Différences entre les versions de « Les questions »
Ligne 221 : | Ligne 221 : | ||
[[Category:fiches|Categories]] | [[Category:fiches|Categories]] | ||
[[Category:articles|Categories]] | [[Category:articles|Categories]] | ||
[[Category:interrogatifs|* | [[Category:interrogatifs|*01|Categories]] | ||
[[Category:modes|Categories]] | [[Category:modes|Categories]] |
Version du 16 octobre 2016 à 15:47
Une proposition ou une phrase au mode interrogatif est prototypiquement utilisée pour poser une question.
Le mode interrogatif est repérable en breton par l'utilisation de mots interrogatifs en début de phrase ou de proposition. Il peut aussi n'être signalé que par la prosodie ascendante d'une phrase, comme en français, dans le cas des questions oui/non (Kafe 'po?, 'Tu veux du café?').
Questions créées par mouvement
Pour interroger un élément dans une phrase, on le déplace en initiale de phrase. Il y est réalisé par le mot interrogatif correspondant.
Lorsqu'un mot interrogatif apparaît en initiale de phrase, le verbe fléchi le suit immédiatement.
site d'extraction
On peut localiser le site d'extraction du syntagme interrogatif dans le reste de la phrase. Pour cela, il suffit de remplacer l'élément à l'initiale par un explétif ou un adverbe, et de regarder où apparaît l'élément interrogé.
En (1), le site d'extraction est celui du sujet de lavaro, 'dira'.
(1) | Piv | a lavaro | biken | _ | niver an dud dilabour | en ur vro (...) |
qui | R1 dira | jamais | sujet | nombre le gens sans.travail | dans.un pays | |
'Qui dira jamais le nombre de gens au chômage dans un pays (...)?' | ||||||
Standard, Kervella (1933:78) |
En (2), le site d'extraction est celui de l'attribut de bezañ, 'être'.
(2) | Petra | e teu | da veza | _ | ar wezenn | goude? | |||
quoi | R4 vient | à1 être | (objet) | le1 arbre | après | ||||
'Que devient l'arbre par la suite?' | Léon, Cléder, | Seite (1998:44) |
timide émergence de stratégies in-situ
Les stratégies in-situ, c'est à dire où un élément interrogatif ne subit pas de mouvement prétensé et apparaît dans la phrase à l'endroit où un syntagme non-interrogatif apparaîtrait, sont agrammaticales en breton classique.
(1) | Piv | a lenn | al levr-se? | |||
qui | R1 lit | le livre-ci | ||||
'Qui lit ce livre?' | Standard, Hendrick (1990:154) |
(2) | * | Lenn | a ra | piv | al levr-se? | |
lire | R1 fait | qui | le livre-ci | |||
'Qui lit ce livre?' | Standard, Hendrick (1990:154) |
Favereau (1997:§530) signale la timide émergence de structures in-situ en breton de la fin du XX°.
(1) | Ar pôtr-se | zo 'chom | pelec'h? | ||||
le gars-ci | est (à4) rester | où | |||||
'Ce gars habite où?' | Favereau (1997:§530), citant Hewitt 1988 (a ou b) |
(2) | Te | 'oar | pelec'h? | ||||
toi | sais | où | |||||
'Tu sais où?' | Favereau (1997:§530) |
horizons comparatifs
Le français parlé standard a la possibilité de créer des questions sans mouvement de l'élément interrogé (Tu as vu quoi ce week-end?). Certaines variétés de français permettent même de créer des interrogatives indirectes in-situ; Je sais pas c'est qui (français de l'île de la Réunion, Ledegen 2005), ou Il y en a qui savent pas c’est quoi (français de Montréal, Lefebvre & Maisonneuve 1982:190).
variation dialectale dans les interrogatifs
Certains interrogatifs ont des formes dialectales très diverses et servent donc commodément de marqueurs de dialecte (cf. l'inventaire des mots interrogatifs).
Questions oui / non
Aux "questions oui / non", on peut répondre par 'oui' ou par 'non' (par exemple, la question 'C'est vrai?', ou 'Iras-tu loin?'). Comme ces questions portent l'interrogation sur toute la phrase, on les appelle aussi les 'questions totales'.
En breton, les questions oui / non sont formées en imposant uniquement sur la phrase une intonation montante (1) ou bien en plaçant devant le verbe fléchi une particule hag, hag-eñ, daoust hag-eñ (2).
(1) | Ar vro | a zo kaer | ive? | ||||||
le1 pays | R est beau | aussi | |||||||
'L'intérieur est beau aussi?' | Léon (Cléder), Seite (1998:58) |
(2) | Ha klevet | hoc'h eus | a-wechoù | displegañ an taolennoù | e misionoù | hor bro? |
Q entendu | 2PL a | parfois | expliquer le tableaux | dans missions | notre pays | |
'Avez-vous parfois entendu expliquer les tableaux dans les missions de notre pays?' | ||||||
Standard, Kervella (1933:39) |
Interrogatifs multiples
Les langues varient selon leur possibilité de monter en zone haute de phrase plusieurs interrogatifs dans la même phrase interrogative. En breton, un seul élément interrogatif peut monter occuper la zone prétensée dans les interrogatives. Lorsque la phrase contient deux mots interrogatifs, l'un des deux reste in-situ.
Hendrick (1990:154) note que lorsque le sujet et l'objet sont tous deux des interrogatifs, seul le sujet est licite à l'initiale, comme c'est le cas en anglais.
(1) | Piv a lavar petra? | / | * | Petra a lavar piv? | ||
qui R1 dit quoi | quoi R1 dit qui | |||||
'Qui dit quoi?' | Standard, Hendrick (1990:154) |
En français de Basse-Bretagne en (2), pourquoi est à l'initiale de la question rapportée. quoi est resté in-situ (* ...pourquoi qu'est-ce qu'on leur demande.).
(2) Il faut que les gens comprennent pourquoi on leur demande quoi.
- Français de Basse-bretagne (Lorient), [10/2014]
daoust ha pegeit
Dans l'exemple en (3) signalé par Anne-Marie C. (Clohars), on compte un élément interrogatif, un complémenteur du type 'que' en français, puis un autre syntagme interrogatif. Les conditions de ce redoublement et l'extension dialectale de ce phénomène ne sont pas, à ma connaissance, documentées.
(3) | Daoust ha | pegeit amzer | oa chomet ? | |
? que | combien temps | était resté ? | ||
'Elle/il était resté.e combien de temps?' |
Cette structure, si avérée, rappelle la même structure en roumain (3). Cependant, il est à noter que le roumain, indépendamment, autorise les questions multiples (4), ce qui n'est pas possible en breton.
(3) | Oare | când | pleaca la munte ? | |
? | quand | part à montagne | ||
'Quand est-ce qu'il/elle part à la montagne?' | ||||
Roumain, Anamaria Falaus (c.p. 01/2009) |
(4) | Oare | cine | ce aduce la cina ? | |
? | qui | quoi apporte le dîner | ||
'Qui apporte quoi au dîner?' | ||||
Roumain, Anamaria Falaus (c.p. 01/2009) |
A ne pas confondre
En breton comme en français, une phrase ou une proposition au mode interrogatif, sructurée formellement comme une auestion, peut très bien ne pas réaliser de question dans le discours. Il s'agit alors d'une question rhétorique.
Un cas particulier est celui des interrogatifs enchâssés, introduits par des verbes déclaratifs non-interrogatifs. Ils ne forment pas de question.
(1) | Ouion ket | pegis e passa an amzer | , med hirig ha berrig, | n'avañsa ket an traou. | |||
sais pas | comment R passe le temps | mais long.petit et court.petit | ne avance pas le choses | ||||
'Je ne vois pas comment le temps passe, mais je ne fais que bricoler, les choses (le travail) n'avance(nt) pas.' | |||||||
Plourin (2000:34) |
Terminologie
Le mode interrogatif est un terme qui s'oppose à impératif, exclamatif, optatif ou déclaratif.
Bibliographie
horizons comparatifs
- Lefebvre, C. & Maisonneuve, H., 1982. 'La compétence des adolescents du Centre-Sud:les structures complexes', Lefebvre, C. (éd.), La syntaxe comparée du français standard et populaire: approches formelle et fonctionnelle, Tome 1, Québec, Office de la langue française, 171-206.
- Ledegen, G., 2007. 'L’interrogative indirecte in situ à la Réunion: elle connaît elle veut quoi', Le français parlé du 21 ième siècle: normes et variations géographiques et sociales, Actes du Colloque à l’Université d’Oxford (23 et 24 juin 2005), Paris, L’Harmattan, 177-200. texte.