Rann-
Le préfixe rann- dénote une sous-partie d'un tout. C'est la grammaticalisation transparente du nom rann 'part, partie'.
(1) | ur raktres | hir | ha | resis | war | treuzkas | galloudoù | ar Stad | d'ar | Rannvro | |||||||
un pro.jet | long | et | précis | sur | à.travers.envoi | pouvoir.s | le Etat | à le | partie1.pays | ||||||||
'un projet étoffé et précis au sujet de la passation de pouvoir de l'État aux Régions' | |||||||||||||||||
Standard, Al Liamm (347:117) |
(2) bro 'pays' > rannvro 'région'
- yezh 'langue' > rannyezh 'dialecte' Favereau (1993)
Vallée (1931) donne rannarme 'corps d'armée', rannbae 'acompte'. Kervella (1947:§886) donne ranngalon, ranngêr et rannvor.
Morphologie
mutations
Le préfixe rann- provoque une lénition (Helias 1986:15), ce qui se vérifie sur un nom qui ne muterait autrement pas: mor 'mer' > rannvor 'région maritime' (Vallée 1931), 'partie de mer, d'océan' (Favereau 1993).
L'absence de lénition implique une intégration plus lâche, qui peut se refléter dans l'orthographe.
(2) | da | boueza | war | pep | ger | ha | war | pep | rann-ger. | ||||||||
pour1 | peser | sur | chaque | mot | et | sur | chaque | partie.mot | |||||||||
'de peser sur chaque mot et chaque syllabe' | |||||||||||||||||
Bleun Brug 53 |
genre
Le nom indépendant rann qui est la source de grammaticalisation du préfixe est considéré comme féminin (♀) par Vallée (1931), Hemon (1985), Menard & Kadored (2001) et Deshayes (2003), mais comme alternativement masculin ou féminin par Helias (1986), Merser (2009) et Favereau (1993). Le genre des noms préfixés en rann- dépend du genre de ce préfixe, et est donc variable.
Lorsque le nom racine est féminin, l'ensemble du nom composé est automatiquement féminin. Il n'y a pas d'exemples où le préfixe rann- obtienne un nom masculin avec un nom féminin. Lorsque le nom racine est masculin, une variation émerge.
[rann1-N♀]♀
Les composés féminins sur une racine nominale féminine, de type ranngalon crève-cœur', rannarme 'division d'une armée' ou rannvro 'région', ranngontelezh 'division d'un comté', etc. sont toujours de genre féminin.
variation sur racine de nom masculin
[rann♀1-N♂]♀
Sur une racine nominale masculine, rann- peut transmettre le genre féminin au composé. Il est alors clair que la marque du féminin provient du préfixe rann-, traité donc comme un préfixe exocentrique féminin.
- le nom rann-gêr, f. 'arrondissement, quartier', sur kêr 'ville', m. Vallée (1931), Hemon (1985)
- [rann♀1-gêr♂]♀
- le nom rann-dud, f. 'partie de la population', sur tud 'gens', m.pl. Menard & Bihan (2016-)
- [rann♀1-dud♂]♀
- le nom rann-lu, f. 'division d'une armée', sur lu 'armée', m. Hemon (1985)
- [rann♀1-lu♂]♀
- le nom rann-gelc'h, f. 'secteur de cercle', sur kelc'h 'cercle', m. Hemon (1985)
- [rann♀1-gelc'h♂]♀
- le nom rann-oad, f. 'division d'une époque', sur oad 'âge, époque', m. Hemon (1985)
- [rann♀1-oad♂]♀
- le nom rann-bae, f. 'acompte', sur pae 'paie', m.
- [rann♀1-bae♂]♀
Certains auteurs, comme Hemon (1985), s'en tiennent à cette dérivation et ont des composés en rann- uniformément féminins.
[rann1-N♂]♂
Rann- peut aussi obtenir un nom masculin en préfixant un nom masculin.
- le nom rannhoalad, m. 'subdivision d'une aire (géologique)', Vallée (1931)
- [rann?-hoalad♂]♂
Il est douteux que Vallée interprète ici le préfixe rann comme masculin car il a par ailleurs rann comme nom féminin et rann- en préfixe féminisant de manière assez productive. S'agit-il d'un emprunt lexical à une autre dialecte ou idiolecte ? D'un composé soudainement endocentrique dont le genre est déterminé par le nom racine ?
variation idiolectale
Les exemples suivants montrent une variation dialectale ou idiolectale:
- le nom rannbennad 'paragraphe', formé sur pennad 'article', m., est donné féminin dans Vallée (1931), Hemon (1985) et Favereau (1993) mais masculin dans Merser (2009)
- [rann?1-bennad♂]♀/♂
- le nom ranndi 'appartement', sur ti 'maison', m., est donné féminin dans Vallée (1931) et Hemon (1985) mais masculin dans Helias (1986), Deshayes (2003), Merser (2009)
- [rann?1-di♂]♀/♂
- le nom rann-dir 'région', sur tir 'terre', m. est donné féminin dans Menard & Bihan (2016-), mais masculin dans Deshayes (2003)
- [rann?1-dir♂]♀/♂
- le nom rannvor 'région maritime', sur mor 'mer', m., est donné féminin dans Vallée (1931) et Hemon (1985), mais masculin dans Deshayes (2003)
- [rann?1-mor♂]♀/♂
- le nom rann-vloaz 'partie de l'année, saison', sur bloaz 'an', m. est donné féminin dans Hemon (1985), Menard & Kadored (2001), mais masculin dans Sapinennig ha Pewar-rannvloaz (Skol Vreizh éd., 1994).
- [rann♀1-vloaz♂]♀/♂
- le nom rannbarzh 'district', sur parzh, m., est donné masculin dans Deshayes (2003), Menard & Kadored (2001), mais féminin dans Hemon (1985)
- [rann?, 1-barzh♂]♀/♂
- le nom rann-ved 'partie du monde', formé sur bed 'monde', m. est donné féminin par Vallée (1931) cité dans Menard & Bihan (2016-) et Hemon (1985), mais masculin par Deshayes (2003), qui rannved-Koz (mais le /d/t/ final peut inhiber une mutation).
- [rann?1-ved♂]♀/♂
Sans surprise, lorsque le genre du nom racine fluctue, celui du composé fluctue aussi, comme dans le nom rannamzer 'époque, saison', sur le nom amzer. Ce composé est donné féminin par Hemon (1985) qui donne aussi 'amzer' comme féminin, mais masculin par Menard & Bihan (2016-), Merser (2009).
Sémantique
variation dans la tête sémantique du composé
La sémantique particulière de rann peut apporter une confusion sur l'identité du nom-tête dans le composé. Certains exemples sont clairs : ur ranngelc'h 'une partie de cercle' ne constitue pas un cercle.
Certains exemples sont plus tangents : ur rannc'hopr 'une avance/partie de salaire', est-ce une forme ou sorte de /gopr/ 'salaire' ou une forme ou sorte de /rann/ 'partie' ? un 'salaire partiel' ou une 'partie de salaire' ?
Preder, Lavar 17, (KIS-869): "GIBR a ro benel rannbae, rannbennad, ranndi, ranndir, rannved, rannvloaz, rannvor, eleze a ra eus rann- ar penndod; GBAHE a ro gourel rannbarzh, rannbennad, rannc'hopr, eleze a ra eus rann- ar c'hetod hag a laka da intent: "parzh rannel", "pennad rannel", "gopr rannel" nemet e ro benel rannbae, ranndi, rannved, rannvloaz. Evit GEAK a ro gourel rannbarzh, rannbennad, ranndi, ranndir ha benel rannbae, rannc'hopr, ranndal, rannlu, rannvloaz."
L'assignation du genre masculin ou féminin ne dépend pas de la sémantique du composé, car des composés de sens équivalents montrent des genres différents.
À ne pas confondre
Goyat (2012:335) relève /rãn'vɛrjɛn/, rannverien 'fourmilière', qui n'est pas une sous-partie d'entité collective de fourmis.