Noms de parenté

De Arbres
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Les noms de parenté sont des noms de titres. Ce sont des termes relationnels qui comprennent dans leur sémantique une spécification de parenté.

En breton, le système des noms de parenté est globalement assez semblable à celui du français ou de l'anglais, avec cependant quelques propriétés spécifiquement bretonnes ou celtiques.


Il existe quelques cartes de l'ALBB qui documentent la variation dialectale des termes de parenté. Les termes de parenté sont étudiés dans leur ensemble par Izard (1965), mais sa maîtrise du breton est parfois chancelante et sous-informée de la variation dialectale.


Inventaire

 an dud nevez 'les mariés, les mariées', pried 'époux, épouse', gwreg 'femme', gwaz, ozac'h 'mari'
 mamm 'mère', tad 'père, 
 krouadur, bugel 'enfant', mab 'fils', merc'h 'fille'
 breur 'frère', c'hoar 'sœur'
 henañ 'ainé', etre-henañ, hanter-henañ 'cadet', gwidoroc'h 'benjamin, dernier né'
 tud-kozh 'grands-parents', mamm-gozh 'grand-mère', tad-kozh 'grand-père'
 eontr, tonton 'oncle', moereb, tintin 'tante', niz, nizez 'neveu, nièce'
 kenderv 'cousin', keniterv, kenitervez 'cousine'
 intañv, intañvez 'veuf, veuve', emzivad 'orphelin'
 maeronez 'maraine', paeron 'parrain'
 tud kar 'parents'


Certains noms ont une interprétation de titre de statut social en isolation, comme bugel 'enfant', merc'h 'fille', gwreg 'femme', etc. Ceux-là ont une interprétation de noms de parenté lorsqu'ils sont accompagnés d'un possessif (ma merc'h, bugale an ti-mañ).


Morphologie

dérivation

génération + 1, -1

Le calcul d'une génération en plus vers les plus jeunes (génération dite négative, ou -1, -2, -3...) s'obtient avec l'adjectif bihan (bugale vihan 'petits-enfants'(, comme le fait l'adjectif français petit de petits-enfants.

Le calcul d'une génération en plus vers les plus vieux (+1, 2, 3...) s'obtient avec l'adjectif kozh 'vieux': tud-kozh 'grands-parents'. La carte 574 de l'ALBB montre des variantes de la forme tad-kozh sur toute l'aire parlante.

Il est accepté d'utiliser un rang +1 ou -1 pour dénoter toute la lignée ('tous les petits-enfants', ou 'tous les ancêtres').


génération +2, -2

Les 'bisaïeuls', ou 'arrière-grands-parents', et les 'arrières petits-enfants' sont les générations +2 et -2.

Les préfixes ad- et gour- obtiennent le calcul de ces deux générations en plus sur le lien de parenté dénoté par leur nom base.

La carte 574 de l'ALBB donne les variantes dialectales de tad-kozh 'grand-père'. A part quelques concurrences de pepe en vannetais maritime, tad-kozh est donné partout.

génération +3, -3 & autres

La carte 575 de l'ALBB documente la variation dialectale de la traduction du terme générique de bisaïeul. Le Roux (1924-1953) note que la confusion est régulière avec les 'trisaïeuls', de génération +3. Une vaste partie Ouest donne des formes de tad kuñv. Une bande à l'Est du domaine parlant a des formes en tadoù-kozh, qui confond tous rangs en minimum +1, ou même tadoù, tadigoù formes plurielles de tad 'père'. On trouve quelques formes de gourdad-kozh en vannetais. A Belle-Île-en-mer, on a gourdad-kuñv.

Le vannetais Le Bayon (1878:15) donnait gourdadieu 'grands-parents, aïeux'. Konan (2017:27) donne advab et gourvab 'arrière-petit-fils' en breton trégorrois de Perros-Guirec.

Ernault (1894b:39) remarque que les deux sens opposés (minoratif gou-, gour- et augmentatif gour-, gor-, gou-) de la préfixation en gour- sont interprétables dans les noms de parenté. Il compare l'usage de gour- pour obtenir un degré d'éloignement supplémentaire dans les géénrations au français sur- dans surlendemain.

 Ernault (1894b:39):
 "Nous appelons arrière-grand-père, arrière-petit-fils, ce que les Latins désignaient d'un nom tout opposé, pro-avus, pro-nepos. Nous disons : grand-père, mais petit-fils tandis que les Anglais disent grand-father, et grand-son. D'après l'explication de M. Loth, le breton gourniz est l'équivalent littéral de petit-neveu; et sa théorie amène à croire que gourdadou 'aïeux', répond à grands-pères, avec le premier gour. Mais n'est-il pas plus vraisemblable que ces deux termes corrélatifs sont composés d'une façon identique ? On a de même, en gallois, gorwyr = anglais great 'grands', comme gor hendad = great grandfather."

liens par mariage

Le préfixe lez-, sur les noms de parenté, obtient les relations par remariage, comme lezc'hoar 'belle-sœur', lezvab 'beau-fils', lezvreur 'beau-frère', lezvamm 'belle-mère', leztad 'beau-père', lezvugel 'enfant par remariage', leztud 'beau-parents'. Ce préfixe a par ailleurs une nuance péjorative nette dans lesanv 'surnom', lezroue.

Certaines variétés utilisent plutôt le suffixe de noms d'animés -eg, -og. Pour le haut-vannetais, Delanoy (2010) donne hoéreg 'belle-sœur', tadeg 'beau-père'.

Syntaxe

structure argumentale

Les noms de parenté ont deux arguments puisqu'ils sont des termes relationnels. Le lien de parenté est toujours entre deux entités.


présence du possessif

On n'a pas le même résultat si on cherche la traduction de C'est un fils attentionné., où l'item lexical dénotant le 'fils' contient obligatoirement une spécification de parenté, et la traduction de C'est le fils d'untel, où la relation de parenté peut être portée par la construction possessive. Dans la carte 445 de l'ALBB, C'est le fils d'untel est largement traduit par le nom paotr 'gars', et rarement par mab 'fils'.

Les noms qui peuvent devenir des noms de parenté dans les constructions possessives sont bugel 'enfant', paotr 'gars', maouez 'femme', tud 'gens', et dans une certaine mesure tad-kozh et mamm-gozh. Au fil de la variation dialectale, on a aussi gwaz dans les dialectes où il dénote un 'homme', plac'h ou merc'h dans les dialectes où ils dénotent une 'fille, jeune femme'.

Certains noms de titres résistent à l'interprétation de parenté sous le possessif. Le nom Itron 'dame, madame', dans une construction possessive, ne dénote pas une 'femme à qui le locuteur est marié' mais la 'Vièrge Marie' (va Itron, Breton 1698, PIC.). Au vocatif, dans va itron gaer, le possessif est juste un marqueur hypocoristique, comme dans le français ma dame, ma bonne dame. L'interprétation n'est jamais 'ma femme'. De même, ma Aotrou sera traduisible, selon les contextes, par mon maître, mon seigneur, mon suzerain ou mon Dieu.

Sémantique

'à la mode de Bretagne'

On appelle oncle ou tante "à la mode de Bretagne" toute personne plus âgée qui appartient à la communauté sociale que l'on considère proche, pour des raisons qui peuvent être extra-familiales (tout le village, toute l'île...).

Les hommes plus âgés, indistinctement, sont appelés 'oncle' eontr dans la partie Sud, tonton dans la partie Nord (pour Ouessant, Malgorn 1909).

Les femmes sont appelées 'tante' moereb. A Sein, Fagon & Riou (2015) relèvent la forme maren go, litt. 'vieille marraine' pour appeler tout femme âgées à qui on montre du respect.

Les personnes de même âge se nomment kenderv ou kenitervez, kendirvi 'cousins.


 Izard (1965:92):
 "Tout cousin ou cousin à la mode de Bretagne de génération zéro est donc appelé kenderv, terme qui peut être utilisé également pour s'adresser à des non-apparentés de même âge […]. Les cousins et les cousins à la mode de Bretagne de génération + 1, + 2 et + 3, ainsi parfois que les hommes non apparentés […], plus jeunes que [[le locuteur], sont appelés 'neveu', niz. Des faits symétriques existent dans le groupe des parents féminins ; on doit cependant noter que l'emploi des termes 'tante', 'cousine' et 'nièce', dans le cadre des relations à la mode de Bretagne est moins général que celui des termes 'oncle', 'cousin', 'neveu'."


désambiguïsations

Les relations strictement intrafamiliales sont désambiguïsées par une série d'adjectifs, par exemple pour eontr 'oncle': eontr-kompez, eontr-end-eeun ou eontr prop.

Malgorn (1909) rapporte que ni eontr-kompez, ni surtout eontr-gompez ne sont utilisés à Ouessant, qui préfère tonton.


'parents, mes gens'

La notion même de 'parent', elle, se traduit un peu différemment qu'en français ou en anglais. Le nom tud, an dud 'gens, les gens', s'il est précédé d'un possessif, dénote les 'parents proches': ma zud, hon tud 'mes parents, nos parents'.


(1) Ma zud-kozh ne ouie poz galleg ebet.
mon2 parents-grand ne1 savait parole français aucun
'Mes grand-parents ne parlaient pas un mot de français.'
Cornouaillais (Riec), Mona Bouzeg


La carte 374 de l'ALBB montre la traduction de 'parent, des parents', donc sans possessif. On y voit aussi une large répartition d'un nom formé sur karout 'aimer' kar, kerent.


(2) O herent o-deus sikouret anezo da ziblas.
leur2 parents 3PL a aid.é P.eux de1 déplacer
'Leurs parents les ont aidé à déménager.'
Léonard (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:129)


'homme, mari'

La carte 253 de l'ALBB montre la répartition dialectale de la traduction de mon mari, des maris. La forme largement la plus répandue est gwaz, gwazed. On trouve aussi den, denoù sur toute la façade Est. En vannetais, on trouve aussi boulom, et pried à Groix.


(3) ged man den
avec mon personne
'avec mon mari'
Vannetais (Arradon), Audic (2011:15)


On relève une forme de type ozac'h uniquement à Peumerit-Quintin et Pleumeur-Bodou. Selon Izard (1965:97), ozac'h traduit 'mari', mais aussi 'chef de famille' ou 'maître'. C'est un nom qui n'est pas employé avec un possessif. On le trouve dans le Catholicon du trégorrois Lagadeuc dès 1499.

En pays nord-bigouden, le terme goaz dénote un 'homme marié', mais aussi plus généralement un 'homme' (le vir latin). L'emprunt mestr au français maître traduit le français 'chef de famille'. Le 'mari' est également nommé pried (le latin conjux, 'époux') sur lequel est formé priedelez 'mariage' (Izard 1965:97).

'femme, femme (de)'

La carte 282 de l'ALBB montre la répartition dialectale de la traduction de (C'est ma) femme, des femmes (mariées). Avec ou sans le possessif, on relève partout les formes gwreg et maouez. La forme gwreg se trouve surtout au Nord, et la forme maouez surtout au Sud, mais les deux formes sont relevées sur une aire maximale. Sporadiquement, on trouve aussi hini gozh. A l'Ouest, le pluriel merc'hed se trouve en plusieurs points. Comme en français, le même terme lexical est utilisé pour une 'femme mariée (à quelqu'un)' que pour une 'femme mariée à soi'.


'gendre, bru'

 Izard (1965:97):
 "pour 'gendre' et 'bru', les bretons utilisent plutôt des termes correspondant à 'beau-fils' et 'belle-fille'; il existe cependant des termes particuliers, mais peu usités, pour ces deux dernières catégories parentales. Ainsi le vannetais dan dont on trouve de nombreuses variantes (dean, deuf, daf, def) est tombé en désuétude, de même que le terme léonard gouhez 'bru'.


Horizons comparatifs

Izard (1965:97) voit dans les trois degrés de parenté lexicalisés pour 'cousin' et 'neveu' (kenderv-niz, kevenderv-gourniz, keveniant-trede gourniz) "une organisation en classes analogues à celle du système irlandais."


Bibliographie

  • Leblic, I. 1980. Etude de la parenté dans une petite île bretonne : Molène, mémoire de DEA EHESS, Paris.
  • Izard, Michel. 1965. 'La terminologie de parenté bretonne', L'Homme nos 3-4 (juil,-déc.), 88-100.
  • Izard, M. 1963. Parenté et mariage à Plozevel, Finistère, Laboratoire d'anthropologie sociale, ronéo, 160 p.
  • Karl, Raimund. 2006. 'Siedlungen und Sozialstruktur im eisenzeitlichen Wales', Keltische Forschungen 1, 73–147.
  • Segalen, M. 1985. Quinze générations de Bas-Bretons. Parenté et société dans le Pays bigouden sud 1720-1980, Paris, PUF, 400 p.
  • (ar) Rouz, Yann-Vadezour. 2019. 'Ar gerentiezh', consulté le [18.01.2019]. texte.