Le progressif

De Arbres
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Le progressif est une construction aspectuelle imperfective.

Sémantiquement, l'aspect progressif marque l'inclusion du temps de la proposition (T) dans le temps du prédicat.


  • représentation schématique: ---------[--T--]----->


En breton, le progressif utilise deux prépositions prototypiquement spatiales qui marquent une coïncidence entre la figure et le fond: ouzh/o, et war ('sur'). On trouve aussi la préposition d'accompagnement gant, 'avec'.


Prédicats verbaux

progressif en o

L'aspect progressif est réalisé la plupart du temps par un composé de l'auxiliaire 'être' (bezañ) sélectionnant la particule particule o qui introduit un syntagme verbal.

L'auxiliaire 'être' (bezañ) est à la forme de situation emañ, à la forme d'habituel vez, ou sous la forme zo.


(1) Met ni 'vi ' c'hoarzin.
mais nous R1 était à4 rire
'Mais nous, nous rigolions.' (Nous étions en train de rire)
Cornouaillais (Saint-Yvi), German (2007:173)


Tout usage de la particule o n'est pas la marque d'un progressif. En (2), la forme du verbe 'être' (bezañ) qui apparaît avec la particule o est la forme d'actualité int (forme eo de 'être', bezañ). La forme de situation correspondante, emaint, ne serait pas grammaticale.


(2) Laouen int o4 klevet o bugale o komz e brezhoneg.
heureux sont à4 entendre leur2 enfant.s à4 parler en breton
'Ils sont heureux d'entendre leurs enfants parler breton.'
Standard, A. Cousin, 'Ken eürus e galleg hag e brezhoneg'
Finistère, Revue d’Information du Conseil Général du Finistère, p.22.


Les structures progressives en o ont des restrictions dialectales. Ternes (1970:304) rapporte qu'à Groix, la construction progressive en o n'est pas compatible avec un pronom proclitique objet. L'ordre des mots peut aussi jouer, comme la possibilité d'antéposer o et son verbe. Kennard (2013:179) a montré que parmi trois générations de locuteurs interviewés autour de Quimper, les phrases progressives commençant par o + verbe infinitif en tête sont produits par les jeunes générations mais elle n'en relève pas chez les locuteurs traditionnels.


progressif en gant

A Groix, Ternes (1970:304) rapporte une construction avec la préposition gant, compatible avec les pronoms proclitiques objets.


(3) /xizo ̌jet-urswaɲiɲ /
Hi 'zo gant hur soignein.
elle.est avec-nous soigner
'Elle est en train de nous soigner.'
Groix, Ternes (1970:304)

changement d'état, progressif en war

Le progressif marquant un changement d'état est formé à partir de la préposition war 'sur' suivi d'un verbe de changement d'état reconnaissable à son suffixe verbal en -aat.


(4) Matriona gaezh a yae war goshaat ivez hec'h unanik.
Matriona1 chère R1 allait sur1 vieil.lir aussi son1,+C un.DIM
'Matriona vieillissait aussi seule.
Trégorrois (Kaouenneg)/Standard, ar Barzhig (1976:50)


Seite (1975:63) note que l'accent, dans ces verbes en -aat, tombe toujours sur ce suffixe. Cela ne peut pas être systématiquement vrai, car en (5), ce suffixe du verbe kuzhaat '(se) cacher' n'est pas même réalisé.


(5) An heol a oa war vond da guz.
le soleil R1 était sur1 aller de1 cacher
'Le soleil était en train de se coucher.'
Trégorrois (Tréguier), Ar Moal (1902:11)


Selon Goyat (2012:206), le progressif en war est usitée à Plozevet mais est cependant restreinte lexicalement à quelques verbes. Il donne:


  • war wellaad e ya, /sur mieux.sfx R va/, 'son état s’améliore'
  • war wasaad e yee, /sur pire.sfx R allait/, 'son état empirait'
  • war rouesaad e yeont, /sur rare.sfx R vont/, 'ils se raréfient'


Propositions

La progression relative met en relation deux propositions et force la coïncidence aspectuelle et temporelle des deux.


seul ma...

(6) Seul m 'e kosha, sotoc'h ec'h a.
chaque que4 R4 vieil.l.it sot.plus R+C va
'Plus il vieillit, plus il est bête..'
Vannetais (Languidic), Crahe (2013:332)

Calcul aspectuel indépendant du temps d'énonciation

La borne de fin du prédicat doit être calculée comme postérieure ou coïncidente au temps de la phrase. La borne de début du prédicat doit être calculée comme antérieure ou coïncidente au temps de la phrase.

Le temps de l'énonciation est indifférent. En (1), la borne de fin de chom e Gwened est antérieure au temps de l'énonciation (le locuteur n'habite plus à Vannes lorsqu'il prononce la phrase), mais elle est postérieure au temps de la proposition marqué morphologiquement par la forme léonarde edon.


(1) P'edon o chom e Gwened...
quand étais à4 rester dans Vannes
'When I was living in Vannes...' Léon, Heinecke (2001:81)
'Quand j'habitais à Vannes...'


A ne pas confondre

Les différentes constructions du progressif ne doivent pas être confondues avec en ur, dre ma ou e-serr, équivalents du gérondif français. Ces structures ordonnent la coïncidence ou l'inclusion des temps de deux prédicats différents.

Terminologie

Kervella (1947) utilise le terme stumm ober. KAG (2016), les termes displegadur progresivel, displegadur war-ober.


Bibliographie

  • Hewitt, Steve. 2001. 'Le progressif en breton à la lumière du progressif anglais', Actances 11, Paris, 49-70.
  • Hewitt, Steve, 1990. 'The progressive in Breton in the light of the English progressive', Ball, Fife, Poppe, Rowland, Celtic Linguistics: Readings in the Brythonic Languages, Festschrift for T. Arwyn Watkins, Current Issues in Linguistic Theory 68, Benjamins, 167-188.
  • Hewitt, Steve, 1986. 'Le progressif en breton à la lumière du progressif anglais', La Bretagne Linguistique, 2:132-48.