Différences entre les versions de « En »

De Arbres
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== Morphologie ==
== Morphologie ==


Le morphème ''en'' ressemble au [[rannig]] ''e'', ou à un [[pronom]] [[objet]] de forme masculine.  
Morphologiquement, le [[morphème]] ''en'' ressemble au [[rannig]] ''e'', ou à un [[pronom]] [[objet]] de forme masculine. Il ressemble aussi à la partie ''en'' du composé du verbe ''kaout'' à la personne 3 du singulier (''en deus'').


Ce n'est pas plausiblement un objet car il apparaît avec des verbes [[intransitifs]] comme avec des objets réalisés.


== Syntaxe ==
''En'' n'est pas plausiblement un pronom objet car il apparaît avec des verbes [[intransitifs]] comme avec des objets réalisés.


== Syntaxe ==


=== distribution ===
=== distribution ===
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(7) ''Tud er vro ne ziskoant ket '''en ou''' dehè ur ioh karanté é kevér ou rè varu...''
(7) ''Tud er vro ne ziskoant ket '''en ou''' dehè ur ioh karanté é kevér ou rè varu...''
: 'Les gens du coin ne montrent pas avoir un amour immodéré pour leurs morts...', ''Vannetais'', [[Herrieu (1994)|Herrieu (1994]]:02/10/1916)
: 'Les gens du coin ne montrent pas avoir un amour immodéré pour leurs morts...', ''Vannetais'', [[Herrieu (1994)|Herrieu (1994]]:02/10/1916)
 
 
==== sans sélection ====
 
''En'' peut apparaître après la coordination ''[[&|ha(g)]]'', en initiale de matrice coordonnée.
 
* ''Mont a reas ganti trema ar gwele hag '''en''' he stardas en e zivrec'h.''
: 'Il s'approcha du lit avec elle et la serra dans ses bras.', [[Langleiz (1958)|Langleiz (1958]]:190), cité par Le Gléau (1989)
 
 
==== à l'initiale de relative ====
 
La tête ''en'' se trouve à l'initiale de relative, et conséquemment à la suite des [[clivées]].
 
 
(1) ''A pe vehè bet er Pologn '''en en''' dehè groeit kementral...''
: 'Et s'il s'était passé la même chose en Pologne...'
:::::::::::::::::::''Vannetais'', [[Herrieu (1974)|Herrieu (1974]]:pentecôte 1918)
 
 
(2) ''Donet e hra de oulen genein penaos é hellehè éan dijabein ag en huéh ugent mil lur '''en en''' des én é di.''
: 'Il vient me demander comment il pouvait se débarasser des /six vingt?/ mille francs qu'il a chez lui.'
:::::::::::::::::::''Vannetais'', [[Herrieu (1974)|Herrieu (1974]]:04/04/1918)
 
 
(3) ''Revé ma larér, é ma soudarded du, lakeit é kreiz, '''en en''' des kilet ketan ha lakeit elsé en deu gosté én danjér.''
: 'A ce qu'on dit, ce sont des soldats noirs, mis au milieu, qui ont reculé en premier et mis ainsi les deux côtés en danger.'
:::::::::::::::::::''Vannetais'', [[Herrieu (1974)|Herrieu (1974]]:16/04/1917)
 


==== précédant le verbe ''kaout'' ... ou d'autres ====
==== précédant le verbe ''kaout'' ... ou d'autres ====
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Ces formes sont utilisées par Langleiz (donc en breton littéraire par un non-natif de la langue), citées par Le Gléau (natif):
Ces formes sont utilisées par Langleiz (donc en breton littéraire par un non-natif de la langue), citées par Le Gléau (natif):


* ''Perinis, distro a-herr trema da vestrez ha lavar dezhi '''en he''' saludan gant doujañs ha karantez.''
* ''Perinis, distro a-herr trema da vestrez ha lavar dezhi '''en he saludan''' gant doujañs ha karantez.''
: [[Langleiz (1958)|Langleiz (1958]]:176)
: [[Langleiz (1958)|Langleiz (1958]]:176)


Avec une occurrence après ''[[ha(g)]]'':
* ''Mont a reas ganti trema ar gwele hag '''en he stardas''' en e zivrec'h.''  
* ''Mont a reas ganti trema ar gwele '''hag en he''' stardas en e zivrec'h.''  
: 'Il s'approcha du lit avec elle et la serra dans ses bras.', [[Langleiz (1958)|Langleiz (1958]]:190)
: [[Langleiz (1958)|Langleiz (1958]]:190)
 
 
=== analyse: complémenteur haut ou rannig ? ===
 
[[Le Bayon (1878)|Le Bayon (1878]]:51), suivi par Le Gléau (1989), considère que ''en'' est un [[allomorphe]] de la particule ''e'', déclenché par les [[POP|pronoms obliques]].


==== en tête de relative ====
  Le Gléau (1989:2029)
  "Devant le pronom complément, on peut employer la particule énonciative '''en''', utilisée devant le réfléchi '''em''', dans les mêmes conditions que l'on emploierait la particule '''ez'''; c'est-à-dire à l'[[indicatif]] et au [[conditionnel]] et à la seule forme affirmative."


La tête ''en'' se trouve en tête de relative, et conséquemment à la suite des [[clivées]].


Mais s'agit-il d'un [[rannig]] (tête Fin, bas dans le [[CP]]) ou d'un complémenteur plus haut placé, comme la traduction en 'que' de [[Le Bayon (1878)|Le Bayon (1878]]:51) le laisse entendre?


(1) ''A pe vehè bet er Pologn '''en en''' dehè groeit kementral...''
: 'Et s'il s'était passé la même chose en Pologne...'
:::::::::::::::::::''Vannetais'', [[Herrieu (1974)|Herrieu (1974]]:pentecôte 1918)


==== une tête plus basse que les interrogatifs ====
''En'' est de toute façon plus bas que le complémenteur de causalité ''pandeogwir'', ou l'interrogatif ''[[perak]]''.


(2) ''Donet e hra de oulen genein penaos é hellehè éan dijabein ag en huéh ugent mil lur '''en en''' des én é di.''
: 'Il vient me demander comment il pouvait se débarasser des /six vingt?/ mille francs qu'il a chez lui.'
:::::::::::::::::::''Vannetais'', [[Herrieu (1974)|Herrieu (1974]]:04/04/1918)


(3) ''<u>pen-dé-guir</u> '''en hé''' des treménet kel liés étaldomb hep hon diskar''.,
: 'puisqu'elle est passée si souvent si près de nous sans nous détruire.', ''Vannetais'', [[Herrieu (1994)|Herrieu (1994]]:28/03/1917)


(3) ''Revé ma larér, é ma soudarded du, lakeit é kreiz, '''en en''' des kilet ketan ha lakeit elsé en deu gosté én danjér.''
(4) ''A pe oulennan geton <u>perak</u> '''en en''' des me galuet...''
: 'A ce qu'on dit, ce sont des soldats noirs, mis au milieu, qui ont reculé en premier et mis ainsi les deux côtés en danger.'
: 'Et quand je lui demande pourquoi il m'a appelé...', ''Vannetais'', [[Herrieu (1994)|Herrieu (1994]]:29/03/1916)
:::::::::::::::::::''Vannetais'', [[Herrieu (1974)|Herrieu (1974]]:16/04/1917)


=== complémenteur ou rannig ? ===


[[Le Bayon (1878)|Le Bayon (1878]]:51), suivi par Le Gléau (1989), considère que ''en'' est un [[allomorphe]] de la particule ''e'', déclenché par les [[POP|pronoms obliques]].  
==== hypothèse d'une forme de rannig déclenchée par un pronom oblique ===
L'hypothèse qu'il s'agit d'un rannig qui prend une forme particulière lorsqu'il précède un pronom oblique (proclitique objet ou morphème d'accord du verbe ''kaout'') prédit aisément l'optionalité de ''en'' dans les dialectes où il apparaît puisque la prononciation des rannigs est elle-même optionnelle. Dans cette hypothèse, ce rannig serait insensible à l'élément qui le précède puisque ''en'' n'a pas de variante en ''a''.


  Le Gléau (1989:2029)
Cette hypothèse demande cependant de considérer que la voyelle ''a/e'' débutant le complexe morphologique du verbe ''[[endevout]]/[[kaout]]'', dans ces dialectes, n'est pas lui-meme un rannig. En effet, dans le cas contraire, deux rannigs consécutifs se suivraient (''en am eus'', ''en en deus'').  
  "Devant le pronom complément, on peut employer la particule énonciative '''en''', utilisée devant le réfléchi '''em''', dans les mêmes conditions que l'on emploierait la particule '''ez'''; c'est-à-dire à l'[[indicatif]] et au [[conditionnel]] et à la seule forme affirmative."




Mais s'agit-il d'un [[rannig]] (tête Fin, bas dans le [[CP]]) ou d'un complémenteur plus haut placé, comme la traduction en 'que' de [[Le Bayon (1878)|Le Bayon (1878]]:51) le laisse entendre?
==== hypothèse d'une tête déclarative déclenchée par un pronom oblique ===


Si il s'agit effectivement d'un rannig qui prend une forme particulière lorsqu'il précède un pronom oblique (proclitique objet ou morphème d'accord du verbe ''kaout''), son optionalité dans les dialectes où il apparaît n'est pas surprenante puisque la prononciation des rannigs est elle-même optionnelle. Cependant, cette hypothèse demande de considérer que ''en'' peut apparaître au dessus d'une autre occurrence du rannig (''en am eus'', ''en en deus''), ou bien que la voyelle ''a/e'' débutant le complexe morphologique du verbe ''[[endevout]]/[[kaout]]'' dans ces dialectes n'est pas lui-meme un rannig.  
Si il s'agit d'un complémenteur (Force) plus haut dans la [[structure]], alors les cas où un rannig le suit se comprennent.  


Si il s'agit d'un complémenteur (Force) plus haut dans la [[structure]], alors les cas où un rannig le suit se comprennent. Le problème devient alors l'analyse des phrases [[matrices]] où la forme apparaît. Dans certains cas, on pourrait postuler une [[clivée]] vide puisque ''en'' peut apparaître après les copules de clivées comme en (1).  
Le problème devient alors l'analyse des phrases [[matrices]] où la forme apparaît. Dans certains cas, on pourrait postuler une [[clivée]] vide puisque ''en'' peut apparaître après les copules de clivées comme en (1).  




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L'hypothèse des clivées vides est cependant difficile à maintenir en (2).
L'hypothèse des clivées vides est s'adapte bien aux interrogatifs comme en (2), mais est cependant difficile à maintenir en (3).




{| class="prettytable"
{| class="prettytable"
|(2)|| Ha kentizh arruet || '''en o''' ''lakaer'' || da c’houarn pontoù…
|(2)|| Pegours|| '''en''' en ||deus goarnemant er Frans || sauet é voéh ||a du geté?
|-
| || [[pegoulz|quand]] || que [[R]]3SGM ||[[kaout|a]] gouvernement [[P.e|dans]].[[art|le]] France || monté [[POSS|son]] voix ||[[a|à]] côté [[gant|avec]].[[pronom incorporé|eux]]
|-
| ||colspan="4" |'Quand(-est-ce-que) le gouvernement en France leur a-t-il déclaré son soutien?'
|-
| ||||||||colspan="4" |''Vannetais'', [[Herrieu (1974)|Herrieu (1974]]:30/05/1918)
|}
 
 
{| class="prettytable"
|(3)|| Ha kentizh arruet || '''en o''' ''lakaer'' || da c’houarn pontoù…
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| ||  [[&|et]] [[kentizh|sitôt]] arrivé || [[R]] [[POP|les]] [[lakaat|mettre]].[[IMP]] || [[da|pour]] garder ponts  
| ||  [[&|et]] [[kentizh|sitôt]] arrivé || [[R]] [[POP|les]] [[lakaat|mettre]].[[IMP]] || [[da|pour]] garder ponts  
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''En'' est de toute façon plus bas que le complémenteur de causalité ''pandeogwir'', ou l'interrogatif ''[[perak]]''.
L'exemple cité par Le Gléau est problématique pour cette hypothèse, car ''en'' y apparaît après la coordination ''[[&|ha(g)]]''.
 
* ''Mont a reas ganti trema ar gwele '''hag en he''' stardas en e zivrec'h.''  
 
: 'Il s'approcha du lit avec elle et la serra dans ses bras.', [[Langleiz (1958)|Langleiz (1958]]:190), cité par Le Gléau (1989)
(3) ''<u>pen-dé-guir</u> '''en ''' des treménet kel liés étaldomb hep hon diskar''.,
: 'puisqu'elle est passée si souvent si près de nous sans nous détruire', ''Vannetais'', [[Herrieu (1994)|Herrieu (1994]]:28/03/1917)


(4) ''A pe oulennan geton <u>perak</u> '''en en''' des me galuet...''
: 'Et quand je lui demande pourquoi il m'a appelé...', ''Vannetais'', [[Herrieu (1994)|Herrieu (1994]]:29/03/1916)


== Variation dialectale ==
== Variation dialectale ==


Pour un recensement de ces formes dans le vannetais de Loeiz Herrieu, voir [[Châtelier (2015)|Châtelier 2015]].
Pour un recensement des formes en ''en'' dans le vannetais de Loeiz Herrieu, voir [[Châtelier (2015)|Châtelier 2015]].


A Belle-Île-en-mer, ce complémenteur peut introduire une [[petite proposition]], et donc apparaître devant un infinitif. Dans cette variéé en tout cas, ''en'' n'est donc pas plausiblement un rannig puisque ceux-ci n'apparaissent jamais avec un verbe infinitif.
A Belle-Île-en-mer, ce complémenteur peut introduire une [[petite proposition]], et donc apparaître devant un infinitif. Dans cette variéé en tout cas, ''en'' n'est donc pas plausiblement un rannig puisque ceux-ci n'apparaissent jamais avec un verbe infinitif.
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|||colspan="4" | 'La vache ne peut pas avoir de veau'|||| ||''Vannetais (Belle-Île-en-mer)'', [[Le Besco (2005)|Le Besco (2005]]:76)
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== A ne pas confondre ==
== A ne pas confondre ==


Il semble que Herrieu puisse aussi produire des formes du verbe ''endevout'' dans laquelle s'insère un [[proclitique objet]]. En (2), le sujet ''ar Mestr'', 'le maître' est masculin. La forme du verbe ''kaout'', 'avoir' n'est pas la forme ''en deus'' mais la forme ''he'', féminine, du [[pronom objet proclitique]].  
Il semble que Herrieu puisse aussi produire des formes du verbe ''endevout'' dans laquelle s'insère un [[proclitique objet]]. En (2), le sujet ''ar Mestr'', 'le maître' est masculin. La forme du verbe ''kaout'', 'avoir' n'est pas la forme ''en deus'' mais la forme ''he'', féminine, du [[pronom objet proclitique]]. Il n'est pas clair si ces faits peuvent être liés à la présence de ''en''.





Version du 9 mars 2016 à 15:33

Le complémenteur déclaratif ou rannig en est restreint à certaines variétés de vannetais.


(1) gant aon mah ouiahe Annaig en en deus ouelet.
avec peur que saurait Anna.DIM que R3SGM a pleuré
'de peur que la petite Anna ne sache qu'il a pleuré.' Vannetais, Ar Meliner (2009:40)


(2) Pegours en en deus goarnemant er Frans sauet é voéh a du geté?
quand que R3SGM a gouvernement dans.le France monté son voix à côté avec.eux
'Quand le gouvernement en France leur a-t-il déclaré son soutien?'
Vannetais, Herrieu (1974:30/05/1918)


Morphologie

Morphologiquement, le morphème en ressemble au rannig e, ou à un pronom objet de forme masculine. Il ressemble aussi à la partie en du composé du verbe kaout à la personne 3 du singulier (en deus).


Syntaxe

En n'est pas plausiblement un pronom objet car il apparaît avec des verbes intransitifs comme avec des objets réalisés.


distribution

sélectionné par les verbes déclaratifs

(2) ... hag e lâr d'ar vestrez a sell doc'hti get truez, en he deus naon he mamm.
et R dit à'le 1patronne R regarde à.elle avec pitié que R3SGF a faim son mère
'...et elle dit à la patronne qui la regarde avec pitié que sa mère a faim.' Vannetais, Ar Meliner (2009:64)


(3) Gwir eo en en deus tud ar vro-mañ un digarez...,

'C'est vrai que les gens de ce pays ont une excuse...', Vannetais, Herrieu (1994:154)

(4) Goût a raomp emberr en en deus ar Jermaned esaet donet en holl linenn...

'Nous savons bientôt que les Allemands ont essayé de pénétrer nos lignes...', Vannetais, Herrieu (1994:133)

(5) Displeg e hra demb en hé des prénet un dousén uieu get un amezegéz...

'Elle nous explique qu'elle a acheté une douzaine d'oeufs à une voisine...', Vannetais, Herrieu (1994:28/03/1917)

(6) Hiziu n'en des kén konz get en dud, nameit en en des en Itali em lakeit a du get Frans.

'Aujourd'hui il n'est pas question d'autre chose que de la nouvelle que l'Italie rejoint la France.', Vannetais, Herrieu (1994:24/05/1915)

(7) Tud er vro ne ziskoant ket en ou dehè ur ioh karanté é kevér ou rè varu...

'Les gens du coin ne montrent pas avoir un amour immodéré pour leurs morts...', Vannetais, Herrieu (1994:02/10/1916)


sans sélection

En peut apparaître après la coordination ha(g), en initiale de matrice coordonnée.

  • Mont a reas ganti trema ar gwele hag en he stardas en e zivrec'h.
'Il s'approcha du lit avec elle et la serra dans ses bras.', Langleiz (1958:190), cité par Le Gléau (1989)


à l'initiale de relative

La tête en se trouve à l'initiale de relative, et conséquemment à la suite des clivées.


(1) A pe vehè bet er Pologn en en dehè groeit kementral...

'Et s'il s'était passé la même chose en Pologne...'
Vannetais, Herrieu (1974:pentecôte 1918)


(2) Donet e hra de oulen genein penaos é hellehè éan dijabein ag en huéh ugent mil lur en en des én é di.

'Il vient me demander comment il pouvait se débarasser des /six vingt?/ mille francs qu'il a chez lui.'
Vannetais, Herrieu (1974:04/04/1918)


(3) Revé ma larér, é ma soudarded du, lakeit é kreiz, en en des kilet ketan ha lakeit elsé en deu gosté én danjér.

'A ce qu'on dit, ce sont des soldats noirs, mis au milieu, qui ont reculé en premier et mis ainsi les deux côtés en danger.'
Vannetais, Herrieu (1974:16/04/1917)


précédant le verbe kaout ... ou d'autres

Lorsque ce complémenteur apparaît, on le trouve surtout en préface du verbe kaout, 'avoir'.


(6) Hag e teu soñj din en am eus gwelet an dra-se c'hoazh e Breizh-Veur.

'Et je me rappelle avoir déjà vu cela en Grande-Bretagne.', Vannetais, Herrieu (1994:110)


Cependant, on en trouve aussi des formes devant des verbes lexicaux.


(7) Haval guet-n-eign en hou kleuañ doh hum glem.
sembler avec.moi que vous entend à se plaindre
'Il me semble que je vous entend vous plaindre.' Vannetais, Le Bayon (1878:51)


Ces formes sont utilisées par Langleiz (donc en breton littéraire par un non-natif de la langue), citées par Le Gléau (natif):

  • Perinis, distro a-herr trema da vestrez ha lavar dezhi en he saludan gant doujañs ha karantez.
Langleiz (1958:176)
  • Mont a reas ganti trema ar gwele hag en he stardas en e zivrec'h.
'Il s'approcha du lit avec elle et la serra dans ses bras.', Langleiz (1958:190)


analyse: complémenteur haut ou rannig ?

Le Bayon (1878:51), suivi par Le Gléau (1989), considère que en est un allomorphe de la particule e, déclenché par les pronoms obliques.

 Le Gléau (1989:2029)
 "Devant le pronom complément, on peut employer la particule énonciative en, utilisée devant le réfléchi em, dans les mêmes conditions que l'on emploierait la particule ez; c'est-à-dire à l'indicatif et au conditionnel et à la seule forme affirmative."


Mais s'agit-il d'un rannig (tête Fin, bas dans le CP) ou d'un complémenteur plus haut placé, comme la traduction en 'que' de Le Bayon (1878:51) le laisse entendre?


une tête plus basse que les interrogatifs

En est de toute façon plus bas que le complémenteur de causalité pandeogwir, ou l'interrogatif perak.


(3) pen-dé-guir en hé des treménet kel liés étaldomb hep hon diskar.,

'puisqu'elle est passée si souvent si près de nous sans nous détruire.', Vannetais, Herrieu (1994:28/03/1917)

(4) A pe oulennan geton perak en en des me galuet...

'Et quand je lui demande pourquoi il m'a appelé...', Vannetais, Herrieu (1994:29/03/1916)


= hypothèse d'une forme de rannig déclenchée par un pronom oblique

L'hypothèse qu'il s'agit d'un rannig qui prend une forme particulière lorsqu'il précède un pronom oblique (proclitique objet ou morphème d'accord du verbe kaout) prédit aisément l'optionalité de en dans les dialectes où il apparaît puisque la prononciation des rannigs est elle-même optionnelle. Dans cette hypothèse, ce rannig serait insensible à l'élément qui le précède puisque en n'a pas de variante en a.

Cette hypothèse demande cependant de considérer que la voyelle a/e débutant le complexe morphologique du verbe endevout/kaout, dans ces dialectes, n'est pas lui-meme un rannig. En effet, dans le cas contraire, deux rannigs consécutifs se suivraient (en am eus, en en deus).


= hypothèse d'une tête déclarative déclenchée par un pronom oblique

Si il s'agit d'un complémenteur (Force) plus haut dans la structure, alors les cas où un rannig le suit se comprennent.

Le problème devient alors l'analyse des phrases matrices où la forme apparaît. Dans certains cas, on pourrait postuler une clivée vide puisque en peut apparaître après les copules de clivées comme en (1).


(1) er Germaned é en en des, er ré getan kavet er mod-sé de gastiein en éneberion.

'Ce sont les allemands qui, les premiers, ont trouvé cette façon de punir les ennemis.', Vannetais, Herrieu (1994:20/05/1917)


L'hypothèse des clivées vides est s'adapte bien aux interrogatifs comme en (2), mais est cependant difficile à maintenir en (3).


(2) Pegours en en deus goarnemant er Frans sauet é voéh a du geté?
quand que R3SGM a gouvernement dans.le France monté son voix à côté avec.eux
'Quand(-est-ce-que) le gouvernement en France leur a-t-il déclaré son soutien?'
Vannetais, Herrieu (1974:30/05/1918)


(3) Ha kentizh arruet en o lakaer da c’houarn pontoù…
et sitôt arrivé R les mettre.IMP pour garder ponts
'Et sitôt arrivés on les met à garder des ponts.' Vannetais, Herrieu (1974:47)


L'exemple cité par Le Gléau est problématique pour cette hypothèse, car en y apparaît après la coordination ha(g).

  • Mont a reas ganti trema ar gwele hag en he stardas en e zivrec'h.
'Il s'approcha du lit avec elle et la serra dans ses bras.', Langleiz (1958:190), cité par Le Gléau (1989)


Variation dialectale

Pour un recensement des formes en en dans le vannetais de Loeiz Herrieu, voir Châtelier 2015.

A Belle-Île-en-mer, ce complémenteur peut introduire une petite proposition, et donc apparaître devant un infinitif. Dans cette variéé en tout cas, en n'est donc pas plausiblement un rannig puisque ceux-ci n'apparaissent jamais avec un verbe infinitif.


(1) Ar vuoh n'hall ket en he bout leue.
le vache ne'peut pas R? 3SGF avoir veau
'La vache ne peut pas avoir de veau' Vannetais (Belle-Île-en-mer), Le Besco (2005:76)


A ne pas confondre

Il semble que Herrieu puisse aussi produire des formes du verbe endevout dans laquelle s'insère un proclitique objet. En (2), le sujet ar Mestr, 'le maître' est masculin. La forme du verbe kaout, 'avoir' n'est pas la forme en deus mais la forme he, féminine, du pronom objet proclitique. Il n'est pas clair si ces faits peuvent être liés à la présence de en.


(2) ar Mestr en he deus nac’het…
le Maître R.3SGM la a refusé
'le Maître qui l’a refusée…' Vannetais, Herrieu (1994:76)