Différences entre les versions de « La nominalisation »
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Version du 17 août 2016 à 19:55
La nominalisation est un processus qui obtient un nom par dérivation morphologique, à partir d'un item d'une autre catégorie.
Base verbale
suffixation
Certains suffixes comme -edigezh, -idigezh, ont un effet nominalisant.
(1) | kemeridigezh | ur c'hreñvlec'h | ||||
prendre.N | un fort.place | |||||
'la prise d'un fort' | Vallée (1980:XIX) |
Le suffixe -ach, -aj, emprunt d'origine romane, obtient un nom massique à partir d'une racine adjectivale, verbale ou nominale.
La base est parfois un radical verbal. Le suffixe -amant, -emant, emprunt d'origine romane, obtient un nom abstrait. Le suffixe -ailh obtient des noms de nuance péjorative.
suffixe optionel ou morphème zéro
En (2), le suffixe -ians a un effet nominalisant, mais il est cependant optionnel, de qui revient à l'hypothèse d'une alternance libre avec un morphème zéro.
(2) | Ar gloaneier a zo ker, | hag an ober(ïans) | anezo a zo ive. | ||||
le laines R est cher | et le faire.(sfx) | P.eux R est aussi | |||||
'Les laines sont chères, et leur façon (fabrication, travail, ici: leur tricotage) l'est aussi.' | Gros (1970b:§'ober-20') |
Un morphème zéro différent est utilisé en (3), puisque celui-ci s'affixe sur le radical du verbe nominalisé.
(3) | Aze, 'vat, | a zo | kaoze. | ||||
ici cependant | R est | cause | |||||
'Que de barvardage il y a là!' | Gros (1989:'kaozé') |
par ajout de l'article
La nominalisation déverbale est un processus morphologique très productif en breton (Jouitteau 2005/2010:chap 4).
Hingant (1868:§39) AL LABOURAT. 39. On n'a qu'à mettre l'article avant l'infinitif pour en faire un substantif [...]. Exemples : Labourât, travailler; al labourat, l'action de travailler (mot à mot, le travailler); diskuiza, se reposer ou se défatiguer; ann diskuiza, l'action de se défatiguer (mot à mot, le se défatiguer); sével, monter; ar zével graiou a zô diez d'ar ré a zô berr ho halan, il est difficile à ceux qui ont la courte haleine de monter des côtes (mot à mot, le monter des côtes est difficile à ceux qui ont la courte haleine), etc.
Une racine verbale peut subir, une fois nominalisée, tous les processus dérivationnels des noms. Ci-dessous, la racine /lip/ du verbe lipaat, 'lécher' a reçu un suffixe nominalisant vide (ø).
(2) | Al lip | 'zo mad, | med n'eo ket enorabl. | ||||
le léch.ønominalisant | R est bon | mais ne'est pas honorable | |||||
'Le léchage est bon, mais il n'est pas honorable.' | |||||||
(Il n'est pas convenable de lécher les plats.) | Gros (1970b:§'lip') |
morphologie
genre
Les substantivisations étaient de genre neutre en proto-brittonique. Les langues brittoniques, en perdant ce genre neutre, ont reclassé les substantivisations de verbes en masculin (Irslinger 2014:84).
Base adjectivale
suffixation
Une base adjectivale peut devenir un nom par dérivation morphologique, comme l'ajout d'un suffixe en -ach, -adenn, ou -ig.
(1) dister, 'insignifiant' => disterach, 'babiole, chose futile', Merser (2009)
(2) brav, 'beau' => bravadenn, 'embellie, amélioration passagère', Merser (2009)
(3) berv, 'bouillant' => bervig, 'bouillonnement, éclair dans les yeux', Merser (2009)
ajout de l'article
Comme en français, l'ajout de l'article est un processus morphologique visible pour la substantivisation des adjectifs Certains induisent une sémantique de prototype ('le beau') et d'autres non ('le vieux').
(1) | ar paour kêz koz, | ar paour kêz kêz. | ||||
le pauvre-cher vieux | le pauvre cher cher | |||||
'le pauvre vieux', 'le pauvre homme' | Trégorrois, Gros (1989:'Kêz') |
La nominalisation désadjectivale est lexicalement restreinte (Hingant 1868:§39).
Hingant (1868:§39) AL LABOURAT. 39. [...] les adjectifs bretons, comme les adjectifs français, deviennent aussi des substantifs, quand ils sont précédés de l'article; mais il n'est pas permis de mettre l'article avant tous les adjectifs bretons, et d'en faire ainsi des substantifs: il faut consulter l'usage, quand on veut faire un substantif d'un adjectif.
En (1), on voit que l'adjectif nevez, 'nouveau' n'est pas nominalisé et on utilise la tête nominale hini. Les adjectifs paour, 'pauvre' et pinvidik, 'riche', le sont, avec une sémantique de prototype.
(1) | Ne ree an hini nevez | diforh ebed etre ar paour | hag ar pinvidig. | ||||||
ne faisait le N nouveau | différence aucun entre le pauvre | et le riche | |||||||
'Le nouveau ne faisait aucune différence entre le pauvre et le riche.' | Léon, Lagadeg (2006:113) |
Vallée (1980:XX) donne an eeun, 'le juste' et ar bihan, 'la petitesse'.
adjectifs de noms de couleurs
Goyat (2012:195) note que tous les adjectifs de couleur peuvent être substantivés. Il ajoute:
(5) | beo, ar beo | / | paour, ar beorien | / | izel, an izel | / | uhel, an uhel |
vif, le vif | pauvre, le pauvres | bas, le bas | haut, le haut | ||||
'vif, le vif; pauvre, les pauvres; bas, le bas; haut, le haut.', | Plozévet, Goyat (2012:195) |
emprunts au français
Les adjectifs formés avec des suffixes empruntés au français, comme -an et -ard, peuvent se substantiver par l'ajout d'un article. Les pluriels en -ed visibles en (2) n'apparaîssent que sur les noms.
(2) | Feson droukoh | e-nevez an dukarded (duarded) | evit ar meleganed. | ||||||
air méchant.plus | 3SG-a le noir.sfx.s | que le jaune.sfx.sfx.s | |||||||
'Les hommes bruns ont l'air plus méchants que les blonds.' | Trégorrois, Gros (1984:356) |
Base adverbiale
(1) War an abred
- 'au début (de la saison)', Gros (1989: 'abréd')
Terminologie
Le terme dérivation des noms peut aussi référer aux dérivations morphologiques qui prennent les noms comme base, ce qui peut porter à confusion. Le terme breton équivalent est deveradur an anv.
Bibliographie
- Jouitteau, M. 2005/2010. La syntaxe comparée du Breton, , éditions universitaires européennes, ISBN 978-613-1-52800-2. manuscrit en pdf ici ou ici.
- Roy, Isabelle et Elena Soare (dir.) 2011. Nominalizations, Recherches Linguistiques de Vincennes 40, résumés en ligne