Système casuel

De Arbres
(Redirigé depuis Nominatif)

Dans le système casuel du breton il n'y a que deux cas en présence; un cas direct et un cas oblique (Jouitteau 2010:314). Il n'y a pas en breton d'accusatif, non plus qu'il n'y a de génitif. Les mentions de ces cas dans les grammaires font référence au cas qui apparaîtrait en latin dans des constructions équivalentes. L'équivalent du datif, lui, est amené par une préposition.

En (1), le possesseur est au cas direct (état construit), comme l'objet est au cas direct. Le destinataire apparaît comme objet de la préposition da. On voit en (2) que la pronominalisation impose uniformément l'incorporation dans une préposition dans tous ces cas, quitte à insérer une préposition sémantiquement vide pour ce faire.


(1) Mamm ar paotr bihan a gaso ul lizher d'ar gelennerien.
mère le garçon petit R1 enverra un lettre à le 1enseign.ants
'La mère du petit garçon enverra une lettre aux enseignants.'
Standard


(2) Mamm anezh a gaso anezh dezho.
mère P.lui R1 enverra P.lui à.eux
'Sa mère la leur enverra.'
Standard


Morphologie casuelle

La morphologie casuelle apparaît en breton uniquement sur les pronoms. Les noms lexicaux, eux, ne portent jamais de marquage casuel.

 de Rostrenen  (1738:31)
 "les Bretons, non plus que les Hébreux, n'ont pas de terminaisons distinctes des cas: ils ont seulement la variation du nominatif singulier ou du nominatif plurier."


Inventaire des cas

trois ou quatre cas

Treasure (1903:18) propose un système avec quatre cas différents: le nominatif, l'accusatif, le génitif et le datif.

Dès 1738, de Rostrenen comparait les cas du breton avec les multiples cas du latin et du grec. Il notait p.59 qu'en breton: "le nominatif, l'accusatif et le vocatif sont semblables, & que le génitif et l'ablatif sont les mêmes". En conséquence, de Rostrenen ne retient comme cas opératif en breton que le nominatif, le génitif et le datif (de Rostrenen 1738:30, Le Gonidec 1838:35-38).

deux cas : direct et oblique

La réduction peut aller plus loin. Comme d'une part, le datif consiste uniquement en la présence d'une préposition (da), et que d'autre part, les structures dites génitives (état construit, déterminant possessif) sont chacune aussi divisible en cas direct/indirect (et incidemment aussi disponibles pour les objets des verbes), il est plus économique de considérer que le breton a un système casuel comportant uniquement deux cas: le cas direct et le cas oblique.

Les pronoms faibles sont incorporés et ne reçoivent pas de cas (en tant que morphèmes liés, ils n'en ont pas besoin).

Paradigmes syntaxiques liés au cas

le cas du sujet

Dans les autres langues celtiques, le sujet d'un élément tensé le suit directement, et il est probable qu'un cas direct soit assigné au sujet dans ce domaine prosodique. En breton, ce scénario est douteux car de multiples éléments peuvent intervenir entre un élément tensé et son sujet:


ECM

Une classe de verbes assignent exceptionnellement un cas direct à un syntagme nominal qui n'est pas leur argument:

les constructions au marquage casuel exceptionnel: (ECM)


dernier recours

Certains éléments apparaissent dans la phrase uniquement pour fournir un cas à un syntagme nominal, ce sont les prépositions assignatrices de cas, et en particulier la préposition da.

Jouitteau (2012b) propose que les structures infinitives sont soumises en breton au filtre sur le Cas. Cette hypothèse prédit que chaque fois qu'une structure infinitive ne reçoit pas incidemment un Cas dans la dérivation, alors, en stratégie de dernier recours, une préposition da sémantiquement nulle et assignatrice de Cas apparaîtra.


Analyses

Hendrick (1988) suivi de Woolford (1991:524) propose que l'assignement casuel est optionnel en breton.

Jouitteau (2005, 2005b) propose que le breton n'a pas de mécanisme d'assignation de l'accusatif à cause de propriétés plus généralement nominales de toutes les structures verbales. Le seul cas direct assigné dans une phrase bretonne par le verbe tensé est donc le nominatif, distribué au sujet dans un site sous le verbe tensé. Les objets reçoivent, eux, un cas de façon interne au VP, dans une structure similaire à l'état construit. Ceci explique pourquoi les groupes lexicaux reçoivent un cas direct mais pas les objets pronominaux. Toute assignation casuelle est effectuée à droite du verbe tensé. Le mouvement préverbal est motivé par l'assignation casuelle uniquement dans les propositions infinitives (par exemple les cas de structures ECM).

Horizons théoriques

Le cas dit structural est assigné par une tête assignatrice de cas dans une position fixe. Le cas dit inhérent a une valeur particulière associée à un rôle-thêta, spécifiée dans le lexique.

Dans Principes et Paramètres, les prépositions sont comprises comme des têtes assignatrices de cas. Il existe un autre courant en grammaire générative qui considère que le cas est une projection KP au-dessus du DP (Lamontagne & Travis 1986, Loebel 1994, Bittner & Hale 1996), et que les prépositions sont aussi une projection au desus du DP (Caha 2009).


  • pour l'hypothèse que le cas ne peut pas être utilisé pour motiver le mouvement car il n'est ni restreint aux sujets ni à une position particulière, se reporter à Marantz (1991), McFadden (2004).
  • pour la discussion sur le module dans lequel l'assignement casuel s'opère (syntaxe, PF, Spell-out, etc.), se reporter à Zaenen, Maling and Thráinsson (1985), Marantz (1991), Harley (1995), McFadden (2004), Bobaljik (2008), Pesetsky (2013), Baker (2015).

Diachronie et horizons comparatifs

Le vieil irlandais a cinq cas différents, dont le vocatif, alors que l'irlandais pré-moderne et toutes les langues brittoniques depuis leur plus vieille attestation ont perdu la morphologie casuelle (Widmer 2017).

Widmer (2017:219) remarque que le syncrétisme des formes nominatives et accusatives en moyen breton a pour parallèle un tel syncrétisme dans les noms neutres du latin (par ex. 'le vin', NOM vinum et ACC vinum). La perte du système casuel peut avoir favorisé dans la langue l'installation de différentes stratégies de désambiguïsation des rôles syntaxiques.


A travers les langues du monde, il existe des langues qui utilisent plusieurs cas, juste quelques cas, ou pas de cas du tout. Dans l'État français, la langue ndyuka qui est un créole parlé à l'Ouest de la Guyane montre un système sans marquage casuel (Huttar & Huttar 1994).


Terminologie

Pennaod (1969:33) utilise le terme troadoù pour les cas. On trouve aussi troioù. L'expression système casuel correspond au breton reizhiad troadel.


Bibliographie

sur le breton

  • Jouitteau, Mélanie. 2012.b, 'Phi-feature agreement : the distribution of the Breton bare and prepositional infinitives with the preposition da', Frota, Gonçalves, Moia & Sabtos (éds.), Journal of Portuguese Linguistics 11 :1, 99-119. pdf sur lingbuzz /001483
  • Jouitteau, Mélanie. 2005b. 'Nominal Properties of vPs in Breton, A hypothesis for the typology of VSO languages', Verb First: On the Syntax of Verb Initial Languages, Carnie, Andrew, Heidi Harley et Sheila Ann Dooley (éds.), xiv, 434 pp. (pp. 265–280) Amsterdam/Philadelphia: John Benjamins Publishing Company. Preview, Description et reviews
  • Widmer, Paul. 2017. 'Cases, paradigms, affixes and indexes: Selecting grammatical relations in Middle Breton', E. Poppe, K. Stüber, P. Widmer (éds), Referential Properties and Their Impact on the Syntax of Insular Celtic Languages, 217–242, Nodus Publikationen, Münster.


horizons comparatifs

  • Huttar, George L. & Huttar, Mary. 1994. Ndyuka, Descriptive Grammar Series, London: Routledge.
  • Malchukov, Andrej et Andrew Spencer. 2009. The Oxford Handbook of Case, Oxford: Oxford University Press.
  • Marantz, Alec. 1991. 'Case and licensing', ESCOL '91: Proceedings of the Eighth Eastern States Conference on Linguistics, 234–253.
  • McFadden, Thomas. 2004. The position of morphological case in the derivation: A study on the syntax-morphology interface, Philadelphia, PA: University of Pennsylvania diss.