-edigezh, -idigezh
Le suffixe en -edigezh, ou -idigezh apparaît sur des noms abstraits.
(1) | Feiz, | 'vad, | ar werzidigez | a zo | bet | treud | a-walh. | |||||||||||
Ma.foi | donc | le 1vent.N | R est | été | maigre | assez | ||||||||||||
'Ma foi, la vente a été assez maigre.' | ||||||||||||||||||
Trégorrois, Gros (1984:365) |
Trépos (1968:§120) donne niveridigez 'dénombrement', gweledigez 'vision', ganedigez 'naissance'.
Gros (1984:365) donne pinvidigez 'richesse', tristidigez 'tristesse', didalvidigez 'paresse'.
Chalm (2008:W-215) donne frealzidigezh 'réconfort, consolation'.
Morphologie
genre
Les noms dérivés en -edigezh, ou -idigezh sont féminins (Trépos 1968:§129, Press 1986:62, Chalm 2008:W-215, Cheveau 2017:§37).
dérivation ?
Selon Vallée (1980:XIX) ou Trépos (2001:78), le suffixe -idigezh est une composition sur le suffixe adjectival -idik. De même, Helias (1986:13) propose de dériver pinvidigez, 'richesse', sur l'adjectif pinvidik 'riche'.
On peut discuter du statut de suffixe vs. finale de -edigezh, -idigezh en synchronie, car si le suffixe -idik est présent en breton moderne, il ne l'est pas forcément pour les formes adjectivales intermédiaires *niveridik, *gweledik, *ganedik.
Il s'agit plus vraisemblablement en breton moderne d'un suffixe -edigezh, -idigezh. Helias (1986:14) propose par ailleurs ce suffixe -idigezh pour krouidigezh 'création'.
variation dialectale
Le vannetais Le Bayon (1878:14) donne berwidigeah 'pétulance'. Helias (1986:13) donne pour le vannetais pinvidigeh 'richesse'.
Le léonard Burel en 1905 semble utiliser l'une et l'autre voyelle /e/ -edigezh et /i/ -idigezh.
(2) | al laouénédigues | a | voa | diaguent | a | voa | troét | é | tristidigues... | |||||||||
le joyeus.eté | R1 | avait | avant | R1 | avait | tourn.é | en | trist.esse | ||||||||||
'La joie qui régnait avant s'était transformée en tristesse.' | ||||||||||||||||||
Léonard 1905 (Plouider), Burel (2012:204) |
(3) | Red | e vez | d'an den | ober | e | zispign | diouz | e | hounedigez. | ||||||||
obligé | R est | à on | faire | son1 | dépense | selon | son1 | gagn.erie | |||||||||
'Il faut régler sa dépense sur son gain.' | |||||||||||||||||
Trégorrois, Gros (1984:528) |
productivité
Gros (1984:365) note que "ce suffixe trouve dans la langue écrite un emploi très étendu; mais il est devenu improductif dans la langue parlée qui en a conservé peu d'exemples". Favereau (1997:§172) note, lui, des emplois littéraires mais aussi populaires.
Syntaxe
distribution
Vallée (1980:XIX) considère que les noms en -edigezh, -idigezh sont "le plus souvent" suivis de leur patient.
(4) | oberidigez | ur | werz, | kemeridigezh | ur | c'hreñvlec'h | |||||||||||||
faire.sfx | un | 1gwerz | prendre.sfx | un | 5fort.place | ||||||||||||||
'la confection d'une gwerz', 'la prise d'un fort' | |||||||||||||||||||
Vallée (1980:XIX) |
Sémantique
Selon Vallée (1980:XIX), ce suffixe dénote une "action transitive". Il dénote une action "considérée dans l'objet qui en est le terme". Selon Le Roux (1915:68), -idigez "indique généralement le résultat de l'action". Il illustre en citant Vallée par aloubidigez eur vro 'la conquête [effectuée, réalisée] d'un pays'.
À Ouessant pour Malgorn (1909), gwerzidigez dénote "surtout des ventes publiques, et il signifie plutôt un fait concret".
Goyat (2012:324), lui, trouve dans /ɡɥɛrzi'di:ɡɛz/, gwerzidigez 'vente aux enchères', une notion d'action collective. Cette hypothèse devrait être validée par l'inspection de noms comme tristidigezh 'tristesse', qui ne sont pas dérivés d'un verbe transitif.
Niveau de langue
Gros (1984:391) rapporte un rejet en breton trégorrois parlé des suffixations en -edigez, -idigez, trouvées "prétentieuses".
(5) | Ya, | ma | kav | gwerz (/#gwerzidigez) | d'e | avalou ! | ||||||||||||||
oui | si4 | trouve | vente | à son1 | pomme.s | |||||||||||||||
'Oui, s'il trouve à vendre ses pommes.' (un débouché) | ||||||||||||||||||||
Trégorrois, Gros (1984:391) |
À ne pas confondre
Il existe de nombreux suffixes en -ez, -e(z), -ezh, dont certains dérivent aussi des noms abstraits. C'est la non-productivité des formes adjectivales en -idig en breton moderne qui fait suspecter que la dérivation en -edigezh, -idigezh utilise un seul suffixe long, et non une finale complexe de plusieurs suffixes.