Différences entre les versions de « Vocatif »

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Version du 3 octobre 2023 à 18:38

Les groupes nominaux vocatifs sont des groupes nominaux d'adresse. Ils peuvent être lexicaux (Ma mignon ! 'Mon ami !') ou pronominaux (Te ! 'Toi !'). Ils semblent apparaître en incise, sans intégration dans la structure syntaxique. Ils peuvent co-référer, ou pas, avec un autre élément réalisé dans la phrase.


(1) Tostaad a rit ouz ar bourk, tad-koz !
proch.er R faites de le bourg père-vieux
'Vous approchez du bourg, grand-père !'
Léonard, Seite (1975:64)


Inventaire

groupes lexicaux

Le cas vocatif n'est pas marqué morphologiquement sur les groupes lexicaux. On note cependant l'absence d'article. Certaines interjections n'existent qu'au vocatif, comme tudoù ! 'Les gars ! Les copains ! Vous autres !' (et pas * Gwelet em eus tudoù 'J'ai vu des copains').


(1) [ bõfamɛ r vɔrh mi u sypli ʃəm en u ti ]
Boñfamed 'r vourc'h, me ho supli chom en ho ti.
femmes le 1bourg moi vous supplie rester en votre3 maison
'Femmes du bourg, je vous en supplie, restez chez vous.'
Vannetais (Malguénac), Le Pipec (2000:109)


Le cas vocatif n'est pas nom plus marqué sur les noms propres.


(2) Azalek amañ e ya pep hini deus e du, Yakari.
depuis ici R va chaque celui de son1 côté Yakari
'À partir d'ici, nous allons chacun de notre côté, Yakari.'
Standard, Keit Vimp Bev (1987:45)

pronoms d'adresse ou interjections

Il existe en breton un paradigme de pronoms vocatifs, adressés à l'interlocuteur. Ce paradigme des vocatifs est restreint à la deuxième personne (te, c'hwi / fi) puisque ce sont des pronoms d'adresse. Ce sont plausiblement des pronoms forts, car ils n'apparaissent pas incorporés dans une préposition.

L'exemple en (2) montre un pronom d'incise contrastif qui est directement adressé à l'interlocuteur.


(2) Te garehe, , bihuein hemb labourat ?
toi R1 aimerais toi vivre sans travailler
'Tu aimerais, toi, vivre sans travailler ?'
Vannetais pré-moderne, Guillome (1836)


Ce pronom peut réaliser seul une interjection simple d'interpellation.


(3) He i ! Te ! Paotr !
Eh ho ! toi gars
'Eh ! Toi ! Mec !'
Standard, Le Saëc (1990:12)


En périphérie droite, le pronom d'adresse a grammaticalisé en une interjection de prise à témoin Te !, C'hwi ! (te 'oar ! C'hwi 'oar !).


(4) N'eo ket awalh ar boan a vez, med ar frejou a vez, te !
ne1 est pas assez le 1peine R1 est mais le frais R1 est toi !
'C'est pas le tout, le mal que l'on a, mais les frais qu'on a, toi !' (rends-toi compte !)
Trégorrois, Gros (1984:100)


(5) Piw e' ar zac'had brenn, -te ?
qui est le sach.ée son toi !
'Qui c'est ce sac de son ?' (cette bonne femme)
Breton central, Favereau (1984:354)


On trouve aussi des pronoms d'adresse dans les incises qui réalisent une structure de résomption prédicative équative, mais le pronom d'adresse est alors incorporé.


(6) Evid ar baotred, penn zod ahanoh, ar baotred...
pour le 1homme.s tête sot P.vous le 1homme.s
'Pour les hommes, idiots que vous êtes, les hommes... '
Cornouaillais de l'Est, Derrien (1980:11)


préposition a vocative ou interjection ?

Favereau (1997:§529) signale l'existence d'une préposition a vocative. C'est pour lui l'élément initial dans le trégorrois atoue < ach Doe. Il remarque que a est "parfois employé en salutations : a deoc'h (relevé chez Favé, attesté chez Luzel, et en vannetais: a d'oc'h, 'Bonjour')". Il pourrait alternativement s'agir de l'interjection A ! comme composé de l'interjection A-toue !.

Syntaxe

distribution

Les vocatifs apparaissent prototypiquement en incise, en périphérie gauche ou en périphérie droite de la phrase.


incises

(1) Ni, Breur Arzhur, a zo da vezañ menec'h ac'hanomp…
nous Frère Arthur R1 est pour1 être moine.s P.nous
'Nous, frère Arthur, sommes destinés à être moines.'
Standard, Drezen (1990:53)


périphéries

(2) N'eus ket ken; ne bad ket an traou, ma flah !
ne1 est pas plus ne1 dure pas le choses mon2 fille
'Il n'y en a plus, les choses ne durent pas, ma fille !
Trégorrois, Gros (1970b:'padoud')


(3) Ne dalv ket youc'hal evel-se, aotrou !
ne1 vaut pas crier comme-ça monsieur
'Inutile de crier comme ça, monsieur !'
Standard, Kervella (2001:19)


(4) ... evit ma kavi eur gwaz eus da gendere, merc'hig ?
pour que4 trouveras un mari de ton1 com.degré fille.DIM
'Pour que tu trouves un mari de ton milieu social, ma fille ?'
Léonard (Bodilis), Ar Floc'h (1922:347)


haut en périphérie droite

En périphérie droite, le vocatif apparaît après le marqueur de question hañ ?.


(5) Brav int, hañ, tonton Mateo ?
beau sont einh ? tonton Matéo
'N'est-ce pas qu'ils sont jolis, oncle Matéo ?'
Standard, Kervella (2001:25)


invisibilité syntaxique des incises

Les groupes vocatifs qui apparaissent en incise sont syntaxiquement invisibles pour le critère thématique et pour l'accord verbal.


pour le critère thématique

En (5), le nom sans déterminant bugale, 'enfants', n'est l'argument d'aucun prédicat. Si il était intégré dans la structure, on verrait apparaître une préposition da (... e vo ret deoc'h mont!).


(5) Hag e rafe ferhier-houarn, bugale, d'ar skol e vo ret mond !
et R4 ferait fourches-fer enfant.s à le école R4 sera obligé aller
'Même s'il tombait des hallebardes, mes enfants, il faudra aller à l'école !'
Trégorrois, Gros (1989:163)


pour l'accord verbal

En (6), on voit que le groupe lexical vocatif ma lapous, qui est 3SG, est invisible pour l'accord verbal qui est 2PL.


(6) Tapet oc'h ma lapous !
attrap.é êtes mon2 oiseau
'T'es bien attrapé, mon coquin !'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:13)


En (7), le groupe lexical vocatif Jakez co-réfère avec l'accord verbal 2SG.


(7) A: - D'ar gêr e teui disul, Jakez ? B: - Ne deuin két.
à1 le 1foyer R viendras dimanche Jakez ne1 viendrai pas
A : 'Tu viendras dimanche, Jakez?' / B : 'Non.'
Léonard, Seite (1975:53)


En (8), le groupe lexical ma flac'h bihan, 3SG, co-réfère avec le pronom c'hwi, 2PL.


(8) Ha c'hwi, ma flah bihan, ma 'ho pije gwelet an traou-ze...
et vous mon2 fille petit si 2PL 2.aurait v.u le choses-
'Et vous, ma petite fille, si vous aviez vu ces choses-là... '
Trégorrois, Gros (1984:23)

coréférence

Un élément au vocatif dans la périphérie gauche peut co-référer avec un pronom dans la phrase, ou avec un autre pronom vocatif.


(1) Aotrou, laoskit-me da vonet àr ho komz.
monsieur laissez-moi à1 aller sur votre3 parole
'Monsieur, permettez-moi de vous interrompre.'
Vannetais, Ar Meliner (2009:180)


(2) C'hwi, kaz, na viot ket o kalamarhad an traoù toud amañ.
vous chat ne.R1 serez pas à4 piétiner le choses tout ici
'Vous, chat, vous ne piétinerez pas tout ici !' (vous ne sauterez pas partout)
Trégorrois, Gros (1989:'kalamarhad')


Horizons comparatifs

Dans les langues qui ont un riche système casuel, comme le tchèque ci-dessous, le cas vocatif est aussi marqué morphologiquement sur les groupes nominaux. Ce n'est pas le cas en breton.


(3) Kamaráde, co ten stál peněz !
camarade.VOC quoi.ACC lui.NOM moi.DAT déjà couta argent.GEN
'Mon ami, qu'est-ce qu'il m'a déjà couté d'argent !'
Tchèque, M.Rezac, c.p. [01/2010]


Terminologie

Kervella (1947) utilise le terme breton tro c'hervel.

Dans les traités bardiques irlandais créés au XIII°, le terme agallamh réfère en une même entité ambigue au 'vocatif' et à la 'deuxième personne du singulier du verbe' (Lambert 1987b:21).