Différences entre les versions de « Anaphores et cataphores »
Ligne 30 : | Ligne 30 : | ||
=== groupes nominaux anaphoriques === | === groupes nominaux anaphoriques === | ||
Il existe aussi en breton des des [[DPs anaphoriques|syntagmes nominaux qui ont des propriétés anaphoriques]]. Un humain peut par exemple trouver une référence non-pronominale dans ''al loen'' 'l'animal', ''an abostol'' 'l'apôtre', etc. | Il existe aussi en breton des des [[DPs anaphoriques|syntagmes nominaux qui ont des propriétés anaphoriques]]. Un humain peut par exemple trouver une référence non-pronominale dans ''al [[loen]]'' 'l'animal', ''an abostol'' 'l'apôtre', etc. | ||
Des syntagmes nominaux anaphoriques particuliers contiennent un pronom, comme dans ''laouen <u>an tamm anezhañ</u>''. | Des syntagmes nominaux anaphoriques particuliers contiennent un pronom, comme dans ''laouen <u>an tamm anezhañ</u>''. |
Version du 21 novembre 2019 à 17:02
Une anaphore est une expression qui n'a pas de référence indépendante. L'anaphore co-réfère donc avec un antécédent qui se trouve dans la même proposition, dans la même phrase ou même ailleurs dans le discours (Per, il danse tous les mardis).
Une cataphore est une anaphore qui précède cet "antécédent" (Autant qu'il le veuille, Per ne danse pas le jeudi.). En (1), le pronom incorporé dans la préposition anezhañ est une anaphore. Elle co-référe avec deux cataphores qui l'annoncent: le sujet non-prononcé de la temporelle et le possessif e 'son'.
(1) | Tra ma | oa er gêr, | e oa deuet | e vreur | da welet anezhañ. | ||
tant que4 | était P.e.le 1foyer | R était venu | son1 frère | à1 voir P.lui | |||
'Tant qu'il était à la maison, son frère était venu le voir.' | Helias (1986), Merser (2009:'tra ma') |
Les anaphores sont assujetties dans toutes les langues humaines aux conditions du liage (Condition A, Condition B, Condition C du liage).
Catégories et anaphores
On parle d' expression anaphorique de manière large car des catégories grammaticales très différentes peuvent montrer des propriétés anaphoriques. La plupart des anaphores sont des pronoms, mais des groupes nominaux peuvent avoir les mêmes propriétés (l'imbécile, la coquette...).
anaphores pronominales
Les pronoms réfléchis, les pronoms objets proclitiques ou les déterminants possessifs sont des anaphores pronominales.
groupes nominaux anaphoriques
Il existe aussi en breton des des syntagmes nominaux qui ont des propriétés anaphoriques. Un humain peut par exemple trouver une référence non-pronominale dans al loen 'l'animal', an abostol 'l'apôtre', etc.
Des syntagmes nominaux anaphoriques particuliers contiennent un pronom, comme dans laouen an tamm anezhañ.
adverbes anaphoriques
Une classe d'adverbes, les adverbes anaphoriques spatiaux, sont anaphoriques en ce qu'ils ont besoin d'un antécédent (spatial) pour référer.
Ces adverbes anaphoriques spatiaux se retrouvent dans des expressions anaphoriques qui débordent le domaine spatial (kement-se, mod-se, an-dra-se...).
temps anaphorique
Le temps, lui aussi, peut être anaphorique quand ce n'est pas la morphologie flexionnelle qui permet l'ancrage temporel, mais le calcul par rapport à un antécédent qui est lui temporellement ancré.
Un exemple prototypique en breton est celui des infinitives narratives.
Cataphore
Une cataphore est un pronom anaphorique ou une expression anaphorique dont l'expression co-référente est située linéairement après elle.
(1) | Diskouez a ra | hex zad | karout Monax. | ||||
montrer R1 fait | son1 père | aimer Mona | |||||
'Sonx père a l'air d'aimer Monax.' | Standard, Hendrick (1990:137) |
(2) | Hex zad | a ziskouez | karout Monax. | ||||
son1 père | R1 montre | aimer Mona | |||||
'Sonx père a l'air d'aimer Monax.' | Standard, Hendrick (1990:137) |
condition C du liage
Les cataphores sont filtrées par la condition C du liage. Hendrick (1990:124) pointe par exemple que contrairement aux cas de cataphores autorisés, le pronom vide sujet en (3) est en relation structurale de c-commande du nom propre Mona. En conséquence, suivant la condition C du liage, ce pronom sujet ne peut pas être interprété comme coréférent à Mona, sous peine d'agrammaticalité de la phrase.
(3) | * | Lavaret | he deus [e]x [ | e oar Monax | ar respont ]. | |
dit | 3SGF a | R4 sait Mona | le réponse | |||
'Elle a dit que Mona connaît la réponse', | Standard, Hendrick (1990:124) |
la restriction de Hendrick (1990)
Hendrick (1990:125) pointe une autre restriction sur les cataphores que la condition C.
En (2) comme en (3), l'ordre des mots est VSO, verbe-sujet-objet. Le sujet pronominal ne peut pas précéder le nom propre objet Yann. Le sujet nom propre peut précéder l'objet pronominal. La condition C du liage ne filtre pas la donnée en (2).
(2) | * | Dec'h | e wele | ex dad | Yannx | |
hier | R4 voyait | son1 père | Yann | |||
'Sonx père voyait Yannx hier.' | Standard, Hendrick (1990:125) |
(3) | Dec'h | e wele | Yannx | ex dad. | ||
hier | R4 voyait | Yann | son1 père | |||
'Yannx voyait sonx1 père hier.' | Standard, Hendrick (1990:125) |
De même, dans les temps composés:
(4) Gwelet he deus Mona x he x zad.
- 'Mona a vu son père.', Standard, Hendrick (1990:125)
(5) * Gwelet en deus he x zad Monax .
- 'Son père a vu Mona.'
Mais la présence du participe entre le sujet et l'objet change leur relation.
(6) | Dec'h | en deus | hex zad | gwelet | Monax | |
hier | 3SGM a | son2 père | vu | Mona | ||
'Sonx père a vu Monax hier.' | Standard, Hendrick (1990:137) |
(7) | N'o deus ket | hex c'hoarezed | gwelet | Monax | ||
ne'3PL a pas | son2 soeurs | vu | Mona | |||
'Sesx soeurs n'ont pas vu Monax.' | Standard, Hendrick (1990:137) |
Hendrick (1990:131) met en rapport ces faits avec la restriction sur la cataphore en anglais, pointée par Solan (1983):
- * I spoke with him x about Johnx 's wife
- I spoke with Johnx 's wife about himx .
la restriction de Louis (2015)
Louis (2015:220) note une asymmétrie dans les relations anaphoriques autorisées dans les expressions kaout droug et ober droug. Ces faits mêlent probablement structure informationnelle, expressions figées et relations anaphoriques.
Avec kaout droug, le sujet expérienceur peut être réalisé par un pronom ou un nom propre en matrices, mais pas par un nom propre en enchâssée.
(1) | Eñ/Yann | en deus droug | d’e vrec’h. | ||||
il/Yann | 3SGM a a mal | à1'son1 bras | |||||
'Il/Yann a mal au bras.' | Haut-vannetais, Louis (2015:220) |
(2) | ? | Mari a gav | geti | en deus Yann | droug | d’e vrec’h. | |
Marie R1 trouve | avec.elle | 3SGM a Yann | mal | à1'son1 bras | |||
'Marie a l’impression que Yann a mal au bras.' | Haut-vannetais, Louis (2015:220) |
A l'opposé, avec ober droug, l'expérienceur qui n'est pas le sujet ne peut pas être réalisé comme un nom propre en matrice, alors qu'il le peut en enchâssée. La cataphore semble donc interdite en (3), alors qu'elle est possible en enchâssée en (4).
(3) | E vrec’h | 'ra droug | dezhoñ/?? da Yann. | ||||
son1 bras | R fait mal | à.lui/ à1 Yann | |||||
'Son bras lui fait mal.' | Haut-vannetais, Louis (2015:220) |
(4) | Mari a gav | geti | e ra droug | e vrec’h | da Yann. | ||
Marie R1 trouve | avec.elle | R fait mal | son1 bras | à1 Yann | |||
'Marie a l’impression que Yann a mal au bras.' | Haut-vannetais, Louis (2015:220) |
la restriction sur les SVO
Dans les ordres Sujet-Verbe-Objet, avec ou sans la négation, on observe une restriction supplémentaire sur les cataphores que la condition C.
(1) | Hez,* x zad | en deus gwelet | Monax | |||
son2 père | 3SGM a vu | Mona | ||||
'Sonz,* x père a vu Monax.' | Standard, Hendrick (1990:147) |
(2) | Hez,* x c'hoarezed | ne welont ket | Monax | |||
son soeurs | ne1 voient pas | Mona | ||||
'Sesz,* x soeurs ne voient pas Monax.' | Standard, Hendrick (1990:147) |
Hendrick (1990:147) relève la proposition de Bresnan & Kanerva (1989:32-34) que les topiques présentationnels ne peuvent pas contenir de pronoms coréférentiels, et propose que les ordres SVO ci-dessus sont de tels topiques présentationnels. Cependant, selon la structure articulée de la périphérie gauche en breton, on devrait pouvoir aussi trouver en zone prétensée d'autres sortes de topiques et différents focus, surtout devant la négation, ce qui prédirait alors ces phrases grammaticales.
à ne pas confondre
Une anaphore peut aussi référer avec un élément présent en contexte, ou réalisé par un geste.
(1) | Kement-se | n'eo ket debriñ | mes krignat | an hani eo. | ||
autant-là | ne'est pas manger | mais grignoter | le celui est | |||
'Cela n'est pas manger mais grignoter.' | ||||||
Le Scorff, Ar Borgn (2011:57) |
Il ne s'agit alors pas d'une cataphore, qui précède le syntagme nominal avec lequel elle coréfère.
Bibliographie
- Bresnan, J., & Kanerva, J. 1989. 'Locative inversion in Chichewa: A case study of factorization in grammar', Linguistic Inquiry 20, 1-50.
- Fossard, Marion & Marie-José Béguelin (éds). 2014. Nouvelles perspectives sur l'anaphore, Points de vue linguistique, psycholinguistique et acquisitionnel, Sciences pour la communication. Vol. 111.
- Heim, Irene. 1990. 'E-type pronouns and donkey anaphora', Linguistics and Philosophy 13 (2): 137-177.
- Radford, A. 1997. Syntax, a Minimalist introduction, Cambridge University Press.
- Solan, Larry. 1983. Pronominal Reference: Child Language and the Theory of Grammar, Dordrecht: Reidel Publishing Company.
- Zribi-Hertz, Anne. 1996. L'anaphore et les pronoms. Une introduction à la syntaxe générative, coll. Sens et structures, Presses Universitaires du Septentrion, Lille.