Différences entre les versions de « Eget »
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Version du 26 février 2021 à 11:10
Eget est le complémenteur qui apparaît dans les comparatives de supériorité (en alternance dialectale avec evit).
(1) | Kentoc'h | e skuizh | ar freilh | eget al leur. | |||
plutôt | R4 fatigue | le fléau | que le aire | ||||
'Le fléau se fatigue plutôt que l'aire.' | |||||||
Sauvé (1878:10), cité dans Menard (1995:157) |
Eget est parfois pris pour une préposition (Ledunois 2002:282). Elle peut effectivement servir de support à l'incorporation pronominale et former un paradigme, mais sa distribution est cependant restreinte au comparatif de supériorité.
Morphologie
variation dialectale
A Ouessant et Molène au début du XX°, l'ALBB donne des formes avec la voyelle /i/ (egidon, igidon-me). C'est la forme neget qui est récoltée à la fin du XX°.
(2) | ... | an amzer fall | a teu war om kein, | muioh neged en douar-braz. | ||||
le temps mauvais | R vient sur notre dos | plus que dans.le terre-grand | ||||||
'... le mauvais temps nous tombe dessus, plus que sur le continent.' | ||||||||
Ouessant, Gouedig (1982) |
(3) | ... | hag a zo abriet | muioh negedom-ni... | |||
que R1 est abrité | plus que.nous-nous | |||||
'... qui est plus abrité que nous...' | Ouessant, Gouedig (1982) |
On y trouve aussi la forme eus a.
(4) | Molenez | zo muioh en abri | euz a | Eusa. | ||
Molène | est plus dans abri | de de | Ouessant | |||
'Molène est plus à l'abri que Ouessant.' | Ouessant, Gouedig (1982) |
répartition dialectale
La variation dialectale de l'utilisation de eget pour la traduction de 'plus fort que moi' est documentée dans la carte 190 de l'ALBB. On y voit que la forme eget, bien que valorisée en standard, n'existait au début du XX° que dans la partie extrème-Ouest du Léon (Landeda et les îles de Ouessant et Molène). Partout ailleurs, c'est la préposition evit qui est utilisée dans le comparatif de supériorité.
On en trouve cependant des occurrences en corpus un peu partout. Herrieu (1934:15) considère que dans les comparatives, evit en vannetais équivaut à eget en KLT.
(4) | ... | gwelloh eged | hounnez e kavo, | poseve! | ||
bien.plus que | celle.là R4 trouvera | je.souhaite | ||||
'J'espère bien qu'il trouvera mieux qu'elle!' | Léon (Plouneour-Traezh?), Lagadeg (2006:49) |
(5) | Goest omp d'ober | muioc'h a vad | eget | ne zonjomp. | ||
capable sommes de1'faire | plus de1 bien | que | ne1 pensons | |||
'Nous sommes capables de faire plus de bien que nous (ne) le pensons.' | Buhez ar Zent, p.236 |
(6) | Respont a ran dezhoñ | e karan gwell | frankiz eget argant. | |||||||
répondre R fais à.lui | R4 aime mieux | liberté que argent | ||||||||
'Je lui réponds que je préfère la liberté à l'argent.' | Vannetais, Herrieu (1994:288) |
Syntaxe
dans un comparatif d'égalité
Favereau (1997:§200) considère que eget est réservé au comparatif de supériorité, et ne s'emploie pas avec un comparatif d'égalité. Il note que que son usage se répand cependant en néo-breton et dans les médias, avec des formes de type *Ken brav eget ar gêr.
(1) | memes priz | (gant / hag / *evel/ *eget) | ar fuel | |||||||
même prix | que | le fuel | ||||||||
'(de) même prix que le fuel.' | adapté de Favereau (1997:§200) |
Ce fait syntaxique marque un contraste entre les bretons traditionnels contemporains et le néo-breton ou le standard. En français comme dans les dialectes bretons traditionnels, le même complémenteur est utilisé dans les comparatifs d'égalité et de supériorité (bravoc'h evit..., ken brav evit....; plus beau que... aussi beau que...).
L'usage de eget dans un comparatif d'égalité est relevé dans des états plus anciens de la langue, au moins en Cornouaille. Les deux exemples ci-dessous sont tirés de Stourm ann tregont, [La bataille des trente]. La chanson relate des faits de 1350.
(2) | ken didammet | ann harnez | eget pillennou | ar paourkez | |
tant dé.morceau.é | le armure | que haillons | le pauvre | ||
'aussi délabrées étaient les armures que les haillons du mendiant.' | Cornouaillais, La Villemarqué (1839:chant XXVI) |
(3) | ker rust | eget mouez | ar mor braz. | ||
tant sauvage | que voix | le mer grand | |||
'aussi sauvages que la voix de la grande mer.' | Cornouaillais, La Villemarqué (1839:chant XXVI) |