Mouvement A-barre

De Arbres
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Un mouvement dit A-barre est une opération de mouvement syntaxique qui bouge une projection maximale dans une position A-barre. On appelle position A-barre une position dans la structure syntaxique de la phrase qui peut être occupée par des éléments qui ne sont pas des arguments.

Des exemples de mouvements A-barre sont la relativisation d'un élément, ou son mouvement vers une position de focus dont le mouvement wh-.


Illustration

Un exemple prototypique de mouvement dans une position A-barre est représenté par les questions qui montent un mot interrogatif à l'initiale de la phrase. C'est le cas aussi de tous les autres mouvements en zone de focus, ou dans les phénomènes de scrambling.


mouvement de focus

En breton, comme en basque ou en hongrois, un élément focalisé doit être signalé par un mouvement syntaxique de type A-barre. Le site d'accueil de ce mouvement est devant le verbe tensé. Le mouvement de focalisation le plus repérable est le mouvement des mots interrogatifs.

mouvement wh-

Le mouvement d'un mot interrogatif en initiale de phrase a des propriétés particulières. On appelle ce type de mouvement un mouvement wh-. C'est un type de mouvement A-barre.

Dans la phrase affirmative en (1), le sujet est dans sa position canonique, après le verbe tensé, dans le champ du milieu, à l'endroit où il apparaît sans mouvement A-barre.


(1) Warc'hoazh e yelo Per da-vid ar journal.
demain R4 ira Pierre a-pour le journal
'Pierre ira chercher le journal demain.'


En (2), le mot interrogatif a opéré un mouvement syntaxique A-barre vers l'initiale de la phrase. La position où l'interrogatif apparaît n'est pas une position argumentale: on a vu en (1) qu'elle accueillait un adverbe.


(2) Piou a yelo _ da-vid ar journal?
qui R1 ira <qui> a-pour le journal
'Qui ira chercher le journal?'
Trégorrois, Gros (1970:148)


Propriétés

un seul par phrase

Contrairement à d'autres langues comme le serbe ou le croate, on ne peut pas dans une même phrase bretonne opérer deux mouvements A-barre. Dans le cas de deux interrogatifs, par exemple, l'un reste in-situ.


(1) Piou zo gant piou?
qui est avec qui
'Qui est avec qui?' Léon, Kervella (2009:201)


longue distance

Le mouvement A-barre a la propriété de pouvoir être opéré sur une longue distance, à travers plusieurs domaines propositionnels. On parle alors d'extraction à longue distance.


(2) D'ar gouel [ e vichen kontan [ ma teufe Yann __ ]].
à le fête R4 serais content si4 venait Yann (à la fête)
'Je serais content que Yann vienne à la fête.'
Léon, (Lesneven), (A.M. 02/2016)


(3) Petra [ eman en e zoñj [ober __ ]]?
quoi est en son1 pensée faire (quoi)
'Qu'est-ce qu'il pense faire?'
Léon, Fave (1998:141)


(4) Da belec'h eta [ e fell d'it [ ez kasfen ___ ]]?
pour1 donc R4 plaît à.toi te envoie
'Où veux-tu donc que je t'envoie?'
Léon (Bodilis), Ar Floc'h (1922:347)


(5) Ar baotred a soñj din a lenne al levrioù a zo amañ.
le 1gars R1 pense à.moi R1 lisait le livres R1 est ici
'Les gars qui je pense ont lu les livres sont ici.'
Trégorrois, Borsley & Stephens (1989:420)


(6) Petore paotred a soñj deoc'h a lenne al levrioù ?
quel gars R1 pense à.moi R1 lisait le livres
'Quels gars pensez-vous qui ont lu les livres?'
Trégorrois, Borsley & Stephens (1989:420)


(7) Pese bugale en deus lavaret ar plac’hig o deus torret ar c'hoarioù?
quel.sorte enfants R.3 a dit le fill.ette 3PL a cassé le jouet.s
'Quels enfants est-ce que la fillette a dit qui ont cassé les jouets?'
Plougerneau, M-L.B (10/2018)


errata

Dans la recherche en grammaire générative, il a été produit des données où l'extraction à longue distance donnait un résultat agrammatical (Anderson & Chung 1977:36c., cité dans Woolford 1991:521). La phrase qui illustre cette généralisation est une extraction de l'objet et est effectivement agrammaticale (* Da genteliou en deus lavaret an aotrou Kere e oa ret dit deskiñ mat, 'Monsieur Quéré a dit que tu devais apprendre tes leçons') mais c'est plus plausiblement car elle ne se prête pas facilement à une lecture de focus contrastif sur l'objet antéposé. L'extraction à longue distance ne pose autrement pas de problème.

restriction sur les constituants déplaçables

Toute projection maximale n'est pas candidate au mouvement. En breton, certaines propositions complétives ne peuvent pas être focalisée par mouvement et être licite en initiale de phrase (Favereau 1997:§572). La raison en est inconnue, et il y a variation.


(1) E neus lennet Alain an dra-se, tout an dud neus keuz _.
[ R a lu Alain le 1chose-ci ] tout le 1gens a regret
'Tout le monde regrette que Alain ait lu ce truc.'
Plougerneau, M-L. B. (05/2018)

îles pour le mouvement

Tout domaine ne peut pas être traversé par un mouvement A-barre. Certains constituants sont des îles pour le mouvement, ce qui signifie que l'on ne peut pas extraire un élément de ces constituants.

En (2), le groupe da redek petra a été antéposé à l'intérieur de la complétive et pas plus haut. A l'intérieur de ce groupe prépositionnel adjoint, petra n'a pas bougé à l'initiale.


(2) N'ouzoun ket [ da redek petra ] int eat ___ .
ne1 sais pas à courir quoi sont allé
'Je ne sais pas ce qu'ils sont allés courir (sans doute pas le lapin)!'
Cornouaillais / Léon, Croq (1908:57)

restriction sur le verbe de la matrice

Les verbes factifs sont connus pour les propriétés d'îles pour le mouvement de leur complément. Les extractions longues sont prototypiquement illustrées par des verbes déclaratifs non-factifs.


(3) Pese parti ar journal a lavar an amezog e neus soutenet _  ?
quel parti le journal R dit le voisin 3SG a souten.-et (Adj.)-u <quel parti>
'Quel parti le journal a révélé que le voisin avait soutenu?'
Plougerneau, M-L. B. (05/2018)


les relations anaphoriques s'opèrent avant le mouvement A-barre

Le mouvement A-barre ne semble pas interprété pour les relations anaphoriques.


reconstruction

Les effets de reconstruction montrent que les éléments focalisés sont interprétés dans leur position de base pour les relations anaphoriques.


pas de liage des anaphores par un quantifieur en position A-barre

Selon la condition A du liage, un pronom réfléchi doit être liée dans son domaine local.


(1) * [ Herself ]1 portrayed [ every girl ].
* [ Elle-même ]1 représentait [ chaque fille ].


Ce liage peut s'opérer par un quantifieur d'une position A (comme en 1).


(2) [ No girl ]2 saw the picture of herself2.
[ Aucune fille ]2 n'a vu la photo d'elle-même2.


Ce liage ne peut pas s'opérer par un quantifieur d'une position A-barre (comme en 2).


(3) * [ No girl ]3, a picture of herself3 portrayed _ .
* [ Aucune fille ]3, une photo d'elle-même3 représentait _ .

Horizons comparatifs

En français standard, le mouvement de focalisation n'est présent que dans les questions. Dans le français de Basse-Bretagne, le mouvement systématique de focalisation du breton a été importé, créant des ordres de mots différents d'en français standard:


(4) Un moyen de transport jusque Rio il faut [ que je trouf _ ] .

'Il faut que je trouve un moyen de transport jusqu'à Rio.', Cornouaille (bigouden), Stéphan (1986:27)


(5) "Du raccommodache" je peux bien faire _ , (Brest, Péron 2001:15)

Bibliographie

horizons comparatifs

  • Cinque, Guglielmo 1990. Types of A-bar dependencies. Cambridge MA: MIT Press.
  • Branigan, Philip. 1996. 'Verb-second and the A-bar Status of Subjects', Studia Linguistica 50: 50-79.