Banne, bannac'h

De Arbres

Le nom banne, ou bannac'h, dénote en breton traditionnel une 'goutte' ou une 'petite quantité de liquide'. En breton standard, sa sémantique s'est spécialisée sur un 'verre'.


(1) Eur bannac'hig hini krenv 'barz mont kuit…
un verre.DIM celui fort avant aller parti
'Un petit verre d'alcool avant de partir...'
Standard, Riou (1923:5)


Morphologie

variation dialectale

La carte 25 de l'ALBB documente la variation dialectale de la traduction de une goutte d'eau. On y voit les formes banne, bannac'h, mais aussi lom, berad, beradenn, et la forme takenn, tapen ultra-minoritaire en breton central et en vannetais.

La prononciation standard est /'bã:ne/, la prononciation trégorroise est /'bã:naX/, et /'bã:nɛX/ à Perros-Guirec (Konan 2017).


(2) Te a zo barreg a-walh da eva eur bannah chistr.
toi R est capable assez de1 boire un verre cidre
'Tu peux bien boire un coup de cidre.'
Trégorrois, Gros (1989:'barreg')


répartition dialectale

En breton standard, c'est banne qui est le plus utilisé. C'est aussi le plus relevé en KLT.

Les cartes 496 et 497 du NALBB documentent la variation dialectale de 'boire un coup', 'boire des coups' dans les dialectes traditionnels. Le cornouaillais de l'est maritime utilise tasad, et on trouve en vannetais lomm et gwech.

Malgré l'influence du français, on ne relève l'item lexical taol 'coup' qu'en second choix et uniquement deux fois, à Clégérec et Plouhinec en Morbihan.

dérivation

Le verbe bannikañ est composé du diminutif -ig suivi du verbe léger -a 'chercher, rechercher, amasser' qui est reconnaissable par le dévoisement de consonne finale qu'il provoque.


(3) E vannika eur bet ?
à4 verre.DIM.er est.on été
'On est allé picoler ?'
Cornouaillais (Sein), Fagon & Riou (2015:'bannika')


grammaticalisation

Le nom banne a grammaticalisé en quantifieur dénotant une petite quantité, et en un minimiseur pouvant servir de seconde partie de la négation (Ne welan banne, 'Je n'y vois goutte').

Sémantique

quantifieur

Le nom banne est un quantifieur dénotant une petite quantité, même lorsqu'un liquide n'a pas de contenant comme dans le cas de la pluie, ou lorsqu'il ne s'agit pas d'un liquide, comme le vent.


(4) / or bãˌniɡ 'lɛ:z / / / or bãˌniɡ 'ɡlaw /
eur bannig lêz / eur bannig glao
un verre.petit lait / un verre.petit pluie
'un peu de lait', 'un peu de pluie '
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:238)


(5) Pegourss enta é ellamb ni ur boutt ur banic ahuel ?
quand donc R4 pourrons nous 1PL être un verre.DIM vent
'Quand donc pourrons-nous avoir un peu de vent ?
Vannetais pré-moderne (Sarzeau, XIXe), de Francheville


(6) Aliez, memestra, e-nijent eur banne zoubenn en eun ti bennaked e kêr.
souvent quand même R4 3SG.avaient un verre 1soupe en un maison quelconque en ville
'Ils avaient tout de même souvent un peu de soupe chez quelqu'un en ville.'
Cornouaillais, Skragn (2002:60)


minimiseur et négation

La sémantique de contenant de petite taille a permis une grammaticalisation en minimiseur. En usage de nom nu, banne peut servir de seconde partie de la négation, exactement comme goutte en français classique.


(7) Hounne ne glô banne ani.
celle-là ne1 entend verre P.elle
'Celle-là n'entend goutte.'
Cornouaillais (Sein), Fagon & Riou (2015:'boudar')


(8) Ne welan banne.
ne1 vois verre
'Je ne vois goutte.'
Favereau (1997:284)


Diachronie

  • deo gracias banne glau !
'Dieu merci, une goutte de pluie !'
Breton de 1396, ms. BN. lat. 1314