Différences entre les versions de « Alternances apophoniques »

De Arbres
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=== dérivations nominales ===
=== dérivations nominales ===


La suffixation en ''[[-ed (PL.)|-ed]]'' change parfois la voyelle de la racine (''[[klañv]]'' > ''[[kleñved]]'', et ''[[yac'h]]'' > ''[[yec'hed]]'', [[Kervella (1947)|Kervella 1947]]:§837), comme c'est le cas de tous les [[pluriels internes]] (''bugel'' 'enfant' > ''bugale'' 'enfants').
La suffixation en ''[[-ed (PL.)|-ed]]'' change parfois la voyelle de la racine (''[[klañv]]'' > ''[[kleñved]]'', et ''[[yac'h]]'' > ''[[yec'hed]]'', [[Kervella (1947)|Kervella 1947]]:§837), comme c'est le cas de tous les [[pluriels internes]] (''[[bugel]]'' 'enfant' > ''bugale'' 'enfants', ''[[bag]]'' 'bateau' > ''bigi'' 'bateaux').


== Morphologie ==
== Morphologie ==

Version du 15 février 2022 à 16:27

Les alternances apophoniques sont des motifs d'alternances des voyelles. Ces motifs sont repérables en breton dans plusieurs paradigmes. En (1), il s'agit d'un remplissage rythmique dans une formulette éliminative pour enfants. Les voyelles "colorient" une structure rythmique construite par les consonnes rédupliquées.


(1) Bicha bula, bicha bala, Piou e ialo da ingala ?
Bicha bula, bicha bala qui R1 ira à1 égaler
'Bicha bula, bicha bala, Lequel ira faire le partage ?'
Douarnenez, Comptine XIX°, Sauvé (2001:282)


Les alternances apophoniques se trouvent encore dans la morphologie particulière aux mots expressifs. Dans Menam-menam ! 'Miam-miam !', on voit l'alternance apophonique /e, a/ dans une interjection qui est ensuite rédupliquée.

On trouve aussi des alternances apophoniques comme effet des suffixations, dans les alternances de racine verbale entre l'infinitif et les formes fléchies ou participes ou dans les dérivations nominales.


Inventaire

morphologie expressive


En (2), on voit l'usage de la réduplication avec celui d'une alternance apophonique (probablement sur un minimiseur). L'anglais utiliserait ici and yadeyackyack ..., ou blahblahblah ....


(2) ha bardi ha barda... ha bardi ha barda...
et ? et ? et ? et ?
'Et blablabla, et blablabla ... Et patati, et patata ...'
Standard, Monfort (2007:15)


paradigmes verbaux

La racine de certains infinitifs a une voyelle différente de la racine du même verbe utilisé ailleurs (participes et verbes fléchis).

  • birviñ 'bouillir' > Bervet ez eus bet...



  • leuskel 'laisser' > Laosket ez eus bet...
  • teuler 'jeter' > Taolet ez eus bet...


  • treiñ 'traduire, tourner' > Troet ez eus bet...
  • distreiñ 'revenir' > Distroet ez eus bet...
  • skeiñ 'frapper' > Skoet ez eus bet...


  • sevel '(se) lever, monter, construire' > Savet ez eus bet...
  • herzel 'arrêter' > Harzet ez eus bet...
  • gervel 'appeler' > Galvet ez eus bet...
  • genel 'naître' > ganet ez eus bet...
  • mervel 'mourir' > Marvet ez eus bet...'
  • derc'hel 'garder' > Dalc'het ez eus bet...
  • lemel 'enlever' > Lamet ez eus bet...
  • menel 'rester' > Manet ez eus bet...
  • sentiñ 'obéir' > Santet ez eus bet...

Les verbes irréguliers sont à traiter à part.

  • mont 'aller' > Aet ez eus bet..., Me a ya...
  • dont 'venir' > Deuet ez eus bet..., Me a zeu...
  • ober 'faire' > Graet ez eus bet..., Me a ra...


dérivations nominales

La suffixation en -ed change parfois la voyelle de la racine (klañv > kleñved, et yac'h > yec'hed, Kervella 1947:§837), comme c'est le cas de tous les pluriels internes (bugel 'enfant' > bugale 'enfants', bag 'bateau' > bigi 'bateaux').

Morphologie

absence d'alternance

On parle d'alternance apophonique, mais l'absence d'alternance en fait partie, en ce qu'elle signale clairement une morphologie expressive.


(1) Chuchumuchu a oa er penn all
chuchotement R était en.le bout autre
'On chuchotait à l'autre bout du fil... '
Standard, Biguet (2017:9)


jeu de voyelles primaires

Les voyelles des alternances apophoniques contrastent avec celles de remplisseurs et des marques d'hésitation. Dasn la morphologie expressive, les voyelles sont principalement les voyelles élémentaires, I, A, U, et la voyelle centrale /y/ et /e/. En contraste, les remplisseurs ont des voyelles typiques du système langagier non-expressif, ce qui donne en breton des nasales et les voyelles centrales /ø, ɛ/.


Horizons comparatifs

français et bretonnismes

En français, les alternances apophoniques sont connues. On les retrouve dans les noms zig-zag, ping-pong, ou dans les adverbes couçi-couça, cahin-caha.

Certains de ces mots sont indépendants syntaxiquement, comme les interjections ding-dong ! miam-miam !, pim-pam-poum !, pimpon !.


emprunts

En français de Basse-Bretagne, on trouve des emprunts au breton.


  • Je m’en vais pik-e-pok.
'Je m'en vais pas-à-pas.'
Audic (2013:505)

Horizons théoriques

un chemin apophonique universel

Guerssel & Lowenstamm (1994, 1996) ont proposé à partir de l'étude des relations entre les différents schèmes verbaux de l'arabe classique qu'il existerait un chemin apophonique ordonnant les primitives mélodiques. Ce chemin est implicationnel et dérivationnel: ø==>I==>A==>U==>U. Ségéral & Scheer (1998) et Ségéral (1995) ont étendu ces résultats aux verbes forts de l'allemand, et proposé que ce chemin et son sens implicatif sont des universaux du langage humain.

 Scheer (2000:7):
 "Depuis l'analyse de l’allemand qui a fait du chemin apophonique un candidat à la Grammaire Universelle, d’autres travaux ont révélé l’existence de systèmes apophoniques qui se conforment aux prédictions. Tel est notamment le cas du Ge’ez (éthiopien classique, Ségéral 1995, 1996), de l’accadien (Ségéral 1995, [2000]), du berbère (Bendjaballah 1998a, 1999), du bédja (couchitique, Bendjaballah 1999), de l’italien, du français et de l’espagnol (Boyé 2000), du somali (couchitique, Ségéral & Scheer 1997 [...]) et de l’anglais (Ségéral&Scheer 1996 [...]), du système des verbes faibles en Arabe Classique" (Chekayri & Scheer 1996, 1998, 2004). 


Les exemples des mots expressifs du breton récoltés ici ne contredisent pas cette proposition d'universel (flik-flak, mais pas */# flak-flik 'flic-floc',menam-menam, mais pas */# manem-manem 'miam-miam').


tester l'hypothèse de Scheer (2000)

La généralisation de Scheer (2000) est difficile à falsifier car la dimension expressive d'un élément est difficile à prouver. Aucun élément rédupliqué ne constitue de contre-exemple. Ci-dessous, quelques exemples qui, selon la généralisation, ne sont pas des mots expressifs.

On peut compter le nom cholori 'tapage, charivari' et le nom belbi 'futilité' dans mont e belbi 'partir en quenouille, péter un câble, perdre la tête', ce qui serait confirmé par belbetat 'bricoler' (Menard & Bihan 2016-).


(2) Emañ an holl o vont e belbi.
est le tout à4 aller en futilité
'Tout le monde perd la tête.'
Standard, Skol an Emsav (1977:18)


Parmi les alternances apophoniques relevées dans les paradigmes verbaux, les verbes irréguliers ober 'faire', mont 'aller' et dont 'venir' semblent faire exception (ainsi que le verbe kaout/endevout mais ce dernier a clairement un infinitif formé sur une autre racine).


Bibliographie

  • Boyé, Gilles. 2000. Problèmes de morpho-phonologie verbale en français, en espagnol et en italien, thèse de doctorat, Université Paris 7.
  • Bendjaballah, Sabrina. 1998a. 'Aspects apophoniques de la vocalisation du verbe berbere (kabyle)', Langues et Grammaire II-III, Phonologie, Patrick Sauzet (éd.), 5-24. Paris: Université Paris 8.
  • Bendjaballah, Sabrina. 1999. Trois figures de la structure interne des gabarits, thèse de doctorat, Université Paris 7.
  • Chekayri, Abdellah & Tobias Scheer. 2004. 'The appearance of glides in Classical Arabic defective verbs', Folia Orientalia 40, 7-33.
  • Chekayri, Abdellah & Tobias Scheer. 1998. 'La provenance apophonique des semi-voyelles dans les formes verbales en Arabe Classique', Langues et Linguistique 2, 15-54. Fes, Maroc.
  • Chekayri, Abdellah & Tobias Scheer. 1996. 'The apophonic origin of Glides in the verbal system of Classical Arabic', Lecarme, J., J. Lowenstamm, U. Shlonsky (éds.), Studies in Afroasiatic Grammar, La Hague: Holland, 62-76.
  • Guerssel, Mohand & Jean Lowenstamm. 1994. 'Ablaut in Classical Arabic measure I active verbal forms', Communication à la Second Conference on Afro-Asiatic Languages, Nice.
  • Guerssel, Mohand & Jean Lowenstamm. 1996. 'Ablaut in Classical Arabic measure I active verbal forms', Studies in Afro-Asiatic Grammar, J. Lecarme, J. Lowenstamm & U. Shlonsky (éds.), 123-134. La Hague: Holland Academic Graphics.
  • Scheer, Tobias. 2000. De la Localité, de la Morphologie et de la Phonologie en Phonologie, Mémoire d'Habilitation à Diriger des Recherches, Université de Nice Sophia-Antipolis.
  • Ségéral, Philippe. 1995. Une théorie généralisée de l’apophonie, Thèse de doctorat, Université Paris 7.
  • Ségéral, Philippe. 1996. 'L’apophonie en ge’ez', Studies in Afroasiatic Grammar, Jacqueline Lecarme, Jean Lowenstamm & Ur Shlonsky (éd.), 360-391. La Hague: Holland Academic Graphics.
  • Ségéral, Philippe. 2000. 'Théorie de l'apophonie et organisation des schèmes en sémitique', Research in Afroasiatic Grammar, Jacqueline Lecarme, Jean Lowenstamm & Ur Shlonsky (éds.), Amsterdam & Philadelphia: Benjamins, 263-299.
  • Ségéral, Philippe & Tobias Scheer. 1998a. 'A Generalized Theory of Ablaut: the Case of Modern German Strong Verbs', Albert Ortmann, Ray Fabri & Teresa Parodi (éds.), Models of Inflection, Tübingen: Niemeyer, 28-59.
  • Ségéral, Philippe & Tobias Scheer. 1997. 'Apophonic theory and Cushitic languages', Communication au colloque GLOW, Rabat/ Maroc, 19-21 mars 1997.
  • Ségéral, Philippe & Tobias Scheer. 1996. 'Modern German and Old English strong verbs: two ways of running apophony', Communication au colloque Generative Grammatik des Südens, Berlin, 17-19 mai 1996.