Différences entre les versions de « Ordres à participe préverbal »

De Arbres
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| ||colspan="4" |'Je vous ai donné du pain qui n'était pas bon.'  
| ||colspan="4" |'Je vous ai donné du pain qui n'était pas bon.'  
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|||||||||colspan="4" |''Bas-vannetais (Kistinid)'', [[Nicolas (2005)|Nicolas (2005]]:50)
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Version du 28 septembre 2020 à 10:54

En breton, l'élément qui porte les morphèmes de temps et d'accord doit être (au moins) en seconde position.

Lorsque cet élément est l'auxiliaire bezañ 'être' ou kaout 'avoir', ce qui le précède peut être le verbe lexical; un participe passé (1) ou un participe passif (2).


(1) Sachet em eus-hé din.
attiré R.1SG ai-eux à.moi
'Je les ai attirés à moi.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:13)


(2) Lavaret e vije __ ez eur bet o c'hoari got dre aman.
dit R serait R est.IMP été à4 jouer billes par ici
'On dirait qu'on a joué aux billes, par ici.' Léonard, Kerrien (2000:6)


Description générale du phénomène

Dans les temps composés, le verbe lexical sous forme de participe passé ou de participe passif peut être l'élément initial de phrase. Ses arguments, objet ou sujet, peuvent en apparaître séparés, à la droite de l'auxiliaire.

Ce n'est possible ni en anglais ni en français (* Eaten I have the cake., ni non plus * Mangé j'ai le gâteau.)


participe antéposé

Avec un participe passé, l'auxiliaire peut être 'avoir', kaout, ou bien 'être', bezañ.


(3) [ rɛjdəmɛs bara dɔχ a wɛ tʃø ma:t ]
Roet 'meus _ bara deoc'h ha ' oa ket mat.
donné 1SG.a _ pain à.vous que (ne) R était pas bon
'Je vous ai donné du pain qui n'était pas bon.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:50)


Avec un participe passif, l'auxiliaire est toujours bezañ.


modification

Le participe passé antéposé à l'élément de flexion peut être modifié par des adverbes courts. Deux participes peuvent être coordonnés.


(4) Selaouet mat ha klevet mat am eus [ _ & _ ].
écouté bien et entendu bien R.1SG ai
'J'ai bien écouté et bien entendu.' Le Bozec (1933:10)


Il est possible que cet adverbe court soit lui-même modifié par un intensifieur:


(5) Resevet mad spontus e-noa _ ahanon, [...].
reçu bien terrible R-avait (reçu bien terrible) P.moi
'Il m'avait très bien reçu, [...].' Skragn (2002:22)


rannig associé

(6) Gwelet e vezo, eme ar prins outan e-unan.
voir R sera dit le prince à.lui son-un
'On verra, dit le prince pour lui-même.' Saint Pol de Léon, Milin (1922:401)


site d'extraction

Selon Jouitteau (2005/2010, 2007), le participe passé est antéposé uniquement lorsque la dérivation syntaxique le rend l'élément le plus proche après l'auxiliaire, dans un réflexe de dernier recours visant à empêcher un ordre à verbe initial. Cette règle dérive la note de Le Gonidec (1838:101), pour qui le participe passé est antéposé uniquement lorsque le sujet est pronominal incorporé.

Dans des variétés autres que celles de Le Gonidec, on trouve des participes antéposés avec un sujet lexical dans le champ du milieu.


(7) Chomet 'oa badaouet ar c'hazh e-dan ar peul.
resté était assommé le 5chat sous le poteau
'Le chat était resté assommé sous le poteau.' Le Scorff, Ar Borgn (2011:13)


Jouitteau postule que les variétés dialectales où le participe peut être antéposé avec un sujet postverbal réalisé sont aussi les variétés dialectales où le sujet postverbal peut être séparé de l'auxiliaire par le participe (ordre : X-auxiliaire-participe-sujet...: Bez 'oa chomet badaouet ar c'hazh e-dan ar peul).

Un contre-exemple à cette hypothèse serait une phrase dont l'ordre des mots montrerait un verbe lexical antéposé qui ne serait pas originaire de la position immédiatement après l'auxiliaire.

Seuls les clitiques peuvent intervenir. De façon générale, quand un clitique est intégré à la morphologie verbale, ce clitique est invisible pour ce mouvement. Le pronom écho int en (8) n'est manifestement pas un obstacle pour l'antéposition verbale.


(8) Skrivet em eus-int __ hep ken soñj nemet ober plijadur...
écrit R.1SG ai-eux (écrit) sans plus pensée seulement faire plaisir
'Je les ai écrits sans autre but que faire plaisir...' Vannetais, ar Meliner (2009:11)


On observe les mêmes faits avec la particule aspectuelle bet (Borsley & Kathol 2000). L'hypothèse de Jouitteau ne tient que si bet, dans ces phrases, est plausiblement cliticisée.


On peut citer les cas d'extraction par-dessus un auxiliaire et un modal comme ci-dessous en (9). Cependant, il est à noter que dans cette extraction longue, l'objet n'apparaît pas dans le champ postverbal pour assurer qu'il s'agirait bien d'une tête qui est antéposée. Il pourrait donc s'agir ici d'un mouvement de constituant plus large qu'une tête.


(9) Alies e vez graet hemañ gant kig yar, met graet e c'hell bezañ __ ivez gant pesked...
souvent R est fait celui.ci avec viande poulet mais fait R peut être aussi avec poissons
'On le fait souvent avec du poulet, mais on peut aussi le faire avec du poisson.'
Cornouaille/bordure Léon (Dirinon), Kervella (1985:120)


Structure informationnelle

L'antéposition du participe passé est associée aux structures informationnelles plates (Schafer 1997, Jouitteau 2005, 2007). Il n'y a pas d'effet de focus ou d'emphase associé avec le placement du verbe lexical verbe à l'initiale, ou alors un effet de focalisation de la phrase entière.


(1) Met ne selle ket-eñ doc'h ar re-se.
mais ne regardait pas-lui à le ceux-.
Taoleti en devoa [VP _ i e spi àr Vargeit, minourez ar Bodoù ]...
jeté 3SGM avait son espoir sur Marguerite, héritière le Bodo.
'Mais [lui] François ne regardait pas ces jeunes filles. Il avait mis son espoir en Marguerite, l'héritière du Bodo...'
Vannetais, ar Meliner (2009:16)


Variation dialectale

Kennard (2013:168) constate que chez les locuteurs traditionnels des alentours de Quimper, il n'y a dans les temps composés aucune antéposition de participe lorsque le sujet est lexical.

à ne pas confondre avec l'antéposition d'un groupe verbal entier

Les propriétés syntaxiques de l'antéposition d'une tête verbale seule sont différentes de celles d'une antéposition de groupe verbal en entier, prototypiquement lorsque le groupe verbal peut monter à longue distance avec son objet (voir Stephens 1982, Borsley, Rivero & Stephens 1996, Borsley & Kathol 2000, Jouitteau 2005, 2007...).


Bibliographie

description générale

analyses théoriques

  • Jouitteau, M. 2005/2010. La syntaxe comparée du Breton, , éditions universitaires européennes, ISBN 978-613-1-52800-2. manuscrit en pdf ici ou ici
  • Schafer, Robin, 1997. ‘Long Head Movement and Information Packaging in Breton’, Canadian Journal of Linguistics 42 (1-2), 169-203.