Loar
Le nom loar dénote la 'lune'.
(1) | Kar | g'er | luér-gaer | pehanni | e zou, | mi | huil | a ziabél. | |||||||||||
car | avec le | lune1-belle | quel.celui | R y.a | moi | 1voit | de loin | ||||||||||||
'Avec le beau clair de lune qu'il y a, je vois de loin.' | |||||||||||||||||||
Vannetais début XX°, An Diberder (2000:102) |
Morphologie
Variation dialectale
La carte 356 de l'ALBB documente la variation dialectale de la traduction de la pleine lune, lune. Pour le haut-vannetais, Delanoy (2010) donne loér 'lune'.
dérivation
Le suffixe verbal de l'infinitif obtient loariañ 'prendre la lune'.
(2) | Loa(r)iet | é | un aldouarenn | deut | glas | ga'r | loar. | |||||||||
lune.é | est | un patate | ven.u | vert | avec le | lune | ||||||||||
'« Loariet », c'est une pomme-de-terre qui est devenue verte à cause de la lune.' | ||||||||||||||||
Cornouaillais de l'intérieur (Laz), Lozac'h (2014:'avalou-douar') |
Sémantique
les cycles de la lune
La carte 356 de l'ALBB donne la variation dialectale des traduction de pleine lune. La plupart des dialectes utilisent ar c'han, ou ar c'han loar. On trouve aussi au nord Trégor an nevez bras et ar bras loar. Ernault 1879-1880:150) relève an daouzeget 'la pleine lune' en Trégor à Trévérec et Lanrodec.
Gros (1984:388) donne loar-nevez 'nouvelle lune'.
La lune dans son cycle peut être, de jour en jour, croissante ou descendante. Gros (1984:384) donne diskarloar 'lune sur le déclin'.
(2) | Màd | eo | hada | war | ann diskar | eûz | al lôar. | ||||||||||||
bien | est | semer | sur | le descente | de | le lune | |||||||||||||
'Il est bon de semer au décours de la lune.' | |||||||||||||||||||
Le Gonidec (1838:186-7) |
La lune, dans son cycle, marque aussi une unité de temps.
(3) | El | loar-mañ | ne | vo | ket | a | hlao. | ||||||||||
en.le | lune-là | ne1 | y.aura | pas | de1 | pluie | |||||||||||
'Pendant cette lune-ci il n'y aura pas de pluie.' | |||||||||||||||||
Trégorrois, Gros (1970b:§'loar') |
al lun
Le jour de la semaine qui, selon le calendrier préchrétien, référait à la lune, est le lundi. Le nom breton pour ce jour de la semaine, al lun, est un emprunt au génitif latin lun-ae.
Expressions
l'heure selon la lune
(1) | Ped | eur | eo | gant | al loar ? | ||||||||||||||
quel | heure | est | avec | le lune | |||||||||||||||
'Il est quelle heure à la lune ?' | |||||||||||||||||||
Standard, Riou (1941:14) |
'lune rousse', suilh raden
La lune rousse qui dénote la lunaison du gel tardif, fin avril début mai, est en breton ar suilh-raden, littéralement le /brûle-fougères/.
Diachronie
Matasović (2009) postule une racine proto-indo-européenne en *lewg- 'plier, courber, faire tourner' (IEW:685f.) qui obtient le proto-celtique *lugrā, ainsi que dans d'autres branches de l'indo-européen, les cognats grec lygizo 'plier', lithuanien lùgnas 'courbé' et sanscrit rujáti 'se casse'. Cette étymologie s'appuie sur le sens de 'jeune lune', 'en croissant', comme 'courbée'. Deshayes (2003) postule aussi ce celtique commun en *lug-ra-, obtenant le vieux breton loir, loer 'lune', le vieux cornique luir, le cornique lor et le gallois Uoer.
Schrijver (1995:332) évoque alternativement l'hypothèse d'une racine en proto-indo-européen *lows- donnant le gallois lloer et le latin lūridus 'pâle, jaune'.
Matasović (2009) rejette l'hypothèse de Pokorny (IEW 690) d'une connection avec la racine *lewk- 'briller' (latin lux, etc.) sur un argument phonologique - un manque de variante de cette racine avec une vélaire voisée.
Pêr-Vari Kerloc'h, grand druide, dans le documentaire Gouérou (2022) sur la lune, évoque une influence du double sens d'un nom (vieux?) gaélique làir 'jument blanche / lune' pour expliquer la dénomination ar gazeg wenn de la Troménie de Locronan.