Le présent

De Arbres
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Le temps présent est un paradigme morphologique sur les verbes qui ordonne sémantiquement un inclusion du temps d'énonciation dans le temps de la proposition.

Le temps de la proposition peut être plus ou moins large. En (1), il y a presque coïncidence entre le temps d'énonciation, bref, et le temps de la proposition matrice. Dans la subordonnée complétive, le temps d'énonciation est inclus dans un temps de la proposition beaucoup plus long, surtout si on applique une lecture générique à ce présent.


(1) Me am-eus c'hoant da lavared penaoz ema ar wirionez gant ar skolaer !
moi R.1SG a envie de1 dire que est le 1vérité avec le écol.eur
'Moi, j'ai envie de dire que la vérité est avec l'instituteur.
Trégorrois, Gros (1984:176)


Morphologie

variation dialectale

1SG

La carte 50 de l'ALBB documente la variation dialectale de la traduction de (aujourd'hui) je suis (malade). La carte 261 donne si je fais (cela, il sera content).

Sur les verbes réguliers comme karout, la désinence 1SG du présent de l'indicatif est -an en breton standard. Noyer (2019:248) signale à Briec en pays Glazik la finale [o]. L'alternative avec une voyelle nasale, comme en standard, est aussi possible (sous la forme [ˈvelɔ᷉ ke]).


(2) [ˈvelo ke ˈneɔ᷉ ]
(Ne) welo ket anezhañ.
ne1 vois pas P.lui
'Je ne le vois pas.'
Cornouaillais (Briec), Noyer (2019:248)


2SG

La carte 60 de l'ALBB documente la variation dialectale de la traduction de (quand) tu es (malade). La carte 262 donne (si) tu fais.

La zone centrale qui ne connait pas le tutoiement et vouvoiement répond par la même forme que l'adresse plurielle 2PL.


3SG

La finale 3SG correspond généralement à la base du verbe. Cependant, dans certains dialectes, ce morphème 3SG du présent est réalisée. Cela a une conséquence importante pour l'analyse de l'accord car cela signifie que l'accord pauvre, lorsque le sujet est réalisé de manière indépendante par un groupe nominal, n'est pas le résultat d'une absence d'accord, mais bien un accord avec un élément 3SG - qui n'est pas le sujet.


La carte 52 de l'ALBB documente la variation dialectale de la traduction de (aujourd'hui) il est (malade). La carte 263 donne (si) il fait.


finale en -ef, -ev

En breton central, les bases verbales finissant par une voyelle sont réalisées en -ef.


(3) ' Bassef ket kalz a dud.
ne1 passe pas beaucoup de1 gens
'Il ne passe pas beaucoup de gens.'
Breton central (Poullaouen), locuteur né vers 1910, Favereau (1984:439)


(4) / me go·zef / / ẉi valef / / h~̝ɛz ãnef / / pe dɔstef / .
moi R1 vieill.is vous R1 marche lui R1 sait quand1 proch.e
'Je vieillis', 'Vous marchez', 'Il sait', 'quand il/elle approche'
Breton central, Wmffre (1998:38)


À Plozévet, la finale est voisée.

 Plozévet, Goyat (2012:277):
 Les verbes à finales conjuguées vocaliques (/e/ est la plus fréquente, mais aussi /ɛ/, /i/ et /y/) voient un /-v/ final épenthétique s'ajouter à la 3e personne du singulier de l'indicatif présent […]. Ce /-v/ final peut bien sûr se dévoiser, conformément aux règles habituelles.
 Exemples :
 /ma va'le:v/, ma valev, /'ba:le/, bale, 's'il/elle marche'
 /pa ba'se:v/, pa basev, /pa'sea/, pasea, 'quand il/elle passe'
 /ma ɡõti'nyv/, ma gontinuv, /kõti'nɥi/, koñtinui, 's'il/elle continue'
finale en -a

Le paradigme du temps présent comprend parfois dans certains dialectes la voyelle a à la troisième personne du singulier.


(5) Hemañ d'e dro a laka da drei kement machin a garer...
celui-ci à son1 tour R met à1 tourner autant machine R1 aime.on
'Lui, à son tour, fait tourner toutes les machines qu'on veut.'
Léonard, Miossec (1980:68)


Un même locuteur peut utiliser alternativement la forme abrégée standard et la forme dialectale en -a (lar vs. lara, Louis 2015:28). Thibault (1914:184) relèvait un emploi rare à Cléguérec de ce -a, de manière optionnelle (Gye rika gober, 'Il faut qu'il fasse', Ne say(a) ket, 'Il ne saute pas', Ne varn(a) ket, 'N'importe').

A Scaër/Guiscriff, selon Naoned (1952:61), le temps passé (amzer-dremenet) est synthétique, remarquable par sur forme en "â" à la 3SG, "prononcé entre â et un e muet français" (me 'gemerâ, c'hui 'dennâ). Cependant, il note plus bas que dans ce dialecte, le passé simple (amzer-dremenet-strizh) n'existe pas. Il s'agit probablement d'une confusion (éditoriale ?) avec le -a final du temps présent en cornouaillais de l'Est.

1PL

La carte 50 de l'ALBB documente la variation dialectale de la traduction de (aujourd'hui) nous sommes (malades). La carte 264 donne (si) nous faisons.


2PL

La carte 60 de l'ALBB documente la variation dialectale de la traduction de (quand) vous êtes (malade). La carte 262 donne (si) vous faites.

Selon Konan (2017:262), le trégorrois a retenu la forme -et à la deuxième personne du pluriel (ma karet 'si vous voulez', gouzout a ret 'vous savez'), contrairement au standard qui utilise -it.


3PL

La carte 52 de l'ALBB documente la variation dialectale de la traduction de (aujourd'hui) ils sont (malades). La carte 263 donne (si) ils font.

Sémantique

morphologie du présent et futur proche

Le futur proche peut être obtenu avec une morphologie du présent et un adverbe.


(1) Warc'hoazh ema ar zul.
demain est le dimanche
'C'est demain dimanche.'
Cornouaillais / Léon, Croq (1908:29)


Le futur proche peut aussi être obtenu avec une morphologie du présent sur le verbe mont 'aller' sélectionnant un groupe verbal infinitif introduit par da. En français de Basse-Bretagne, le miroir en est l'expression 'aller pour faire qqch'.


(2) M-eus aon e ya d'ober eun tamm barr c'hoaz.
selon.moi R va de1 faire un morceau averse encore
'Je crois qu'il va faire encore une petite averse.'
Trégorrois, Gros (1984:158)


lecture générique

Comme en français, le temps présent a parfois une interprétation générique. Autrement dit, le breton a un temps présent synthétique qui peut exprimer un temps présent imperfectif (Heinecke 2001:79).


(3) Iffig a zebr bara du.
Iffig R1 mange pain noir
'Iffig mange du pain noir.'
Standard, Heinecke (2001:79)

verbe synthétique présent et futur

Il est possible en français d'obtenir des lectures de futur avec un verbe synthétique au présent (A 80 ans, je prends ma retraite, et là, bien tranquille !). Ce n'est pas le cas en breton (Kerrain 2001), tout du moins en dehors des lectures génériques.


(4) Dilun ez in da Wened.
jour.lundi R+C,4 irai à1 Vannes
'Lundi je vais à Vannes.' ('J'irai, je vais aller'...)
Standard, Kerrain (2001)


(5) Arc'hoazh e vo lamet ar barvioù evit mann.
demain R4 sera enlevé le barbe.s pour zéro
'Demain on rase gratis.'
Standard, Kerrain (2001)


Sous la lecture générique cependant, un temps morphologique présent peut exprimer un temps sémantique futur.


(6) An den a zo hirio; warc'hoazh n'ema mui !
le humain R ya. aujourd'hui demain ne1 est plus
'L'homme existe aujourd'hui, demain il ne sera plus !'
Breton pré-moderne, BSA. (1877:165)
cité dans Le Gléau (1973:41)

Bibliographie

  • Bottineau, Didier. 2012c. 'Thinking the present together in natural languages', E. I. Pivovar, V.I. Zabotkina (éds.), Präsens, Moscow: OLMA Media-Group Publishers, 189-223. texte.