Topique

De Arbres

Le topique d'une phrase, pour une première approximation, est l'élément qui réfère à 'ce dont on parle', 'ce dont il est question'.


Topicaliser un constituant, c'est l'extraire de sa position canonique pour l'amener dans une position proéminente dans la phrase, dans la périphérie gauche.


On identifie deux sortes de topiques: le topique simple et le topique suspendu.

Le topique, sauf s'il est sujet, doit toujours lier un élément interne à IP.


Structure CP

Jouitteau (2005/2010:chap 2) propose une structure de la périphérie gauche comme suit:


(1) [ForceP Force° [TopP [FocP [ModeP NEG [FinP
topique suspendu, adj. scéniques topique focus sujet/explétif rannig-V
structure CP, Jouitteau (2005/2010:126)


 La projection ForceP peut accueillir un topique suspendu en son spécifieur, et des [[adjoints
 scéniques]] (adverbes scéniques ou propositions circonstancielles) en projection intermédiaire.
 Le spécifieur de la projection TopP accueille des XPs topiques générés in situ. Ces topiques
 lient un pronom dans une position sous IP.             Jouitteau (2005:126)
 
 La projection de topique suspendu est occupée par un unique élément. La zone
 d’insertion d’adverbes scéniques est récursive, elle peut contenir plusieurs circonstanciels
 non focalisés. Le spécifieur de la projection de topique héberge un topique avec un résomptif
 interne à IP et le spécifieur de la projection Focus héberge les XPs focalisés (DPs, adverbes,
 circonstanciels, VPs…).                               Jouitteau (2005:178)
 


Le topique est toujours devant l'élément qui porte le temps morphologique, l'élément tensé. Le topique préverbal peut apparaître avec d'autres éléments devant le temps. On obtient alors un ordre V3. Le topique préverbal peut être le seul élément devant le verbe tensé. Il est alors garant de l'ordre V2.

Topique simple

Lorsqu'un topique simple est le sujet de la phrase, il apparaît simplement en zone préverbale.


(1) Ar vro a zo kaer ive?
le pays R est beau aussi
'L'intérieur est beau aussi?' Léon (Cléder), Seite (1998:58)


Lorsque le topique n'est pas sujet de la phrase, alors on a recours en breton à une construction dite du faux sujet. En (2), le sujet de la phrase est o zud-koz, mais le topique en position préverbale est kalz euz pesketerien Treboul.


(2) Kalz euz pesketerien Treboul a zo o zud-koz ginidig diwar ar mêz.
beaucoup de pêcheurs Treboul R est leur grand-parents natif de le campagne
'Beaucoup de pêcheurs de Tréboul ont leurs grand-parents qui viennent de la campagne.'
Léon (Cléder), Seite (1998:57)

Topique suspendu

La projection la plus haute de la périphérie gauche (zone CP) est la projection du topique suspendu (dit ‘Hanging Topic’ en anglais) qui donne la lecture ‘Quant à X’- ‘As for X’.

exemples:

Quant à Charlesx, ilx ne chercha point à se demander pourquoi ilx venait aux Bertaux avec plaisir. (Flaubert (1857:I,2); Madame Bovary)
(Quant à) Oliviery, elle ley kiffe, mais (quant à) ellez, tu vas voir la tête qu'ellez va faire.
(Quant à) Moix, monx chien saute pas partout.


Les cinq propriétés des topiques suspendus, dans toutes les langues, sont:

une lecture sémantique ‘Quant à…’
une pause intonative représentée à l’écrit par une virgule,
la restriction sur les pronoms qui les force à apparaître enchâssés dans un syntagme prépositionnel,
la reprise anaphorique qui peut être effectuée par un épithète (Quant à) Olivier, elle kiffe cet idiot.
le topique suspendu n’affecte pas l’ordre des mots de la phrase après lui.

Les propriétés des topiques suspendus sont détaillées ci-dessous pour le breton.


pause intonative

 "Cette caractéristique est peut-être la plus aisée à repérer. La projection du topique suspendu
 est très haute et est séparée du reste de la phrase par une pause graphiquement marquée par
 une virgule. Un adverbe parenthétique peut séparer le topique suspendu du reste de la phrase."
                                                       (Jouitteau 2005:182)

pas de pronom en topique suspendu

 Comme en anglais, l’élément en position de topique suspendu ne peut pas consister en un
 pronom fort. (*Him/*He, I don’t know him, ‘Lui, je le connais pas’). Les pronoms doivent être
 intégrés dans une préposition (As for him, I don’t know him; ‘Quant à lui, je le connais pas’).
                                                       (Jouitteau 2005:183)


(1) (*Te / evidout-te) , komzet 'zo bet diwar da benn.
toi / pour.toi-toi parlé R est été de ta tête
'Quant à toi, on a parlé de toi.'
Jouitteau (2005:183)

liage

 "Dans chaque exemple de topique suspendu, on peut noter une reprise anaphorique de
 l’élément en position de topique suspendu par un autre élément plus bas dans la structure, en
 position préverbale ou interne à IP. La reprise anaphorique peut être le fait d’un pronom ou
 d’un épithète." 
                                                       (Jouitteau 2005:183)
(1) A(n) re wenn, vi pradet an dilhad gwenn ganoc'h.
le ceux1 blanc était.HAB battu le habits blanc avec.2PL
'Vous aviez l'habitude de battre les habits blancs.'
Cornouaillais (Saint-Yvi), German (2007:173)


(2) Hag [ ar re 'zo chomet ]y, [ peogwir n'eo ket bras ar menajoù],
et le ceux R est resté car ne est pas grand le fermes
[ evit gallout bevañ ] , [ feiz ], [ an dud]y a zo en em vodernizet…
pour pouvoir vivre foi le gens R est réfléchi modernisé
'‘Et [ceux qui étaient restés]y, parce que les fermes ne sont pas grandes, pour pouvoir vivre, ma foi, [[les gens]y se sont modernisés…’.'
KLT, Timm (1991), cité dans Jouitteau (2005:189)

ordre des mots

Un topique suspendu n'affecte pas le reste des mots dans la phrase (Jouitteau 2005:184). Ainsi, il ne peut pas être le seul élément devant un verbe tensé. Entre un topique suspendu et un verbe tensé, on peut trouver éventuellement un groupe nominal objet, un adjectif prédicatif, un participe, une négation... c'est-à-dire tous les éléments que l'on peut trouver en initiale de phrase ... sans topique suspendu.

Bibliographie

  • Anderson, S. 1981. 'Topicalization in Breton', Proceedings of the Berkeley Linguistics Society, 7:27-39.
  • Jouitteau, M. 2005/2010. La syntaxe comparée du Breton, , éditions universitaires européennes, ISBN 978-613-1-52800-2. manuscrit en pdf ici ou ici.
  • Plourin, Jean-Yves. 1998. 'La phrase bretonne comprenant le verbe ETRE au présent de l’indicatif. Conflits de topicalisation', La Bretagne Linguistique 11, CRBC.