Bezañ, bea, bi, bout

De Arbres
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Le verbe bezañ 'être' a un infinitif qui est sujet en breton à de multiples variations dialectales (bezañ, bi, bout, bou...). Ce verbe est parfois utilisé en début de phrase (bez' ez eus, bout 'zo...), comme explétif ou comme particule de verum focus 'le fait est que'… Pour cet usage, se reporter à la page bezañ préverbal).

Pour les formes fléchies, il existe cinq paradigmes différents du verbe 'être'. Ces formes sont, à la 3SG du présent: zo, eo, ez eus, emañ et vez.


Morphologie

variation dialectale de l'infinitif

Les formes morphologiques de l'infinitif du verbe 'être' varient de dialecte en dialecte. Divers auteurs notent des divergences dialectales marquées (Le Gonidec 1838:86, Favereau 1997:§408...).

Dans la carte 49 de l'ALBB, qui documente la variation dialectale de la traduction de Sois (sage), Soyez (sages), on voit la morphologie des formes infinitives sur la partie sud-est.


bout, but

La forme bout, actuellement représentée en cornouaillais et en vannetais, est celle qui correspond aux formes du gallois et du cornique (Le Roux 1957:179).

Martin (1929:175) donne la forme cornouaillaise (Scaër, Guiscriff, Gourin) but, et la forme vannetaise bout. Bouzec & al. (2017:504) donnent bout, et signalent pour le cornouaillais de l'Est maritime que la forme bezañ y est inconnue.


bézout, bet

En vannetais, on trouve aussi

- la forme bezout (Loth 1886, 'Le mystère des trois rois', Revue Celtique VII:319). Cette forme remonte au moyen breton, et semble due à une fusion entre bezaff et bout (Le Roux 1957:179).
- la forme bet (Le Roux 1957:179).


be

On trouve la forme be en Cornouaillais bigouden.


(3) / dãn ã'ʒi:lyz ˌnõmpaz be di'ɡi:vyz/
D'an añjeluz, nompaz be digivuz.
à le angelus ne.pas être paresseux
'Quand sonne l'angélus, il ne faut pas être paresseux.'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:275)

bi

En breton central, la forme de l'infinitif est bi Wmffre (1998:46).


beza

En Léon, Kerrien (2000) et Le Roux (1957:179) donnent beza. Martin (1929:175) donne aussi beza comme forme associée au Léon.


béañ

En Tréguier, Le Roux (1957:179) donne une forme en finale nasale béañ.


diachronie et horizons comparatifs

En cornique, la forme de ce verbe est bos. En gallois, on trouve bod. Les formes de l'infinitif du verbe 'être' se sont différenciées très tôt dans la langue bretonne.

 Hemon (2000:198):
 "Ce qui semble être la forme la plus vieille de l'infinitif est 
 bout Nl.n.2, BD.:4524, NG. 230, MG. :363, EST. :26,
 but MKRN.:107, NG.:878. 
 En vieux breton on trouve bot (et but dans gudbut > gouzout), voir DGVB.:88, 184. D'autre formes sont apparues sans doute plus tard: 
 (a) bezaff Nl. n.4; beza Nl. n.13, IN.:30, EMG.:20; bea GJ.12; besan BD.:729; pean BD.:1099
 (b) bezout J.:8; 
 (c) bezouet NG.586.


Pour le XXe, Hemon (2000:198) associe les formes en bout au vannetais et cornouaillais, et les formes en bezañ au léonard et au trégorrois.

dérivation

Le verbe bezañ est, de façon transparente, un des composés du verbe kaout/endevout 'avoir'. C'est aussi un composé (moins transparent) du verbe gouzout 'savoir'.

Syntaxe

sélection de l'auxiliaire

En tant qu'auxiliaire, le verbe bezañ est sélectionné de façon beaucoup plus régulière que son équivalent français être. Le verbe bezañ s'auxilie avec lui-même (en contraste avec le français il a été, il doit avoir été...)


(1) Eul leh kreñv e tle beza bet _ evito sur a-walh.
un place fort R4 doit être été pour.eux sur assez
'Ça a surement été pour eux une place forte.'
Léonard (Cléder), Seite (1998:49)


On le trouve régulièrement dans des environnements où l'équivalent français ou anglais place l'auxiliaire 'avoir' (voir la fiche sur la sélection de l'auxiliaire).

site d'apparition dans la structure

Le verbe 'être' pourrait être plus haut dans la structure syntaxique que les autres verbes.

Kennard (2013:96) relève chez un locuteur traditionnel, des jeunes adultes et des jeunes scolarisés dans un système immersif autour de Quimper un fort pourcentage de phrases négatives avec un sujet non-focalisé à l'initiale. Or, cet effet exclut nettement le verbe bezañ 'être', qui montre toujours des sujets postverbaux chez tous les locuteurs. Si le verbe bezañ 'être' est situé plus haut dans la structure que les autres verbes, il aura effectivement plus facilement un sujet postverbal.

Expressions

(2) / be 'vah /
Beza a-walh !
être assez
'Qu'importe !'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:123)

Diachronie

Les mots apparentés sont l'anglais (to) be 'être', le tchèque byt 'être', budu 'je serai', ainsi que le français (il) fut.

Bibliographie

  • Fave, V. 1988. 'Ar verb beza', Brud Nevez 111 : 18-31. (& 166 :63-69).
  • Hemon, R. 1952-54. 'On some forms of the verb “to be” in Breton', Celtica, 2:217-228.
  • Jouitteau, Mélanie. et Milan Rezac. 2008. 'From mihi est to have across Breton dialects', Paola Benincà, Federico Damonte and Nicoletta Penello (éds.), Proceedings of the 34th Incontro di Grammatica Generativa, Unipress, Padova, special issue of the Rivista di Grammatica Generativa, vol. 32., 161 - 178. texte en ligne.
  • Kersulec, Pierre-Yves. 2016. 'Un evezhiadenn bennak diwar-benn ar stumm-lec'hiañ ha stummoù all ar verb bezañ e brezhoneg an Enez-Sun [Quelques remarques relatives aux formes situatives et aux autres formes du verbe être dans le breton de l'île de Sein]', Hor Yezh 285, 5-65.
  • Plourin, Jean-Yves. 1998. 'La phrase bretonne comprenant le verbe ETRE au présent de l'indicatif. Conflits de topicalisation', La Bretagne Linguistique 11, CRBC.
  • Schapansky, Nathalie. 1994b. 'Shift in the auxiliary selection in Breton', The Lacus Forum 21, Hornbeam Press, Columbia, SC, ETATS-UNIS, 224-233.


horizons comparatifs

  • Rouveret, Alain. 1996. 'Bod in the present tense and in other tenses', Robert Borsley & Ian Roberts (éds), The Syntax of the Celtic Languages, Cambridge: Cambridge University Press, 126-171.
  • Smith, A. S. D. ("Caradar"). 1953-8. 'An Examination of the Functions and Forms of the Cornish Verb bos', Journal of Celtic Studies 2:156-72.