Yar
Le nom yar dénote la 'poule', le 'poulet'.
(1) | Goût | e | ouzer | pedavare | deve | diavet | ar | yar. | ||||||||
savoir | R | savait.on | quand | avait | pond.u | le | poule | |||||||||
'On savait quand la poule avait pondu.' | ||||||||||||||||
Cornouaillais (Sein), Fagon & Riou (2015:'diavi') |
Morphologie
variation dialectale
L'ALBB a documenté la traduction de poule, poules sur l'aire vannetaise dans la carte 600, le NALBB sur toute l'aire parlante carte 375 pour 'une poule', carte 376 'poules, volaille', carte 377 'poules (femelles du coq)'.
nombre
Le pluriel yer est un pluriel interne. En vannetais, la carte 600 de l'ALBB montre aussi quelques pluriels réguliers en yarezed. Pour le haut-vannetais, Delanoy (2010) donne yar, yir 'poule, poules'.
(2) | Va | mamm | eo | a | vez | war-dro | ar yér. | |||||||||
mon2 | mère | est | R1 | est | autour | le poule.s | ||||||||||
'C'est ma mère qui s'occupe des poules.' | ||||||||||||||||
Léonard, Seite & Stéphan (1957:83) |
Dialectalement, le nom yar peut être interprété comme un nom collectif, qui nécessite alors un singulatif pour obtenir la dénotation d'un individu ('une poule'). Seite & Stéphan (1957:76) donnent ainsi eur penn-yar 'une poule'.
genre
Le nom yar ne mute pas lui-même, mais son genre est repérable par les mutations qu'il induit (ar iar velen 'la poule jaune', Doujet 2016:25).
Sémantique
La carte 533 de l'ALBB montre que la traduction de poulette n'était yar nulle part au début du XXe, mais enez à l'Ouest et polez, poulez à l'Est (cf. 'poularde').
Diachronie
Deshayes (2003:yar) postule une racine celtique * iar-a-, qui s'apparente d'une manière ou une autre à l'irlandais eireog 'poulet', et donne plus clairement dans la branche brittonique le vieux gallois iar, le gallois iâr, le vieux cornique et cornique yar, et en breton dès 1499 yar 'poule', avec aussi le sens de 'personne méchante et rusée'.
Matasović (2009) considère, lui, que la racine nominale proto-celtique * yaro- 'poule, poulet' a essaimé dans les langues brittoniques, donnant le vieux gallois iar, le moyen gallois yar, iar [f] (GPC iâr, giâr), pluriel ieir, gieir, le vieux cornique yar glosé en latin gallina, le cornique yar, le breton yar. Il l'associe aussi avec le nom propre gaulois Iaros. Il ajoute aussi que le moyen irlandais eirín(e) 'poulet' est lié à ces mots d'une manière ou d'une autre, mais que les détails de la dérivation sont inconnus. Chacun de ces noms pourrait être apparenté au latin pīpio 'piauler comme un petit oiseau' ou au sanskrit píppakā- 'espèce d'oiseau', et dérivé de racines telles que * pipero- donnant le proto-celtique * fifero- (GPC II: 2000, LP 78, Delamarre 186, Falileyev 89, Campanile 1974:105, Deshayes 2003:760, Stokes 1894:223, Schrijver 1995:104f). Il ne fait pas de doute pour Matasović (2009) que ces racines sont, au moins au départ, des onomatopées.
Étonnamment, le CNRTL ne fait pas de lien entre le brittonique /jar/ et l'ancien français jars 'mâle de l'oie' relevé dès le XII°. Ce nom est au contraire tracé à l'ancien bas francique * gard 'épine, aiguillon, baguette', dans l'hypothèse un peu farfelue d'une comparaison avec la verge du jars. Cette racine germanique a donné aussi le moyen néerlandais gaert 'baguette pointue'. Le CNTRL:écharde' une autre racine ancien bas francique * skarda 'éclat (de bois)' qui donne dès 1105 esjarde 'écaille (de poisson, de serpent)', ou plus tard le français 'écharde'. La forme escherde maintenue jusqu'au XIV° est "propre à l'Ouest de la France".
Deshayes (2003:gars) considère que le picard gars 'mâle de l'oie' comme le breton garz 'jars, sot' relevés dès 1499 sont des emprunts à l'ancien français gars, 'jars' (fin XIIIe), de racine germanique par le sens 'aiguillon'.
Expression
mod ur yar-gloch
(1) | hag | e | choman | mod | ur | yar-gloch... | ||||||||||||||
et | R4 | reste | comme1 | un | poule-1couvaison | |||||||||||||||
'... et je reste là comme une poule idiote.' | ||||||||||||||||||||
Cornouaillais (Scaer/Bannalec), H. Gaudart, c.p. (2024) |
'quand les poules auront des dents'
L'expression idiomatique française 'quand les poules auront des dents' est plutôt traduite par an devezh goude biken, littéralement 'le jour après jamais'.