Différences entre les versions de « Le sujet »
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(3) Ur bugel bennak neus roget pep tresadenn a ziskouev ur boked. | (3) Ur bugel bennak neus roget pep tresadenn a ziskouev ur boked. | ||
: Be neus roget ur bugel bennak pep tresadenn a ziskouev ur boked. | : Be neus roget ur bugel bennak pep tresadenn a ziskouev ur boked. | ||
::::::::::::::::::''Scaër/Bannalec'', [[H. Gaudart (05/2016)]] | |||
=== lecture de portée large du sujet === | === lecture de portée large du sujet === |
Version du 16 mai 2016 à 16:51
Le sujet désigne une fonction grammaticale spécifique, de la même façon que le complément désigne une fonction grammaticale spécifique.
Ce que l'on nomme 'sujet' répond à un réseau de propriétés typologiques:
- Il y en a un et un seul par proposition (même si ses marques peuvent s'y multiplier, comme en breton dans le cas d'un sujet devant une négation, ou dans les cas de résomption du sujet et de résomption du sujet 'à la Cornouaillaise'). Dans la construction du faux sujet, il n'y a qu'une marque du sujet mais l'élément à l'initiale ressemble à un sujet sans en être un.
- Le sujet s'accorde typiquement avec le verbe tensé. En breton, l'accord est parfois 'gelé' aux traits 3SG mais si le verbe s'accorde, c'est avec le sujet.
- Le sujet est le groupe nominal le plus haut dans le syntagme verbal. Cela ne veut pas dire qu'il est toujours l'argument externe d'une structure verbale. Si un verbe est intransitif, son argument unique est le sujet. S'il s'agit de l'argument interne, c'est un verbe inaccusatif. S'il s'agit de l'argument externe, c'est un verbe inergatif.
- Le sujet est, en dehors des cas de mouvements de focus de l'objet, ou des zones hautes du domaine CP, le groupe nominal le plus haut dans la phrase.
- Il existe à travers les langues des restrictions spéciales concernant l'extraction en dehors d'un groupe sujet (Ross 1967).
- Les sujets peuvent être phonologiquement nuls dans les déclaratives et les interrogatives. Le breton est une de ces langues dites à sujet nul.
- La présence d'un sujet, même s'il est phonologiquement nul, est obligatoire (il y a d'ailleurs des sujets explétifs).
- Les sujets peuvent être phonologiquement nuls dans les impératives et les propositions infinitives. Dans certaines langues, ils le doivent. En breton cependant, les sujets peuvent être réalisés dans les infinitives narratives, les infinitives des structures causatives, etc.
- En termes de structure informationnelle, les sujets sont prototypiquement des topiques, mais on les trouve aussi en situation de focus, ou dans des structures informationnelles plates.
Dérivation du sujet
Grâce entre autres aux quantifieurs flottants, on peut déceler que le sujet est dérivé lorsqu'il apparaît pré-tensé.
En (1), le pronom fort indépendant ni est remonté en zone prétensée, laissant dans sa position d'origine le quantifieur tout qui lui est attaché.
(1) | Ni yaio | tout _ | d'ar memes oferenn. | |||||||
nous ira | tous | à le même office | ||||||||
'Nous irons tous au même office.' | Haut-cornouaillais (Rieg), Bouzeg (1986:III) |
En (1), le sujet préverbal ni est donc originaire d'une position à droite du verbe: il vient du champ du milieu.
la remontée du sujet
Le sujet est généré en argument interne ou externe d'une structure verbale. Si il ne bouge pas de cette place durant la dérivation de la phrase, on dit que c'est un sujet in situ.
Jouitteau (2005/2010:chap 2,3.3) a montré que le sujet, dans une proposition tensée, n'est pas in situ en breton. Il quitte la structure verbale où il a été généré pour opérer une remontée dans le champ du milieu.
Jouitteau (2010:151) "[...] il est plausible que le sujet soit dans une position dérivée en breton, même si les arguments sont moins forts que dans les autres langues celtiques. L’argument des verbes à montée n’est pas concluant, le test des adverbes est faible, et il n’existe pas en breton de mouvement de l’objet dans les propositions infinitives. Sous une hypothèse où la particule aspectuelle est générée sous le sujet dans la structure verbale, le seul test qui appuie la conclusion que le sujet quitte le vP en breton est le test du vP antéposé."
argument du vP antéposé
Le test du vP antéposé consiste à monter une structure verbale à l'initiale de phrase, comme en zone de topique ou de focus, pour voir si on peut y déceler l'effet d'une trace d'évacuation su sujet. Si on en trouve, alors la structure verbale contient une trace du sujet, et donc le sujet est monté hors de la structure verbale lors de la dérivation de la phrase.
En (1), le réfléchi o unan n'est licite qu'au pluriel, ce qui indique qu'il est c-commandé par un élément non-prononcé plus haut que lui: la trace, dans la structure verbale, du sujet an dud-se qui est remonté hors du vP.
(1) | [vP ti | Komz o unan / *e unan ] | neus soñjet | Paol ' rae an dud-se. | |
parler leur2 un / *son un | R.a pensé | Paol R faisait le 1gens-là | |||
'Paol pensait que ces gens-là se parlaient à eux-mêmes.’ | Standard, Jouitteau (2010:148) |
En (2), le réfléchi en em, 'se' est licite, ce qui indique qu'il est c-commandé par un élément non-prononcé plus haut que lui: la trace, dans la structure verbale, du sujet an daou-se qui est remonté hors du vP.
(2) | [vP ti | En emi garout ] | e lare Paol | ' rae an daou-sei. | |
se aimer | R disait Paol | R faisait le gens-là | |||
'Paol disait que ces deux là s’aimaient.’ | Standard, Jouitteau (2010:148) |
remontée basse du sujet
Le sujet remonte en breton assez bas dans la structure, ce qui le différencie du gallois (Borsley & Roberts 1996:46, Jouitteau 2005/2010:153-160).
Dans l'article sur les ordres verbe-sujet, on voit qu'entre l'élément tensé et un sujet à sa droite peuvent apparaître des éléments aussi divers qu'un adverbe, un expérienceur, un syntagme locatif, un prédicat (1), un objet ou encore un participe.
(1) | Bez' e vo | pesketaer | Yannig | a-hed e vuhez. | |
expl R sera | pêcheur | Yannig | de-long son1 vie | ||
'Yannig sera pêcheur toute sa vie.' | Standard, Press (1986:196) |
Plusieurs de ces éléments peuvent intervenir.
(2) | Me a gred alato | e planto patatez | (Simone) | er bloavezh-mañ | (Simone) | egist he amezog. |
moi R1 crois pourtant | R4 plantera patates | Simone | dans.le année-ci | Simone | comme son voisin | |
'Je crois cependant que Simone plantera des patates cette année comme son voisin.' | ||||||
Lesneven/Kerlouan, A. M. (04/2016b) |
typologie des formes du sujet
Un syntagme nominal sujet n'a pa de morphologie casuelle lorsqu'il est lexical. Du côté des pronoms, la fonction sujet peut être assumée par différents pronoms comme les pronoms forts indépendants ou les pronoms écho.
Le paradigme des pronoms incorporés à la préposition support a assument le rôle du sujet uniquement dans les structures de résomption du sujet. En (2), qui n'est pas une structure résomptive, ac'hanon ne peut ainsi être que le prédicat.
(2) | Salv | e vefe ac'hanon-me | da gefrisa. | ||||||
pourvu.que | R serait P.moi-moi | ton1 fiancée | Standard, Drezen (1990:60) | ||||||
'Pourvu que ce soit moi ta fiancée.' |
un verbe exceptionnel pour la distribution du sujet: emañ
Contrairement à la situation avec tous les autres verbes, le verbe emañ, la forme de situation de 'être', impose un sujet directement postverbal.
Emañ est plausiblement plus haut dans la structure que les autres verbes, car les syntagmes qui apparaissent devant lui sont restreints à la lecture de focus.
horizons comparatifs
Dans les autres langues celtiques, Le verbe tensé et le sujet qui le suit ne peuvent pas être séparés. Le sujet est remonté tellement haut dans la structure que rien ne peut plus s'intercaler entre eux. Cela fait une grande différence avec le breton où, il est possible de voir plusieurs sortes d'éléments intervenir entre le verbe tensé et son sujet. En breton, seul le verbe emañ se comporte comme un verbe typiquement celtique.
place du sujet et portée des quantifieurs
lecture de portée restreinte du sujet
Les sujets préverbaux comme postverbaux du breton peuvent avoir une portée restreinte sur un quantifieur (Jouitteau (2005/2010:172). En (1) et (2): pour chaque mairie y, il existe un drapeau x tel qu'il y flotte.
(1) | War pep ti-ker | hich | ur banniel bennak. | ||||
sur chaque mairie | flotte | un drapeau quelconque | |||||
'Un drapeau quelconque flotte sur chaque mairie.' | Scaër/Bannalec, H. Gaudart (05/2016) |
(2) | (Brom | /ur banniel bennak) | hich | (ur banniel bennak) | war pep ti-ker. | ||
(maintenant) | un drapeau quelconque | flotte | un drapeau quelconque | sur chaque mairie | |||
'Un drapeau quelconque flotte (maintenant) sur chaque mairie.' | Scaër/Bannalec, H. Gaudart (05/2016) |
Le contexte en (3) imposait une lecture à portée large pour l'objet, et donc à portée restreinte pour le sujet: 'Chaque dessin de fleur a été déchiré par l'enfant qui l'avait fait'. Le sujet est licite devant ou après le verbe.
(3) Ur bugel bennak neus roget pep tresadenn a ziskouev ur boked.
- Be neus roget ur bugel bennak pep tresadenn a ziskouev ur boked.
- Scaër/Bannalec, H. Gaudart (05/2016)
lecture de portée large du sujet
En (4), Le contexte d'élicitation donnait explicitement un étudiant et 287 livres, imposant une portée large (Il existe un étudiant x tel que x a rangé chaque livre). Le sujet préverbal comme postverbal peut avoir cette portée large.
(4) | Renket | neus | ur studier | pep levr. | |||
rangé | a | un étudiant | chaque livre | ||||
'Un étudiant a rangé chaque livre.' | Scaër/Bannalec, H. Gaudart (05/2016) |
(5) | Ur studier | neus | renket | pep levr. | |||
un étudiant | a | rangé | chaque livre | ||||
'Un étudiant a rangé chaque livre.' | Scaër/Bannalec, H. Gaudart (05/2016) |
Ordre des mots et structure informationnelle
Les variétés de breton varient selon la structure informationnelle attachée aux ordres de mot SVO, avec un sujet prétensé.
Horizons comparatifs
En français, certaines constructions sont des arguments acceptables pour des prédicats, mais pas pour des sujets.
(3) Je mange [ plus souvent de pâtes que de riz ] .
- Il y a [ plus souvent de pâtes que de riz ] .
- #/* [ Plus souvent de pâtes que de riz ] sont mangés en Italie.
- #/* [ Plus souvent de pâtes que de riz ] accompagnaient les plats.
En breton en (4), cette même construction existe mais l'argument est acceptable comme sujet (La forme a du rannig n'est pas un indice de la catégorie syntaxique des éléments initiaux, car seul le rannig a subsiste en trégorrois).
(4) | Aliesoh | a grohen leue | a ya da zeha | evid a grohen buoh. | |||
souvent.plus | de peau veau | R va à sécher | que de peau vache | ||||
'On fait sécher plus de peaux de veaux que de peaux de vaches.' | |||||||
(Il meurt plus de jeunes que de vieux) | Gros (1970b:§'leue') |
Variations dialectales
Il existe en breton des verbes à alternance sujet/argument oblique, où l'expérienceur peut être, ou pas, introduit par la préposition da. Ce sont des verbes détransitifs.
Bibliographie
- Jouitteau, M. 2005/2010. 'Ou le sujet postverbal remonte-t-il en breton?', La syntaxe comparée du Breton, éditions universitaires européennes, ISBN 978-613-1-52800-2, chapitre 2, point 4.2, (p.153 sur le pdf de 2010), manuscrit en pdf ici ou ici.
- Quéré, Anne-Marie. 2011. 'Remarques sur le breton parlé à Plaudren', Nelly Blanchard, Ronan Calvez, Yves Le Berre, Daniel Le Bris, Jean Le Dû, Mannaig Thomas (dir.), La Bretagne Linguistique 16, CRBC, 111-122.
- Quéré, A. 2010. 'Remarques sur le breton parlé à Plaudren', présentation au séminaire de La Bretagne Linguistique, 11 juin 2010, Brest.
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