nous | ||
'... aux lecteurs dont la langue quotidienne est le breton comme c'est le cas chez nous.' | |||||||
Vannetais, ar Meliner (2009:11) |
La forme emañ semble aussi pouvoir être utilisée optionnellement de façon équivalente à la forme eo de la copule. Contrairement à la forme eo cependant, emañ peut apparaître en initiale de phrase (V1).
(3) | / pehed e / | / ma ma:T / | |||||||||
Pec'hed eo. | Ema mat. | ||||||||||
péché est proi | Est bien/bon proi | ||||||||||
'C'est (un) péché.', 'C'est bien/bon.' | Haute-Cornouaille (Lanvenegen), | Evenou (1987:571) |
(4) En amzer gos gueac'hal éguis ma eman ar guis da lavarèt...,
- En amzer gozh gwechall e-giz m'emañ ar giz da lavaret
- 'Dans le vieux temps d'autrefois, comme on dit...', Léon [Lesneven], Burel (2012:34)
Cet usage est accepté en standard. Il est illustré dans Menard & Kadored (2001:'emañ; N'emañ ket evit he zeod, E-keñver studiañ emañ deskiñ, Emañ an daou bried-se an eil diouzh egile). Il n'est pas non plus récent car on le retrouve dans des proverbes.
(5) | Etre | veui | ha | neui ema. | |||||
entre | noyer | et | nager est | ||||||
litt. 'Il est entre noyer et nager.' > 'Il est entre la vie et la mort.' | |||||||||
proverbe, Le Berre & Le Dû (1999:80) |
(6) | E-barzh an evezh, | emañ | an devezh. | ||||
dans le soin | est | le jour.née | |||||
'Travail bien fait, bonne journée.' | proverbe, Abalain (2001:33) |
copule existentielle
La forme emañ peut aussi être utilisée comme copule existentielle, lorsqu'elle ne sélectionne qu'un seul argument.
(7) | An den | a zo hirio; | warc'hoazh | n'ema | mui! | ||||
le humain | R y.a aujourd'hui | demain | ne y.a | plus | |||||
'L'homme existe aujourd'hui, demain il ne sera plus!' | |||||||||
BSA. (1877:165), cité dans Le Gléau (1973:41) |
copule équative
La forme edo peut aussi être utilisée comme copule équative.
(8) | An aotroù person | edo | an aotroù Doue | ||||
le monsieur recteur | était | le monsieur Dieu | |||||
'Le recteur était le bon Dieu.' | Léon, Favereau (1997:§416) |
(9) | Ar rekor' | edo | 35000. | ||||
le record | était | 35000 | |||||
'Le record était fixé à 35000.' | Favereau (1997:§416) |
Variation dialectale
Ci-dessous, je résume la variation dialectale dans ses dimensions syntaxiques et sémantiques.
Léon
Le dialecte léonard a un paradigme au passé, edo, plus la forme emedo' qui irradie jusqu'en proche Cornouaille avec sa forme alternative mutée evedo.
En Léon, la forme edo du passé est parfois utilisée en lieu et place de la copule eo au passé (oa) tant que le sujet reste défini Merser 2011:95).
cornouaillais
En Cornouaille, Gary German et Mona Bouzeg reportent pour St Ivy et Riec des formes emañ en usage de copule et d'auxiliaire, indépendamment de la présence de la négation.
(1) | Ema ket riboter anaoñ. | vs. | N-e ket riboter anaoñ. | ||||
est pas pistard P.lui | ne est pas pistard P.lui | ||||||
'C'est pas un pistard.' | Cornouaillais (St Ivy), cité par Hewitt (1988a) |
L'usage de emañ avec un participe passé, en particulier, est remarquable. On le trouve aussi à Scaër.
(1) | Re gozh | emañ-hi | degouezhet. | |||
trop vieux | est-elle arrivé | |||||
'elle est devenue trop vieille.' | ||||||
Scaër, Cheveau & Kersulec (2012-évolutif:Scaër,'amzer') |
(2) | Ema debet koan. | vs. | Debet e koan. | ||||
est mangé souper | mangé est souper | ||||||
'Le dîner est fini.' | Cornouaillais (St Ivy), cité par Hewitt (1988a) |
(2) | Pelec'h emaoc'h bet? | |||||||
où êtes allé | ||||||||
'Où êtes-vous allé?' | Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:35) |
(3) | 'Ma ket | degouezhet. | ||||||
est pas | arrivé | |||||||
'Il n'est pas arrivé' | Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:35) |
Le sujet de emañ peut alors être séparé de son verbe par le participe passé.
(3) | Ema aet an dud kuit. | vs. | Aet e an dud kuit. | ||||
est allé le gens parti | Allé est le gens parti | ||||||
'Les gens sont partis.' | |||||||
Cornouaillais (St Ivy), cité par Hewitt (1988a) |
Hewitt (1988a) note que dans plusieurs cas, tout du moins à St-Yvi, l'alternance avec emañ/eo n'est pas possible. Ce qui permet ou pas l'alternance n'est pas clair.
- Aesoc'h e din.
- Kouet e 'zailh ba'n puz.
- Benn fin 'n dro e maro haoñ.
trégorrois
Ce verbe n'existe en Trégor qu'à la personne trois de l'indicatif présent (carte 65 de l'ALBB, Gros 1970:26). Aux autres personnes, et aux autres temps, c'est le paradigme de eo qui le remplace (carte 63, 64 de l'ALBB).
vannetais
Ce verbe n'existe en vannetais qu'à la personne trois de l'indicatif présent (carte 65 de l'ALBB). Aux autres personnes, et aux autres temps, c'est le paradigme de eo qui le remplace (carte 63, 64 de l'ALBB).
Hewitt (1988a) note que l'ALBB montre que dans l'extrême vannetais, les formes emañ de la copule (mais pas de tournures périphrastiques) apparaissent:
(1) | Brâs ê an ti | vs. | Neuse ema brâs an ti. | |||||
grand COP le maison | alors est grand le maison | |||||||
'La maison est grande (alors).' | Vannetais, Hewitt (1988a) |
En vannetais, les formes emañ de location sont incompatibles avec la négation (Hewitt 1988a, Merser 2011:94).
(2) | Ema ar bara àr an daol. | vs | N-ê ket ar bara àr an daol. | ||||
est le pain sur le table | ne est pas le pain sur le table | ||||||
'Le pain (n') est (pas) sur la table.' | |||||||
Vannetais, Hewitt (1988a) |
Horizons comparatifs
Selon Deshayes (2003:'ema'), ema correspond au cornique yma et au gallois y mae, avec une composition en une particule verbale (e, y) suivie du verbe ma(e), issu du celtique *mages-est. La graphie bretonne en emañ apparaît selon lui en contraction de ema-eñv, /est-lui/, 'il est'.
Diachronie
Selon Hemon (2000:§139.4.fn2), l'origine de ema n'est pas clairement établie. Hemon mentionne une explication de Morris Jones (1913) concernant y mae en moyen breton. Il ne l'explicite pas et dit n'être pas convaincu.
nasale finale
Whalley (2008-2014:'to be') propose que la finale nasale bretonne viendrait d'une association avec amañ, 'ici' ou -mañ, le clitique démonstratif.
Whalley (2008-2014:'to be'): One suggestion is Proto-Celtic *esmi est 'here is' > *emmijest > *ymoedd > ymae, but *emmijest ought to yield Welsh *ymydd as *dijen (Acc.) yields dydd. Breton emañ points to a nasal ending and a possible connection with amañ 'there', -mañ 'this' (Welsh yma, Middle-Welsh yman, Cornique omma), which may be Proto-Celtic. *esmi anda (cf. Irish Gaelic ann 'there'). It is possible that more than one ending is at work here, or that Breton was altered by association with amañ. Welsh could be from Proto-Celtic *esmi esV- (where esV- represents some form of the verb) > *ehmi ehV- > *emme ɛ̅ - > *ym-oe > ymae (cf. Proto-Celtic *swesūr > *hwehīr > *hwɛ̄īr > *hwɛ̄r > *hwoer > Welsh chwaer, Cornique hwor, Breton c'hoar, 'sister').
rannig ?
Whalley (2008-2014:'to be') évoque la possibilité que la forme edo du passé dérive d'une forme de eo conjugué, précédé d'une particule *'ed (*ed oan, 'J'étais (là)' > edon).
défectivité de personne
Selon Hemon (2000:§139.4.fn1), le verbe moyen-breton ema est défectif en personne: les personnes 3SG et 3PL se rencontrent aisément, mais les autres personnes n'apparaissent qu'au XVII° et surtout en Léon. Hemon signale ne pas avoir trouvé ces formes établies dans des textes avant 1680 (Dnal.).
Le paradigme de emañ aurait donc été construit diachroniquement par généralisation à partir de la personne 3.
Bibliographie
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horizons comparatifs
- Whalley Neil. 2008-2014. 'to be', www.cumbraek.co.uk, texte.