Les appositions
L'apposition est une notion plus descriptive que formelle. On parle d'apposition quand, de deux structures juxtaposées, l'une, appelée l'appositive, définit ou modifie l'autre, appelée l'ancre. En (1), l'ancre est elestr melen 'des iris jaunes', qui est modifiée par sa suite o zreid en dour 'qui poussent dans l'eau, dont les pieds sont dans l'eau'.
(1) | elestr melen | o zreid | en dour | Léon, Seite & Stéphan (1957:103) | |
iris jaune | leur2 pieds | dans.le eau | |||
'des iris jaunes qui poussent dans l'eau' |
Morphologie
pause prosodique
On note des structures appositives dont le détachement est marqué par une pause prosodique, parfois signalée à l'écrit par une virgule.
(2) | Ur mell paotr | [ | diskoaz ledan | dezhoñ ]. | |||
un grand gars | 2.épaule large | à.lui | |||||
'Un sacré gaillard aux épaules larges.' | Le Scorff, Ar Borgn (2011:76) |
L'ancre peut être un pronom incorporé.
(3) | Ha rankout a rin, [ | taolet kuit pep mezh ganin | ], | dont da ganañ dit « serenadoù » dindan da brenestr ? | |
Q devoir R ferai | jeté parti chaque honte avec.moi | venir pour1 chanter à.toi serenades sous ton1 fenêtre | |||
'Est-ce que je devrais, toute honte bue, aller te chanter la sérénade sous tes fenêtres?' | |||||
Standard, Drezen (1990:65) |
L'ancre peut être définie ou indéfinie.
(4) D’an ampoent e oa ur manac’h bihan, [ echu gantañ diboultrennañ an aoterioù rikamanet gant aour ], o hastout dre ar vali greiz, davet traoñ an iliz, da serriñ dor vras ar straed.
- Standard, Drezen (1990:7)
(5) Ar c’hi Soltan, [ ur mell ki-gward alaman ], [ torret e chadenn gantañ ], a oa deut da lammat ouzh ar breur Arturo, evit c’hoari.
- Standard, Drezen (1990:33)
Syntaxe
petite proposition
Dans ces structures n'apparaît aucun complémenteur, et aucun verbe tensé.
L'ordre des mots est fixe: l'ancre qui est modifiée précède directement la petite proposition qui commence par le prédicat suivi directement par son sujet.
(1) [DP ancre [SC prédicat sujet ] ]
L'ancre co-réfère obligatoirement avec un ou plusieurs pronoms dans l'appositive. Le pronom co-référent peut apparaître dans le prédicat comme dans le sujet de la petite proposition.
(2) | ur plac'h | [SC | kollet he enor | ganti ] ]. | ||
un fille | perdu son honneur | avec.elle | ||||
'une fille dont l'honneur est perdu.' | Favereau (1997:§589) |
(3) | Neuze e oa eun dudi | gweled niver | ar merhed | [SC | ganto c'hoaz | o hoefou uhel ]. |
alors R était un plaisir | voir nombre | le femmes | avec.eux encore | leur2 coiffes haut | ||
'C'était alors un plaisir de voir le nombre de femmes qui portaient encore la haute coiffe.' | ||||||
Léonard, Seite (1998:78) |
(4) | eur mell gwezenn | [ glas-kaol | he deliou ] | |||
un grand arbre | vert-chou | son2 feuilles | ||||
'Un grand arbre aux feuilles vert-chou' | Léonard (Cléder), | Seite (1998:44) |
(5) | Peziou daoulagad | dezo | o selled | ouzin-me. | ||||||
morceaux 2.œil | à.eux | à4 regarder | à.moi-moi | |||||||
'me regardant avec de grands yeux' | Trégorrois, Gros (1970:154) |
forme réduite
Sur le patron sémantique de l'appositive attributive Y, /X à Y/, on obtient une forme réduite en Y /son X/. Le possesseur ancre, qui coréfère avec l'argument d'une préposition attributive da (paotred, blev melen dezho) coréfère dans une forme réduite avec le déterminant possessif du possédé (paotred o blev melen).
La pause prosodique ne semble plus possible dans cette structure réduite.
(1) | E sujidi nemeto | a oa ar mul Alejandro | ha [ [ | daou gi-bleizx ] | [ox mouezhioù braouac’hus ] ]. | ||
son1 sujets seulement.eux | R était le mule Alejandro | et | deux1 chien-loup | leur2 voix terrif.iant | |||
'Ses seuls sujets étaient la mule Alejandro et deux chiens-loups aux aboiements terrifiants.' | |||||||
Standard, Drezen (1990:49) |
On note alors parfois une disparition de l'article défini en tête de l'ancre, ce qui est réminiscent de la structure d'état construit.
(2) | Sellout a reas kurius | ouzh | [ paotrx [ ex sae wenn ] ]. | |||||||
regarder R1 fit curieux | à | gars son1 robe1 blanc | ||||||||
'Il regarda, curieux, l'homme en robe blanche.' | Standard, Drezen (1990:29) |
Sémantique
Les appositives peuvent être de deux types sémantiques: restrictives ou non-restrictives.
appositives non-restrictives
L'apposition nominale typique est ainsi du type: Yann, ma mignon, 'Yann, mon ami', où l'appositive ma mignon modifie de façon non-restrictive l'ancre Yann. En (1), l'adverbe déictique spatial amañ 'ici' est l'ancre qui est modifiée par l'apposition adverbiale keit-all de façon non-restrictive.
(1) | Mar don harluet | amañ, | keit all, | gant kalzig | eus ma c'henvroiz... | ||||
si /d/.suis exilé | ici | si.loin autre | avec beaucoup.DIM | de mon2 com.patri.otes | Standard, Drezen (1990:30) | ||||
'Si je suis exilé ici, si loin, avec beaucoup de mes compatriotes...' |
appositives restrictives
L'apposition peut aussi être utilisée en breton avec une sémantique restrictive (de type 'un bébé aux joues roses, des iris dont les pieds sont dans l'eau').
Terminologie
En breton, le terme correspondant à 'proposition appositive' est kenlavarenn, lavarennoù kenlakaet, ou kenlakadenn (Kervella 1947:§702, KAG 2016).
Favereau (1997:§588) utilise pour les appositives le terme de 'relatives juxtaposées'. Favereau (1997:§589) utilise le terme de 'structure relative participiale' pour les appositives dont le prédicat est un participe.
Bibliographie
horizons théoriques
- Heringa, Herman. 2011. Appositional constructions , LOT publications, pdf.
- Neveu F. (éd.) 2000, 'Nouvelles recherches sur l’apposition', Langue Française, 125.